Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2002-4826(EI)

ENTRE :

ANNE PERREAULT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 7 octobre 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Robert Cardinal

Avocate de l'intimé :

Me Anne Poirier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est accueilli et la décision rendue par le ministre est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2004CCI88

Date : 20040223

Dossier : 2002-4826(EI)

ENTRE :

ANNE PERREAULT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 7 octobre 2003.

[2]      Au cours de l'année 2001, l'appelante, Anne Perreault, exploitait une entreprise sous la raison sociale « Centre de Parrainage Scolaire » (le « Centre » ). Le Centre offrait aux enfants qui avaient des troubles d'apprentissage un service d'aide personnalisé d'aide pédagogique et un service d'aide aux devoirs.

[3]      Madame Perreault cernait d'abord le problème d'apprentissage de l'enfant, puis déterminait avec les parents les objectifs à viser pour l'enfant. Elle dressait alors un plan d'intervention qu'elle mettait en oeuvre par la suite en affectant à sa réalisation la personne-ressource appropriée. Cette personne-ressource était choisie par madame Perreault à partir de son fichier central, qui contenait une liste d'environ 100 personnes-ressources qui étaient, pour la plupart, des enseignants.

[4]      Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a soutenu que l'emploi exercé en 2001 par les vingt-cinq personnes-ressources (dont les noms apparaissent à l'annexe A de la Réponse à l'avis d'appel) recrutées par madame Perreault était un emploi assurable aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et de son Règlement.

[5]      Pour faire annuler la décision du ministre, madame Perreault avait le fardeau de démontrer :

i)        soit que l'entreprise qu'elle exploitait n'était pas une agence de placement;

          ii)        soit que les personnes qu'elle recrutait ne fournissaient pas leurs services sous la direction ou le contrôle des parents des enfants;

          iii)       soit qu'elle ne rétribuait pas elle-même les personnes recrutées.

[6]      Pour rendre sa décision, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants énoncés au paragraphe 8 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)          L'appelante exploite une entreprise de service personnalisé d'aide pédagogique et d'aide aux devoirs pour des étudiants de niveau primaire, secondaire ou collégial. (admis)

b)          L'appelante exploite son entreprise sous la raison sociale de Centre de parrainage scolaire. (admis)

c)          Durant la période en litige, l'appelante était la seule propriétaire de l'entreprise. (admis)

d)          L'appelante recrute ses clients (parents d'enfant) par des annonces dans les journaux ainsi que dans les écoles publiques et privées de la région de Québec. De plus, des médecins ou psychologues réfèrent à l'appelante des parents d'enfants ayant des problèmes scolaires. (nié)

e)          L'appelante exploite son entreprise à l'année longue et ses heures de bureau sont généralement de 9 h. à 17 h., du lundi au vendredi. (admis)

f)           L'appelante recrute des enseignants par des annonces dans le journal Le Soleil et par le bureau de placement de l'Université Laval; la plupart sont des diplômés universitaires. (admis)

g)          L'appelante rencontre les candidats enseignants afin de s'assurer qu'ils possèdent les compétences requises et qu'ils respecteront leur contrat; s'ils sont acceptés par l'appelante, ils sont inscrits dans sa banque de candidats. (admis)

h)          Lorsque la candidature d'un enseignant est retenue pour la banque des candidats de l'appelante, un contrat intitulé « Conditions d'inscription des enseignants au fichier des fournisseurs » est signé entre les parties et on y précise : (nié)

i)           Quand un enseignant accepte un contrat, il s'engage à dispenser l'enseignement et l'encadrement nécessaire, tel que contracté avec le client de l'appelante, pour répondre aux besoins spécifiques exprimés par l'élève ou ses parents dans le cadre de l'entente prévue à la fiche pédagogique.

ii)          L'enseignant déterminera les outils pédagogiques, le mode et le contenu de l'intervention auprès de l'élève et les adaptera en cours de mandat afin d'atteindre les objectifs fixés par les parents ou l'élève.

iii)          L'enseignant doit faire rapport de l'état de l'évolution du contrat en transmettant régulièrement à l'appelante les feuilles de route servant en même temps aux paiements du contrat.

iv)         L'enseignant s'engage à respecter l'horaire du parrainage tel que défini avec les parents de l'élève.

i)           L'appelante signe un contrat intitulé « Contrat de service pédagogique » avec chacun de ses clients dans lequel on retrouve les précisions suivantes : (nié)

i)           L'endroit où se donnera le cours privé à l'élève : habituellement à la résidence du client.

ii)          L'obligation de la présence d'un autre adulte qui exerce la garde et la surveillance de l'élève pendant les cours privés.

iii)          Le client peut résilier le contrat sur simple avis et l'appelante s'engage à rembourser le client pour les cours payés et non dispensés sauf pour les frais d'ouverture du dossier, 25 $, qui ne sont pas remboursables.

iv)         L'appelante s'engage à informer le parent de l'évolution de l'apprentissage de l'élève pendant la durée du contrat.

v)          L'appelante avise le client que les enseignants de l'appelante sont liés par une clause de non-concurrence pour une période d'un an après avoir quitté officiellement l'appelante.

j)           Pour chaque mandat, un contrat intitulé « Contrat spécifique avec l'enseignant » est signé entre l'appelante et l'enseignant. (admis)

k)          Ce contrat détaille les coordonnées du parent et de l'élève, le nom de l'enseignant, le nombre d'heures par semaine et le nombre de semaines, le total des heures, les dates de début et de fin de cours ainsi que le tarif horaire. (nié)

l)           Dans chacun de ces contrats, on retrouve les clauses suivantes : (nié)

i)           L'enseignant n'est pas autorisé à dépasser les heures prévues au contrat et il n'est pas autorisé à discuter des tarifs horaires avec le client de l'appelante.

ii)          Par respect de la Loi sur la protection du consommateur, l'appelante peut mettre fin en tout temps au contrat sans dédommagement d'aucune sorte.

iii)          Dans le cas de plainte du client, fondée ou non, l'appelante peut mettre fin au contrat également sans dédommagement.

iv)         L'enseignant n'a pas le droit de modifier le nombre d'heures par semaine indiqué au contrat et tout changement à ce sujet doit faire l'objet d'une entente avec l'appelante.

m)         Les enseignants fournissaient du matériel pédagogique et l'appelante mettait à leurs dispositions une bibliothèque et un photocopieur à son bureau. (admis)

n)          Les enseignants assumaient leurs frais de déplacement de leur résidence au lieu du cours. (admis)

o)          Au début de l'année 2000, l'appelante a ouvert un compte en fidéicommis, dont elle est la seule fiduciaire et seule signataire des chèques du compte, dans lequel elle dépose toutes les sommes reçues de ses clients. (admis)

p)          L'appelante paie, à même ce compte, la rétribution des enseignants. (nié)

q)          Le tarif horaire versé aux enseignants est déterminé par l'appelante; il était de 12 $ ou, selon la compétence, un peu plus après négociation par l'enseignant. (nié)

r)           Les enseignants recevaient leur rétribution de l'appelante, par dépôt direct, sur présentation de leurs feuilles de temps aux quinze jours. (nié)

s)          Les enseignants acheminaient généralement leurs feuilles de route ou de temps à l'appelante par télécopieur ou en se rendant à son bureau. (admis)

t)           Les enseignants étaient appelés par l'appelante à fournir des services aux clients de l'appelante. (nié)

u)          Les enseignants rendaient des services professionnels sous le contrôle et la direction du client de l'appelante. (nié)

v)          Les enseignants étaient directement rémunérés par l'appelante et jamais par le client de l'appelante. (nié)

Remarques préliminaires

[7]      Il a été admis par l'avocate de l'intimé lors de l'audition que, si ce n'était l'application de l'alinéa 6g) du Règlement, les vingt-cinq personnes-ressources recrutées par madame Perreault (les « enseignants » ) n'auraient pas été considérées comme détenant un emploi assurable au Centre, puisqu'elles travaillaient en qualité d'entrepreneurs indépendants.

[8]      Il convient aussi de souligner qu'aucun parent, enfant ou enseignant n'a témoigné lors de l'audience.

Analyse

[9]      L'alinéa 6g) du Règlement qui énonce les trois conditions auxquelles il faut satisfaire pour qu'un emploi soit assurable, est ainsi rédigé pour ce qui est de sa partie pertinente :

6.          Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

            [...]

            g) l'emploi exercé par une personne appelée par une agence de placement à fournir des services à un client de l'agence, sous la direction et le contrôle de ce client, en étant rétribuée par l'agence.

A.       Première condition : Le Centre était-il une agence de placement?

[10]     Je dois donc déterminer en premier lieu si le Centre était une « agence de placement » .

[11]     Ici, il ne s'agit pas tellement de se demander si le Centre exerçait une activité de placement ou d'intermédiaire mais bien de déterminer si une telle activité représentait l'activité principale du Centre. En effet, l'avocat de madame Perreault n'a pas nié que le Centre exerçait une activité de placement ou d'intermédiaire. Il a plutôt soutenu que cette activité n'était pas déterminante ou essentielle.

[12]     Autrement dit, il faut se demander si les parents faisaient appel au Centre pour qu'il recrute un enseignant qui réglerait les problèmes d'apprentissage de leurs enfants ou s'ils retenaient les services du Centre pour qu'il prenne en charge les problèmes d'apprentissage de leurs enfants. Pour cette analyse, il faut examiner la nature des services rendus par le Centre.

[13]     Il ressort du témoignage non contredit et crédible de madame Perreault que les parents rencontraient celle-ci ou lui téléphonaient pour discuter des problèmes d'apprentissage de leurs enfants. Elle déterminait le problème, procédait à une analyse des documents transmis par les parents, notamment les bulletins scolaires et les travaux scolaires. Elle essayait de comprendre l'environnement familial qui, à son avis, était souvent la source des problèmes d'apprentissage. Elle dressait alors un plan d'intervention pour atteindre les objectifs visés par les parents. Enfin, elle mettait en oeuvre le plan d'intervention en choisissant la personne-ressource la plus appropriée pour répondre aux besoins de l'enfant.

[14]     Pour les enfants affligés de problèmes plus lourds et complexes, madame Perreault faisait appel aux services de madame De Koninck, détentrice d'un doctorat en science de l'éducation et d'un diplôme en orthopédagogie. Elle aidait à l'occasion madame Perreault à élaborer le plan d'intervention et à en assurer le suivi. Le témoignage convaincant de madame De Koninck a corroboré le témoignage de madame Perreault à cet égard.

[15]     De plus, madame Perreault s'engageait contractuellement à informer le parent de l'évolution de l'apprentissage de l'élève pendant la durée du contrat.

[16]     Pour appuyer son assertion que le Centre n'était pas une agence de placement, madame Perreault a déposé une lettre du ministère du Revenu du Québec (pièce A-4), qui désigne le Centre comme un établissement d'enseignement reconnu et lui accorde un numéro d'accréditation permettant aux particuliers de seize ans et plus de déduire les frais de scolarité du Centre pour autant que les cours qu'ils suivent aient uniquement pour but l'acquisition ou l'amélioration de connaissances nécessaires à un travail. Elle a déposé aussi sous la cote A-5 un document émanant de la CSST, qui classifie son entreprise en indiquant qu'elle consiste dans la prestation de services d'enseignement.

[17]     À la lumière des preuves qui m'ont été fournies, je conclus que le Centre n'était pas une agence de placement, bien qu'il exerçât une activité de placement et d'intermédiaire. Madame Perreault m'a convaincu que l'activité principale du Centre consistait à offrir aux enfants qui avaient des troubles d'apprentissage un service personnalisé d'aide pédagogique et un service d'aide aux devoirs. En effet, elle a su démontrer que les parents retenaient ses services principalement pour qu'elle prenne en charge les problèmes d'apprentissage de leurs enfants et non pas pour qu'elle recrute un enseignant.

B.       Deuxième condition : Est-ce que les clients de madame Perreault contrôlaient ou dirigeaient les enseignants?

[18]     La prochaine question sur laquelle je dois me pencher est celle de savoir si les enseignants fournissaient des services sous la direction et le contrôle des clients de madame Perreault.

[19]     Dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, le juge MacGuigan de la Cour d'appel fédérale s'est étendu sur le critère du contrôle et a reconnu que le droit de préciser comment le travail doit être effectué et de donner des instructions à l'employé concernant la façon d'accomplir le travail est un élément fondamental de l'exercice du contrôle sur le travail de l'employé.

[20]     Cependant, le juge MacGuigan a reconnu aussi que le critère du contrôle s'est avéré difficilement applicable dans le cas des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur de les diriger.

[21]     Dans l'arrêt Vulcain Alarme Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no 749, le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale a de nouveau énoncé le principe selon lequel le contrôle est fondé sur le fait de donner des instructions concernant la façon dont le travail de l'employé doit être effectué.

[22]     Pour démontrer que les enseignants étaient sous la direction ou le contrôle des clients de madame Perreault, l'avocate de l'intimé a invoqué les paragraphes 2, 3 et 6 du contrat intitulé « Conditions d'inscription des enseignant(e)s au fichier des fournisseurs » (pièce A-1), qui sont rédigés comme suit :

2.          Chaque fois cependant qu'un contrat est accepté par l'enseignant(e), ce(tte) dernier(e) s'engage à dispenser l'enseignement et l'encadrement nécessaire, tel que contracté avec le client, pour répondre aux besoins spécifiques exprimés par l'élève ou ses parents dans le cadre de l'entente prévue à la fiche pédagogique. Une entente distincte devra intervenir entre les parties afin de déterminer la rémunération, la durée et les autres obligations spécifiques s'il y a lieu. Si pour une raison majeure vous devez interrompre cet engagement, vous devez trouver vous-même un remplaçant qui devra accepter les conditions de cet engagement;

3.          L'enseignant(e) déterminera les outils pédagogiques, le mode et le contenu de l'intervention auprès de l'élève et les adaptera en cours de mandat afin d'atteindre les objectifs fixés par les parents et ou l'élève;

6.          L'enseignant(e) s'engage à respecter l'horaire du contrat tel que défini avec les parents de l'élève. Pour toute modification, l'enseignant(e) s'entendra directement avec les parents.

[23]     Je ne vois vraiment pas comment l'avocate de l'intimé peut inférer des paragraphes 2 et 3 que le client exerçait un contrôle ou une direction sur l'enseignant. Le contrôle du résultat et la fixation des objectifs ne doivent pas être confondus avec le contrôle de l'enseignant. Le paragraphe 3 quant à lui démontre clairement d'ailleurs que c'est l'enseignant qui déterminait le mode et le contenu de l'intervention afin d'atteindre les objectifs visés par les clients.

[24]     Quant à l'argument fondé sur le fait que l'enseignant s'engageait à respecter l'horaire établi par les clients, que l'avocate de l'intimé a invoqué pour démontrer que le client exerçait un contrôle sur l'enseignant, il m'apparaît neutre et non concluant en soi. On ne peut automatiquement inférer le contrôle du fait que le client établit les heures où les services sont rendus. La notion de contrôle n'est même pas nécessairement absente des contrats d'entreprise. Elle y est généralement présente quoique - un peu comme dans les contrats de travail - à des degrés différents, qui peuvent toutefois être surprenants du point de vue de l'ampleur, et le contrat d'entreprise n'est pas dénaturé pour autant. Il suffit de se rappeler comment les sous-entrepreneurs sont encadrés sur un chantier de construction.

[25]     Pour démontrer que l'enseignant fournissait des services sous le contrôle et la direction du client, l'avocate de l'intimé a invoqué une clause du Contrat de service pédagogique (pièce A-2), qui stipule essentiellement que l'enseignement doit se dérouler en présence d'un autre adulte qui exerce la garde et la surveillance de l'enfant. Encore une fois, je ne vois pas comment un contrôle sur l'enseignant peut être inféré du fait qu'il devait y avoir un adulte présent pour surveiller l'enfant durant la prestation des services. Il y a sûrement une nuance entre assurer la surveillance et la garde de l'enfant et diriger ou contrôler l'enseignant. Cette clause contractuelle n'a-t-elle pas pour unique objet de protéger l'enfant?

[26]     L'avocate de l'intimée a invoqué deux causes concernant les travailleurs du Centre entendues par la Cour. Je tiens à rappeler que chaque cas est un cas d'espèce et que je dois rendre un jugement en fonction de la preuve soumise lors de l'audience. Par exemple, je crois comprendre que le témoignage de l'enseignante madame Bussière selon lequel le client exerçait un certain contrôle sur elle a été déterminant dans la décision[1] du 1er mars 2000 du juge Somers. Rappelons aussi que, dans cette cause-là, le témoignage de l'élève, qui était un adulte, a été probablement tout aussi déterminant dans la décision. Dans la présente cause, aucun enseignant, ni aucun élève ni aucun parent n'est venu témoigner. Par contre, le témoignage crédible et non contredit de madame Perreault a démontré clairement que les enseignants ne fournissaient pas des services sous le contrôle ou la direction des clients.

[27]     Quant à l'autre cause[2] invoquée par l'avocate de l'intimé, je n'en vois tout simplement pas la pertinence, puisque le juge suppléant A. J. Lesage en était arrivé à la conclusion que l'appelante et le travailleur étaient liés par un contrat de louage de services au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi.

[28]     Pour ces motifs, je suis d'avis que les enseignants en l'espèce n'étaient pas sous le contrôle ou la direction des clients de madame Perreault.

C.       Troisième condition : Est-ce que l'enseignant était rétribué par madame Perreault?

[29]     L'avocat de madame Perreault a soutenu que, dans chaque cas, l'enseignant était rémunéré par le parent. Il a appuyé son assertion sur la clause contractuelle suivante de la pièce A-2 :

Je mandate Anne Perreault pour effectuer en mon nom, les virements périodiques aux enseignant(e)s à même le paiement qui a été versée [sic] en fidéicommis à cet effet et ce, selon les heures effectuées par ce(tte) dernier(ère) et confirmées par feuille de temps. J'autorise également, l'entreprise, à prélever ses honoraires à même ce compte.

[30]     Il a été admis que le client ne connaissait probablement pas le pourcentage des sommes qu'il déposait dans ce compte qui allait à l'enseignant. Madame Perreault a témoigné qu'elle prélevait ses honoraires sur les sommes déposées dans le compte et qu'ils représentaient environ 50 pour 100 de ces sommes.

[31]     Le client et madame Perreault étaient les seules parties au contrat. Il s'agissait d'un contrat de tutorat à exécution successive que madame Perreault exécutait par l'entremise de travailleurs autonomes qui, la plupart du temps, s'avéraient être des enseignants. En contrepartie des services qui lui étaient rendus par madame Perreault, le client versait à celle-ci une somme d'argent. L'enseignant n'était nullement partie au contrat. Aux termes du contrat, le client n'avait donc aucune obligation envers l'enseignant. Le parent n'était lié contractuellement qu'envers madame Perreault.

[32]     Le mandat consiste, dans le fait, pour une personne, de donner à quelqu'un d'autre le pouvoir de la représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique. En l'espèce, madame Perreault a prétendu être mandatée par le client pour rémunérer l'enseignant. Or, le client ne devait rien à l'enseignant. Il ne savait même pas comment l'enseignant était rétribué. Le contrat liait le client et madame Perreault. À mon avis, le mandat était sans cause.

[33]     La clause de mandat n'était qu'une simulation mise en place par madame Perreault pour éviter l'application de l'alinéa 6g) du Règlement. D'ailleurs, le procureur de l'appelante a admis à l'audience, et je cite :

            La rétribution. Je concède qu'à ce niveau-là, il y a peut-être une zone grise, Monsieur le Juge. Mais si vous en venez à la conclusion que la rétribution, malgré le système qui est mis en place, et ce système-là, Monsieur le Juge, a été mis en place à dessein pour s'assurer que la rétribution est faite directement du parent à l'enseignant par le biais d'un compte en fiducie. Madame Perreault a des experts comptables qui ...

[34]     Je suis donc d'opinion que le mandat était sans cause : la clause de mandat n'était qu'une simulation et, en réalité, c'est madame Perreault et non pas le parent, qui rétribuait l'enseignant.

[35]     L'emploi exercé en 2001 par les vingt-cinq personnes-ressources (dont les noms apparaissent à l'annexe A de la Réponse à l'avis d'appel) n'était pas un emploi assurable aux fins de la Loi et de son Règlement, puisque deux des trois conditions énumérées à l'alinéa 6g) du Règlement n'ont pas été remplies. En effet, je suis d'opinion que l'entreprise exploitée par madame Perreault n'était pas une agence de placement et que les personnes-ressources qu'elle recrutait ne fournissaient pas leurs services sous la direction ou le contrôle des clients de madame Perreault.

[36]     Par conséquent, l'appel est accueilli et la décision du ministre annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2004.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2004CCI88

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-4826(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Anne Perreault et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 7 octobre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

le 23 février 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Robert Cardinal

Pour l'intimé :

Me Anne Poirier

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Robert Cardinal

Étude :

Chouinard Cardinal

Ste-Foy (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Perreault c. Canada, [2000] A.C.I. no 212.

[2]           Perreault c. Canada, [1999] A.C.I. no 364.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.