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Dossier : 2003-904(EI)

ENTRE :

DANIEL DODDS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

AM STONE DIRECT MARKETING INC.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur le fondement d'une preuve commune avec l'appel interjeté dans l'affaire Daniel Dodds (2003-930(CPP)), le 8 décembre 2003 à Toronto (Ontario)

Par le juge suppléant W.E. MacLatchy

COMPARUTIONS

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Jocelyn Espejo Clarke

Mandataire de l'intervenante :

George Stone

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision du ministre est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 30e jour de janvier 2004.

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI29

Date : 20040130

Dossiers : 2003-904(EI)

2003-930(CPP)

ENTRE :

DANIEL DODDS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

AM STONE DIRECT MARKETING INC.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1]      Les présentes appels ont été entendus sur le fondement d'une preuve commune le 8 décembre 2003, à Toronto (Ontario), en présence de l'appelant et de l'intervenante.

[2]      Des avis de cotisation datés du 8 février 2002, du 11 février 2002, du 9 mai 2002 et du 13 mai 2002 ont été établis à l'égard d'AM Stone Direct Marketing Inc. (le « payeur » ) parce qu'elle aurait omis de remettre des cotisations à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada au sujet d'environ 124 travailleurs, dont l'appelant (les « travailleurs » , voir l'annexe A), pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 janvier 2002.

[3]      Le payeur a déposé un appel demandant à l'intimé de réexaminer les avis de cotisation, et l'intimé a modifié les avis de cotisation dans une lettre datée du 17 décembre 2002. Il a ainsi réduit les avis de cotisation concernant Alma Stone et George Stone puis confirmé les avis relatifs aux autres travailleurs.

[4]      L'appelant s'est représenté lui-même et a témoigné avec honnêteté et en étant bien préparé. Manifestement, il a effectué de longues recherches sur ce que signifient le statut d'entrepreneur indépendant ou celui d'employé. Il a reçu des conseils tirés d'une brochure sur le sujet rédigée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Après avoir appliqué les critères proposés, il était fermement convaincu qu'il avait eu raison de s'être décrit comme un entrepreneur indépendant dans ses relations avec le payeur, qui est l'intervenante en l'espèce.

[5]      L'appelant s'est décrit comme un consultant en ventes engagé par le payeur afin de gérer son territoire de vente et d'amener de nouveaux clients en mettant à profit ses qualités dans ces domaines. Il possédait plus de 20 années d'expérience à titre de consultant en ventes et de gestionnaire de territoire responsable des ventes. Il pouvait organiser des visites à l'improviste et prendre des mesures en vue de former des clients éventuels sur l'utilisation de sites Web dans le but de faire le suivi des ventes. Même s'il n'y avait jamais eu d'entente écrite entre le payeur et lui, les deux parties s'étaient entendues oralement sur le fait que l'appelant avait été embauché par le payeur afin de réaliser des ventes et, comme activité connexe, d'aider les clients à se servir d'un site Web. Il était rémunéré à la commission en fonction des ventes qu'il avait conclues durant le mois et pouvait effectuer des retraits sur ses commissions futures mensuellement. Il avait accepté de consacrer son temps et son énergie à la vente de sites Web préparés par le payeur selon ses directives et celles du client. Il estimait qu'une semaine de 40 heures constituait un temps raisonnable à consacrer à ses tâches, mais il lui arrivait de contribuer parfois plus que ce nombre d'heures hebdomadaires; il prenait alors congé en compensation ultérieurement. Il utilisait la semaine de 40 heures comme point de repère et non pas à titre de mesure stricte de ses heures de travail. Ses heures n'étaient pas comptabilisées par qui que ce soit d'autre que lui-même et ce, pour juger de l'efficacité des efforts déployés pour conclure une vente particulière.

[6]      George Stone, le président du payeur, a aussi témoigné et son témoignage honnête a confirmé, à presque tous les égards, celui de l'appelant. Les deux parties croyaient qu'elles avaient un arrangement préservant l'indépendance de l'appelant et que ce dernier exploitait sa propre entreprise puis facturait au payeur ses heures de travail et ses commissions calculées en fonction des ventes qu'il avait réalisées. Les deux témoins étaient convaincus que l'appelant était en fait un entrepreneur indépendant et non un employé, et c'est seulement lorsque l'ADRC les a informés que l'appelant était un employé et que l'intervenante devait déduire des cotisations à l'assurance-emploi et au RPC des sommes versées à l'appelant que ce dernier a décidé qu'il ne pouvait pas travailler à ces conditions et a mis fin à la relation.

[7]      Les critères recommandés dans Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, soit le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte, de même que le critère de l'entreprise étaient compris par l'appelant et le représentant de l'intervenante.

[8]      Degré de contrôle - Les deux témoins ont affirmé que le payeur exerçait peu ou pas de contrôle sur l'appelant et que celui-ci dirigeait sa propre entreprise et utilisait ses qualités de gestionnaire de territoire et de consultant en ventes dans le cadre de l'arrangement conclu par les parties. Le payeur ne possédait pas les compétences requises pour contrôler l'appelant. Lorsqu'on lui a demandé quels rapports il remettait au payeur, l'appelant a répondu qu'il n'était pas tenu de faire rapport régulièrement, mais seulement dans la mesure nécessaire pour informer le payeur du déroulement des projets, et qu'il devait consulter aussi les services de graphisme et de production pour connaître l'avancement du travail effectué afin de répondre aux besoins du client. Chacun devait être au courant de la façon dont le travail progressait pour le client.

[9]      L'appelant prenait contact avec le client et signait les contrats sans que le payeur soit obligé de les approuver ou de les cosigner. Il était nécessaire que l'appelant et le payeur se consultent pour qu'un projet puisse être évalué et que l'appelant puisse donner un prix au client.

[10]     L'appelant possédait ses propres qualités qu'il mettait à contribution dans le cadre de l'entente conclue avec le payeur. Il n'avait peut-être pas beaucoup de connaissances sur l'Internet et les sites Web, mais quand il a été embauché par le payeur, il a passé entre deux et trois mois à apprendre les aspects commerciaux et techniques de ces activités, de manière à pouvoir enseigner à ses clients comment se servir d'un site Web et en tirer le meilleur parti possible. L'appelant a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une formation en cours d'emploi mais bien d'un apprentissage qu'il a fait par lui-même.

[11]     C'est l'appelant qui décidait de ses heures de travail - le payeur n'avait posé aucune exigence à ce sujet. L'appelant travaillait quand et comment il le souhaitait, pourvu qu'il soit efficace dans l'exercice de ses fonctions et qu'il amène de nouveaux clients au payeur.

[12]     On a demandé à l'appelant à qui il faisait rapport chez le payeur, et il a répondu qu'il relevait du fils du témoin de l'intervenante. Il a fait savoir qu'il ne s'agissait pas d'une obligation et que ces rapports ne visaient qu'à donner de l'information sur les clients tout en permettant la mise en commun d'idées et de renseignements sur la rentabilité de chaque projet pour le payeur et l'appelant.

[13]     L'appelant reconnaît qu'il a utilisé les cartes d'affaires et le papier à en-tête du payeur afin de se faire ouvrir des portes, parce que le nom du payeur était bien connu dans le territoire de ventes de l'appelant.

[14]     L'appelant ne pouvait accumuler de temps de vacances ni toucher d'indemnité de congé annuel et prenait congé lorsqu'il le jugeait indiqué. Il n'avait pas d'objectifs de vente fixés par le payeur; c'est lui qui établissait ses propres objectifs.

[15]     Le degré de contrôle est important dans la relation entre l'employeur et l'employé. C'est lui qui permet à l'employeur d'ordonner quand, où et comment l'employé doit faire son travail. Cet élément était de toute évidence absent dans l'entente conclue par le payeur et l'appelant.

[16]     Propriété des instruments de travail - L'appelant a précisé qu'il travaillait à partir de son bureau à la maison, de son véhicule ou du bureau du client. À la maison, il possédait son propre espace de travail et son équipement, dont un bureau, un téléphone, un télécopieur, un photocopieur et un ordinateur, de même que son propre papier et d'autres fournitures de bureau. Son véhicule lui appartenait et ne lui donnait droit à aucun remboursement de frais; il possédait aussi son propre téléphone cellulaire. Lorsqu'il allait au bureau du payeur, il pouvait utiliser un local s'il y en avait de libre, un téléphone et tout autre équipement disponible, au besoin, sans frais. Aucun espace de travail spécifique ne lui avait été attribué ou réservé. Même s'il pouvait se servir de l'équipement de bureau, il était essentiel qu'il dispose de son propre bureau et de son équipement à lui en tout temps.

[17]     Possibilité de profit - L'appelant était rémunéré strictement à la commission, en fonction du nombre de clients qu'il amenait au payeur. Il se servait de ses commissions pour payer ses propres dépenses et tous les autres frais nécessaires à l'exploitation de son entreprise. Il pouvait faire affaire avec des tiers, mais il estimait que, pour son propre succès et par équité envers le payeur, il devait consacrer tous ses efforts à la recherche de clients pour le payeur.

[18]     Risque de perte - Durant la période en question, des sommes ont été déduites des commissions versées à l'appelant au titre de mauvaises créances ou de déficits pour une raison ou une autre. Il ne pouvait donner beaucoup de détails sur ces points, car il ne s'agissait pas de montants assez gros pour qu'il s'en préoccupe. Ses propres dépenses pouvaient être très importantes au regard de la rentabilité de son entreprise.

[19]     Intégration - À qui l'entreprise appartenait-elle? Du point de vue de l'appelant, il s'agissait de la sienne propre, et il aurait pu faire affaire avec des tiers, particuliers ou entreprises, autant qu'avec le payeur. Il avait une expertise à titre de consultant en ventes et de consultant en gestion de territoire. Il était une entité distincte et non pas une partie de l'entreprise du payeur. Lorsque l'ADRC a informé le payeur qu'il devait effectuer des retenues à la source sur les sommes versées à l'appelant, ce dernier a avisé le payeur que c'était contraire à l'entente conclue et, par conséquent, a mis fin à sa relation avec le payeur.

[20]     Notre Cour a examiné les preuves qui lui ont été présentées, a appliqué les critères recommandés par diverses juridictions supérieures et est parvenue à la conclusion que la relation entre le payeur et l'appelant, durant la période en question, n'était pas celle d'un employeur avec son employé. L'appelant était un entrepreneur indépendant.

[21]     Il est reconnu que les parties ne peuvent nécessairement définir leur entente en disant simplement qu'il s'agit d'un arrangement sans lien de dépendance. Il faut quand même examiner la relation globale. Les critères ci-dessus sont utiles pour aider le tribunal à évaluer de façon raisonnée l'entente qui unissait les parties, mais il doit aussi prendre en considération toutes les preuves qui lui ont été présentées, leur accorder l'importance qui leur est due dans les circonstances puis, sur la foi de cette information, parvenir à une conclusion. L'intention des parties peut et devrait être prise en compte.

[22]     En l'espèce, notre Cour est convaincue que l'appelant fonctionnait d'après un contrat d'entreprise conclu avec le payeur durant la période en question.

[23]     Les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont annulées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 30e jour de janvier 2004.

« W.E. MacLatchy »

Juge MacLatchy

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur

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