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Dossier : 2002-95(IT)G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE LILY BULLARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu par Mme la juge Diane Campbell à

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 5 mars 2004.

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me J. Andre Rachert

Avocat de l'intimée :

Me Ron D.F. Wilhelm

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est rejeté avec dépens conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2004.

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

Jacques DeschLnes, LL.B.


Référence : 2004CCI294

Date : 20040413

Dossier : 2002-95(IT)G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE LILY BULLARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel de la cotisation fiscale relative à l'année d'imposition 1997 établie à l'égard de la succession de Lily Bullard.

[2]      Il s'agit simplement de savoir si l'appelante a produit un formulaire concernant un choix valide relatif aux gains en capital avec sa déclaration de 1994, ce qui lui permettrait de se prévaloir de l'exemption pour gains en capital conformément au paragraphe 110.6(19) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi).

[3]      Aucun témoin n'a été cité. L'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimée ont soumis un exposé conjoint des faits et chacun a présenté une argumentation juridique à l'égard de la question. Étant donné que l'exposé conjoint des faits renferme un historique de la question, j'ai reproduit l'exposé en entier :

[TRADUCTION]

1.          Lily Bullard (Mme Bullard) était propriétaire d'une propriété située au 1826, 63e avenue ouest, Vancouver (Colombie-Britannique), (la propriété) du 1er janvier 1972 au 1er octobre 1987.

2.          La propriété avait initialement coûté 50 000 $ à Mme Bullard le 1er janvier 1972.

3.          La propriété a servi de résidence principale à Mme Bullard du 1er janvier 1972 au 31 août 1990.

4.          Mme Bullard a commencé à louer la propriété le 1er septembre 1990.

5.          Mme Bullard a déclaré un revenu de location à l'égard de la propriété dans sa déclaration de revenu de 1990 et a été autorisée à déduire de ce revenu divers montants, y compris la déduction pour amortissement.

6.          La propriété, qui servait de résidence principale, a fait l'objet d'un changement d'usage pour devenir un bien locatif le 1er septembre 1990.

7.          La juste valeur marchande de la propriété au 1er septembre 1990 était de 348 000 $.

8.          La juste valeur marchande de la propriété au 22 février 1994 était de 565 000 $.

9.          Mme Bullard a déclaré la propriété à titre de résidence principale dans sa déclaration de revenu de 1994.

10.        Dans sa déclaration de revenu de 1994, Mme Bullard a inclus une note dactylographiée (la note) dans laquelle elle faisait un choix en vertu du paragraphe 45(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) relativement à la propriété, dans le but de lui appliquer l'exemption pour résidence principale pendant les années 1990 à 1993.

11.        Dans sa déclaration de revenu de 1994, Mme Bullard a inclus un formulaire T2091 concernant la propriété, dans le but de demander l'exemption pour résidence principale en vertu de l'alinéa 40(2)b) de la Loi.

12.        Dans le formulaire T2091, les renseignements ci-après énoncés ont été donnés au sujet de la propriété :

a)          la propriété a été désignée comme résidence principale de Mme Bullard pendant 22 ans en tout;

            b)          le prix de base rajusté était de 50 000 $;

            c)          le produit de disposition réputé était de 546 800 $;

            d)          le gain en capital était de 496 800 $; et

            e)          le gain visé à l'alinéa 40(2)b) de la Loi n'était pas indiqué.

13.        En 1994, le formulaire prescrit lorsqu'un contribuable choisissait d'utiliser le reste de la déduction accrue pour gains en capital en vertu du paragraphe 110.6(19) de la Loi était le formulaire T664.

14.        Dans sa déclaration de revenu de 1994, Mme Bullard a inclus un formulaire T664 concernant la propriété (le formulaire).

15.        Dans le formulaire, les renseignements ci-après énoncés ont été donnés au sujet de la propriété :

            a)          le prix de base rajusté était de 50 000 $;

            b)          le produit de disposition désigné était de 546 800 $;

            c)          le gain en capital choisi n'était pas indiqué;

d)          sous le titre « autres biens » qui comprenait la propriété, le gain en capital total choisi était de zéro.

16.        En 1994, le fils de Mme Bullard, Richard, avait une procuration à l'égard des affaires de sa mère, étant donné l'état mental de cette dernière.

17.        À l'heure actuelle, on ne sait pas si Richard Bullard a signé et daté le formulaire pour le compte de Mme Bullard, mais il est probable qu'il l'ait fait.

18.        Selon le formulaire, le gain en capital choisi aurait été de 496 800 $ et le plafond annuel des gains de Mme Bullard ainsi que le plafond des gains cumulatifs pour l'année 1994 se seraient élevés à 75 p. 100 de ce montant, soit à 372 600 $.

19.        En 1994, le solde de la déduction accrue pour gains en capital dont Mme Bullard pouvait se prévaloir était de 75 000 $.

20.        Mme Bullard a vendu la propriété le 1er octobre 1997 pour la somme de 436 996 $.

21.        Dans sa déclaration de revenu de 1997, Mme Bullard a déduit une perte en capital de 88 004 $ à l'égard de la propriété en se fondant sur le fait :

            a)          que son coût était de 525 000 $; et

            b)          que le produit de disposition y afférent était de 436 996 $.

22.        Le 8 juin 1998, le ministre du Revenu national (le ministre) a initialement établi la cotisation relative à l'année d'imposition 1997 de Mme Bullard conformément à la déclaration que celle-ci avait été produite.

23.        Mme Bullard est décédée le 5 juin 1999.

24.        Au début de l'année 2001, l'appelante a demandé, dans la déclaration à la date du décès, un report prospectif de perte en capital nette à l'égard de la vente de la propriété, en 1997.

25.        Par conséquent, le ministre a entrepris une vérification de l'année d'imposition 1997 de Mme Bullard.

26.        Au moment de cette vérification, le ministre n'avait plus en sa possession la déclaration originale de revenu de 1994 de Mme Bullard, avec les pièces.

27.        Dans le cadre de cette vérification :

a)          le ministre a informé l'appelante qu'il n'acceptait pas le formulaire comme indiquant un choix valide en vertu du paragraphe 110.6(19) de la Loi;

b)          le ministre a procédé à une détermination de la juste valeur marchande de la propriété au 1er septembre 1990 et au 22 février 1994;

c)          l'appelante et le ministre ont convenu que la juste valeur marchande de la propriété au 1er septembre 1990 était de 348 000 $; et

d)          le 14 février 2001, l'appelante a envoyé au ministre un second formulaire T664 concernant la propriété (le second formulaire).

28.        Dans le second formulaire, les renseignements ci-après énoncés ont été donnés au sujet de la propriété :

            a)          le prix de base rajusté était de 348 000 $;

            b)          le produit de disposition désigné était de 546 800 $;

            c)          le gain en capital avant la réduction était de 198 800 $;

d)          la réduction pour un bien immeuble non admissible était de 113 600 $; et

            e)          le gain en capital choisi était de 85 200 $.

29.        Le second formulaire n'était pas daté et n'était pas signé par Mme Bullard ou par Richard Bullard.

30.        Le 4 juin 2001, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1997 de Mme Bullard en vue de refuser la perte en capital déclarée à l'égard de la disposition de la propriété au cours de cette année-là et a imposé un gain de 88 996 $ en se fondant sur le fait :

a)          que la juste valeur marchande de la propriété au 1er septembre 1990, soit la date du changement d'usage de la propriété en un bien locatif, et par conséquent, son coût, était de 348 000 $; et

b)          que le produit de la disposition de la propriété était de 436 996 $.

31.        Le 10 juillet 2001, l'appelante s'est opposée à la nouvelle cotisation établie par le ministre à l'égard de l'année d'imposition 1997 de Mme Bullard.

32.        Le 11 octobre 2001, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'année d'imposition 1997 de Mme Bullard.

La législation

[4]      Les faits de la présente affaire mettent en cause deux types de choix : le choix prévu au paragraphe 45(2) et le choix prévu au paragraphe 110.6(19). Lorsqu'un contribuable a disposé d'une immobilisation au cours d'une année d'imposition, le gain en capital, le cas échéant, est déterminé conformément à l'alinéa 40(1)a) de la Loi. Toutefois, le gain tiré de la disposition de la résidence principale du contribuable est exempté conformément à l'alinéa 40(2)b), à condition que la résidence ait été admissible à titre de résidence principale et ait ainsi été désignée pour les années pertinentes après 1971. Le formulaire T2091 doit être produit lorsque le contribuable choisit une exemption pour résidence principale conformément à l'alinéa 40(2)b).

[5]      Lorsqu'il y a un changement d'usage d'un bien, il y a disposition réputée du bien, en vertu de l'alinéa 45(1)a), suivie d'une nouvelle acquisition, aussitôt après, à un coût égal à la juste valeur marchande du bien. Le paragraphe 45(2) prévoit un moyen permettant au contribuable de faire un choix et d'éviter la règle du changement d'usage figurant à l'alinéa 45(1)a), de sorte que le bien continuera à être la résidence principale désignée du contribuable, sans conséquences fiscales immédiates :

[6]      Le paragraphe 45(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

Pour l'application de la présente sous-section et de l'article 13, lorsque le sous-alinéa (1)a)(i) ou l'alinéa 13(7)b) s'appliquerait par ailleurs au bien d'un contribuable pour une année d'imposition, le contribuable est réputé ne pas avoir commencé à utiliser le bien en vue de gagner un revenu, s'il fait un choix en ce sens relativement au bien dans la déclaration de revenu qu'il produit pour l'année en vertu de la présente partie; toutefois, s'il revient sur ce choix dans la déclaration de revenu qu'il produit pour une année d'imposition ultérieure en vertu de la présente partie, il est réputé avoir commencé à ainsi utiliser le bien le premier jour de cette année ultérieure.

[7]      Le paragraphe 45(2) permet au contribuable, à la suite d'un changement d'usage d'une résidence principale, de choisir d'être réputé ne pas avoir effectué le changement d'usage et de reporter tout gain à une année ultérieure. Un bien peut être admissible comme résidence principale d'un contribuable pour une période maximale correspondant à quatre années d'imposition pendant que le choix effectué en vertu du paragraphe 45(2) demeure en vigueur.

[8]      Le contribuable peut faire un choix en vertu du paragraphe 45(2) en présentant une lettre signée dans laquelle il déclare que le changement d'usage du bien est réputé ne pas s'être produit. La lettre doit être annexée à la déclaration du contribuable pour l'année où le changement d'usage a eu lieu. Selon le bulletin d'interprétation IT-120R6 (17 juillet 2003), le choix prévu au paragraphe 45(2) doit être effectué au moyen d'une lettre annexée à la déclaration du contribuable. Dans la décision Lo c. Canada,[1995] A.C.I. no 1504, le juge Sarchuk a confirmé que ce choix doit être fait au moyen d'une lettre signée.

[9]      Jusqu'au 22 février 1994, les contribuables avaient droit à une exonération cumulative des gains en capital de 100 000 $ (exprimée comme étant une déduction de 75 000 $ en vertu du paragraphe 110.6(3)). Lorsque cette exonération a été éliminée, le législateur fédéral a édicté le paragraphe 110.6(19), qui permettait aux contribuables de faire un choix spécial à l'égard des immobilisations acquises dont ils étaient encore propriétaires avant le 22 février 1994. Ce choix est appelé le choix final relatif à l'exonération des gains en capital (le choix final relatif aux gains en capital).

[10]     La partie pertinente de paragraphe 110.6(19) prévoit ce qui suit :

Sous réserve du paragraphe (20), dans le cas où un particulier (sauf une fiducie) ou une fiducie personnelle (appelés chacun « auteur du choix » au présent paragraphe et aux paragraphes (20) à (29)) fait un choix, sur formulaire prescrit, pour que les dispositions du présent paragraphe s'appliquent à l'un des biens ou entreprises suivants, les présomptions suivantes s'appliquent :

a)    s'il s'agit d'une immobilisation dont l'auteur du choix est propriétaire à la fin du 22 février 1994 (sauf une participation dans une fiducie visée à l'un des alinéas f) à j) de la définition de « entité intermédiaire » au paragraphe 39.1(1)), l'immobilisation est réputée, sauf pour l'application des articles 7 et 35 et du sous-alinéa 110(1)d.1)(ii) :

(i)     d'une part, avoir fait l'objet d'une disposition par l'auteur du choix à ce moment pour un produit de disposition égal au plus élevé des montants suivants :

(A)      le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A     représente le montant indiqué au titre de l'immobilisation dans le formulaire concernant le choix,

B     le montant qui serait inclus, en application des articles 7 ou 35, dans le calcul du revenu de l'auteur du choix par suite de la disposition, s'il s'agissait d'une disposition visée à ces articles.

(B)      le prix de base rajusté de l'immobilisation pour l'auteur du choix immédiatement avant la disposition,

(ii)    d'autre part, avoir été acquise de nouveau par l'auteur du choix immédiatement après ce moment à un coût égal à l'un des montants suivants :

[...]

(C) [...] le moins élevé des montants suivants :

(I)    le montant indiqué dans le formulaire concernant le choix,

(II) l'excédent éventuel de la juste valeur marchande de l'immobilisation à ce moment sur le résultat du calcul suivant :

A - 1,1B

où :

A     représente le montant indiqué dans le formulaire concernant le choix.

B     la juste valeur marchande de l'immobilisation à ce moment.

[...]

[11]     Ce choix spécial permet au contribuable de choisir d'utiliser tout montant restant de l'exonération cumulative des gains en capital de façon qu'elle ne soit pas pour toujours perdue. Le choix final relatif aux gains en capital exige qu'un contribuable désigne une immobilisation et choisisse une valeur pour cette immobilisation en utilisant le formulaire T664. Selon la disposition, le contribuable est alors réputé avoir disposé de l'immobilisation désignée et l'avoir acquise de nouveau pour la valeur choisie. Tout gain résultant de cette disposition réputée donnera lieu à un gain en capital imposable qui peut être compensé par le montant qu'il reste au contribuable au titre de l'exonération cumulative. Étant donné que le contribuable est réputé avoir acquis le bien pour la nouvelle valeur choisie, lorsqu'il y aura une disposition réelle de ce bien dans l'avenir, il y aura compensation entre le gain réalisé à ce moment-là et le montant choisi plutôt qu'entre le coût initial et le gain futur, ce qui entraînera une réduction de l'impôt payable. Des restrictions sont imposées à l'égard de la valeur choisie du bien. La valeur de disposition choisie par le contribuable ne doit pas être supérieure à la juste valeur marchande du bien le 22 février 1994 ou inférieure au prix de base rajusté (le PBR) le 22 février 1994. Si cette valeur est inférieure au PBR, le choix est invalide étant donné qu'une perte en capital serait créée. Le choix d'un montant supérieur à la juste valeur marchande est valide, mais il peut être assujetti à des pénalités.

[12]     Le paragraphe 110.6(20) énonce trois conditions, dont l'une doit être remplie pour que le choix relatif aux gains en capital soit valide en vertu du paragraphe 110.6(9).

[13]     La partie pertinente du paragraphe 110.6(20) prévoit ce qui suit :

Le paragraphe (19) ne s'applique au bien ou à l'entreprise de l'auteur du choix que dans les cas suivants :

a)    l'auteur du choix étant un particulier, sauf une fiducie :

(i)     soit l'application de ce paragraphe à l'ensemble des biens à l'égard desquels l'auteur du choix ou son conjoint a fait le choix prévu à ce paragraphe et à l'ensemble des entreprises à l'égard desquelles l'auteur du choix a fait pareil choix :

(A)         d'une part, donne lieu à une augmentation du montant déductible en application du paragraphe (3) dans le calcul du revenu imposable de l'auteur du choix ou de son conjoint,

(B)         d'autre part, pour chacune des années d'imposition 1994 et 1995 :

(I)    dans le cas où aucune partie du gain en capital imposable découlant d'un choix fait par l'auteur du choix n'est incluse dans le calcul du revenu de son conjoint, ne donne pas lieu au dépassement du montant déterminé selon l'alinéa (3)a) relativement à l'auteur du choix pour l'année par le moins élevé des montants déterminés quant à lui pour l'année selon les alinéas (3)b) et c).

(II) dans le cas où aucune partie du gain en capital imposable découlant d'un choix fait par l'auteur du choix n'est incluse dans le calcul de son revenu, ne donne pas lieu au dépassement du montant déterminé selon l'alinéa (3)a) relativement au conjoint de l'auteur du choix pour l'année par le moins élevé des montants déterminés quant au conjoint pour l'année selon les alinéas (3)b) et c).

(ii)    soit le montant indiqué relativement au bien dans le formulaire concernant le choix dépasse 11/10 de la juste valeur marchande du bien à la fin du 22 février 1994.

(iii) soit le montant indiqué relativement à l'entreprise dans le formulaire concernant le choix correspond à 1 $ ou dépasse 11/10 de la juste valeur marchande, à la fin du 22 février 1994, de l'ensemble des immobilisations admissibles dont l'auteur du choix est alors propriétaire dans le cadre de l'entreprise; [...]

Les faits tels qu'ils se rapportent aux dispositions pertinentes

[14]     Le 1er septembre 1990, la propriété de l'appelante, qui avait jusqu'alors été sa résidence principale, a changé d'usage lorsqu'elle est devenue un bien locatif (paragraphe 4 de l'exposé conjoint des faits). Dans sa déclaration de 1990, l'appelante a déclaré un revenu de location et a déduit divers montants, notamment la déduction pour amortissement (paragraphe 5 de l'exposé conjoint des faits).

[15]     En 1994, le cabinet comptable de l'appelante a tenté de présenter un choix en vertu du paragraphe 45(2), de façon que la propriété soit la résidence principale de l'appelante et que l'exemption pour résidence principale s'applique à la propriété pour les années 1990 à 1993 (paragraphes 9 et 10 de l'exposé conjoint des faits). Une note dactylographiée non signée dans laquelle ce choix était effectué pour la propriété, conformément au paragraphe 45(2), pour une période de quatre ans (de 1990 à 1993) était jointe à la déclaration de revenu de 1994.

[16]     Le formulaire T2091 était également inclus dans la déclaration de revenu de 1994 de l'appelante; on a produit ce formulaire en vue de choisir une exemption pour résidence principale conformément à l'alinéa 40(2)b). Dans ce formulaire, il était déclaré que la propriété avait servi de résidence principale pendant 22 ans, à savoir de 1972 à 1994. Le PBR indiqué dans le formulaire était de 50 000 $, le produit de disposition réputé était de 546 800 $ et le gain en capital était de 496 800 $, le gain visé à l'alinéa 40(2)b) étant laissé en blanc.

[17]     Un autre formulaire, le formulaire T664, qui est le formulaire prescrit en vertu du paragraphe 110.6(19), était joint à la déclaration de revenu de 1994. Ce formulaire visait à permettre à l'appelante de choisir d'utiliser son exemption finale relative aux gains en capital. Dans le formulaire T664, le PBR indiqué était de 50 000 $, le produit indiqué était de 546 800 $ et le gain en capital total choisi à l'égard des autres biens était nul. Les autres points du formulaire étaient laissés en blanc. La déclaration de 1994 a fait l'objet d'une cotisation telle qu'elle a été produite. Lorsque la propriété a été vendue en 1997, l'appelante a déduit une perte en capital de 88 004 $ dans sa déclaration de revenu de 1997. La perte n'a pas été utilisée en 1997. Mme Bullard est décédée en 1999. En 2001, l'appelante a déduit une perte en capital nette reportée prospectivement à l'égard de la vente conclue en 1997. Le ministre a alors procédé à une vérification et il a conclu que le choix effectué en 1994 en vertu du paragraphe 110.6(19) était invalide. Au mois de février 2001, un second formulaire T664 a été soumis conformément au paragraphe 110.6(19). Ce formulaire indiquait de nouveaux montants.

Position de l'appelante

[18]     L'appelante prend la position selon laquelle elle devrait avoir le droit de faire le choix conformément au paragraphe 110.6(19) parce que le formulaire T664 qui a été produit avec la déclaration de 1994 est valide et applicable.

[19]     L'appelante soutient qu'un choix effectué en vertu du paragraphe 110.6(19) est valide lorsqu'il est satisfait aux exigences suivantes :

(1)       l'une des trois conditions énoncées à l'alinéa 110.6(20)a) est remplie et

(2)       le choix est présenté sur formulaire prescrit (T664) et tous les champs fondamentaux du formulaire sont remplis de la façon appropriée.

[20]     L'appelante soutient que ces deux conditions sont remplies. En premier lieu, la condition énoncée au sous-alinéa 110.6(20)a)(i) a été remplie. L'appelante a examiné les calculs que comporte cette disposition et a soutenu que les deux éléments de la disposition sont présents, et ce, pour les raisons suivantes :

a)      étant donné que l'appelante n'avait pas utilisé l'exemption à laquelle elle avait droit, le choix a entraîné une augmentation de l'exonération des gains en capital de 100 000 $ en vertu du paragraphe 110.6(3), et

b)      étant donné que le plafond annuel des gains et le plafond des gains cumulatifs correspondent au gain en capital imposable et au montant de l'exemption, le moindre du plafond annuel des gains et du plafond des gains cumulatifs n'excède pas le reste de l'exemption par suite du choix.

[21]     L'appelante affirme que l'intimée a utilisé le mauvais PBR, soit celui qui était indiqué dans le premier formulaire T664 produit en 1994, afin de calculer ces plafonds et a ensuite conclu qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences des paragraphes 110.6(19) et 110.6(20). Si l'on avait utilisé le bon PBR afin de faire les calculs conformément au paragraphe 110.6(20), les plafonds et le montant calculé conformément à l'alinéa 110.6(3)a) de la Loi seraient les mêmes. Lorsque les trois montants sont les mêmes, il est satisfait aux exigences du paragraphe 110.6(20). L'appelante soutient que l'intimée ne saurait se fonder sur un mauvais PBR dans ces calculs en vertu de l'alinéa 110.6(20)a), lorsqu'elle a convenu avec elle que le bon PBR du bien est un autre montant. L'appelante s'est fondée sur les décisions Champagne c. R. [2003] 3 C.T.C. 2318 et Coastal Construction and Excavating Limited c. Sa Majesté la Reine [1996] 3 C.T.C. 2845 pour soutenir que l'approche que l'intimée a adoptée dans ce cas-ci n'est pas conforme à l'approche que le ministre avait adoptée dans ces affaires et qu'en utilisant un mauvais PBR, l'intimée se fondait sur une erreur commise dans une année prescrite pour lui refuser le choix visé au paragraphe 110.6(19) dans une année non prescrite.

[22]     En second lieu, l'appelante soutient qu'il est satisfait à l'autre condition à remplir pour qu'un choix soit valide, parce que le contribuable a produit le formulaire prescrit et que tous les champs fondamentaux ont été remplis d'une façon appropriée et exacte. L'appelante prend la position selon laquelle le paragraphe 110.6(19) prévoit l'inclusion des deux principaux éléments ou champs fondamentaux suivants dans le formulaire T664 :

(1)       le montant choisi par le contribuable, le produit désigné, qui est nécessaire pour que la disposition réputée et la nouvelle acquisition puissent avoir lieu, et

(2)       la désignation du bien par le contribuable.

Tout changement apporté à ces champs fondamentaux constituerait certes une modification apportée au formulaire plutôt qu'une simple correction. Les autres champs du formulaire ne sont pas fondamentaux et tout changement apporté à ces champs ne constituerait qu'une correction. Les deux champs fondamentaux ont été remplis d'une façon appropriée dans le premier formulaire T664 qui a été produit en 1994. Le montant indiqué était de 546 800 $ et le bien a été désigné [TRADUCTION] « conformément au formulaire T2091 » . Toutefois, dans le formulaire T664, un PBR de 50 000 $ était indiqué, ce qui était inexact. Étant donné que le PBR n'est pas un montant choisi, il s'agit d'un champ non fondamental. Le PBR est inclus uniquement en vue d'empêcher le contribuable de déduire une perte en capital. Dans le second formulaire T664 qui a été produit en 2001, le PBR indiqué était de 348 000 $, ce qui était exact. L'appelante a affirmé que ce changement, dans le second formulaire T664, en 2001, [TRADUCTION] « ne tirait pas à conséquence » parce que le fait de remplacer le PBR inexact (50 000 $) par le bon PBR (348 000 $) ne constitue qu'une correction plutôt que de constituer une modification. Tous les montants non choisis dans le formulaire T664 sont simplement des calculs fondés sur le bon PBR et sur le montant indiqué choisi du produit. Ces champs non fondamentaux, y compris le montant du PBR, sont simplement inclus pour plus de commodité. À l'appui de cette position, à savoir que les champs du formulaire T664 ne sont pas fondamentaux, sauf les deux champs mentionnés par l'appelante, l'article 32 de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. 11 (1er suppl.), a été invoqué. L'appelante a également mentionné la décision R. c. Langlois (1991), 35 M.V.R. (2d) 71, dans laquelle étaient énumérés les facteurs qu'il faut examiner pour déterminer si les différences ont pour effet d'invalider le formulaire.

[23]     En résumé, selon l'argument de l'appelante, l'utilisation du mauvais PBR dans le formulaire T664 de 1994 n'est pas une différence de fond parce que cela n'influait pas sur les montants choisis en vertu du paragraphe 110.6(19). La différence n'invalide pas le formulaire parce qu'elle n'influe pas sur le choix quant au fond. En indiquant le PBR exact dans le formulaire T664 de 2001, on apporte simplement une correction au premier formulaire plutôt qu'une modification. Le bien a été décrit et le montant indiqué est clair. Par conséquent, les deux champs fondamentaux du formulaire de 1994 sont remplis et le choix a été effectué. Le PBR ne fait pas partie du choix. En corrigeant le PBR, l'appelante n'effectue pas une planification fiscale rétroactive.

Position de l'intimée

[24]     La position de l'intimée est que le choix prévu au paragraphe 110.6(19) est incomplet et invalide compte tenu des erreurs contenues dans le formulaire. L'appelante n'a donc pas droit à la déduction pour gains en capital en vertu de cette disposition et elle a donc réalisé un gain en capital par suite de la vente du bien en 1997.

[25]     L'intimée soutient que le choix prévu au paragraphe 45(2) et le choix prévu au paragraphe 110.6(19) sont tous deux invalides. Le choix prévu au paragraphe 45(2) est invalide parce que l'appelante a choisi de déclarer un revenu de location et de demander certaines déductions, y compris la déduction pour amortissement, en 1990, de sorte qu'elle ne peut pas, en 1994, choisir de désigner le bien comme résidence principale.

[26]     L'intimée affirme que la tentative que l'appelante a faite pour compléter le choix prévu au paragraphe 45(2) à l'aide du formulaire T664 de 1994 en effectuant le choix prévu au paragraphe 110.6(19) a également échoué. Selon le libellé du paragraphe 110.6(19), le contribuable choisit sur formulaire prescrit que la disposition s'applique en entier. Cela va à l'encontre de l'argument de l'appelante selon lequel le contribuable choisit un montant comme produit de disposition en vertu de ce paragraphe. L'intimée soutient que tous les chiffres prescrits sont nécessaires pour qu'il soit possible de calculer un gain en vertu de la disposition. Le contribuable doit donc inclure le PBR dans le formulaire, de façon que le ministre sache si le PBR est supérieur au montant indiqué. L'intimée donne comme exemple la division 110.6(19)a)(i)(B), qui fixe le produit de disposition au PBR, s'il est supérieur au montant indiqué, en vue d'empêcher le contribuable de choisir de déclencher une perte, de sorte que le montant du PBR est un élément fondamental du formulaire.

[27]     Le formulaire T664 exige que le contribuable inscrive plus d'un chiffre pour le montant indiqué au titre du produit de disposition. Or, un certain nombre de montants étaient omis dans le formulaire T664 de 1994, y compris le montant relatif à l'immeuble non admissible et le montant choisi au titre du gain en capital. Ces montants sont fondamentaux et, puisqu'ils n'ont pas été inclus dans le formulaire T664 de 1994, le ministre ne pouvait pas accepter ce formulaire parce qu'il ne remplissait pas les conditions prévues aux paragraphes 110.6(19) et (20).

[28]     Le deuxième formulaire T664 qui a été produit en 2001 contient les montants manquants et le bon PBR, mais il ne peut pas être accepté parce qu'il a été produit après la date prévue aux fins de la présentation des formulaires modifiés. De plus, contrairement aux dires de l'appelante, ces chiffres ne sont pas simplement des corrections, mais il s'agit de modifications qui ont été faites après l'expiration du délai de prescription.

[29]     En résumé, le premier formulaire T664 ne renfermait pas un choix approprié, sur formulaire prescrit, puisque certains montants manquent et que tout changement apporté au montant du PBR est fondamental. Le deuxième formulaire T664 renferme un choix non acceptable qui a été effectué en retard.

Analyse

[30]     L'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimée s'entendaient sur les faits de la présente affaire. Les avocats s'entendent également sur la valeur correcte du PBR du bien. La question de savoir s'il est possible d'utiliser la valeur correcte du PBR pour effectuer les calculs conformément aux paragraphes 110.6(19) et 110.6(20) dépend de la validité des formulaires concernant le choix. Le problème qui se pose en l'espèce résulte du fait que les comptables ont clairement omis de remplir de la façon appropriée les formulaires exigés par ces dispositions. En 1990, lorsque Mme Bullard a commencé à louer sa résidence, ils ont décidé de déclarer un revenu de location et de déduire certains montants, y compris la déduction pour amortissement. Ils ont continué à traiter la résidence comme un immeuble locatif de 1990 à 1993, et ils n'ont pas fait de choix à l'égard du changement d'usage en vertu du paragraphe 45(2) afin de demander l'exemption pour résidence principale. Au mois de février 1994, les comptables ont changé d'idée et ils ont tenté de faire ce choix conformément au paragraphe 45(2) en vue d'isoler et de protéger le gain réalisé par l'appelante à l'égard du bien. Ils ont produit une brève note dactylographiée non signée indiquant que l'appelante choisissait, en vertu du paragraphe 45(2) , de continuer à utiliser le bien comme résidence principale pour les années 1990, 1991, 1992 et 1993. Les comptables ont également inclus un formulaire T2091 afin de demander une exemption pour résidence principale englobant les années 1990 à 1993.

[31]     Cette note ainsi que le formulaire T2091 représentent une tentative que les comptables ont faite en vain pour retourner aux années 1990 à 1993 en vue de demander une exemption pour résidence principale à l'égard d'un bien qu'ils traitaient d'une façon passablement claire comme un bien locatif. À l'onglet 15 du dossier de l'audience figurait une lettre en date du 11 avril 2001 adressée à l'ADRC dans laquelle le cabinet comptable, Parkes & Moysey, admettait ce qui suit :

[TRADUCTION] Nous sommes d'accord pour dire [...] que le choix prévu au paragraphe 45(2) qui a été effectué pour ce bien n'est pas valide et qu'il y a eu changement d'usage à compter du 1er septembre 1990, ce qui a donné lieu à une disposition réputée à cette date pour la juste valeur marchande du bien.

Indépendamment de cet aveu, je conclus que le choix que l'on a tenté de faire en 1994 conformément au paragraphe 45(2) est invalide et n'a aucun effet parce qu'il a tout simplement été présenté tardivement. Le paragraphe 45(2) traite du cas où le contribuable fait un choix relativement à un bien dans la déclaration de revenu qu'il produit pour l'année [...] (je souligne). Cela impose au contribuable la responsabilité de faire un choix ou de prendre une décision cette année-là. Étant donné qu'elle n'a pas fait ce choix dans sa déclaration de 1990, l'appelante ne peut pas le faire à une date ultérieure à cause du libellé du paragraphe 45(2). En d'autres termes, l'intimée soutient que l'appelante ne peut pas faire ce choix parce que le bien a été traité comme un bien locatif entre 1990 et 1993. Toutefois, je conclus que ce choix est invalide parce que le libellé du paragraphe 45(2) exige qu'un contribuable fasse le choix et présente le choix cette année-là et que l'appelante ne l'a pas fait. Si l'appelante avait produit un formulaire de la façon appropriée en 1990 en vue de demander l'exemption pour résidence principale, mais avait continué à traiter le bien comme un bien locatif, notamment en demandant la déduction pour amortissement, je crois que le choix aurait été valide, mais que l'appelante aurait tout simplement fait l'objet d'une nouvelle cotisation à un moment donné et n'aurait pas pu effectuer les déductions relatives à la location.

[32]     En plus d'avoir tenté de faire un choix en vertu du paragraphe 45(2) au moyen d'une note et du formulaire T2091, les comptables ont ensuite tenté de faire un choix (formulaire T664) en vertu du paragraphe 110.6(19). Ce choix permettrait à Mme Bullard d'utiliser toute déduction restante pour gains en capital qui, autrement, aurait disparu en 1994. Je crois que le cabinet comptable a produit un formulaire T664 en vertu du paragraphe 110.6(19) parce qu'il savait que sa tentative de faire le choix prévu au paragraphe 45(2) ne porterait pas fruit. Si la tentative avait porté fruit, le gain pour la résidence aurait été nul en 1994 et il aurait donc été complètement protégé.

[33]     Le paragraphe 110.6(19) traite du cas d'un contribuable qui choisit, sur formulaire prescrit, de faire appliquer les dispositions de la Loi. Au paragraphe 248(1) de la Loi, le mot « prescrit » est défini comme suit :

a)          Dans le cas d'un formulaire, de renseignements à fournir sur un formulaire ou de modalités de production ou de présentation d'un formulaire, autorisés par le ministre;

Cette définition donne à entendre que lorsqu'un contribuable décide de faire un choix, il doit fournir des renseignements sur un formulaire autorisé par le ministre. Il peut y avoir des conséquences fiscales très graves pour le contribuable selon qu'un choix est fait ou n'est pas fait en vertu de cette disposition. Dans un régime d'autocotisation, il incombe au contribuable de veiller à ce que le formulaire concernant le choix soit rempli d'une façon conforme à la disposition, sans que le ministre ait à faire inutilement des conjectures. Il incombe au contribuable de remplir le formulaire de telle façon que le ministre saura clairement quelle est son intention.

[34]     Le formulaire T664 de 1994 désignait le bien de l'appelante et indiquait un prix de base rajusté de 50 000 $, une juste valeur marchande au 22 février 1994 de 546 800 $ et un produit désigné de 546 800 $. Tous les autres points de ce formulaire étaient laissés en blanc ou encore la valeur indiquée était nulle. Il s'agit de savoir si ce formulaire renfermait suffisamment de renseignements pour qu'il soit possible de conclure que le choix était effectué sur formulaire prescrit pour l'application de la disposition, ce qui permettrait à l'appelante de demander la déduction des gains en capital en vertu du paragraphe 110.6(19). L'appelante et l'intimée s'entendent pour dire que le PBR de 50 000 $ est le mauvais montant et elles s'entendent pour dire que le montant indiqué aurait dû être de 348 000 $. Je ne retiens pas les arguments de l'appelante selon lesquels le PBR est quelque chose d'aussi élémentaire que le numéro d'assurance sociale du contribuable. Le PBR est clairement un chiffre important dans ce formulaire et, contrairement aux dires de l'appelante, il ne s'agit pas d'un chiffre ne tirant pas à conséquence. Il fait partie des renseignements fondamentaux nécessaires pour que le formulaire soit rempli correctement. L'appelante a raison de dire que le montant du PBR n'est pas un montant qu'un contribuable choisit, mais ce montant est déterminant à l'égard du montant choisi au titre des gains en capital et il peut être déterminant à l'égard de toute pénalité imposée en vertu des paragraphes 110.6(22) et (28). Le choix du montant du PBR que le contribuable effectue est un élément crucial d'information dans ce formulaire. Il s'agit d'un renseignement possédé par le contribuable et non par le ministre et il incombe au contribuable de veiller à ce que le bon montant soit obtenu et inclus dans le formulaire. À l'onglet 14 du dossier de l'audience figure une lettre que le cabinet comptable a envoyée à l'ADRC le 14 février 2001 ainsi que le formulaire révisé T664. Toute la lettre se rapporte au nouveau calcul du PBR du bien vendu en 1997. Les calculs sont fondés sur le bon PBR et des changements importants ont été apportés aux chiffres inscrits dans le formulaire T664 de 1994. Ces changements touchent au coeur du formulaire et ne peuvent pas être considérés comme autre chose que des renseignements fondamentaux cruciaux que le contribuable doit fournir au ministre.

[35]     L'appelante a soutenu que le formulaire renferme deux champs fondamentaux seulement, la désignation du bien et le produit désigné. Il s'agit de deux champs fondamentaux, mais le formulaire exige des calculs additionnels qui sont fondamentaux et qui, à coup sûr, « tirent à conséquence » . Si l'on examine le formulaire et que l'on tient compte du but visé, le contribuable choisit un gain en capital auquel une déduction pour gains en capital peut être imputée. Cela donne nécessairement à entendre plus qu'une désignation de bien et un montant pour le produit désigné. Ainsi, lorsque le produit de disposition est supérieur au montant indiqué, la division 110.6a)(i)(B) prévoit que le produit de disposition correspond au PBR. Bien sûr, cela assure que le contribuable ne choisit pas de déclencher une perte en capital. Il est tout simplement logique de conclure que le contribuable doit veiller à ce que le bon PBR soit inclus dans le formulaire, de façon que le ministre n'ait pas à faire de conjectures au sujet du traitement fiscal choisi par le contribuable.

[36]     Dans ce formulaire, on a également laissé en blanc le montant relatif à la réduction pour un immeuble non admissible. On peut encore une fois se demander si le contribuable voulait que le montant soit nul ou s'il voulait qu'un autre montant s'applique. Comment le ministre pouvait-il savoir si le contribuable voulait que le gain se rapporte en partie à un immeuble non admissible? La fraction non admissible est calculée par rapport au gain, multiplié par le nombre de mois pendant lesquels le contribuable était propriétaire du bien entre le 22 février 1992 et le 22 février 1994, divisé par le nombre total de mois pendant lesquels le contribuable a été propriétaire du bien. Il s'agit d'une formule mathématique pour laquelle le contribuable doit fournir les chiffres et renseignements nécessaires. Si certains renseignements manquent ou si le formulaire ne renferme pas tous les renseignements, on ne peut pas s'attendre à ce que le ministre connaisse ou devine ces chiffres. Dans le deuxième formulaire T664 qui a été produit en 2001, il y avait en fait une partie non admissible qui avait été remplie, de sorte qu'un montant de 113 800 $ avait été inclus. Le chiffre relatif à l'immeuble non admissible est clairement un élément fondamental du formulaire parce qu'il s'agit d'un facteur important dans le calcul du gain en capital choisi.

[37]     Certains des champs restants du formulaire T664 de 1994 sont laissés en blanc ou encore le chiffre zéro est inscrit. À l'étape 2, le calcul des gains en capital choisis (entités intermédiaires et autres biens) donne un résultat correspondant à zéro, alors qu'à l'étape 3, le calcul du gain en capital imposable choisi (entités intermédiaires et autres biens) donne un résultat correspondant à zéro. L'intimée a souligné qu'on ne savait pas trop si les comptables faisaient référence à ces chiffres lorsqu'ils ont tenté de procéder à un choix en vertu du paragraphe 45(2), lequel, s'il avait été accepté, aurait eu pour effet d'exempter le gain au titre d'une exemption pour résidence principale.

[38]     En fin de compte, on peut simplement se demander si l'appelante voulait que le gain en capital choisi soit de zéro ou si elle voulait qu'il soit de 496 800 $ (compte tenu du formulaire de 1994 dans lequel le montant indiqué pour le PBR était de 50 000 $ et le produit désigné était de 546 800 $).

[39]     Les renseignements restreints contenus dans ce formulaire ont pour effet de le rendre invalide. On ne saurait s'attendre à ce que le ministre fasse des conjectures et des suppositions. Il incombe au contribuable de faire un choix, sur formulaire prescrit, pour que les dispositions en question s'appliquent et cela veut dire qu'il faut inclure des renseignements suffisants et exacts, de façon que le ministre sache quel est le traitement fiscal envisagé par le contribuable compte tenu de ce formulaire.

[40]     L'appelante et l'intimée ont chacune mentionné l'article 32 de la Loi d'interprétation et, si je comprends bien, elles conviennent que cette disposition prévoit fondamentalement que les vices de forme sont acceptables alors que les vices de fond ne le sont pas. Toutefois, elles ne s'entendent pas sur les renseignements qui touchent le fond, dans le formulaire T664. Je crois fermement que cette disposition est destinée à assurer qu'un formulaire continuera à être valide lorsqu'il y a uniquement un vice de forme. Toutefois, pour les motifs qui ont été énoncés, les vices en l'espèce touchent au coeur même du formulaire T664 et ont une incidence fondamentale. Lorsque les éléments nécessaires fondamentaux sont en totalité ou en partie absents dans un formulaire prescrit, ou lorsque le contribuable fournit des renseignements inexacts, le formulaire sera considéré comme invalide et inapplicable en vertu de la disposition pertinente.

[41]     Le deuxième formulaire T664 qui a été produit en 2001 ne peut pas servir à corriger les vices de fond du formulaire T664 de 1994, et ce, indépendamment du fait que le formulaire n'est pas daté et n'est pas signé. Ce deuxième formulaire constituait encore une fois une tentative que les comptables avaient faite pour modifier le formulaire de 1994 défectueux quant au fond. L'appelante a soutenu que le formulaire produit en 2001 visait simplement à corriger le formulaire de 1994. Les changements apportés aux chiffres indiqués dans le deuxième formulaire sont bien loin de constituer de simples corrections. Le deuxième formulaire indiquait le bon PBR, de 348 000 $; il indiquait un gain en capital avant réduction de 198 800 $ (à cause des calculs); il indiquait un montant de 113 600 $ pour l'immeuble non admissible, et il indiquait un gain en capital imposable choisi de 63 900 $ à l'étape 4. Tous les renseignements susmentionnés étaient différents des renseignements contenus dans le premier formulaire et tous ces renseignements sont fondamentaux. De plus, le second formulaire, en 2001, a été produit bien après l'expiration du délai de prescription. Comme le juge Rip l'a signalé dans la décision Succession Stuart c. R., [2003] 3 C.T.C. 2232 (CCI), les modalités de révocation et de modification d'un choix sont restreintes et rigoureuses. Le premier formulaire ne pouvait pas être validé par le second formulaire en 2001, étant donné que ce dernier formulaire visait à modifier plutôt qu'à corriger le formulaire de 1994, et ce, bien des années après l'expiration du délai de prescription.

[42]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'avril 2004

« Diane Campbell »

Juge Campbell

Traduction certifiée conforme

Jacques DeschLnes, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2004CCI294

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-95(IT)G

INTITULÉ :

Succession de Lily Bullard

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 5 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

Madame la juge Diane Campbell

DATE DU JUGEMENT

le 13 avril 2003

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me J. Andre Rachert

Avocat de l'intimée :

Me Ron D.F. Wilhelm

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat de l'appelante :

Nom :

J. Andre Rachert

Cabinet :

Dwyer Tax Lawyers

Victoria (Colombie-Britannique)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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