Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI221

Date : 20040430

Dossier : 2000-1992(IT)G

ENTRE :

BRADLEY HOLDINGS LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario), le 21 janvier 2004.

Le juge Bonner, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'une demande d'autorisation concernant la modification de la réponse modifiée à l'avis d'appel dans un appel en matière d'impôt sur le revenu ainsi que d'une demande visant l'obtention d'une réparation corrélative.

[2]      La réponse modifiée a été déposée le 13 juin 2003. La demande est régie par l'article 54 des Règles qui est ainsi libellé :

Une partie peut modifier son acte de procédure, en tout temps avant la clôture des actes de procédure, et subséquemment en déposant le consentement de toutes les autres parties, ou avec l'autorisation de la Cour, et la Cour en accordant l'autorisation peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

[3]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation établissant l'impôt à payer à l'égard d'un gain en capital imposable réalisé par l'appelante lors de la disposition, au mois d'octobre 1997, d'actions d'Ascent Holdings Inc. Je crois que tel est le nom de la société. Ce nom figure sur certains documents et je suppose qu'il est exact.

[4]      Les actions en question constituent des biens canadiens imposables. L'appelante est une filiale possédée en propriété exclusive par Mid-Ocean Investments Limited, société qui a été constituée aux Bermudes. Ses actions semblent appartenir à des personnes qui résident aux Bermudes seulement; la société semble également être gérée et contrôlée depuis cet endroit.

[5]      L'appelante a été constituée à Malte au mois de juin 1994 en tant que société non résidante à fin non commerciale. Au mois de juin 1996, elle est devenue, en vertu de la législation de Malte, une société à responsabilité limitée résidante. À la suite de la disposition des actions d'Ascent, au mois d'octobre 1997, l'appelante a produit une déclaration de revenu canadienne dans laquelle elle déclarait le gain provenant de la disposition. L'appelante a pris la position selon laquelle le gain n'était pas assujetti à l'impôt canadien conformément au paragraphe 13(5) de la Convention fiscale conclue entre le Canada et la République de Malte, lequel est ainsi libellé :

Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont imposables que dans l'État contractant dont le cédant est un résident.

[6]      L'intimée ne soutient pas que l'appelante résidait au Canada. Elle affirme qu'étant donné que l'appelante est devenue une société à responsabilité limitée résidante en vertu de la législation de Malte, l'obligation fiscale de celle-ci à l'égard de l'opération en question, en vertu de la législation de Malte, a été sensiblement réduite ou a été éliminée.

[7]      L'intimée cherche à faire modifier le paragraphe 7 de la réponse modifiée, de façon qu'il soit libellé comme suit - et je me reporte au paragraphe 7 figurant dans la pièce A jointe à la lettre du 19 janvier de M. William - l'intimée cherche à faire modifier la réponse modifiée, a) en invoquant comme question à trancher un nouvel alinéa 21h) libellé comme suit :

[traduction]

Subsidiairement encore, l'appelante devrait se voir refuser les avantages prévus par la Convention compte tenu d'une règle générale anti-abus qui est inhérente aux conventions;

et

b) en invoquant comme motif un nouveau paragraphe 34 libellé comme suit :

[traduction]

Il est soutenu que l'appelante a abusé de la Convention pour le motif :

a) qu'elle a tenté de donner l'impression qu'elle n'était plus exclue des avantages prévus par la Convention en vertu du paragraphe 28(4);

b) qu'elle a tiré parti, d'une façon illégitime, des avantages prévus par la Convention en s'établissant à Malte alors qu'elle cherchait uniquement à acheminer le revenu revenant aux résidents des Bermudes; et

c) qu'elle a tenté de tirer parti de la Convention non en vue d'éviter la double imposition, mais plutôt en vue de bénéficier d'une double non-imposition, c'est-à-dire à n'être assujettie à l'impôt dans aucun des deux États contractants.

[8]      L'avocat de l'appelante s'est opposé à la modification du paragraphe 7 tel qu'elle avait initialement été proposée par l'intimée dans l'avis de requête pour le motif que cette modification était vague et incompréhensible; cet argument était certes valable. Je ne comprenais pas cette modification. L'avocat de l'intimée a ensuite soumis, par la lettre du 19 janvier, la nouvelle version précitée.

[9]      L'avocat de l'appelante s'est opposé à l'ajout de l'alinéa 21h) et du paragraphe 34 pour le motif qu'ils soulevaient un nouveau fondement de cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation au sens du paragraphe 152(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. À cet égard, l'avocat s'est fondé sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Continental Bank of Canada, 1998 DTC 6501.

[10]     L'avocat de l'appelante a en outre soutenu que l'appelante a le droit d'être indemnisée à l'égard des frais occasionnés par cette demande de modification fort tardive. Il a souligné qu'on avait déjà déposé un avis d'appel, une réponse et une réplique, ainsi qu'une réponse modifiée. Il y a ensuite eu des interrogatoires préalables et l'on a préparé des mémoires destinés à être utilisés au cours de la conférence préparatoire à l'audience qui, avant le dépôt de la présente requête, devait avoir lieu aujourd'hui. La modification pourrait entraîner le dépôt d'une réplique modifiée et des interrogatoires préalables supplémentaires. Il est certain que des modifications seront apportées aux mémoires relatifs à la conférence préparatoire à l'audience. L'octroi de l'autorisation nécessitera l'ajournement de cette conférence préparatoire et de l'audition de l'appel.

[11]     Les principes généraux applicables aux modifications apportées aux actes de procédure sont fort bien établis. Dans l'arrêt La Reine c. Canderel Limited, 93 DTC 5357, le juge d'appel Décary a dit ce qui suit à la page 5360 :

[...] même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

En ce qui concerne l'injustice causée à l'autre partie, je ne puis qu'adopter, comme l'a fait le juge Mahoney dans l'arrêt Meyer [(1985), 62 N.R. 70 (C.A.)] les propos suivants de lord Esher dans l'arrêt Steward v. North Metropolitan Tramways Company (1886), 16 Q.B.D. 556 (C.A.), à la page 558 :

[...] Il n'y a pas d'injustice si la partie adverse peut être indemnisée au moyen d'une adjudication de dépens; cependant, si la modification aurait pour effet de placer la partie adverse dans une position telle qu'elle doive en subir un préjudice, elle ne doit pas être faite.

[12]     Je mentionnerai également la décision Visx Inc. c. Nidek Co. et al. (1998), 234 N.R. 94.

[13]     En principe, il semble donc clair que l'intimée devrait être autorisée à effectuer la modification demandée, même si elle a lambiné en cherchant à trouver une justification à l'égard de la cotisation. La modification lui permettra d'avancer devant la Cour l'argument selon lequel la Convention renferme intrinsèquement une règle générale anti-abus interdisant que l'on se fonde sur la Convention eu égard aux circonstances de l'espèce.

[14]     À mon avis, l'intimée ne cherche pas à invoquer un nouveau fondement de cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, contrairement à ce qui est dit dans l'arrêt Continental Bank, précité. Il est vrai que le délai a expiré dans ce cas-ci, mais en effectuant les modifications auxquelles l'appelante s'oppose, l'intimée cherche uniquement à avancer un nouvel argument à l'appui de la position qu'elle a toujours prise, à savoir que l'appelante n'a pas droit à un abri en vertu de la Convention conclue entre le Canada et la République de Malte. Or, c'est précisément ce que l'intimée a le droit de faire en vertu du paragraphe 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[15]     On ne laisse pas ici entendre que l'appelante ne peut pas soumettre les éléments de preuve qui peuvent être nécessaires pour régler la question des modifications.

[16]     Quant à l'arrêt Continental Bank, il n'y a rien d'utile à ajouter aux remarques que j'ai faites aux paragraphes 13 à 17 des motifs que j'ai prononcés dans l'affaire Smith Kline Beecham Animal Health Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2000 DTC 1526.

[17]     L'intimée peut donc déposer et signifier une réponse modifiée à deux reprises comme on l'a demandé. Pour plus de certitude, il est à noter que le paragraphe 7 doit être libellé sous la forme susmentionnée. Il est également à noter, compte tenu des remarques que je viens de faire, que la pièce B jointe à la lettre du 19 janvier 2004 de M. William, le paragraphe 27 corrigé, doit être sous la forme qu'a ce paragraphe dans la réponse modifiée à deux reprises.

[18]     Quant aux frais et dépens, les principes généraux sont énoncés à l'article 147 des Règles de la présente cour. Les alinéas 3g) et i) ont ici une importance particulière. En règle générale, les frais et dépens sont adjugés à la partie qui a gain de cause en tant que frais entre parties. Or, l'octroi des frais et dépens sur cette base n'est pas destiné à indemniser la partie qui a gain de cause. L'appelante cherche ici à obtenir des frais et dépens correspondant à une indemnité à l'égard des frais inutilement engagés par suite de la modification.

[19]     M. Silver signale que la présente poursuite a été engagée il y a plus de trois ans. Le litige porte sur la modification d'une réponse qui a déjà été modifiée. La forme de la réponse modifiée à deux reprises qui est jointe à l'avis de requête n'est pas la même que celle de la réponse modifiée à deux reprises que l'intimée a cherché à déposer il y a quelques semaines seulement. Au cours de l'audition de la présente requête, l'intimée a jugé nécessaire de chercher à apporter des modifications additionnelles au paragraphe 7 de la réponse modifiée à deux reprises, de façon que celui-ci soit compréhensible. À la suite de l'audition de la requête visant la modification, vendredi dernier, M. Silver a cherché à éclaircir le libellé sous la forme d'un paragraphe 27 corrigé. Tout cela est arrivé à la suite des interrogatoires préalables et à un moment où l'affaire était apparemment sur le point d'être entendue et où la date d'audience avait été fixée.

[20]     Selon le principe sous-tendant l'adjudication des frais et dépens entre parties, les frais et dépens ne devraient sans doute pas constituer un fardeau trop lourd pour la partie perdante. Je reconnais également qu'une partie qui agit d'une façon raisonnable peut être obligée de modifier ses actes de procédure si l'enquête effectuée au cours de la phase de préparation de l'affaire ou si les réponses données lors des interrogatoires préalables font voir l'affaire sous un nouveau jour. De telles modifications sont selon moi normales et habituelles. Toutefois, dans ce cas-ci, rien de la sorte n'est invoqué dans l'affidavit qui a été déposé à l'appui de la requête. Quant à moi, il semble que la modification soit nécessaire simplement parce que l'intimée a omis d'analyser sa preuve d'une façon appropriée en temps opportun. Tout cela aurait dû être fait bien avant le dépôt de la présente demande de modification. À mon avis, les circonstances de l'espèce satisfont au critère préliminaire de la conduite scandaleuse et outrageante qui s'applique à l'adjudication des frais et dépens sur la base avocat-client. Les frais de la présente requête et les frais inutilement engagés seront adjugés sur cette base.

[21]     J'ai ici un projet d'ordonnance. Il y a deux façons de procéder. Je ne veux plus de retards. Vendredi dernier, il a été question d'un échéancier, et je voudrais qu'il soit respecté. Je crois que l'appelante y a bien droit. L'affaire a commencé il y a près de quatre ans. Au mois de mai, cela fera quatre ans. Je vais donc lire le projet et j'aimerais que l'on fasse des commentaires. Je sais qu'il est peut-être malheureux que je n'aie pas de projet écrit à vous remettre. Je pourrais également vous demander de préparer une ordonnance en vertu de l'article 169 des Règles, d'obtenir l'approbation de l'appelante et de régler ainsi l'affaire, mais je veux mettre le mécanisme en marche.

PROJET D'ORDONNANCE LU PAR LE JUGE BONNER :

L'intimée ayant présenté une demande en vue d'obtenir :

a) une ordonnance accordant l'autorisation de modifier la réponse modifiée à l'avis d'appel;

b) une ordonnance prorogeant le délai dans lequel les interrogatoires préalables pourront être menés;

c) une ordonnance abrégeant le délai dans lequel la présente requête peut être déposée, conformément à l'article 12 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) et;

d) toute autre ordonnance que la Cour estime indiquée;

Les affidavits de David Poore et de John Tepelenas ayant été lus et l'intimée ayant modifié le libellé des paragraphes 7 et 27 de la réponse modifiée à deux reprises proposée;

La Cour ordonne ce qui suit :

1) l'intimée aura la faculté de déposer et de signifier, au plus tard le 26 janvier 2004, une réponse modifiée à deux reprises à l'avis d'appel sous la forme indiquée dans la pièce jointe à l'avis de requête, sauf pour les paragraphes 7 et 27, qui doivent être modifiés, de façon à être tels qu'ils sont énoncés dans la lettre du 19 janvier de M. Williams;

2) l'appelante aura droit aux frais raisonnables et appropriés de la présente requête, sur la base avocat-client, et ce, quelle que soit l'issue de la cause, ces frais devant inclure

a) les frais de préparation d'une réplique le cas échéant;

b) les frais des interrogatoires préalables supplémentaires et de production de documents le cas échéant;

c) les frais de révision du mémoire relatif à la conférence préparatoire à l'audience de l'appelante;

3) l'appelante aura la faculté de déposer et de signifier une réplique à la réponse modifiée à deux reprises au plus tard le 5 février de l'année en cours;

4) les interrogatoires préalables supplémentaires, le cas échéant, devront être achevés au plus tard le 11 février 2004;

5) les exposés de la preuve en interrogatoire principal que les experts entendent établir, comme l'exige l'article 145 des Règles, seront déposés et signifiés au plus tard le 17 février 2004;

6) les mémoires relatifs à la conférence préparatoire à l'audience seront déposés et signifiés au plus tard le 19 février 2004;

Le même jour que la date limite applicable aux mémoires relatifs à la conférence préparatoire à l'audience. Les mémoires relatifs à la conférence préparatoire à l'audience seront déposés et signifiés au plus tard le 17 février 2004. S'il s'avère nécessaire de remanier le projet, j'entendrai les commentaires des parties sur ce point;

7) une conférence préparatoire à l'audience, en vertu de l'article 126 des Règles, sera tenue au 200, rue King ouest, bureau 902, Toronto, à 9 h 30, le 24 février 2004;

8) cet appel est inscrit au rôle de la Cour canadienne de l'impôt pour être entendu dans la salle 902, au 200, rue King ouest, Toronto (Ontario), le mercredi 24 mars 2004, la durée prévue de l'audience étant de trois jours.

Signé à Toronto (Ontario), ce 30e jour d'avril 2004.

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.