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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2003-4054(IT)I

ENTRE :

DAVID ANDREW FINCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 30 avril 2004, à Toronto (Ontario).

Devant : L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef adjoint

Comparutions :

Avocate de l'appelant :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocate de l'intimée :

Me Annie Paré

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels formés à l'égard des cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998, 1999 et 2000 sont rejetés.

Signé à Montréal (Québec), ce 20e jour de mai 2004.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef adjoint Bowman

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI353

Date : 20040520   

Dossier : 2003-4054(IT)I

ENTRE :

DAVID ANDREW FINCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      Il s'agit d'appels visant des retenues d'impôt sur des non-résidents effectuées en 1997, en 1998, en 1999 et en 2000 relativement à l'appelant en application de l'alinéa 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le revenu ayant fait l'objet de ces retenues consistait en du loyer tiré de la propriété située au 59, avenue Bricker, à Waterloo (Ontario). La question en litige est celle de savoir qui était le propriétaire bénéficiaire du bien immeuble de l'avenue Bricker.

[2]      Le bien immeuble a été acheté en 1990 alors que l'appelant étudiait à l'université à Waterloo. Le titre de cette propriété était établi au nom de l'appelant. Ce dernier a vécu dans l'immeuble jusqu'à son déménagement en Écosse en 1994. Pendant cette période, il louait une partie de l'immeuble à d'autres étudiants. Il percevait le loyer et affectait celui-ci aux dépenses, y compris aux versements hypothécaires faits au titre de l'hypothèque de deuxième rang consentie à Hypothèques Trustco Canada ( « Trustco Canada » ).

[3]      Comme il est mentionné plus haut, la propriété était enregistrée au nom de l'appelant. Il n'existe aucun document, enregistré ou non, voulant que l'appelant ait détenu le bien immeuble à titre de fiduciaire, de simple fiduciaire ou de mandataire de Finch Travel Ltd. ( « Finch Travel » ), société appartenant à son père, Graham Finch, et à sa mère.

[4]      Au moment de l'acquisition de la propriété, Finch Travel a effectué un versement initial de 47 645,38 $. Il est mentionné que l'appelant est le grevant de charge tandis que Finch Travel est le titulaire de la charge. Une seconde hypothèque en faveur de Trustco Canada s'élevant à 136 500,00 $ a été consentie relativement à la propriété. L'appelant a signé cette hypothèque en qualité de titulaire de la charge et son père, Graham Finch, a signé à titre de garant.

[5]      Avant que l'appelant ne déménage en Écosse, il a établi une procuration au nom de son père, Graham Finch. La propriété a continué d'être louée à des étudiants. Une formule de bail a été produite en preuve. Elle est signée par Graham Finch et le preneur à bail. Les loyers étaient perçus par Graham Finch et, lorsqu'ils étaient payés par chèques, ces derniers étaient établis à l'ordre de Graham Finch. Les sommes étaient ensuite déposées dans le compte de Finch Travel. À partir de 1992, cette dernière a commencé à déclarer ces sommes à titre de partie de ses revenus ou de ses pertes de location. Dans ses états financiers, elle indiquait que la propriété faisait partie de ses immobilisations. Les revenus et les pertes suivants ont été déclarés :

1992

Perte              (     2 296,00 $)

1993

Perte              ( 26 720,00 $)

1994

Perte              (     5 907,00 $)

1995

Perte              (        101,00 $)

1996

Revenu               6 787,00 $

1997

Perte              (     4 563,00 $)

1998

Revenu               1 629,00 $

1999

Revenu               4 288,00 $

2000

Revenu             10 149,00 $

[6]      En 2000, la propriété a été vendue. Une perte de 4 415,00 $ relative à la propriété située à Waterloo a été déclarée, probablement au titre du bien-fonds, et une récupération de la déduction pour amortissement de 12 234,00 $ a également été déclarée.

[7]      En 1993, les comptables agréés de Finch Travel ont écrit aux avocats de la société au sujet de la mise à jour du registre des procès-verbaux de la société. Ils mentionnent ce qui suit :

[TRADUCTION]

ACHAT D'UNE PROPRIÉTÉ

En septembre 1990, la société a acheté un bien locatif situé à Waterloo (Ontario) pour la somme de 184 145 $. Cette propriété a été achetée par David Finch et détenue en fiducie pour le compte de la société. Auriez-vous l'obligeance de bien vouloir établir un contrat de fiducie entre les parties.

Il semble que cette demande soit restée lettre morte.

[8]      Lorsque la propriété a été vendue, les avocats de l'appelant ont écrit à Revenu Canada à Kitchener et demandé un certificat de décharge relatif à un non-résident. Voici le texte du premier paragraphe de leur lettre datée du 25 février 2000 :

[TRADUCTION]

Nous représentons le vendeur dans cette affaire. Il est prévu que ce dernier vende le bien immeuble susmentionné et que la propriété du bien soit transférée le 3 mai 2000. Notre client réside actuellement en Écosse.

L'annexe A jointe à cette demande est ainsi rédigée :

[TRADUCTION]

Pendant toute la période où elle a géré le bien immeuble et jusqu'à la date de transfert de propriété, Finch Travel Ltd. n'a versé aucune somme à David Andrew Finch, lequel n'a tiré aucun revenu de ce bien.

Finch Travel Ltd. a déclaré tous les revenus tirés de la gestion de la propriété dans ses déclarations de revenus annuelles.

[9]      L'appelant, par l'intermédiaire de son avocate, soutient maintenant qu'il ne devrait pas faire l'objet d'une retenue d'impôt sur des non-résidents pour deux raisons :

a)                  le bien immeuble appartenait à Finch Travel;

b)                 aucune somme ne lui a été payée ou n'a été portée à son crédit.

[10]     Le seul témoin appelé à déposer est la mère de l'appelant, laquelle était actionnaire de Finch Travel en plus d'agir à titre de secrétaire et d'aide-comptable de l'entreprise. Elle a déclaré avoir compris que Finch Travel devait être la propriétaire du bien et que son fils devait détenir la propriété du bien pour le compte de l'entreprise et avoir voulu qu'il en fût ainsi.

[11]     Les contradictions sont évidentes. D'un côté, la propriété a été achetée au nom de l'appelant, lequel a consenti une hypothèque à Finch Travel, qui à son tour a avancé le montant du versement initial. L'appelant n'a signé aucun document permettant de croire en l'existence d'une fiducie. Les experts-comptables traitent la propriété comme si elle appartenait à Finch Travel et le revenu tiré de ce bien comme s'il avait été gagné par Finch Travel. Ils écrivent en outre aux avocats et leur demandent de préparer un document de fiducie. Les avocats ne tiennent pas compte de cette demande et, lorsque la propriété est vendue, ils écrivent à Revenu Canada ( « ADRC » ) pour demander un certificat de décharge relatif à un non-résident. Si la propriété appartenait à Finch Travel, le fait d'obtenir une hypothèque serait incompatible avec cette position, tout comme le serait la demande de certificat de décharge.

[12]     Bref, les clients se trouvent dans cette situation parce que les avocats et les experts-comptables n'ont pas été en mesure d'accorder leurs violons.

[13]     Lorsque la preuve est équivoque, je pense que la forme des documents doit prévaloir sur les intentions vagues et inexprimées. Dans la décision Collins v. The Queen, 96 DTC 1034 (confirmée par 98 DTC 6281), j'ai mentionné ce qui suit :

      Bien que M. Collins ait qualifié la structure juridique complexe que ses conseillers avaient élaborée aux fins de la possession de l'entreprise comme un « tas de charabia » , sa femme et lui sont trop intelligents pour ne pas tenir compte du fait que chacun possédait des parties différentes de l'empire de sociétés, et ce, pour de bonnes raisons. Quelle qu'ait été l'idée qu'ils aient pu avoir de « tout partager également » , leur intention réelle était celle qui se manifestait dans la structure juridique qu'ils ont sciemment adoptée sur les conseils de leurs avocats et de leurs comptables. Cette intention est également mise en évidence par la façon dont les dividendes et les salaires étaient payés par les diverses personnes morales. Le revenu des diverses corporations était traité comme étant celui du conjoint auquel il était versé. De même, les procès-verbaux des sociétés montrent jusqu'à quel point la structure du capital a été soigneusement élaborée. Le contribuable qui, sciemment et intentionnellement, adopte une structure juridique pour en arriver à un résultat fiscal ou commercial particulier, doit présenter une preuve beaucoup plus convaincante que celle dont je dispose pour être en mesure de rejeter en partie cette structure lorsque cela ne lui convient pas sur le plan fiscal. Somme toute, M. Collins n'a pas acquis les actions de Sherkston pour les aliéner à bref délai. Les actions ont été détenues pendant plus de trois ans et, pendant ce temps, les actions ont changé de mains. M. Collins s'y connaissait en matière de réorganisations d'entreprise. L'année même où il a acquis les actions de Sherkston, il y a eu une réorganisation de la propriété des actions de GCC et de CCC.

[14]     Cela est également vrai en l'espèce. La forme juridique des documents donne à penser que l'appelant était le propriétaire bénéficiaire, mais le traitement comptable est incompatible avec cette thèse. La forme juridique l'emporte à mes yeux.

[15]     L'avocate de l'appelant a avancé qu'aucune somme n'avait été payée à ce dernier ni portée à son crédit et que l'alinéa 212(1)d) ne s'appliquait donc pas en l'espèce. La partie pertinente de cette disposition prévoit :

212. (1)             Toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

[...]

    d) du loyer, de la redevance ou d'un paiement semblable, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, un paiement fait :

[...]

[16]     Je conviens qu'aucune somme n'a matériellement été transmise à l'appelant en Écosse. Cependant, le loyer était payé au père de l'appelant, lequel était son mandataire. Comme je suis arrivé à la conclusion que le propriétaire bénéficiaire et en common law était l'appelant, le paiement fait au mandataire de l'appelant constitue un paiement fait à l'appelant. Il est donc inutile d'examiner les arguments que l'avocate a présentés quant au sens du terme « crédit » .

[17]     Selon l'avocate de l'appelant, le ministre, lorsqu'il a accepté l'ajout du loyer au revenu de Finch Travel, a en réalité imposé les mêmes sommes entre les mains de deux personnes. Je reconnais que la double imposition n'est pas souhaitable et doit être évitée lorsque cela est possible, mais en l'occurrence la double imposition découle non pas d'un acte de l'ADRC, mais plutôt des actes des conseillers professionnels.

[18]     Quoi qu'il en soit, la double imposition en l'espèce est davantage apparente que réelle. En effet, les pertes totales déclarées par Finch Travel pendant la période allant de 1992 à 2000 s'élèvent à 39 587 $. Le revenu déclaré pour quatre de ces années totalise 22 853 $, tandis que la perte nette se chiffre à 16 734 $ pour la période. Si l'appelant avait choisi, à titre de non-résident, d'être imposé sur une base nette, comme le permet l'article 216, il aurait déclaré ces pertes, mais elles ne lui auraient probablement été d'aucune utilité en raison de sa situation de non-résident, sauf s'il avait d'autres sources de revenu canadiennes. La société semble avoir été en mesure de tirer parti de ces pertes. Indépendamment de la position juridique avancée, l'hypothèse de la double imposition est illusoire sur le plan économique.

[19]     Enfin, l'avocate de l'appelant a soutenu qu'il aurait été impossible de désigner ce dernier comme fiduciaire dans l'acte puisque celui-ci ne pouvait être enregistré sous le régime de la Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers, L.R.O. 1990, ch. L.5 . Voici le texte de l'article 62 de cette loi :

62. (1) L'avis d'une fiducie expresse ou implicite ou d'une fiducie par détermination de la loi n'est pas inscrit au registre ni accepté pour enregistrement.

Désignation du propriétaire comme fiduciaire

      (2) Le fait de désigner un propriétaire en franche tenure ou en tenure à bail ou le titulaire d'une charge comme fiduciaire, avec ou sans mention du bénéficiaire ou de l'objet de la fiducie, est réputé ne pas constituer l'avis d'une fiducie au sens du présent article. Cette désignation n'impose à quiconque traite avec le propriétaire l'obligation de vérifier ni le droit du propriétaire sur le bien-fonds, la charge ou la créance que celle-ci garantit ni autre chose. Sous réserve de l'enregistrement d'un avertissement ou d'un gel, le propriétaire peut effectuer une opération portant sur le bien-fonds ou la charge comme si la désignation n'avait pas été inscrite.

Fiduciaires copropriétaires, tenance conjointe

      (3) Si plusieurs copropriétaires sont désignés comme fiduciaires, ils sont réputés détenir le bien en tenance conjointe, sauf mention contraire expresse.

Réserve

      (4) Le présent article n'empêche pas l'enregistrement d'une charge consentie pour garantir les obligations ou les débentures d'une personne morale. L'enregistrement ne garantit pas que les formalités obligatoires de constitution de la charge ont été observées. L.R.O. 1990, ch. L.5, art. 62.

[20]     À mon sens, cette disposition n'empêche pas l'appelant d'être un fiduciaire du bien immeuble de Finch Travel. Le fait que le paragraphe (1) puisse l'empêcher d'être désigné comme fiduciaire dans le titre n'a pas pour effet de l'empêcher d'être fiduciaire. La question de savoir s'il est ou non fiduciaire doit être tranchée de façon objective, indépendamment des règles applicables au régime d'enregistrement des droits immobiliers de l'Ontario. Si l'appelant avait été désigné comme fiduciaire en application du paragraphe (2), cela aurait à tout le moins permis de croire qu'il n'était pas le propriétaire bénéficiaire.

[21]     Quoi qu'il en soit, et peu importe la façon dont le titre est désigné au bureau d'enregistrement des actes, je pense que l'appelant était le propriétaire bénéficiaire du bien immeuble et des loyers en découlant. Par conséquent, les sommes payées à son mandataire, Graham Finch, sont assujetties à une retenue d'impôt à la source en application de l'alinéa 212(1)d).

[22]     Les appels sont rejetés.

Signé à Montréal (Québec), ce 20e jour de mai 2004.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef adjoint Bowman

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


RÉFÉRENCE :

2004CCI353

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-4054(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

David Andrew Finch et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 30 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef adjoint

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 20 mai 2004

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelant :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocate de l'intimée :

Me Annie Paré

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Leigh Somerville Taylor

Cabinet :

Fitzsimmons & Company

Avocats

North York City Centre

5140, rue Yonge, bureau 1510

Toronto (Ontario)

M2N 6L7

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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