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Référence : 2004CCI158

Date : 20040616

Dossiers : 2002-2649(IT)I

2002-2652(IT)I

ENTRE :

ROLANDE MASLANKA,

JOHN MASLANKA,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l'audience le 13 janvier 2004 à Montréal (Québec)

et modifiés pour plus de clarté.)

Le juge Archambault

[1]      Les appelants contestent des cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991. En ce qui a trait à l'année 1990, le ministre a refusé des crédits d'impôt à l'investissement (CII) relativement à des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (dépenses de recherche) engagées au cours de l'année par une prétendue société de personnes, la Société de recherche Incotel enr. (Incotel). Quant à l'année 1991, le ministre a ajouté un gain en capital imposable au revenu des appelants. Toutefois, les seuls motifs invoqués dans les avis d'appel n'ont trait qu'au refus des CII et le débat à l'audience n'a porté que sur ces CII.

[2]      Il est important de mentionner que le ministre n'a pas refusé les pertes d'entreprise déduites par les appelants dans le calcul de leurs revenus provenant d'Incotel. C'est uniquement les CII attribuables aux dépenses de recherche engagées par Incotel qui ont été refusés.

[3]      Le droit des appelants aux CII dépend ici de la détermination si une véritable société de personnes a été formée qui exploitait une entreprise au moment pertinent[1]. Si tel est le cas, leur droit dépend alors de l'application du paragraphe 127(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). Ce paragraphe dispose essentiellement qu'un associé d'une société de personnes peut déduire un montant de CII correspondant au pourcentage approprié que représente sa part des dépenses de recherche engagées par la société. Toutefois, les associés qui sont des « associés déterminés » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi n'ont pas droit aux CII relatifs à ces dépenses.[2] La définition d' « associé déterminé » se trouve au paragraphe 248(1) de la Loi :

« associé déterminé » s'entend, dans un exercice financier ou une année d'imposition, selon le cas, d'une société, de tout associé qui :

a)          soit est commanditaire ou assimilé de la société, au sens du paragraphe 96(2.4), à un moment de l'exercice ou de l'année;

b)          soit, de façon régulière, continue et importante tout au long de la partie de l'exercice ou de l'année où la société exploite habituellement son entreprise :

(i)          ne prend pas une part active dans les activités de l'entreprise de la société, sauf dans celles qui ont trait au financement de l'entreprise de la société, ou

(ii)         n'exploite pas une entreprise semblable à celle que la société exploitait au cours de l'exercice ou de l'année, sauf à titre d'associé d'une société.[3]

[Je souligne.]

[4]      Tel que l'indique le soulignement, ce sont les deux alinéas a) et b) de cette définition qui posent problème ici. Au début de l'audience, j'ai demandé aux appelants d'admettre ou de nier la véracité des faits tenus pour acquis par le ministre lorsqu'il a établi la cotisation de chacun des appelants. Comme ces faits sont essentiellement les mêmes dans les deux appels, je ne reproduirai que ceux apparaissant dans la réponse à l'avis d'appel de madame Rollande Maslanka :

a.          La soi-disant société en nom collectif « Société de recherche Incotel enr. » (ci-après « La Société » ) aurait été créée au cours de l'année 1990. Il existe une convention de société datée du 7 septembre 1990, sur laquelle apparaît les noms de Maurice Bougie (gestionnaire) et Jacques Doyon (secrétaire);

b.          La Société aurait recueilli 670 000 $ de la part de 40 soi-disant sociétaires;

c.          La Société a utilisé deux comptes bancaires soient [sic] à la Caisse populaire des Sources et au Trust La Laurentienne;

d.          Le compte bancaire de la Caisse populaire a été ouvert le 28 décembre 1990. Il a fait l'objet d'un retrait de 208 000 $ équivalent à son solde en date du 9 janvier 1991. Ce compte est devenu inopérant en janvier 1991 et il a été fermé pour inactivité le 8 février 1994;

e.          Les états financiers de la Société produits par l'appelante avec sa déclaration d'impôt 1990, indique des revenus bruts nuls et une perte nette de 663 373 $;

f.           Un document joint à la déclaration d'impôt de l'appelante pour l'année 1990 indique que cette dernière aurait fait l'acquisition de 16 000 unités de 1 $ pour un coût total de 15 841,76 $;

g.          L'appelante réclamait lors de la production de sa déclaration d'impôt pour l'année 1990 une perte d'entreprise de 13 782 $ et un montant de crédit d'impôt à l'investissement de 2 756,47 $;

h.          Un contrat a été accordé par la Société à la compagnie « Les Systèmes de communication Incotel ltée » . Par ce contrat la Société mandate la compagnie pour un projet sensé [sic] être de la recherche pour un montant entre 420 000 $ et 1 000 000 $. Ce contrat est signé le 15 février 1990 par Maurice Bougie pour la Société et par Serge Doyon pour la compagnie « Les systèmes de communication Incotel ltée » . La durée du contrat était du 15/02/90 au 31/12/90;

i.           L'organigramme apparaissant ci-dessous démontre les actionnaires de la compagnie « Système de communication Incotel inc. » ;

j.           Une convention d'achat daté du 24 mai 1991, indique que la compagnie « Les systèmes de communication Incotel » payera 301 500 $ pour l'achat des parts et de la technologie par l'émission de chèques remis directement à chaque sociétaire pour cet achat. Cette convention d'achat a été signée par Maurice Bougie pour la compagnie « Les systèmes de communication Incotel ltée » et par Jacques Doyon pour la Société;

k.          Le montant payé pour l'achat des participations correspond à 45% du montant sensé [sic] avoir été investi par les présumé [sic] sociétaires;

l.           Les chèques versés aux sociétaires pour l'achat de leur participation ont été faits en date du 10 janvier 1991;

m.         Les fonds sont tirés d'un compte bancaire de la compagnie « Les systèmes de communication Incotel ltée » situé à la Caisse populaire des Sources;

n.          Le projet présenté par la Société a été évalué par un conseiller scientifique de Revenu Canada qui a estimé que le projet rencontrait les critères stipulés au paragraphe 2900(1) des règlements de la Loi de l'impôt sur le revenu;

o.          Le conseiller scientifique a toutefois établi qu'une partie des dépenses réclamées n'étaient pas admissibles parce que non reliées directement à la recherche.

[5]      Les appelants ont indiqué ne pas être en mesure d'admettre ni de nier la véracité de ces alinéas (sauf les alinéas a) et n), qu'ils ont admis), et ce, en raison de leur ignorance des faits y énoncés.

[6]      La preuve présentée lors de l'audience indique que, lorsqu'on a fait la promotion de la souscription de participations dans Incotel, on a fait miroiter aux investisseurs potentiels de généreuses déductions fiscales attribuables à deux éléments importants : la déduction de pertes relatives à des dépenses de recherche et la déduction de CII se rapportant à ces dépenses. On leur a mentionné de plus qu'ils pourraient faire un bénéfice non seulement grâce à ces déductions fiscales, mais également grâce à la disposition de leur participation dans Incotel pour un produit égal à 45% de leur coût d'achat. Cette disposition devait survenir quelques semaines après leur investissement dans Incotel. En tenant compte de tout cela, on pouvait s'attendre à réaliser un bénéfice d'environ 10%.

[7]      Toute cette preuve a été fournie par un des investisseurs dans Incotel, un monsieur Davignon, qui a indiqué qu'il avait réalisé un bénéfice d'au moins 910 $, qu'il a calculé de la façon suivante. Comme il avait emprunté pour financer l'achat de sa participation, dont le coût était de 10 000 $, le total de ses débours en capital et intérêts s'est élevé à 10 588,29 $. Si on ajoute au produit de la vente de sa participation qu'on lui avait fait miroiter, soit 4 420 $, ses économies d'impôt fédéral et provincial de 3 384 $ et de 3 694 $, on arrive à un total de 11 498 $. La différence entre 11 498 $ et 10 588 $ donne le montant de 910 $. Or, monsieur Davignon a reçu lors de la vente de sa participation 80 $ de plus que le chiffre qu'il a utilisé dans ses calculs. En fait, il a reçu, selon le chèque qui a été déposé en preuve, un montant de 4 500 $ qui correspond exactement à 45% de son investissement initial de 10 000 $.

[8]      Monsieur Davignon a confirmé qu'avant même d'investir la somme de 10 000 $ dans Incotel, il savait que 45% de cette somme lui serait remise lors de la vente de sa participation, prévue pour quelques semaines plus tard. Dans les faits, il a acquis sa participation le 6 décembre 1990 et, dès le 16 janvier 1991, il déposait à sa caisse populaire le produit de disposition de cette participation, produit qu'il a reçu sous forme de chèque daté du 10 janvier 1991, tout comme chacun des chèques payables aux 39 autres associés d'Incotel. Ces 40 chèques totalisant 300 825 $ ont été tirés sur un compte qu'avait à la caisse populaire Systèmes de communication Incotel inc. (Communication). Cette somme a été constituée de deux dépôts dans ce compte: le premier, de 207 225 $, a été fait le 18 décembre 1990, et le deuxième, de 93 600 $, le 9 janvier 1991. Elle représente 45% des sommes totalisant 668 500 $ déposées les 28 et 31 décembre 1990.

[9]      Fait fort déconcertant, on a déposé en preuve un contrat de mandat en date du 15 février 1990, intervenu entre Incotel et Communication, en vertu duquel Communication devait engager des dépenses de recherche pour le compte d'Incotel. Or, le contrat de société d'Incotel n'a été signé que le 7 septembre 1990, soit sept mois après la date du contrat de mandat. En outre, les états financiers d'Incotel au 31 décembre 1990 fournis à ses prétendus associés et joints aux déclarations de revenus des appelants indiquent qu'Incotel est une société en nom collectif qui a été formée le 7 septembre 1990.

[10]     Lors de son témoignage, monsieur Davignon a affirmé ne pas se souvenir d'avoir participé à quelque réunion que ce soit entre le moment de son investissement le 6 décembre 1990 et le moment de la disposition de sa participation le 9 janvier 1991. Il a confirmé qu'il n'avait eu aucune intention à ce moment-là de faire partie d'une société de personnes, ni d'exploiter une entreprise. Son but était de réaliser le bénéfice décrit précédemment par le mécanisme des « retours d'impôt » et du remboursement de 45% de son coût d'achat.

[11]     Dans leurs témoignages, les appelants ont essentiellement corroboré la version des événements présentée par monsieur Davignon. Cette version correspondait aux événements qu'ils avaient vécus eux-mêmes, sauf que les appelants, en particulier madame Maslanka, avaient participé à au moins deux de trois réunions. Madame Maslanka se rappelait avoir probablement rempli un questionnaire lors de ces réunions, mais elle a été incapable de reconnaître le questionnaire en blanc que le procureur de l'intimée lui a montré lors de son interrogatoire. Elle se rappellait avoir visité des installations dans le cadre de ces réunions, mais n'a pu se rappeler ni l'adresse de ces installations ni le quartier de Montréal où elles se trouvaient. Elle croyait qu'on pouvait lui avoir relaté les progrès du programme de recherche. Les appelants ont reconnu qu'ils avaient probablement été incités à investir dans Incotel par leur conseiller en planification.

[12]     Les chèques représentant le produit de la vente de leur participation dans Incotel sont datés du 10 janvier 1991. Le chèque de 7 200 $ payable à madame Rolande Maslanka porte le numéro 11, et celui de 6 750 $ payable à monsieur John Maslanka porte le numéro 10.

[13]     Les faits déconcertants ne manquent pas dans ces appels. Il faut ajouter celui-ci. Quoiqu'il semble que tous les associés ont vendu à Communication leurs prétendues participations dans Incotel vers le 15 janvier 1991[4], il y a un contrat de vente en date du 24 mai 1991 entre Incotel (décrite comme le vendeur) et Communication (décrite comme l'acheteur), en vertu duquel Communication faisait l'acquisition des « parts des participants » d'Incotel ainsi que de « tous les plans, documentation, codes, sources, librairies, concepts, prototypes et logiciels » . Comment Incotel pouvait-elle vendre des parts qui appartenaient aux associés? De plus, comme tous les associés avaient vendu à Communication leur participation dans Incotel vers le 15 janvier 1991, Incotel ne pouvait plus exister en droit comme société de personnes après cette date, puisqu'une seule personne détenait toutes les participations dans Incotel.[5] Ce serait donc vers le 15 janvier 1991 (et non le 24 mai 1991) que Communication serait devenue propriétaire de tous les biens appartenant prétendument à Incotel, et notamment de tous les droits que pouvait posséder Incotel dans la recherche qu'elle aurait (peut-être) financée par le contrat de mandat du 15 février 1990 (alors qu'elle n'existait pas encore!)[6].

[14]     Autre fait, qui n'étonne plus (étant donné tous les faits curieux déjà mentionnés) : on trouve, parmi les accords d'achat individuels en date du 24 mai 1991 pour l'achat par Communication des participations dans Incotel, celui concernant l'achat de la participation d'un monsieur Émond pour 20 000 $, alors que ce montant représente en réalité le coût d'achat initial pour celui-ci. Tel que le révèle la pièce I-12, le montant qu'il a reçu s'élevait plutôt à 9 000 $. La même constatation s'impose à l'égard de l'accord d'achat relatif à la participation de monsieur Pierre Huot. On y indique un prix d'achat de 10 000 $, alors que le chèque qui lui a été remis vers le 15 janvier 1991 est d'un montant de 4 500 $. Donc, les accords d'achat qu'on a signés ne semblent pas non plus refléter adéquatement la réalité juridique des opérations intervenues entre les différents acteurs de cette saga, pas plus que ne le font les autres documents auxquels j'ai déjà fait référence.

Analyse

Inexistence juridique d'Incotel

[15]     Comme je l'ai mentionné plus haut (voir la note 1), pour que les appelants puissent déduire des CII, ils doivent avoir engagé des dépenses de recherche « en rapport avec une entreprise » . Or, les appelants ne sont que des salariés. Une façon légitime de leur « créer » une telle entreprise aurait été de les faire investir dans une société de personnes véritable qui exploitait une entreprise véritable[7]. Dans la mesure où la société engage des dépenses de recherche « en rapport avec » son entreprise et que ses associés ne sont pas des associés déterminés, les associés peuvent déduire des CII relatifs à de telles dépenses. Par conséquent, la première condition à laquelle les appelants doivent satisfaire ici est celle d'avoir été associés d'une société qui exploitait une entreprise.

[16]     L'ensemble des faits mis en preuve soulève un sérieux doute quant à l'existence d'Incotel comme société de personnes. Tout d'abord, selon la documentation préparée par les promoteurs de ce « fiasco » , cette prétendue société n'existait même pas au moment où elle aurait donné un mandat à Communication au mois de février 1990. Elle n'a été constituée que le 7 septembre 1990. Les dépenses engagées avant cette date ne l'auraient été peut-être que pour Maurice Bougie, qui prétendait agir pour une société de personnes n'ayant aucune existence.

[17]     En outre, je ne crois même pas que sept mois plus tard, soit le 7 septembre 1990, Incotel a été validement formée. À mon avis, la conclusion à laquelle est arrivé le juge en chef Garon dans McKeown c. R., 2001 CarswellNat 811, 2001 DTC 511 (fr.), [2001] 4 C.T.C. 2197 (angl.), 2001 CarswellNat 1726 (engl.), par. 393 s'impose également ici :

393       De la preuve, je conclus que les investisseurs en cause ne recherchaient que l'obtention d'avantages fiscaux importants et qu'ils n'ont jamais manifesté l'intention de travailler en commun à la poursuite d'activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Bref, ils n'avaient pas l'intention de constituer une véritable société.

[18]     Le témoignage de monsieur Davignon est très révélateur : il n'a jamais eu l'intention d'investir dans une société de personnes. Il n'était intéressé que par la déduction de ses pertes fiscales et des CII, c'est-à-dire par ses « retours d'impôt » . L'ensemble de la preuve porte plutôt à croire que le prétendu contrat de société n'a été qu'un mécanisme pour transmettre à Communication l'argent nécessaire pour financer ses dépenses de recherche[8]. Dès le départ, il était prévu que quelques semaines après leur mise de fonds pour financer le projet de recherche, on achèterait aux associés leur participation, et c'est ainsi que cela s'est passé. Vers le 15 janvier 1991, on a acheté la participation de chacun des associés et, dès ce moment-là, Incotel n'avait plus de raison d'être. Ajoutons que, même si elle constituait une société selon le Code civil du Bas-Canada, Incotel n'a exploité aucune entreprise au sens de la Loi, et ce, pour les mêmes motifs que ceux que je viens d'énoncer.

[19]     Si cette conclusion est bien fondée, il faudra conclure que les deux appelants n'avaient droit ni aux CII ni aux pertes d'Incotel qu'ils ont déduites, pertes dont le ministre leur a pourtant accordé la déduction. Comme les dépenses de recherche qui ont été engagées en 1990 par Communication n'étaient reliées à aucune entreprise des appelants (qui n'en exploitaient aucune puisqu'ils étaient des salariés) ou d'une société de personnes (car la prétendue société Incotel n'en a exploité aucune), elles ne peuvent être déduites en vertu de l'article 37 de la Loi. Toutefois, cette Cour n'a aucune compétence pour augmenter les impôts des appelants et, par conséquent, elle ne peut que confirmer la cotisation du ministre.

Les appelants sont des associés déterminés.

[20]     Même si, contrairement à ce que je crois, Incotel constituait une société de personnes qui a exploité une entreprise, les appelants n'auraient pas plus droit aux CII parce qu'ils étaient en 1990 des associés déterminés au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, et cela, non seulement parce qu'ils n'avaient pas de façon régulière, continue et importante pris une part active dans les activités d'Incotel, mais aussi en raison du fait qu'ils étaient chacun un « commanditaire ou assimilé » . C'est au paragraphe 96(2.4) de la Loi qu'on trouve la définition de cette expression, définition qui se lisait comme suit :

96(2.4) Commanditaire ou assimilé. Pour l'application du présent article et des articles 111 et 127, le contribuable qui est, à une date donnée, un associé commanditaire d'une société en commandite ou associé d'une autre société de personnes est commanditaire ou assimilé de cette société si son intérêt dans celle-ci n'est pas, à cette date, un intérêt exonéré au sens du paragraphe (2.5) et si, à cette date ou dans les trois ans suivants,

a)          sa responsabilité comme associé est limitée par la loi qui régit le contrat de société;

b)          le contribuable ou une personne avec qui il a un lien de dépendance a le droit de recevoir un montant ou avantage visé à l'alinéa (2.2)d) abstraction faite des sous-alinéas (2.2)d)(ii) et (vi);

c)          il est raisonnable de considérer que le contribuable qui a l'intérêt en question existe, entre autres,

(i)          pour limiter la responsabilité d'une autre personne, liée à cet intérêt, et

(ii)         non pour permettre à une personne qui a un intérêt chez le contribuable d'exploiter son entreprise - à l'exclusion d'une entreprise de placements - de la manière la plus efficace; ou

d)          il existe une convention ou un autre mécanisme prévoyant la disposition d'un intérêt dans la société et dont il est raisonnable de considérer qu'un des principaux objets consiste à tenter de soustraire le contribuable à l'application du présent paragraphe.

[Je souligne.]

[21]     Il est utile de se référer à nouveau aux propos du juge en chef Garon dans la décision McKeown,qui sont toujours pertinents :

406       Dans le présent cas, eu égard aux faits de cette affaire, il ne me paraît nécessaire que de considérer l'application de l'alinéa 96(2.4)b). Cet alinéa renvoie à l'alinéa 96(2.2)d) tout en commandant toutefois de faire abstraction des sous-alinéas 96(2.2)d)(ii) et 96(2.2)d)(vi).

407       La partie pertinente de l'alinéa 96(2.2)d) de la Loi se lit ainsi :

96(2.2) Pour l'application du présent article ... la fraction à risques de l'intérêt d'un contribuable dans une société dont il est commanditaire ou assimilé à une date donnée correspond à l'excédent éventuel du total:

. . . . .

d)          le montant ou l'avantage que le contribuable ... a le droit, immédiat ou futur et conditionnel ou non, de recevoir - sous forme de remboursement, compensation, garantie de recettes, produit de disposition ou autre - et qui est accordé en vue de supprimer ou réduire l'effet d'une perte dont le contribuable serait tenu en tant qu'associé de la société ou du fait qu'il a un intérêt dans la société ou qu'il en dispose, sauf si ... ce droit résulte:

. . . . .

(iv)        d'une convention permettant au contribuable de disposer de son intérêt dans la société pour un montant qui ne dépasse pas sa juste valeur marchande - déterminée indépendamment de la convention - à la date de la disposition.

Si on lit les alinéas 96(2.4)b) et 96(2.2)d) (avec la restriction dans le cas de l'alinéa 96(2.2)d) que je viens d'indiquer) il s'ensuit qu'un associé est assimilé à un associé commanditaire lorsqu'il possède, à la date en question ou dans les trois ans qui suivent, un droit de recevoir sous une forme quelconque un montant ou un avantage visé à l'alinéa 96(2.2)d), si ce montant ou cet avantage est accordé « en vue de supprimer ou réduire l'effet d'une perte dont le contribuable serait tenu en tant qu'associé de la société ou du fait qu'il a un intérêt dans la société ou qu'il en dispose » .

408           Selon l'intimée, l'appelant avait un tel droit puisqu'il « était prévu et planifié, au moins tacitement, que les investisseurs disposeraient de leurs parts à un montant fixe supérieur à la juste valeur marchande de celles-ci, déterminé d'avance indépendamment de la valeur à la date de disposition » .

[Je souligne.]

[22]     Pour inciter les personnes à investir dans Incotel, on leur avait dit que leur participation serait achetée pour un montant égal à 45% de celui de leur investissement, et c'est ce qui s'est produit. D'ailleurs la lettre du 14 janvier 1991 le mentionne expressément : « Pour faire suite à votre investissement dans [Incotel], tel que convenu lors de votre souscription, vous trouverez en annexe un chèque représentant votre droit de premier refus[9], équivalant à 45% du montant investi. » [Je souligne.] Tous ont vendu leur participation à ce prix. Aucun des accords d'achat produits lors de l'audition ne contient une clause d'ajustement de prix qui aurait pu s'appliquer si la juste valeur marchande de la participation avait été inférieure à 45% du prix payé; s'il y avait eu une telle clause, l'entente aurait bénéficié de l'exclusion que l'on trouve au sous-alinéa 96(2.2)d)(iv) de la Loi. Par conséquent, comme chacun des appelants avait droit à un avantage qui lui avait été accordé « en vue de supprimer ou réduire l'effet d'une perte dont [il] serait tenu en tant qu'associé de la société ou du fait qu'il a un intérêt dans la société ou qu'il en dispose » , ils étaient des commanditaires ou assimilés et des associés déterminés.

[23]     En plus d'être des associés déterminés en raison de leur statut de commanditaires ou assimilés, ils l'étaient du fait qu'ils n'ont pas pris une part active de façon régulière, continue et importante dans les activités d'Incotel. Leur seule participation a consisté à assister à deux réunions où, dans une tentative dérisoire d'établir qu'ils ont pris une telle part active dans les activités d'Incotel, on leur a fait remplir un questionnaire que madame Maslanka n'a même pas été capable de reconnaître. Je n'ai aucune hésitation à conclure, comme l'a fait le juge en chef Garon dans McKeown, au paragraphe 424, que la participation des appelants aux activités de la prétendue société « n'était que symbolique et artificielle » . D'ailleurs, comme les appelants n'avaient pratiquement aucune connaissance des activités d'Incotel, ils ont été incapables d'admettre la presque totalité des faits relatifs à cette prétendue société qu'a tenus pour acquis le ministre dans sa réponse à chacun des avis d'appel.


[24]     Pour tous ces motifs, les appels des appelants sont rejetés.

Signé à Ottawa, Ontario, ce 16e jour de juin 2004.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :

2004CCI158

No DES DOSSIERS

DE LA COUR :

2002-2649(IT)I

2002-2652(IT)I

INTITULÉS DES CAUSES :

Rolande Maslanka et la Reine

John Maslanka et la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

13 janvier 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

21 janvier 2004

DÉCISION RENDUE

ORALEMENT :

le 13 janvier 2004

MOTIFS RÉVISÉS DU JUGEMENT :

le 16 juin 2004

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

les appelants eux-mêmes

Avocat de l'intimée :

Me Anne-Marie Boutin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Comme il appert de la note suivante, pour que les appelants aient droit aux CII, il est crucial que les dépenses de recherche soient « en rapport avec une entreprise » des appelants. Or, les appelants étaient de simples salariés qui n'exploitaient aucune entreprise par eux-mêmes. Les déclarations de revenus des appelants, produites sous les cotes I-13 et I-14, n'indiquent que des revenus d'emploi. La seule entreprise possible est celle d'Incotel. Ils pourraient avoir droit aux CII s'ils étaient associés d'une société de personnes qui, elle, exploitait une entreprise et que les dépenses de recherche étaient « en rapport avec [cette] entreprise » . Toutefois, d'autres conditions doivent être remplies : il faut notamment qu'ils aient été des associés non-déterminés.

[2]           Ce paragraphe dispose :

127(8) Crédit d'impôt à l'investissement d'un associé. Lorsque, dans une année d'imposition donnée d'un contribuable associé d'une société, un montant serait déterminé à l'égard de la société - si celle-ci était une personne et si son exercice financier était son année d'imposition - pour l'année d'imposition de celle-ci se terminant au cours de l'année donnée, en vertu :

a)          soit de l'alinéa a) de la définition de « crédit d'impôt à l'investissement » , au paragraphe (9) - abstraction faite du sous-alinéa a)(iii) de cette définition et, si le contribuable est un associé déterminé de la société dans l'année d'imposition de celle-ci, abstraction faite du sous-alinéa a)(ii) de cette définition -

b) [...];

la partie de ce montant qu'il est raisonnable de considérer comme la part du contribuable doit être ajoutée dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement du contribuable à la fin de l'année donnée.

            Le sous-alinéa (9)a)(ii) dipose ce qui suit à l'égard de la définition de CII :

« crédit d'impôt à l'investissement » « crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable » à la fin d'une année d'imposition s'entend de l'excédent, s'il en est, du total:

a)          de l'ensemble des montants dont chacun représente le pourcentage déterminé :

[...]

(ii)         d'une dépense admissible que le contribuable a faite dans l'année, ou

[...]

            Le paragraphe (9) définit une « dépense admissible » ainsi :

« dépense admissible » s'entend d'une dépense pour recherches scientifiques et développement expérimental qu'un contribuable a faite après le 31 mars 1977 et qui est admissible à titre de dépense visée à l'alinéa 37(1)a) ou au sous-alinéa 37(1)b)(i), à l'exclusion :

[...]

            La dépense visée à l'alinéa 37(1)a) est :

37         Recherches scientifiques et développement expérimental.

(1)         Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d'une année d'imposition peut, en produisant un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits avec sa déclaration de revenu en vertu de la présente partie pour l'année, déduire dans le calcul du revenu qu'il tire de cette entreprise pour l'année un montant qui ne dépasse pas la fraction éventuelle du total des montants suivants :

a)          le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu'il a faite au cours de l'année ou d'une année d'imposition antérieure se terminant après 1973

(i)                   pour des recherches scientifiques et du développement expérimental effectués au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

[...]

[Je souligne.]

[3]           La version anglaise de ce texte est encore plus claire :

"specified member" of a partnership in a fiscal period or taxation year of the partnership, as the case may be, means

(a)         any member of the partnership who is a limited partner (within the meaning assigned by subsection 96(2.4)) of the partnership at any time in the period or year, and

(b)         any member of the partnership, other than a member who is

(i)          actively engaged in those activities of the partnership business which are other than the financing of the partnership business, or

(ii)         carrying on a similar business as that carried on by the partnership in its taxation year, otherwise than as a member of a partnership,

on a regular, continuous and substantial basis throughout that part of the period or year during which the business of the partnership is ordinarily carried on and during which the member is a member of the partnership;

[4]           Comme en fait foi les chèques produits en preuve (pièce I-12) et la lettre de transmission de ces chèques en date du 14 janvier 1991 (pièce I-9).

[5]           Tous les chèques sont datés du 10 janvier 1991 et celui payable à monsieur Davignon a été déposé dans son compte à la caisse populaire le 16 janvier 1991. Si Incotel a jamais existé comme société de personnes, elle a cessé d'exister dès qu'elle n'a compté qu'un seul associé. Pour qu'une société de personnes existe en droit, il faut un minimum de deux associés puisque la société est un contrat entre au moins deux personnes. Selon l'ancien Code civil du Bas-Canada (C.c.B.C.), la réunion de toutes les parts sociales entre les mains d'un seul associé emportait la dissolution de la société, contrairement à ce qu'édicte l'article 2232 du nouveau Code civil du Québec (C.c.Q.) en vigueur depuis 1994. Voici les commentaires du ministre concernant cet article (déposés à l'automne 1991 devant la sous-commission chargée de l'étude du projet de loi) :

Cet article est de droit nouveau. S'il maintient la condition antérieure, essentielle à toute société, de l'existence d'au moins deux associés, il retarde toutefois, temporairement, les conséquences découlant de ce qu'une telle condition vient à défaillir, de façon à accorder à l'associé restant un délai pour intéresser un ou plusieurs nouveaux associés.

                                                                        [Je souligne.]

[6]           De façon manifeste, les promoteurs d'Incotel ne savaient pas ce qu'ils faisaient : tout cela ressemble à du travail, sinon de charlatans, à tout le moins d'incompétents.

[7]           Contrairement à ce qui est le cas en common law, il n'est pas nécessaire en droit civil qu'une société exploite une entreprise. Il suffit que la société ait été formée « pour le bénéfice commun des associés » (art. 1830 C.c.B.C.). Cela est encore plus clair à l'art. 2186 C.c.Q., qui dispose qu'un « contrat de société est celui par lequel les parties conviennent [...] d'exercer une activité, incluant celle d'exploiter une entreprise » . Voici les commentaires du ministre à ce sujet :

De plus la notion d'exploitation d'une entreprise, plus large que celle d'exploitation d'un commerce, est définie à l'article 1525. Il est à remarquer qu'il s'agit là d'une notion qui n'épuise pas l'ensemble des activités possibles d'une société, de sorte que certains groupements constituent de véritables sociétés, sans pour autant exploiter une entreprise, tels les groupes de placement dans des valeurs mobilières pour ne donner qu'un exemple.

[8]           C'est d'ailleurs elle qui est devenue la propriétaire des droits dans la recherche.

[9]           Un projet d'entente non signé produit sous la cote I-10 accorde à Communication un droit de premier refus « sur le bien qui sera issu du contrat de placement no ­­­___ , de [Incotel]. Le prix de vente sera équivalent à la juste valeur marchande telle qu'elle sera établie après le 31 décembre 1990. » L'objet de cette entente ne porte donc pas sur les participations dans Incotel.

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