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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2001-3126(IT)G

ENTRE :

PRODUITS FORESTIERS DU CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Produits forestiers

du Canada Ltée (2001-4526(IT)G), à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L'honorable juge Theodore E. Margeson

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Werner H. G. Heinrich

Avocate de l'intimée :

Me Lynn M. Burch

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels formés à l'égard des cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont accueillis avec dépens, et les affaires sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il les examine à nouveau et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2004.

« Theodore E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2001-4526(IT)G

ENTRE :

PRODUITS FORESTIERS DU CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Produits forestiers

du Canada Ltée (2001-3126(IT)G), à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L'honorable juge Theodore E. Margeson

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Werner H. G. Heinrich

Avocate de l'intimée :

Me Lynn M. Burch

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel formé à l'égard de la cotisation établie sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est accueilli, avec dépens, et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il l'examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2004.

« Theodore E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI405

Date : 20040601

Dossiers : 2001-3126(IT)G

2001-4526(IT)G

ENTRE :

PRODUITS FORESTIERS DU Canada LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson

[1]      En ce qui concerne le dossier de la Cour numéro 2001-3126(IT)G, l'appelante, ci-après désignée « Canfor » , a interjeté appel des avis de nouvelle cotisation suivants :

a)        avis de nouvelle cotisation intéressant l'impôt de la partie I.3 daté du 26 janvier 1999 et établi relativement à son année d'imposition 1994, laquelle nouvelle cotisation la Direction générale des appels de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) a consenti à modifier en partie le 4 juin 2001;

b)       avis de nouvelle cotisation daté du 15 décembre 1999 intéressant l'impôt de la partie I.3 et établi relativement à son année d'imposition 1995 et subséquemment confirmé le 7 juin 2001;

c)        avis de nouvelle cotisation daté du 12 février 2001 intéressant l'impôt de la partie I.3 et établi relativement à son année d'imposition 1996 et ayant subséquemment fait l'objet d'une nouvelle cotisation établie le 28 mai 2001, laquelle a été confirmée le 7 juin 2001.

[2]      Dans le dossier de la Cour numéro 2001-4526(IT)G, l'appelante a interjeté appel de l'avis de nouvelle cotisation intéressant l'impôt de la partie I.3 établi en date du 28 mai 2001 relativement à son année d'imposition 1997, laquelle nouvelle cotisation a été confirmée le 5 septembre 2001.

[3]      Il a été convenu d'entrée de jeu que tous ces appels seraient entendus sur preuve commune.

Questions en litige

[4]      Les questions en litige visant la cotisation relative à l'année 1997 sont les suivantes :

1.    Les sommes nettes en date de la clôture de l'exercice de l'appelante constituent-elles « [d]es prêts et [d]es avances » au sens de l'alinéa 181.2(3)c) de la partie I.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) comme elles ont été imposées entre les mains de la contribuable?

2.    Le calcul des soldes de trésorerie disponibles pour les besoins du calcul des sommes nettes devrait-il comprendre les placements à court terme de l'appelante?

[5]      Les questions en litige visant les cotisations relatives aux années d'imposition 1994, 1995 et 1996 sont les suivantes :

1.    Les sommes nettes en date de la clôture de l'exercice de l'appelante constituent-elles « [d]es prêts et [d]es avances » au sens de l'alinéa 181.2(3)c) de la partie I.3 de la Loi comme elles ont été imposées entre les mains de la contribuable?

2.    Le calcul des soldes de trésorerie disponibles pour les besoins du calcul des sommes nettes devrait-il comprendre les placements à court terme de l'appelante?

[6]      Robert McDonald était comptable agréé. Il agissait comme gestionnaire fiscal pour Canfor. Il travaillait pour Canfor depuis 1990 et avait antérieurement été associé chez Price Waterhouse.

[7]      La pièce R-1 a été admise sur consentement sans restriction. M. McDonald a expliqué le fonctionnement du système, la façon dont les factures reçues d'un fournisseur étaient estampillées, faisaient l'objet d'un accusé de réception puis étaient remises à un responsable pour approbation de paiement. Les factures étaient ensuite approuvées et transmises au service des comptes fournisseurs, lequel envoyait le paiement.

[8]      La date de clôture de l'exercice 1997 était le 26 décembre. Un passage d'impression des chèques avait lieu deux fois par semaine. Les chèques étaient habituellement imprimés et postés à la même date. M. McDonald a renvoyé à l'onglet 2 et mentionné que la Banque de Montréal (la « banque » ) était l'institution financière de Canfor. Le chèque figurant à l'onglet 2 vise un paiement daté du 11 décembre 1997. Ce chèque a été envoyé à la banque, où il a été déposé le 2 janvier 1998. Ce genre d'intervalle est très courant. Une période de quatre à huit jours s'écoule habituellement entre le moment où le chèque est émis et celui où il est encaissé. Canfor est autorisée à faire opposition à un chèque pour différentes raisons, comme la perte du chèque, une facture erronée ou un chèque périmé. Lorsque le chèque est encaissé, Canfor reçoit une bande magnétique le lendemain et une copie papier des chèques payés deux jours plus tard. L'onglet 3 consiste en un rapport du service de rapprochement des comptes traité par la banque le 2 janvier 1998. Un système analogue est en place dans chacune des 25 sections de Canfor. M. McDonald a renvoyé à la page 3 où il est fait mention d'un chèque de 18 746,63 $. Les chèques présentés au paiement ce jour-là totalisaient 3 094 555,98 $.

[9]      L'onglet 4 montre un relevé de compte. M. McDonald a renvoyé au débit total inscrit à la page 2, lequel s'élève à la même somme que le montant total des chèques présentés au paiement à la banque le 2 janvier 1998, à savoir 3 094 555,98 $. Il a admis qu'à ce moment, Canfor devait cette somme à la banque. Cette dernière ferme tous les comptes et les réunit dans le compte de caisse (solde de trésorerie total pour l'ensemble des comptes canadiens de Canfor pour la journée). (Le relevé de compte montre le montant d'argent que Canfor doit à la banque et le crédit montre les dépôts du jour; il y a compensation des montants et un solde net de 1 919 891,66 $.)

[10]     En cas de manque à gagner, le solde serait de zéro puisque la banque aurait recours à la ligne de crédit de Canfor pour arriver à un tel solde.

[11]     Canfor établit un document qui montre tous les chèques en circulation. Un document de ce genre se trouve à l'onglet 5. Un des chèques susmentionnés au paragraphe [8] figure dans cette liste, à la page 13. Il était toujours en circulation. La banque ne connaît pas le nombre de chèques en circulation. Pendant la période en cause, il y avait davantage de chèques en circulation que d'argent en banque, mais cette situation n'était pas préoccupante puisque le système en place faisait en sorte que l'encaisse fût toujours suffisante. Un suivi de l'évolution de l'encaisse était effectué.

[12]     Il n'est jamais arrivé que les chèques en circulation deviennent tous exigibles le même jour.

[13]     L'onglet 6A montre le principal compte de Canfor servant au rapprochement des comptes. M. McDonald a renvoyé à l'onglet 7A et affirmé que le ministre avait imposé Canfor sur la différence entre les chèques non traités et l'encaisse, soit 25 000 000 $. Or, la banque n'a pas donné une telle somme d'argent à Canfor et celle-ci n'était pas obligée de payer des intérêts sur cette somme. Canfor n'était à ce moment nullement tenue de payer cette somme à la banque puisqu'elle disposait d'une ligne de crédit.

[14]     L'onglet A-2 consiste en l'entente relative à la ligne de crédit. Selon cette entente, Canfor pouvait, sur demande, prélever des fonds sur sa ligne de crédit jusqu'à concurrence de la somme stipulée. La ligne de crédit était suffisante pour couvrir l'ensemble des chèques en circulation. Il n'y avait pas de découvert sur ce compte à la date pertinente. Dans le cas contraire, le découvert aurait figuré dans les états financiers établis par la banque. Tous les états financiers de Canfor étaient préparés conformément aux principes comptables généralement reconnus (les « PCGR » ).

[15]     M. McDonald n'a pas inclus la différence dans le capital parce qu'il ne pensait pas qu'il devait le faire. Cette somme ne constituait ni un prêt ni une avance. Il a traité les sommes en cause différemment dans les années 1995, 1996 et 1997. Il les a incluses dans le capital parce que l'ADRC examinait les années 1991, 1992 et 1993 et qu'elle allait établir une nouvelle cotisation pour le compte de capital. Il a ajouté ces sommes en capital en attendant de pouvoir obtenir des conseils juridiques, mais il croyait avoir raison. Il a traité l'année 1998 comme il le faisait avant et interjeté appel de la décision relative à l'année 1997.

[16]     Il a renvoyé à un résumé figurant à l'onglet 8 dans lequel toutes les sommes visées par un appel sont énumérées. Si l'encaisse nécessaire se trouve à la banque, les comptes sont payés. Si l'encaisse est insuffisante, Canfor utilise ses placements à court terme et, si ces fonds sont insuffisants, elle a recours à sa ligne de crédit, et une somme est alors déposée dans le compte pour honorer les chèques.

[17]     Au cours de son contre-interrogatoire, il a affirmé qu'au moment d'émettre les chèques, Canfor entendait que ceux-ci soient livrés et servent au paiement des factures présentées. Les chèques en circulation étaient émis dans le cours normal des activités de Canfor.

[18]     M. McDonald a renvoyé à la pièce A-1 de l'onglet 4 et affirmé qu'aucun placement à court terme n'avait été réalisé et déposé afin d'honorer des chèques en circulation. Il a ensuite déclaré qu'il ne pouvait dire si les montants du crédit découlaient de la réalisation de placements à court terme ou de paiements obtenus à la suite de ventes. Aucun des chèques en cause n'était postdaté ou assorti de conditions préalables à son encaissement.

[19]     On a laissé entendre à M. McDonald que les responsables des finances de Canfor [TRADUCTION] « pariaient » que les chèques ne seraient pas tous encaissés avant la fin de l'année financière. À son avis, le terme « pariaient » n'était pas celui qui convenait; il s'agissait plutôt d'une hypothèse éclairée (et non d'une certitude). Il a réitéré qu'il était normal qu'une période de quatre à huit jours s'écoule avant qu'un chèque ne soit présenté au paiement, mais qu'en ce qui touchait le chèque mentionné à l'onglet 2, il avait été émis le 12 décembre 1997 et n'avait été présenté à l'encaissement que le 2 janvier 1998, soit environ trois semaines plus tard. Si un ralentissement devait se produire, ce serait en décembre, et les responsables de la trésorerie en seraient conscients. Il estimait que les chèques en circulation constituaient une dette pour Canfor sur le plan comptable, et c'est donc à ce titre qu'ils figuraient dans les états financiers. Quant aux années d'imposition 1996 et 1997, il ne pouvait dire combien de placements à court terme avaient été réalisés par la banque pour soutenir la position de trésorerie, le cas échéant.

[20]     Quant à la pièce A-2, il a affirmé que l'entente ne prévoyait aucune disposition autorisant la banque à recourir aux actifs à court terme. Il a renvoyé à la pièce A-1 de l'onglet 7D, soit le bilan. Comme le montre l'onglet C, on a autorisé la compensation entre l'encaisse et les placements à court terme d'une part, et les chèques en circulation de l'autre.

[21]     Le document figurant à l'onglet 7B ramène la situation à l'encaisse et aux placements à court terme, et le ministre a accepté que l'encaisse soit déduite des chèques en circulation. Aucune de ces sommes n'était constituée de fonds en caisse en monnaie étrangère.

[22]     On a demandé à M. McDonald pourquoi les experts-comptables avaient décidé de procéder à ce fractionnement en 1996, et il a répondu qu'il ne le savait pas. Il a renvoyé à l'onglet 7A. Les éléments d'actif ont été répartis, et le ministre a autorisé la contribuable à déduire l'encaisse des chèques en circulation. Aucun des placements à court terme n'était constitué de l'encaisse ou de monnaie étrangère. Les placements consistaient en une acceptation bancaire et en des papiers commerciaux (promesse de payer émanant d'une autre société). Ces placements peuvent être garantis ou non. Il s'agit de placements à court terme, qui peuvent être vendus à escompte ou à leur valeur nominale. Seules les personnes morales bien établies peuvent émettre des papiers commerciaux. Ce genre de titres peuvent être émis dans une vaste gamme de coupures; certains sont à escompte, d'autres productifs d'intérêts. Ils peuvent avoir une valeur non-existante ou une valeur secondaire peu considérable.

[23]     M. McDonald a en outre renvoyé à la pièce R-1. Il a affirmé avoir produit ce document au moment de la communication préalable. Il s'agit d'un résumé de renseignements touchant les placements à court terme en date du 31 décembre 1997 pour la clôture de l'exercice de 1997. Le bilan s'établissait à 85 372 $. La page 2 montre une acceptation bancaire émise par la Banque de Montréal et ayant une valeur de 5 000 000 $ à échéance, pour laquelle Canfor a payé 4 982 600 $.

[24]     Canfor n'est pas tenue de conserver cette acceptation jusqu'à son échéance. Si elle le fait, elle la vendra sur le marché au prix qu'elle vaudra ce jour-là. Ce prix pourrait être supérieur ou inférieur à sa valeur à la date d'échéance. Le revenu prévu à l'échéance serait moindre. Wood Gundy détient cette acceptation pour le compte de Canfor. M. McDonald a renvoyé à un placement à court terme américain s'élevant à 1 000 000 $ et mentionné qu'il ne savait pas ce que c'était. Il s'agissait d'un placement analogue au placement à court terme visé aux pages 1 et 2. Il ne s'agissait pas de fonds en caisse. La somme de 4 500 000 $ figurant aux pages 1 et 2 était de même nature.

[25]     L'impôt des grandes sociétés est prévu par la partie I.3 de la Loi. Le paragraphe 181.2(4) porte sur la déduction pour placements. La société ne pouvait se prévaloir de cette disposition parce qu'il s'agissait d'une sorte de placement qui ne pouvait être admis en déduction. Les placements à court terme englobent les placements tant déductibles que non déductibles. À la page 2 de l'onglet 7A, la mention de la somme de 36 844 195 $ visait une déduction pour placements. M. McDonald n'a pu préciser en quoi consistait la somme de 17 912 009 $. Lorsque cette somme a été réclamée, Canfor aurait pu l'encaisser et exiger le crédit auquel elle avait droit.

[26]     Pendant le réinterrogatoire, il a déclaré qu'il ignorait pourquoi cette somme se trouvait là. Elle ne venait pas de la banque puisque cette dernière ne leur a pas fourni d'avance à ce titre.

[27]     Le système de contrôle de l'encaisse établi par Canfor est élaboré et comprend un mécanisme permettant de veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'argent en banque pour couvrir les chèques lorsqu'ils sont présentés au paiement. Le processus en place pour l'année d'imposition 1997 était le même.

Observations de l'appelante

[28]     Dans ses observations présentées de vive voix et par écrit, l'avocat de l'appelante a fait valoir que la Cour doit donner aux termes employés dans le texte législatif leur sens ordinaire et celui découlant de la jurisprudence. Suivant cette définition, il n'y avait aucun prêt puisque l'existence d'un tel contrat doit procéder d'une dette envers la banque. Ce n'est que lorsque le chèque a été présenté à la banque et que cette dernière l'a honoré et a avancé l'argent à Canfor qu'une dette aurait été contractée en l'espèce.

[29]     Dans la présente affaire, personne n'a reçu d'argent, aucune avance n'a été consentie et il n'y avait donc aucun prêt. La banque n'a pas remis d'argent et Canfor n'était pas endettée envers la banque. Canfor a décidé quand la dette avait pris naissance. Affirmer qu'il existait un prêt ou une avance serait une pure fiction. Canfor n'a pas payé d'intérêts relativement aux sommes en cause qui, selon le ministre, constituent un prêt ou une avance.

[30]     La partie I.3 de la Loi précise en quoi consiste l' « impôt des grandes sociétés » . Cet impôt est prévu au paragraphe 181.1(1). Canfor est assujettie à un impôt sur son « capital imposable utilisé au Canada » .

[31]     L'expression « capital imposable utilisé au Canada » est définie au paragraphe 181.2(2) : « Le capital imposable d'une société, sauf une institution financière, pour une année d'imposition est égal à l'excédent éventuel de son capital pour l'année sur sa déduction pour placements pour l'année. »

[32]     La Loi définit également en quoi consiste le capital de Canfor au paragraphe 181.2(3). Suivant l'alinéa c) de cette disposition, cette définition englobe « les prêts et les avances qui lui ont été consentis à la fin de l'année » . En l'espèce, le ministre soutient que la différence entre le montant total des chèques en circulation à la fin de l'année et l'encaisse véritable dans le compte à la banque à la fin de l'année (le montant net) constitue un prêt ou une avance consenti à Canfor à la fin de l'année.

[33]     Sur le plan du droit, l'avocat de l'appelante a fait valoir que les sommes en cause ne constituent pas des prêts ou avances pour trois raisons :

a)    elles ne constituent pas des prêts ou avances au sens ordinaire de ces termes;

b)    le contexte dans lequel les termes « prêts » et « avances » sont employés dans la Loi fait en sorte qu'il est impossible d'affirmer qu'il y a eu des prêts ou avances;

c)    la doctrine et la jurisprudence laissent entendre qu'il n'y a pas eu de prêt ou d'avance dans les présentes circonstances.

[34]     Les mots « prêts » et « avances » ne sont pas définis dans la Loi. Par conséquent, il faut se pencher sur le sens ordinaire de ces termes à l'aide des dictionnaires.

[35]     Dans l'ouvrage Black's Law Dictionary (6e édition), les termes « loan » ( « prêt » ) et « advance » ( « avance » ) sont définis de la façon suivante :

[TRADUCTION]

Avance        Paiement fait avant l'échéance - paiement ou avance effectué avant l'expiration du délai de paiement.

Prêt             Livraison par une partie et réception par une autre partie d'une somme d'argent que cette dernière s'est engagée à rembourser.

[36]     Le New Lexicon Webster's Encyclopaedic Dictionary of the English Language (édition canadienne) offre des définitions analogues :

[TRADUCTION]

Avance        Paiement d'une somme d'argent avant l'échéance.

Prêt             Remise d'une chose, habituellement de l'argent, à charge de la restituer, avec ou sans intérêt.

[37]     Il découle implicitement du sens ordinaire de l'expression « prêts ou avances » qu'il doit réellement y avoir un transfert direct ou indirect de fonds au bénéficiaire du prêt ou de l'avance. Les termes « livraison et restitution » et « paiement et remboursement » sont utilisés.

[38]     La conclusion voulant que l'expression « les prêts et les avances » employée à l'alinéa 181.2(3)c) implique un véritable transfert de fonds est étayée par le contexte du texte législatif dans lequel elle se trouve. Le paragraphe 181.1(1) prévoit un impôt sur « son capital imposable utilisé au Canada pour l'année » . L'emploi du mot « utilisé » est important. Il implique que le capital en question est utilisé par l'entreprise. Voir le paragraphe 181.2(1).

[39]     La lecture du paragraphe 181.2(3) montre que les éléments énumérés dans la définition du terme « capital » correspondent tous à des ressources mises à la disposition d'une société pour la conduite de ses activités.

[40]     L'alinéa 181.2(3)a) renvoie à l'apport des membres de la société et aux surplus. Les alinéas 181.2(3)d) et f) visent différentes sortes de dettes, ce qui implique que le contribuable a reçu des fonds. Les alinéas 181.2(3)b) et e) font mention des réserves et des dividendes non versés, lesquels constituent aussi des sommes dont Canfor peut se servir pour l'exploitation de son entreprise.

[41]     En conséquence, à la lumière du contexte dans lequel l'expression « les prêts et les avances » est employée, il est difficile de soutenir que [TRADUCTION] « le montant net des chèques en circulation » constitue un prêt ou une avance pour l'application de la disposition pertinente puisque à la fin de l'année, aucune somme susceptible d'être utilisée par Canfor pour l'exploitation de son entreprise ne lui avait été transférée par la banque.

[42]     L'avocat a renvoyé à la décision The Grocery People Limited[1], dans laquelle le juge Sobier mentionne ce qui suit au sujet de l'expression « prêts et avances » :

[1] [...] il doit exister une dette, une obligation du contribuable envers son établissement financier. Aucune obligation n'a été créée entre les deux. Cela étant, bien qu'ils aient qualifié la chose de dette bancaire, si en fait ce n'est pas une dette envers la banque, on ne saurait en créer une en qualifiant ainsi l'opération.

[2] [...] tant que la banque n'accepte pas le chèque en paiement et ne laisse pas le compte être mis à découvert - une dette bancaire n'est pas créée du simple fait que le contribuable présente un chèque à son créancier et que, si l'expression « prêts et avances » est interprétée dans son sens ordinaire, il n'y a pas de prêt ou d'avance tant que la banque ne dit pas qu'il y en a, et la banque ne l'a pas fait dans ce cas-ci, j'admettrai l'appel.

[43]     Cette question a à nouveau été examinée dans la décision PCL Construction Management Inc.[2]. Comme il est signalé dans cette affaire, les sommes se rapportant à des chèques en circulation ont été admises par la Couronne au moment de l'instruction. S'appuyant sur cette admission, la Cour a conclu que le montant net des chèques en circulation ne constituait pas un prêt ou une avance pour l'application de l'alinéa 181.2(3)c).

[44]     L'avocat a affirmé que les tribunaux ne se sont pas expressément prononcés sur la question des chèques en circulation, mais qu'ils se sont demandé en quoi consiste un prêt ou une avance tant dans le contexte de la partie I.3 que dans celui d'autres dispositions de la Loi.

[45]     Les juges de la Cour de l'impôt ont sans équivoque conclu que, dans son sens ordinaire, le terme « avance » signifie un « paiement » fait avant l' « échéance » .

[46]     Dans la décision TransCanada Pipelines Limited[3], la Cour a adopté la définition tirée du dictionnaire voulant qu'une avance soit un [TRADUCTION] « paiement anticipé » . Pour qu'il y ait une avance, il doit y avoir un mouvement de fonds. Dans cette affaire, on avait reçu l'argent.

[47]     Cette notion selon laquelle une « avance » constitue un véritable transfert de fonds de la personne qui consent l'avance en faveur de l'emprunteur a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Oerlikon Aérospatiale Inc.[4]. Cette décision a été rendue sur le fondement de la partie I.3 de la Loi. La Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 32 :

[32] Une avance soit-elle du type avance-acompte ou avance-prêt a comme effet de mettre à la disposition de celle ou celui qui en bénéficie la somme d'argent qu'elle représente. [...]

[48]     D'après l'avocat, cela signifie qu'il doit y avoir un transfert d'argent et la création d'une dette, et qu'une avance constitue un véritable paiement « reçu » qui fait partie des ressources financières de l'entreprise.

[49]     La conclusion voulant qu'une « avance » , pour l'application de l'alinéa 181.2(3)c), exige l'existence d'un réel paiement d'argent plutôt qu'un paiement anticipé a également été adoptée par les tribunaux chargés d'interpréter la notion d' « avance » aux termes de différentes dispositions de la Loi.

[50]     Dans la décision David J. Foster[5], la Cour a examiné la notion d' « avance » pour l'application du paragraphe 83(3) et conclu que ce mot signifiait un [TRADUCTION] « paiement avant échéance » .

[51]     Dans l'arrêt La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers[6], la Cour a rejeté l'argument du ministre selon lequel, à des fins d'impôt sur le capital, la partie reportée des gains réalisés par suite de la cession d'obligations, d'actions, de biens réels et de prêts hypothécaires constituait des ressources financières à la disposition de l'intimée et conclu que l'argument du ministre faisait précisément abstraction de ce qu'avait déclaré le juge Noël dans l'arrêt Oerlikon[7] :

[32] Une avance soit-elle du type avance-acompte ou avance-prêt a comme effet de mettre à la disposition de celle ou celui qui en bénéficie la somme d'argent qu'elle représente. Ici, les avances faisaient partie intégrante des ressources financières à la disposition de l'appelante à la clôture de son année d'imposition 1989 selon les états financiers qu'elle a produits et rien dans le texte législatif ou dans la politique fiscale qui mena à son adoption n'indique que le législateur fédéral aurait voulu les exclure de l'impôt de la partie 1.3.

Dans l'arrêt La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers[8], la Cour a conclu que les gains réalisés non amortis ne figuraient pas à titre de ressources financières à la disposition de l'entreprise dans ses états financiers et que ces derniers avaient été acceptés par le Surintendant des institutions financières.

[52]     Comme dans la présente affaire, aucun prêt ni aucune avance ne figurait dans les états financiers.

[53]     L'avocat a soutenu que la doctrine et la jurisprudence laissent également entendre qu'aucune dette (prêt) entre le contribuable (l'emprunteur) et le prêteur (l'institution financière) n'existe tant que les chèques en circulation ne sont pas réellement présentés au paiement à la banque et que les fonds ne sont pas avancés par la banque pour les couvrir. C'est à ce moment que la banque met les fonds à la disposition de l'emprunteur[9].

[54]     Bien que les tribunaux se soient penchés sur l'application de l'impôt de la partie I.3 dans un certain nombre d'affaires, aucune décision ne porte directement sur la question dont je suis saisi. Les décisions paraissent toutefois étayer la conclusion tirée dans l'affaire The Grocery People Limited[10], selon laquelle aucune dette n'est créée entre le contribuable et la banque tant que les chèques ne sont pas présentés à cette dernière et honorés par suite d'un réel prélèvement sur la ligne de crédit.

[55]     Dans l'arrêt Autobus Thomas Inc.[11], la Cour avait à se demander si les liens entre la contribuable et la banque s'apparentaient à des relations de « vendeur-acheteur » ou à des relations de « créancier-débiteur » . Dans ce dernier cas, il y aurait eu un prêt ou une avance pour l'application de l'alinéa 181.2(3)o). La Cour de l'impôt a sans difficulté conclu à l'existence d'un prêt entre la banque et la contribuable dans cette affaire. Pour y arriver, elle a adopté la définition du Black's Law Dictionary selon laquelle une somme doit réellement avoir été portée au débit par suite de l'avance d'argent pour qu'il y ait un prêt.

[56]     Devant la Cour d'appel fédérale, il a été décidé que les parties avaient l'intention de créer une sûreté garantissant le prêt. La Cour a établi une distinction entre la « marge de crédit » , qui, selon elle, n'est qu'une « promesse de prêt » et un véritable prêt. On peut ou non avoir eu recours à la « marge de crédit » ou « promesse de prêt » . La Cour a également conclu qu'il n'était pas nécessaire que l'argent soit directement remis au contribuable pour qu'il y ait un prêt. Cependant, la principale conclusion qu'il faut tirer de cette décision est la suivante : pour qu'il y ait un prêt ou une avance pour l'application de la disposition pertinente, les fonds imposés doivent être transférés au contribuable ou à un tiers pour le compte du contribuable. C'est ce transfert de fonds qui convertit la promesse de prêt en un « prêt » ou une « avance » visé à l'alinéa 181.2(3)c).

[57]     Dans la décision A. C. Simmonds & Sons Limited[12], la Cour s'est penchée sur les dispositions relatives aux intérêts réputés prévues au paragraphe 17(1) de la Loi. Cette disposition impose une obligation au titre des intérêts réputés aux contribuables qui résident au Canada et qui prêtent des fonds à une personne non résidante. Selon le juge en chef adjoint Christie, aucun prêt n'était intervenu entre le contribuable et la personne non résidante puisqu'il doit réellement y avoir eu livraison et réception d'argent en application d'une entente pour donner lieu à un prêt. La Cour a conclu que l'existence d'un prêt était assujettie au mouvement d'une contrepartie conformément à l'entente puisque c'est ce mouvement qui donne naissance à une relation créancier-débiteur. Aucun mouvement de ce genre n'avait eu lieu dans cette affaire, bien que la Cour eût estimé que l'entreprise américaine était endettée envers le contribuable. Cet endettement ne découlait pas d'un prêt ou d'une relation « créancier-débiteur » .

[58]     La conclusion voulant qu'il doive y avoir transfert d'une contrepartie du prêteur à l'emprunteur pour qu'un prêt soit créé a également été tirée dans la décision Walter Crassweller[13], où la Commission a conclu que les sommes ne constituaient pas [TRADUCTION] « un prêt ou une avance » au sens de l'article 18 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu[14]. La Commission s'est demandé si une distribution de fonds provenant d'un surplus d'apport pouvait faire l'objet d'un impôt à titre de dividende en application de l'article 3 ou à titre de « prêt ou avance » et donc de dividende réputé en application de l'article 18.

[59]     En résumé, l'avocat a déclaré qu'il était difficile de voir comment le [TRADUCTION] « montant net des chèques en circulation » pouvait être qualifié de « prêt ou avance » que la banque aurait consenti à l'appelante.

[60]     À la date en cause :

a)      l'appelante n'avait pas [TRADUCTION] « reçu » d'argent de la banque et cette dernière n'avait pas avancé des fonds en son nom;

b)     les chèques en circulation se trouvaient sous le plein contrôle de l'appelante jusqu'à ce qu'ils parviennent à la banque;

c)      la contribuable décidait de la façon dont les chèques seraient honorés :

(i)        au moyen de la ligne de crédit;

(ii)      par l'encaissement de placements à court terme;

d)      la banque :

(i)    n'avait aucune cause d'action ni aucun droit découlant de la loi de recouvrer les montants nets des chèques en circulation puisqu'elle n'avait simplement jamais avancé ces sommes à l'appelante;

(ii) ne pouvait nullement obliger l'appelante à payer des intérêts relativement à ces sommes.

[61]     En réalité, la banque n'a consenti à l'appelante aucune « avance » ni aucun « prêt » aux montants en cause le jour pertinent.

[62]     Les appels devraient être accueillis avec dépens.

Observations de l'intimée

[63]     Dans ses observations présentées de vive voix et par écrit, l'avocate de l'intimée a mentionné que les parties s'entendaient sur les questions en litige et qu'il n'y avait aucune contestation des faits. La principale question en litige en l'espèce est celle de savoir si les chèques émis par Canfor et inscrits à son bilan à titre de passif à court terme, mais non présentés au paiement à la banque par le bénéficiaire avant la clôture de l'exercice (les « chèques en circulation » ) doivent être pris en compte dans le calcul du capital pour l'application de la partie I.3 de la Loi.

[64]     Plus précisément, les chèques en circulation constituent-ils « [d]es prêts ou [d]es avances » au sens de l'alinéa 181.2(3)c) et de la partie I.3 de la Loi?

[65]     À titre accessoire, la présente affaire soulève la question de savoir si les politiques ministérielles qui autorisent les sociétés à déduire les soldes de trésorerie des chèques en circulation peuvent être étendues par voie judiciaire aux placements à court terme. L'avocate a fait valoir qu'il doit exister un fondement juridique pour permettre cette compensation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par conséquent, la Cour ne peut connaître de cette question.

[66]     Les montants des chèques en circulation en litige pour les années 1995, 1996 et 1997 sont les suivants : 10 141 827 $, 16 770 897 $ et 24 508 399 $ respectivement. À tous les moments pertinents, la ligne de crédit offerte à l'appelante par la banque constituait [TRADUCTION] « des facilités de crédit renouvelables permettant de faire face aux exigences d'exploitation générales dans le cours normal des activités de l'entreprise » .

[67]     Tous les chèques en circulation ont été émis dans le cours normal des activités de l'appelante et auraient été honorés par la banque une fois présentés au paiement. Aucune disposition de l'entente conclue entre l'appelante et la banque n'autorisait cette dernière à recourir aux placements à court terme. C'est-à-dire que, si elle avait choisi de réaliser un quelconque placement à court terme afin de payer une somme due à la banque, l'appelante aurait eu l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour « encaisser » ou réaliser ces placements puisque la banque n'avait ni le pouvoir ni la capacité de le faire.

[68]     La convention de crédit intervenue entre la banque et l'appelante prévoyait que tous les paiements devant être faits par l'appelante à la banque conformément à cette entente étaient payables dans la même monnaie que celle utilisée pour l'emprunt. De plus, selon la convention, au paragraphe 3 de la pièce A-2 :

[TRADUCTION]

[...] tous les paiements devant être faits par l'emprunteur conformément à la présente convention doivent l'être au moyen de fonds librement transférables et immédiatement disponibles, sans compensation, retenue ou déduction d'aucune sorte, sauf dans la mesure requise par le droit applicable. Dans l'éventualité où une telle compensation, retenue ou déduction serait nécessaire et effectuée, l'emprunteur devra payer à la banque, à titre d'obligation distincte et indépendante envers celle-ci, les sommes additionnelles requises pour pleinement indemniser la banque de cette compensation, retenue ou déduction.

[69]     Si les chèques en circulation avaient été présentés au paiement à la banque avant la clôture des exercices de l'appelante, cette dernière n'aurait pas disposé de l'encaisse suffisante et, à moins de prendre d'autres arrangements, elle aurait dû recourir à sa ligne de crédit auprès de la banque.

[70]     Aucun des chèques en circulation n'était postdaté ou assujetti à des conditions limitant ou fixant au préalable le moment où ils pouvaient être présentés au paiement par les bénéficiaires.

[71]     Les chèques en circulation étaient livrés aux bénéficiaires et reçus par eux.

[72]     L'appelante souhaite maintenant déduire des montants des chèques en circulation pour les années 1996 et 1997 d'autres sommes qualifiées de placements « à court terme » , comme des CPG et d'autres instruments financiers analogues s'élevant à 90 958 112 $ et à 85 372 482 $ respectivement.

[73]     L'impôt des grandes sociétés prévu à la partie I.3 a précisément été adopté pour réduire le déficit fédéral et pour faire en sorte que toutes les grandes sociétés payent de l'impôt fédéral et contribuent à la réduction du déficit.

[74]     L'impôt de la partie I.3 est établi sur une base annuelle par l'application d'un taux déterminé à l'assiette d'impôt sur le capital d'une société. L'impôt à payer est fonction de l'assiette d'impôt sur le capital de la société, peu importe qu'elle réalise des bénéfices ou enregistre des pertes au cours d'une année donnée.

[75]     L'article 181.2 vise les sociétés qui ne sont pas des institutions financières et qui résident au Canada.

[76]     L'application de la partie I.3 requiert l'utilisation d'un bilan établi en conformité avec les PCGR (paragraphe 181(3) de la Loi). Les bilans en cause ont été établis conformément à ces principes.

[77]     L'alinéa 181.2(3)c) de la Loi porte que le montant « [d]es prêts et [d]es avances » consentis à la société à la fin de l'année est compris dans l'assiette d'impôt de la société.

[78]     Selon l'interprétation donnée par le ministre, un prêt s'entend habituellement de la livraison par une partie et de la réception par une autre partie d'une somme d'argent qu'il a été convenu, expressément ou implicitement, de rembourser avec ou sans intérêt. La valeur comptable d'un prêt - que celui-ci soit garanti ou non, à court ou à long terme et contracté avec ou sans lien de dépendance - est incluse dans l'assiette d'impôt sur le capital. La portion courante d'un prêt est aussi incluse dans l'assiette d'impôt sur le capital.

[79]     Souvent, le terme « avance » signifie simplement « payer » ou « payer de l'argent avant l'échéance » . Il a donc une large portée. De façon générale, les sommes reçues par une société qui ne font pas partie du revenu constitueront une avance et devront être incluses dans l'assiette d'impôt sur le capital.

[80]     Voici quelques-uns des montants qui doivent être inclus dans le calcul de l'assiette d'impôt sur le capital à titre de prêts et avances selon le ministre :

1.    les marges ou lettres de crédit, jusqu'à concurrence du montant retiré;

2.    les produits reportés exprimés par un montant en espèces;

3.    les découverts bancaires;

4.    les avances sur police d'assurance; les emprunts-or;

5.    les chèques en circulation, dans la mesure où leur montant est supérieur aux fonds déposés (dans toutes les juridictions régies par la common law);

6.    les chèques en circulation honorés par la banque avec laquelle la société fait affaires, dans la mesure où leur montant est supérieur aux fonds déposés (au Québec, province régie par le droit civil);

7.    les sommes versées dans le cadre de contrats d'achat avec minimum garanti;

8.    les sommes payées d'avance, y compris des loyers reçus;

9.    les sommes versées à des comptes de dépôt et les dépôts de garantie;

10. les avances sur contrat;

11. le produit de la vente de bons-cadeaux, dans la mesure où leur montant n'est pas inclus dans le revenu;

12. les prêts à remboursement conditionnel;

13. les prêts intersociétés faits entre la société mère et une filiale à cent pour cent en vertu d'un système de gestion de caisse accepté par une banque (généralement désigné sous l'appellation « système comptable inversé » ) en vertu duquel les découverts des filiales sont périodiquement virés au compte de la société mère;

14. les retraits d'une société de personnes, sauf dans la mesure où ces retraits représentent une distribution de la quote-part d'un associé corporatif dans le capital de la société de personnes qui est incluse dans son assiette d'impôt sur le capital.

[81]     Les chèques en circulation en cause dans la présente affaire excèdent les fonds déposés.

[82]     Les montants suivants ne devraient pas être inclus dans le calcul de l'assiette d'impôt sur le capital à titre de prêts et avances :

1.    les sommes facturées d'avance mais non reçues en espèces dans les cas où le service a été rendu;

2.    les prêts juridiquement éteints, à condition que ne figure au bilan aucun montant relatif à la dette éteinte;

3.    le simple fait de se faire accorder des facilités de crédit par un fournisseur, un créancier ou un prêteur. (Cela, sans plus, ne serait pas suffisant.) À cet égard, l'avocate a renvoyé au IT-532, Partie I.3 - Impôt des grandes sociétés.

[83]     L'avocate a en outre mentionné qu'aucune définition des termes « prêts » ou « avances » ne se trouve dans la Loi. Elle a renvoyé au Black's Law Dictionary, lequel définit ainsi le terme « loan » ([TRADUCTION] « prêt » ) : [TRADUCTION] « La livraison par une partie et la réception par une autre partie d'une somme d'argent qu'il a été convenu, expressément ou implicitement, de rembourser avec ou sans intérêt. » La définition continue d'englober, entre autres choses, [TRADUCTION] « (1) la création d'une dette au moyen du paiement d'une somme d'argent par le prêteur au débiteur ou à un tiers pour le compte du débiteur, ou de l'engagement du prêteur à effectuer un tel paiement; (2) la création d'une dette par le truchement de la mise à la disposition d'une somme d'argent dans un compte détenu par le débiteur chez le prêteur, sur lequel le débiteur peut immédiatement prélever des fonds » .

[84]     On reconnaît que le terme « avance » est plus large que le terme « prêt » . Il peut avoir le sens d'[TRADUCTION] « avance-prêt » ou d'[TRADUCTION] « avance-acompte » ou d'acompte[15].

[85]     Une avance peut comprendre un paiement fait en contrepartie de l'engagement du bénéficiaire à fournir des biens ou des services dans l'avenir[16].

[86]     En l'espèce, la banque a promis de mettre l'argent à la disposition de l'appelante au moyen d'une ligne de crédit ou d'un découvert. Une ligne de crédit consiste en un arrangement par lequel une banque ou un fournisseur accorde un crédit d'un montant donné à un emprunteur donné pour une période donnée. Il s'agit de facilités de crédit qui sont accordées à l'emprunteur pour lui permettre de faire face aux fluctuations fiscales et qui constituent une promesse ayant force obligatoire de prêter des fonds. Voir l'arrêt Autobus Thomas Inc.[17], au paragraphe 5 :

[5] [...] Comment s'analyse en droit l'établissement d'une marge de crédit sinon en une promesse de prêt, et comment interpréter ces diverses phases prévues en détail pour l'utilisation de ladite marge de crédit sinon en des conditions formelles de réalisation de la promesse. On peut qualifier séparément ces diverses phases : l'envoi des factures, le paiement au nom de l'acheteur, la préparation et la signature d'un contrat de vente à tempérament, le transfert de ce contrat, l'entrée dans un compte spécial, le calcul des intérêts au taux variable en vigueur, les remboursements échelonnés, les rapports cumulatifs périodiques; mais on ne saurait les considérer isolément et hors contexte.

[87]     Comme il faut renvoyer à des postes du bilan, le libellé des dispositions prévues à l'alinéa 181.2(3)c) doit être interprété sur le fondement du « langage des comptables » [18].

Chèques

[88]     L'avocate a affirmé que la livraison d'un titre négociable par une personne à une autre équivaut, en droit, à un paiement selon la situation des parties et leurs intentions tant réelles que présumées. Dans le cas d'une dette préexistante, on peut supposer que le chèque ne constitue qu'un paiement conditionnel. Si le chèque est honoré après avoir été présenté au paiement, ce paiement de la dette devient absolu à compter de la date où le chèque a été libellé[19].

[89]     Au moment de l'émission et de la livraison des chèques en circulation par l'appelante aux bénéficiaires, l'appelante avait l'intention d'effectuer et de parfaire le paiement. En common law, la livraison d'un chèque constitue un paiement à cette date.

[90]     L'émission d'un chèque tiré sur un compte bancaire est assimilée à un retrait sur ce compte lorsque ce chèque constitue un paiement. En common law, la livraison d'un chèque constitue un paiement conditionnel. On a avancé qu'un paiement conditionnel, lorsqu'il existe une ligne de crédit ou une entente de découvert, donne naissance à un prêt ou à une avance pour l'application de la partie I.3.

[91]     Le principe du paiement conditionnel est bien établi en common law. Dans la décision Marreco v. Richardson[20], le lord juge Farewell mentionne ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] le fait de livrer un chèque relativement à une dette constitue un paiement conditionnel à ce que le chèque soit honoré, c'est-à-dire que, sous réserve d'une condition résolutoire, et si le chèque est honoré, il y aura un véritable paiement ab initio et non un paiement conditionnel.

[92]     Dans la décision Moody[21], à la page 1054, la Cour de l'Échiquier déclare :

[TRADUCTION]

En l'absence d'une situation particulière permettant de tirer une conclusion contraire - le chèque a été postdaté ou il existe une entente voulant que le chèque ne soit pas utilisé pendant une période précise -, un paiement fait par chèque, même s'il est conditionnel à certains égards, a néanmoins probablement été fait au moment de la remise du chèque [...]

[93]     Le principe énoncé dans la décision Marreco[22] et confirmé dans la décision Moody[23] a été appliqué sans exception dans des affaires relevant de la Loi[24].

[94]     Le fait que la dette sous-jacente entre le débiteur initial et le créancier ne soit habituellement pas acquittée tant que le chèque n'est pas honoré par la banque concernée, ou que la banque puisse ou non exiger des intérêts sur la somme visée par le chèque entre la date de la livraison et le jour où le chèque est présenté à la banque, ne modifie en rien ce principe.

[95]     Selon le principe de common law, la date du paiement conditionnel est celle de la livraison du chèque. La présentation subséquente du chèque à la banque n'aura, en droit, aucune incidence sur la date du paiement à moins que le chèque ne soit pas honoré. Lorsque le chèque donne lieu à une dette ou à un solde bancaire négatif sur le bilan, cela équivaut à un prêt ou à une avance au sens de la partie I.3 puisque la banque, en accordant la ligne de crédit ou le découvert, reconnaît ou accepte tacitement le découvert.

[96]     Les règles de droit civil de la province de Québec sont différentes sur ce point. Le Code civil prévoit que la date du paiement est celle à laquelle la banque honore le chèque, et la livraison n'a aucune pertinence à cet égard[25].

[97]     Bien que les chèques en circulation ne constituent pas, en eux-mêmes, une dette de la société, la dette bancaire reflétée dans le bilan et attribuable aux chèques en circulation constitue un prêt ou une avance là où la livraison des chèques par le débiteur à un créancier est considérée comme un paiement.

[98]     Lorsqu'elle a accepté par contrat d'accorder la ligne de crédit à l'appelante, la banque a, à l'avance, tacitement pris acte du découvert ou consenti à celui-ci.

[99]     En l'espèce, l'appelante avait l'intention d'effectuer un paiement, le bénéficiaire s'attendait à recevoir un paiement, et la banque s'était engagée à octroyer un crédit pour couvrir le paiement, anticipant ainsi la condition résolutoire.

[100] Dans la décision The Grocery People Limited[26], prononcée à la suite d'un appel entendu suivant la procédure informelle, le juge Sobier a conclu que les chèques en circulation ne créaient pas, entre la contribuable et la banque, une dette donnant lieu à un prêt ou à une avance au sens de l'alinéa 181.2(3)c). Cette décision ne permet toutefois pas de trancher les présents appels pour les raisons suivantes :

a)    le jugement n'est pas motivé, de sorte qu'il n'y a aucun exposé des faits, aucun examen de la jurisprudence ni aucun renvoi à des ouvrages de doctrine;

b)    le fondement juridique de la thèse de l'intimée, lequel est présenté en l'espèce, ne l'a pas été dans cette affaire et la Cour ne l'a donc pas examiné;

c)    la question en litige a été tranchée strictement à la lumière de l'argument selon lequel la simple existence d'un chèque en circulation n'avait pas pour effet de créer une dette;

d)    rien ne permet de savoir si les chèques avaient effectivement été livrés ou non;

e)    la décision a été rendue dans le cadre de la procédure informelle et, compte tenu de l'absence de motifs écrits et de l'article 18.28 de la Loi, je ne suis certainement pas lié par cette décision à laquelle, conformément aux arguments présentés en ce sens, il n'y a pas lieu d'accorder de poids dans le cadre des appels dont je suis saisi.

[101] L'avocate a affirmé que la décision rendue dans l'affaire The Grocery People Limited[27] était mal fondée. Elle a soutenu que la livraison d'un chèque par un débiteur à un créancier constituait un paiement conditionnel fait au moment de la livraison. Le paiement est conditionnel à ce que l'institution financière du débiteur honore le chèque au moment où il est présenté au paiement. L'intimée avance qu'en droit, il y aura un prêt ou une avance pour l'application de la partie I.3 lorsqu'une ligne de crédit est consentie par la banque au débiteur et que, si le chèque avait été présenté au paiement pendant le même exercice, le débiteur n'aurait pas disposé d'une encaisse suffisante auprès de la banque pour couvrir le chèque et que, sans fonds supplémentaires, il y aurait eu un découvert ou recours à la ligne de crédit.

[102] Le fait que le paiement effectué par chèque est conditionnel et assorti d'une condition résolutoire (le chèque doit être honoré par la banque) ne change rien à la date où le paiement est effectué en droit (la date de la livraison) à moins que le chèque ne soit pas honoré. La banque a supprimé la condition résolutoire en accordant des privilèges de découvert dans le cadre de la ligne de crédit.

[103] Une fois que le client et la banque s'entendent sur un découvert, par exemple la ligne de crédit dans les présents appels, même si cette ligne est assujettie à une condition expresse du contrat bancaire voulant que la banque puisse réduire la ligne de crédit à n'importe quel moment, l'institution financière est implicitement tenue de donner un avis écrit de sa décision de réduire la ligne de crédit. À titre d'exemple, dans une affaire où la banque a invoqué cette clause et refusé d'honorer un chèque, ce qui a eu pour effet d'acculer le client à la faillite, la banque a été tenue responsable pour avoir fait des assertions inexactes et négligentes[28].

[104] Lorsqu'un chèque est livré au créancier ou au bénéficiaire en contrepartie de biens ou de services reçus, la responsabilité du débiteur est engagée tant sur le plan civil que pénal. Comme les chèques sont payables sur demande et que le débiteur n'exerce aucun contrôle sur le moment où le créancier ou le bénéficiaire présente le chèque au paiement, le débiteur engage sa responsabilité dès qu'il livre le chèque au bénéficiaire[29].

[105] Au Canada, le fait d'émettre un chèque qui n'est pas honoré lorsqu'il est présenté au paiement à une banque ou à une autre institution financière constitue un acte criminel à moins que le prévenu ne soit en mesure de prouver qu'il avait des motifs raisonnables de croire que le chèque serait honoré lors de la présentation au paiement[30].

[106] Par effet de la loi, tirer un chèque sur un compte bancaire ou une ligne de crédit ou occasionner un découvert équivaut à retirer de l'argent de ce compte lorsque le chèque constitue un paiement. Dans les ressorts de common law, la livraison d'un chèque qui n'est pas postdaté ou l'objet de circonstances particulières constitue un paiement ou un paiement conditionnel. Lorsqu'elle a signé l'entente relative à la ligne de crédit, la banque a tacitement accepté d'honorer les chèques tirés sur le compte et elle a donc rempli à l'avance ou supprimé par anticipation la condition résolutoire (honorer le chèque en paiement).

[107] L'avocat de l'appelant a soutenu que, dans tous les cas où l'expression « les prêts et les avances » est employée, la Cour doit examiner l'affaire à la lumière des faits particuliers de l'espèce mais, selon l'avocate de l'intimée, la partie I.3 de la Loi appelle un traitement différent. Il faut plutôt envisager la définition des termes « prêts » et « avances » dans le contexte de la partie I.3 d'une autre manière. En droit, l'établissement d'une ligne de crédit ne constitue qu'un engagement. C'est-à-dire qu'il s'agit d'une entente ayant force obligatoire qui entraîne des conséquences en cas de défaut. Cependant, le contexte de la partie I.3 oblige à porter un regard nouveau sur les documents financiers.

[108] Elle a invoqué l'arrêt Autobus Thomas Inc.[31] pour affirmer que la Cour doit utiliser le sens comptable des termes lorsqu'elle est saisie d'une affaire relevant de la partie I.3. Elle a en outre renvoyé à l'arrêt La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers[32] et ajouté qu'il convient de donner un sens particulier aux termes « avances » et « prêts » employés dans la partie I.3. C'est un argument technique, mais j'en suis néanmoins saisi. La partie I.3 est particulière. Sur le bilan, les chèques en cause sont présentés comme des dettes. La disposition pertinente vise les dettes fiscales.

Politique relative à la compensation touchant les placements à court terme

[109] L'avocate a fait valoir que ce point n'est pertinent qu'en ce qui concerne les années 1996 et 1997. En 1994 et 1995, les comptes n'étaient constitués que de l'encaisse, même s'ils étaient désignés par l'expression [TRADUCTION] « encaisse et placements à court terme » . Elle a mentionné que la Loi ne comporte aucune disposition permettant la compensation. La politique suivie par le ministre consistait à autoriser la compensation entre l'encaisse et les chèques en circulation. C'est la politique applicable et c'est que l'appelante était autorisée à faire.

[110] Le ministre a déterminé l'impôt à payer en tenant compte du fait que l'appelante était autorisée à compenser les montants de l'encaisse, mais non des placements à court terme. Aucune disposition législative ou politique ne permettait de traiter les placements à court terme de cette façon. Cela n'est pas inéquitable. La Loi prévoit une déduction pour placements au sous-alinéa 181.1(7)a)(i). Si la société avait satisfait à ces exigences, elle aurait pu défalquer la déduction pour placements de son capital imposable en application de la partie I.3. La contribuable a réclamé tous les crédits de placement auxquels elle avait droit pour l'ensemble des années visées.

[111] L'arrêt Federated Co-operatives Limited[33] permet d'affirmer que le législateur savait ce qu'il faisait lorsqu'il a refusé d'englober les acceptations bancaires dans la déduction pour placements prévue à la partie I.3. Les placements à court terme ne sont pas de l'encaisse (et les acceptations bancaires non plus).

[112] Quant à l'argument relatif à la nouvelle qualification des états financiers par le ministre, l'avocate a déclaré que les montants sont inscrits comme des dettes dans les états financiers. Ces états sont établis conformément aux PCGR. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle qualification, encore que le ministre soit de toute façon autorisé à prendre une telle mesure.

[113] Les appels doivent être rejetés avec dépens.

[114] Dans sa réfutation, l'avocat de l'appelante a concédé ce deuxième point.

[115] Quant à la principale question en litige, il a affirmé que, selon la Loi, seuls certains éléments constituent du capital. Il importe peu que ces éléments soient ou non traités comme des dettes. Pourquoi devrions-nous examiner ces sommes d'une manière différente. Les experts-comptables les ont considérées comme des dettes et non comme des prêts ou des avances.

[116] L'intimée a embrouillé la relation entre Canfor et ses fournisseurs. Un chèque est une lettre de change. Par conséquent, entre Canfor et le fournisseur, le chèque est un paiement. C'est un paiement au bénéficiaire. Il ne s'apparente nullement à un prêt et il n'y a aucune relation prêteur-emprunteur entre la banque et Canfor. Ce n'est que pure fiction que de laisser entendre qu'un prêt a été conclu.

[117] L'intimée a avancé que l'existence d'une ligne de crédit équivaut à un retrait à la banque. Or, aucun précédent ne permet de croire cela. L'avocat a renvoyé à la décision Fowlis[34]. Il a mentionné que, dans cette affaire, la Cour s'était demandé si un paiement avait été fait ou non. Dans la décision Piché[35], la Cour a signalé qu'il existait une différence entre l'acceptation d'un chèque par son bénéficiaire et l'opération bancaire par laquelle une somme d'argent est déposée au crédit du porteur. C'est le prélèvement d'une somme sur la ligne de crédit qui donne lieu au prêt[36].

[118] L'avocat a en outre invoqué la décision CIP Inc. v. Toronto Dominion Bank[37], dans laquelle la Cour a déclaré : [TRADUCTION] « Un découvert est de l'argent prêté; un paiement par la banque en conformité avec une entente octroyant une autorisation de découvert au client constitue un prêt d'argent par la banque au client » . Ce n'est pas le cas en l'espèce.

[119] Le ministre a agi sur le fondement d'une fiction, à savoir que tous les chèques devenaient payables le même jour. Or, ils n'étaient pas exigibles le même jour ou n'auraient pas été exigibles de cette façon. Le ministre confond la relation entre le bénéficiaire et Canfor avec celle qui existe entre la banque et Canfor. Si cette interprétation était fondée, il pourrait y avoir double imposition.

Analyse et décision

[120] La Cour convient avec les deux avocats que les faits en l'espèce sont très peu contestés. Les avocats ont en outre soulevé deux autres questions précises. La seconde peut être tranchée assez rapidement, et la Cour l'examinera en premier.

[121] Il s'agit de savoir si la politique administrative du ministre qui permet aux sociétés de porter les soldes de trésorerie en déduction des chèques en circulation peut être étendue par voie judiciaire aux placements à court terme. La Cour est convaincue que cette question appelle une réponse négative.

[122] L'avocate de l'intimée a soutenu que la Cour doit avoir un fondement juridique pour intervenir dans l'affaire et autoriser la compensation. La Cour arrive à la conclusion qu'un tel fondement juridique n'existe pas.

[123] Les arguments invoqués en l'espèce relativement aux années 1996 et 1997 intéressent l'expression générale et absolument pas définie « politique administrative » , mais la Loi ne prévoit aucune disposition autorisant la compensation. La politique du ministre consiste à autoriser la déduction de l'encaisse des chèques en circulation pour l'application du calcul de l'impôt de la partie I.3, mais cela ne relève pas de la Cour. Cette politique ne porte que sur l'encaisse, qu'elle soit intérieure ou étrangère, et les placements à court terme en cause ne font pas partie de cette encaisse.

[124] L'avocate de l'intimée a signalé que cette mesure ne paraissait pas inéquitable dans les circonstances puisque le sous-alinéa 181.1(7)a)(i) de la Loi permet le recours à la déduction pour placements. Dans la mesure où la société aurait satisfait aux exigences de cette disposition, elle aurait pu défalquer la déduction pour placements du gain en capital imposable réalisé au titre de la partie I.3. Apparemment, la contribuable a réclamé tous les crédits de placement auxquels elle avait droit pour toutes les années en litige.

[125] En ce qui touche la question accessoire, l'appel sera rejeté, et la décision du ministre de refuser la compensation sera confirmée.

[126] Il reste à examiner la question plus difficile, importante et litigieuse de savoir si les chèques en circulation constituent ou non « [d]es prêts et [d]es avances » à la société au sens de l'alinéa 181.2(3)c) de la Loi. S'il s'agit de prêts et d'avances consentis à la société à la fin de l'année, ils constituent alors du capital suivant l'article 3 et sont donc assujettis à l' « impôt des grandes sociétés » au titre de la partie I.3 de la Loi.

[127] Cette disposition de la Loi est passablement exigeante, et l'avocate de l'intimée a mentionné qu'au moment de son adoption, elle visait non seulement à réduire le déficit fédéral, mais aussi à faire en sorte que toutes les grandes sociétés payent de l'impôt fédéral et contribuent à la réduction du déficit. Cependant, peu importe la noblesse des objectifs de l'alinéa 181.2(3)c) de la Loi, celui-ci ne s'appliquera à la contribuable en l'espèce que si l'affaire tombe bien sous le coup de ses dispositions. Simplement parlant, la Cour doit être convaincue que les chèques en circulation en 1996 et en 1997 constituaient « [d]es prêts ou [d]es avances » au sens de l'alinéa 181.2(3)c).

[128] Il est inutile de préciser qu'aucune définition de ces termes n'est donnée dans cette disposition. Cela incite la Cour à conclure qu'il était de l'intention du législateur que ces termes aient le sens qui leur est habituellement donné dans le langage courant, dans les définitions des dictionnaires et dans le cadre des pratiques du commerce.

[129] À première vue, on pourrait conclure que cette tâche est relativement simple. Les deux avocats ont présenté leurs définitions des termes. Il suffit de dire qu'un prêt est habituellement défini comme [TRADUCTION] « la livraison par une partie et la réception par une autre partie d'une somme d'argent qu'il a été convenu, expressément ou implicitement, de rembourser avec ou sans intérêt » . Cette définition est celle invoquée par l'intimée.

[130] Par ailleurs, l'avocat de l'appelant a renvoyé au [TRADUCTION] « sens ordinaire » énoncé dans divers dictionnaires, selon lesquels une « avance » consiste en un paiement fait avant l'échéance ou en un paiement ou une avance effectué avant le délai de paiement, et un « prêt » en la livraison par une partie et la réception par une autre partie d'une somme d'argent qu'il est convenu de rembourser. De plus, un « prêt » est quelque chose de prêté, habituellement une somme d'argent, à la condition qu'elle soit remise, avec ou sans intérêt.

[131] Il avance que l'emploi du terme « utilisé » au paragraphe 181.1(1) de la disposition est révélateur. Selon lui, ce terme donne à entendre et implique que le capital en cause est employé par l'entreprise. Voici le texte de cette disposition :

181.1(1) Toute société est tenue de payer, en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition, un impôt égal à 0,225 % de l'excédent éventuel de son capital imposable utilisé au Canada pour l'année sur son abattement de capital pour l'année.

Comme l'a soutenu l'avocat, il importe également de signaler que le libellé du paragraphe 181.2(3) donne à penser que les éléments énumérés dans la définition du terme « capital » visent tous des ressources qui sont à la disposition d'une société pour la conduite de ses activités. Cette disposition est ainsi rédigée :

181.2(3) Le capital d'une société, sauf une institution financière, pour une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des éléments suivants :

a)          le capital-actions de la société (ou, si elle est constituée sans capital-actions, l'apport de ses membres), ses bénéfices non répartis, son surplus d'apport et tout autre surplus à la fin de l'année;

b)          ses réserves pour l'année, sauf dans la mesure où elles sont déduites dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de la partie I;

c)          les prêts et les avances qui lui ont été consentis à la fin de l'année;

d)          ses dettes à la fin de l'année sous forme d'obligations, d'hypothèques, d'effets, d'acceptations bancaires ou de titres semblables;

e)          les dividendes qu'elle a déclarés mais n'a pas versés avant la fin de l'année;

f)           toutes ses autres dettes, sauf celles afférentes à un bail, à la fin de l'année qui sont impayées depuis plus de 365 jours avant la fin de l'année;

g)          dans le cas où elle est l'associée d'une société de personnes à la fin de l'année, le produit de la multiplication du total des montants (sauf ceux dus à l'associé ou à d'autres sociétés associées de la société de personnes) qui seraient calculés selon le présent alinéa et les alinéas b) à f) relativement à la société de personnes à la fin du dernier exercice de celle-ci se terminant au plus tard à la fin de l'année s'il s'agissait, aux alinéas b) à f), d'une société de personnes plutôt que d'une société, par le rapport entre la part de l'associé sur le revenu ou la perte de la société de personnes pour cet exercice et le revenu ou la perte de la société de personnes pour cet exercice,

sur le total des montants suivants :

h)          le solde de son report débiteur d'impôt à la fin de l'année;

i)           tout déficit déduit dans le calcul de l'avoir des actionnaires à la fin de l'année;

j)           tout montant déduit en application du paragraphe 135(1) dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de la partie I, dans la mesure où il est raisonnable de considérer les déductions comme incluses dans l'un des montants calculés en application des alinéas a) à g) relativement à la société pour l'année.

Cette liste semble passablement exhaustive et les arguments de l'avocat à cet égard ne sont pas dénués d'importance.

[132] Rien dans cette disposition ne paraît offrir une grande marge de manoeuvre pour ajouter d'autres éléments, sauf s'ils sont visés par les dispositions, et il semble que les termes « capital imposable utilisé au Canada pour l'année » servent à restreindre ou à modifier la disposition et ne puissent être considérés comme négligeables.

[133] De prime abord, l'examen des mots « prêts » et « avances » , employés dans le contexte de l'ensemble de la disposition, au regard de leur sens courant ou ordinaire et à la lumière des décisions invoquées, laisse à penser que les termes suivants sont importants : responsabilité; l'emprunteur ou le bénéficiaire; l'auteur de l'avance; le prêteur.

[134] Quant au terme « avance » , il s'agirait de la réclamation faite avant l'échéance; d'un réel transfert de fonds par l'auteur de l'avance en faveur de l'emprunteur; d'un transfert d'argent et de la création d'une dette; de certaines situations où un paiement est fait et reçu et où la somme vient s'ajouter aux ressources financières de l'entreprise.

[135] Pour qu'il y ait une « avance » , il faut qu'un paiement d'une somme d'argent ait réellement été fait ; un paiement anticipé ne suffit pas. Une avance est une mesure prise avant l'échéance véritable.

[136] Quant au « prêt » , le fait d'avancer et d'utiliser l'argent donne naissance à une dette entre le prêteur et l'emprunteur. Il doit exister une relation de « créancier-débiteur » . Un engagement de prêt auquel on n'aurait pas encore donné suite ne suffit pas. On doit être en présence d'un transfert au contribuable pour le compte du contribuable.

[137] Au regard du bon sens, du langage ordinaire et des activités commerciales courantes, il semble qu'il soit nécessaire de répondre à ces définitions pour qu'il y ait un « prêt » ou une « avance » au sens de la disposition pertinente de la Loi. L'intimée paraît soutenir que l'examen de termes dans le contexte de l'alinéa 181.2(3)c) doit se faire non pas du point de vue du bon sens, des définitions données dans les dictionnaires ou de l'emploi ordinaire de ces termes dans le domaine commercial, mais plutôt d'un point de vue différent : il faudrait interpréter les dispositions à la lumière du « langage des comptables » .

[138] Elle fait valoir qu'on peut envisager les termes avec un regard différent, avec un microscope ou avec les yeux d'un expert-comptable examinant un bilan puisque les éléments en cause sont inscrits comme une dette dans les états financiers de la contribuable. De plus, ces états financiers sont établis conformément aux PCGR et si ces éléments y figurent comme une dette, c'est donc ainsi qu'ils devraient être traités.

[139] Elle s'est en outre considérablement appuyée sur le fait que les chèques sont des titres négociables suivant la Loi sur les lettres de change, laquelle prévoit que la livraison d'un titre négociable par une personne à une autre personne constitue un paiement. Dans la présente affaire, au moment où elle a émis et livré les chèques en circulation aux bénéficiaires, l'appelante avait l'intention d'effectuer et de parfaire le paiement.

[140] Dans les ressorts de common law, la date de livraison d'un chèque correspond à la date du paiement. L'argument est donc probablement que la dette a pris naissance à ce moment.

[141] L'avocate a avancé que le fait, par l'appelante, de tirer le chèque sur le compte bancaire constituait un prélèvement sur ce compte et que ce chèque était un paiement. En l'espèce, comme il existait une entente relative à une ligne de crédit ou à une protection de découvert, la présentation du chèque aux créanciers équivalait à un paiement conditionnel, à un prêt ou à une avance pour l'application de la partie I.3. Selon l'avocate, le fait que la dette sous-jacente entre le débiteur initial et le créancier ne soit habituellement pas acquittée tant que le chèque n'est pas honoré par la banque concernée, ou que la banque puisse ou non exiger des intérêts sur la somme visée par le chèque entre la date de la livraison et le jour où le chèque est présenté au paiement ne change en rien ce principe. Que le chèque donne ou non lieu à une dette ou à un solde bancaire négatif sur le bilan, les sommes sont « des prêts ou des avances » au sens de la partie I.3.

[142] Lorsqu'elle a accordé la ligne de crédit ou la protection de découvert à l'appelante (par contrat), la banque a, à l'avance, tacitement pris acte du découvert ou consenti à celui-ci. Les chèques en circulation en eux-mêmes ne constituent pas des dettes de la société, mais les dettes envers la banque qui sont reflétées dans le bilan et qui découlent des chèques en circulation constituent des « prêts [ou] [...] avances » lorsque la livraison du chèque par un débiteur à un créancier tient lieu de paiement.

[143] L'appelante avait l'intention de faire un paiement, le bénéficiaire s'attendait à recevoir un paiement et la banque s'était engagée à accorder un crédit pour couvrir le paiement, anticipant ainsi les conditions résolutoires.

[144] Comme il a déjà été mentionné, l'avocate de l'intimée a précisé que son interprétation était un argument technique, mais j'en suis néanmoins saisi. La partie I.3 est particulière et elle appelle un examen particulier. Sur le bilan, les chèques en cause sont qualifiés de dettes et la disposition pertinente vise les dettes fiscales.

[145] La Cour estime que rien dans le paragraphe 181.2(1) ne l'oblige à examiner cette disposition d'une façon particulière. Elle ne voit pas pourquoi elle devrait porter un regard particulier ou différent sur cette disposition juste parce que l'appelante a, conformément aux PCGR, qualifié les chèques en circulation de dettes dans son bilan. La disposition elle-même ne fait pas mention de bilans établis en conformité avec les PCGR. Et même si c'était le cas, le fait d'inscrire au bilan des éléments à titre de dettes n'a pas pour effet de transformer des éléments qui ne tombent pas sous le coup de la définition de « prêt » ou d' « avance » en des « prêts [ou] [...] avances » simplement parce qu'ils sont qualifiés de la sorte dans le bilan.

[146] Les chèques en circulation sont inscrits à titre de dettes dans le bilan parce qu'ils représentent, entre le tiré et le tireur du chèque, des dettes à partir de la date du tirage du chèque. Cette relation est celle qui unit le tireur du chèque et le bénéficiaire du chèque et elle n'a rien à voir avec la relation qui existe entre la banque et le tireur du chèque. La dette que le tireur du chèque a envers la banque au titre de la ligne de crédit ne découle pas de l'émission du chèque, mais plutôt du fait que le chèque a été encaissé, et seulement dans les cas où les fonds se trouvant dans les comptes sont insuffisants pour satisfaire aux exigences à un moment donné. Or, aucun élément de preuve établissant que cette situation s'est produite pendant les années en cause n'a été présenté en l'espèce.

[147] La Cour est convaincue que l'intimée a mal interprété les conséquences juridiques découlant des dispositions législatives relatives aux lettres de change qu'entraîne l'émission d'un chèque, tant entre le tireur du chèque et le bénéficiaire qu'en ce qui concerne les rapports juridiques entre le tireur du chèque et la banque. Ces dispositions législatives n'ont pas pour effet de créer, par un quelconque processus d'osmose ou autrement, un genre de dette analogue envers la banque et le tireur du chèque. Il s'agit de deux transactions commerciales différentes. Contrairement à ce que laisse entendre l'avocate de l'intimée, le fait que le chèque est une lettre de change ne donne nullement naissance à une dette entre la banque et le tireur du chèque.

[148] D'après l'intimée, il était de l'intention de l'appelante que le chèque constitue un paiement au fournisseur, le bénéficiaire s'attendait à recevoir paiement et la banque s'était engagée par un contrat distinct à accorder un crédit sur demande. Cette situation aurait donc donné naissance à des « prêts [ou] [...] avances » . La Cour n'accepte pas cet argument.

[149] Comme la Cour l'a signalé au début des présents motifs du jugement, la disposition pertinente en l'espèce est très exigeante et semble faire état d'une liste exhaustive des sommes à inclure dans le capital à la fin de l'année du contribuable. Si le législateur canadien avait eu l'intention d'inclure dans cette liste les chèques en circulation à la fin de l'année, il n'avait qu'à le préciser. En ce qui concerne la Cour, conclure que le législateur avait cette intention, mais qu'il n'en a pas fait mention dans une disposition qui permet par ailleurs d'avoir une idée fort précise et exhaustive de ce qu'il avait l'intention d'y inclure, serait forcer le sens du mot crédulité.

[150] Dans ses observations écrites, l'avocate de l'intimée était disposée à admettre que les chèques en circulation en eux-mêmes ne constituaient pas des dettes de la société, mais elle a fait valoir que, comme l'endettement envers la banque au titre des chèques en circulation se reflétait dans le bilan, cela constituait un prêt ou une avance. Or, la Cour estime que ce raisonnement est dépourvu de logique.

[151] Dans ses observations écrites, l'avocate de l'intimée a également signalé que, selon l'interprétation du ministre, les chèques en circulation - dans la mesure où ils excèdent les fonds déposés - sont, dans tous les ressorts de common law, considérés comme compris dans l'assiette d'impôt sur le capital. La Cour n'est pas liée par cette interprétation et arrive même à la conclusion, c'est le moins qu'on puisse dire, qu'une telle interprétation ne se fonde sur aucune disposition applicable.

[152] Quant à la noblesse des intentions du ministre, ce facteur ne peut justifier qu'on étende la portée d'une disposition quelconque au-delà des fins qu'elle vise suivant le sens ordinaire des termes qui y sont employés.

[153] L'avocate a renvoyé à la décision The Grocery People Limited[38]. Elle a demandé à la Cour de tenir compte du fait que cette décision a été rendue à la suite d'un appel formé dans le cadre de la procédure informelle et que la preuve du ministre n'avait peut-être pas été aussi bien présentée qu'elle ne l'a été en l'espèce. Il est possible que certains faits n'aient pas été énoncés puisque aucune décision écrite n'a été rendue. Elle a finalement conclu que cette décision était mal fondée.

[154] Peu importe les lacunes perçues dans le raisonnement exposé dans le texte disponible, la Cour est convaincue que le juge Sobier a correctement énoncé la différence entre les rapports juridiques qui unissent le créancier et le débiteur, c.-à-d. le tireur du chèque et le bénéficiaire du chèque, et les liens qui existent entre le débiteur, c.-à-d. le tireur du chèque, et sa banque. Dans sa décision, le juge Sobier a utilisé le sens ordinaire des termes « prêts » et « avances » , tout comme le fait la Cour en l'espèce, et conclu qu'il devait y avoir un endettement, une dette du contribuable envers son institution financière.

[155] Il a estimé qu'aucune dette de cette nature n'avait été créée entre eux. Cela étant, bien que l'opération ait été qualifiée de dette bancaire, il ne s'agissait pas réellement d'une dette envers la banque. Le fait de la qualifier ainsi ne changeait rien à la nature de l'opération.

[156] La Cour en l'espèce est disposée à faire sienne la conclusion voulant qu'aucune dette n'existe entre la banque et son client, la contribuable en l'occurrence, tant que la banque n'a pas accepté le chèque en paiement ou que le compte n'est pas mis à découvert et la contribuable n'est pas obligée de recourir à sa ligne de crédit pour honorer le chèque. La simple présentation d'un chèque à l'encaissement par le contribuable à son créancier n'entraîne pas une dette bancaire lorsqu'on donne à l'expression « les prêts et les avances » son sens ordinaire. Il n'y a pas de « prêt » ou d' « avance » tant que la banque n'a pas déclaré que c'est le cas, et la banque ne l'a pas fait en l'espèce.

[157] Dans la décision A. C. Simmonds & Sons Limited[39], le juge en chef adjoint Christie a accepté la définition du terme « prêt » donnée dans le Black's Law Dictionary, 5e édition (1979), et déclaré qu'elle en valait une autre : « La livraison, par une partie à une autre partie, et la réception par celle-ci, d'une somme d'argent en fonction d'un accord, expresse [sic] ou tacite, de remboursement de cette somme, avec ou sans intérêts. » . Il n'a toutefois pas assimilé cette définition à une description des opérations touchant des lettres de crédit dont il était saisi dans cet appel.

[158] Dans la présente affaire, la banque et la contribuable avaient conclu une entente. Celle-ci prévoyait la livraison et la réception d'argent dans l'éventualité où la ligne de crédit serait utilisée, mais elle ne l'a pas été. Dans la décision A. C. Simmonds & Sons Limited[40], tout comme en l'espèce, aucune relation de débiteur-créancier n'a été créée.

[159] L'avocat de l'appelante a fait valoir que, compte tenu des circonstances de la présente affaire, la banque n'avait aucune cause d'action ni aucun droit découlant de la loi l'autorisant à recouvrer les sommes nettes correspondant aux chèques en circulation. En effet, la banque n'avait simplement jamais avancé ces sommes à l'appelante, et cette dernière n'avait aucune obligation de payer des intérêts relativement à ces sommes. Or, ces éléments constituent des caractéristiques des « prêts » et des « avances » .

[160] Au bout du compte, aucune « avance » ni aucun « prêt » s'élevant aux montants en cause n'avait, dans les faits, été consenti par la banque à l'appelante à la date pertinente.

[161] Les appels à cet égard seront accueillis, et l'affaire sera renvoyée au ministre pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en conformité avec les conclusions susmentionnées.

[161] L'appelante a en grande partie obtenu gain de cause et aura droit à ses dépens taxés entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2004.

« Theodore E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


RÉFÉRENCE :

2004CCI405

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2001-3126(IT)G et 2001-4526(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Produits forestiers du Canada Ltée c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 15 janvier 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Theodore E. Margeson

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er juin 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Werner H. G. Heinrich

Avocate de l'intimée :

Me Lynn M. Burch

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] The Grocery People Limited v. Canada, [1995] A.C.I. no 1143 (Q.L.).

[2] PCL Construction Management Inc. c. Canada, 2000 DTC 2624 (C.C.I.).

[3] TransCanada Pipelines Limited v. M.N.R., [1993] 1 C.T.C. 277 (C.A. Ont.).

[4] Oerlikon Aérospatiale Inc. v. The Queen, 99 DTC 5318 (C.A.F.).

[5] David J. Foster v. M.N.R., 71 DTC 5207, [1971] C.T.C. 335 (C. de l'É.).

[6] La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers v. The Queen, 2001 DTC 5396.

[7] Précité, note 4, par. 32.

[8] Précité, note 6.

[9] Voir la décision The Grocery People Limited, précitée, note 1.

[10] Précitée, note 1.

[11] Autobus Thomas Inc. v. The Queen, 2001 DTC 5665 (C.S.C.).

[12] A. C. Simmonds & Sons Limited v. M.N.R.,89 DTC 707 (C.C.I.).

[13] Walter Crassweller v. M.N.R.,49 DTC 1 (Comission d'appel de l'impôt).

[14] Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, ch. 97, S.R.C. 1927.

[15] Voir la décision Oerlikon Aérospatiale Inc. v. The Queen, 97 DTC 694 (C.C.I.).

[16] Voir l'arrêt Federated Co-Operatives Limited v. The Queen, 2001 DTC 5414 (C.A.F.).

[17] Autobus Thomas Inc. v. Her Majesty the Queen, 2000 DTC 6299 (C.A.F.).

[18] Voir la décision PCL Construction Management Inc., précitée, à la note 2, aux p. 12 et 13 de la version électronique; voir aussi l'arrêt La Compagnie d'Assurance-Vie Manufacturers v. The Queen, 2000 DTC 1600 (C.A.F.), aux par. 54 et 57 de la version électronique.

[19] Voir Bradley Crawford, Crawford and Falconbridge Banking and Bills of Exchange, 8e éd., Toronto, Canada Law Book Inc., 1986, p. 1325 et 1326.

[20] Marreco v. Richardson, [1908] 2 K.B. 584, à la p. 593 (C.A.).

[21] Moody v. M.N.R., 57 DTC 1050, à la p. 1054 (C. de l'É.).

[22] Précitée, note 21.

[23] Précitée, note 22.

[24] Voir la décision Fowlis and Peat Marwick Ltd. v. M.N.R., 79 DTC 369 (C.R.I.), à la p. 372, au par. 5, où on renvoie aux décisions Frankish v. M.N.R., 56 DTC 178, et W. I. Sheper v. M.N.R., 55 DTC 31. Voir l'arrêt Piché v. M.N.R., 93 DTC 5295 (C.A.F.), aux p. 3 et 4 de la version électronique. Voir aussi la décision Kowalczyk v. M.N.R., 86 DTC 1552 (C.C.I.), à la p. 3, où on renvoie aux décisions Nourse v. M.N.R., 61 DTC 571, Frankish v. M.N.R., 56 DTC 178, Furk v. M.N.R., 59 DTC 205, et Johnston v. M.N.R., 51 DTC 226.

[25] Voir la décision Pantalons Star Laurierville Ltée v. M.N.R., 92 DTC 2182 (C.C.I.).

[26] Précitée, note 1.

[27] Précitée, note 1.

[28] Voir M. H. Ogilvie, Canadian Banking Law, deuxième édition, Scarborough, Carswell, 1998, p. 561, faisant référence à l'arrêt Raypath Resources Ltd. v. Toronto Dominion Bank (1995), 135 D.L.R. (4th) 261 (C.A. Alb.).

[29] Voir la Loi sur les lettres de change, S.R., ch. B-5, art. 16 et 22.

[30] Voir le Code criminel du Canada, par. 362(4).

[31] Précité, note 17.

[32] Précité, note 18.

[33] Précité, note 16.

[34] Précitée, note 25.

[35] Précitée, note 25.

[36] Voir, à cet égard, la décision Thermo King Corp. v. Provincial Bank of Canada, 1981 CarswellOnt 659, à la p. 7.

[37]CIP Inc. v. Toronto Dominion Bank, 1988 CarswellBC 914, par. 17, 55 D.L.R. (4th) 308.

[38] Précitée, note 1.

[39] Précitée, note 12.

[40] Précitée, note 12.

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