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Dossier : 2003-4443(IT)I

ENTRE :

MICHEL LEFRANÇOIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 24 août 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Christian Néron

Avocate de l'intimée :

Me Emmanuelle Faulkner

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de septembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI587

Date : 20040907

Dossier : 2003-4443(IT)I

ENTRE :

MICHEL LEFRANÇOIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) concernant les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Les avis de cotisation pour les années concernées ont été établis selon la méthode de l'avoir net.

[2]      Les cotisations datées du 22 septembre 2003 pour les années 1998, 1999 et 2000 sont fondées sur les hypothèses de fait suivantes :

REVENUS NON DÉCLARÉS

a)          dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000, l'appelant a déclaré les revenus totaux suivants :

Année

1998

1999

2000

Revenu total

7 273 $

8 326 $

9 124 $

b)          au cours des années d'imposition en litige, l'appelant exploitait une entreprise opérant sous le nom de Garage Michel Lefrançois (ci-après, l' « entreprise » );

c)          au cours des années d'imposition en litige, l'appelant était le seul à opérer son entreprise;

d)          l'appelant achetait et vendait des véhicules depuis une quinzaine d'années;

e)          l'appelant ne facturait pas ses clients;

f)           une vérification des revenus et dépenses de l'appelant a été effectuée par une vérificatrice du ministre pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000;

g)          la vérificatrice a choisi d'employer la méthode de vérification indirecte du calcul de l'écart par avoir net pour les raisons suivantes :

i)            la tenue des livres et registres était déficiente;

ii)           il y avait eu achat d'actifs importants durant la période vérifiée compte tenu des faibles revenus déclarés par l'appelant;

h)          par la méthode de l'avoir net, la vérificatrice a déterminé que l'appelant avait omis d'inclure dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000, les montants suivants (voir détail en annexe II) :

Description

1998

1999

2000

Revenus nets

d'entreprise

Gain en capital

imposable

Total

19 395 $

         0 $

19 395 $

4 440 $

13 500 $

17 940 $

9 895 $

       0 $

9 895 $

Actifs à court terme

i)           l'appelant avait deux comptes bancaires pour lesquels les soldes à la fin de chacune des années, étaient les suivants :

Description

1997

1998

1999

2000

Caisse populaire

de l'Ange-Gardien

Caisse populaire

de Beauport

Total

10 837 $

1 396 $

12 233 $

6 $

      843 $

849 $

1 159 $

2 262 $

3 851 $

935 $

(10 $)

925 $

j)           la vérificatrice du ministre a fait une analyse des transactions effectuées aux comptes de l'appelant;

k)          au début de la vérification, l'appelant a mentionné à la vérificatrice du ministre qu'il conservait des sommes d'environ 1 000 $ à 1 500 $ à la maison;

l)           la vérificatrice a donc considéré l'argent en main à 1 500 $ pour chacune des années 1997, 1998, 1999 et 2000;

m)         aucune justification probante n'aurait permis à la vérificatrice, d'allouer d'avantage à titre d'argent en main pour chacune des années mentionnées au paragraphe précédent;

Bateau Cris-Craft

n)          en 1985, l'appelant a acheté un bateau « Cris-Craft » usagé, pour la somme de 5 000 $;

o)          le 26 mars 1999, l'appelant a acheté un campeur « Triple E - Regency C675X 1989 » et a cédé en retour une remorque avec le bateau « Cris-Craft » ;

p)          sur la base de l'information fournie, la vérificatrice du ministre a déterminé le prix de vente du bateau à 23 000 $;

q)          la vérificatrice du ministre avait déterminé un gain en capital imposable de 13 500 $ [(23 000 $ - 5 000 $) x 75 %];

r)           l'appelant a mentionné qu'il avait lui-même réparé le bateau;

s)          l'agent des oppositions a estimé à 9 000 $ le coût des pièces achetées pour réparer le bateau, et a augmenté le prix de base rajusté du bateau à 14 000 $;

t)           le gain en capital imposable réalisé a donc été déterminé à 6 750 $ [(23 000 $ - 14 000 $) x 75 %];

Camion Pick-up Chevrolet

u)          le 4 juin 1997, l'appelant a acheté un camion Pick-up Chevrolet;

v)          la vérificatrice du ministre avait estimé le coût du camion à 23 000 $;

w)         l'appelant a produit à l'agent d'opposition, copie de la facture d'achat du camion;

x)          l'agent des oppositions a augmenté à 25 867 $ le prix d'achat du camion pour tenir compte des taxes de vente;

y)          le camion a été vendu en 1999 au prix de 19 000 $;

z)          une perte de 4 000 $ a été déterminée par la vérificatrice du ministre;

aa)        suite aux informations fournies à l'agent des oppositions, la perte subie par l'appelant en 1999 a été corrigée à 6 867 $;

Voiture Oldsmobile 1994

bb)        le 16 février 1998, l'appelant a acheté une voiture Oldsmobile 1994;

cc)        selon l'information fournie, la vérificatrice du ministre avait estimé le coût de la voiture à 13 500 $;

dd)        l'appelant a produit à l'agent des oppositions, copie de la facture d'achat de la voiture;

ee)        l'agent des oppositions a augmenté à 14 953 $ le prix d'achat de la voiture pour tenir compte des taxes de vente;

Campeur « Triple E - Regency »

ff)          l'appelant a acheté un campeur « Triple E - Regency C675X 1989 » dont la date de livraison était le 26 mars 1999;

gg)        l'appelant a payé au vendeur un montant de 8 000 $ et a cédé en retour une remorque avec le bateau « Cris-Craft » pour lesquels le vendeur a crédité un montant de 20 999 $;

hh)        la vérificatrice du ministre avait estimé le coût du campeur à 30 995 $;

ii)          l'appelant a produit à l'agent des oppositions, copie de la facture d'achat du campeur;

jj)          l'agent des oppositions a réduit à 29 950 $ le prix d'achat du campeur sur la base de l'information fournie par l'appelant;

kk)        le 25 juillet 2000, le campeur a été échangé pour un campeur Catalina;

ll)          une perte de 3 995 $ avait été déterminée par la vérificatrice du ministre;

mm)      suite aux informations fournies à l'agent des oppositions, la perte subie par l'appelant en 2000 a été corrigée à 2 950 $;

Campeur Catalina 1990

nn)        le 25 juillet 2000, l'appelant a échangé le campeur « Triple E - Regency » 1989 contre un campeur Catalina 1990;

oo)        la vérificatrice du ministre a évalué à 27 000 $, le prix d'achat du campeur Catalina;

pp)        comme l'appelant avait payé au vendeur un montant de 8 000 $ en plus de la remorque et du bateau « Cris-Craft » pour lesquels le vendeur avait crédité un montant de 20 999 $, l'agent des oppositions a évalué à 28 999 $, le prix d'achat du Campeur Catalina;

Dépenses d'essence

qq)        sur la base des informations obtenues, la vérificatrice du ministre avait estimé les montants suivants à titre de dépenses d'essence, relativement aux différents véhicules motorisés utilisés par l'appelant pour usage personnel :

Description

1998

1999

2000

Oldsmobile 1994

Pick-up S-10

Bateau Cris Craft

Autres

Total

2 340 $

609 $

4 540 $

       0 $

7 489 $

2 340 $

148 $

0 $

2 080 $

4 568 $

2 340 $

0 $

0 $

3 580 $

5 920 $

rr)         suite aux informations supplémentaires fournies à l'agent des oppositions, les modifications suivantes ont été apportées aux dépenses d'essence mentionnées au paragraphe précédent :

Description

1998

1999

2000

(Diminutions)

Oldsmobile 1994

Bateau Cris Craft

Autres

Total

(3 210 $)

(2 270 $)

       0 $

(5 480 $)

(3 210 $)

0 $

(1 040 $)

(4 250 $)

(3 210 $)

0 $

(2 938 $)

(6 148 $)

ss)         les faits indiqués aux alinéas 30. s), 30. t), 30. w), 30. x), 30. aa), 30. dd), 30. ee), 30.ii), 30. jj), 30. mm), 30. pp) et 30. rr) ont été tenus pour acquis pour la première fois en établissant les nouvelles cotisations du 22 septembre 2003 pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000.

PÉNALITÉS FÉDÉRALES POUR NÉGLIGENCE

31.        Lors des nouvelles cotisations du 22 février 2002, le ministre a appliqué des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, relativement aux revenus additionnels établis à partir de l'avoir net, de 19 395 $ en 1998 et de 9 895 $ en 2000, pour les raisons suivantes :

a)     les revenus non déclarés de 19 395 $ en 1998 et de 9 895 $ en 2000 par rapport aux revenus bruts, s'avéraient suffisamment importants pour que l'appelant ne plaide l'ignorance quant aux omissions commises sur ses déclarations de revenus ou l'existence de faux énoncé;

b)    les revenus déclarés s'avéraient relativement faibles par rapport au niveau de vie de l'appelant;

c)     bien que l'appelant ne connaissait pas très bien les questions fiscales, il était en mesure de se renseigner;

d)    l'appelant était le seul à opérer son entreprise;

e)     la tenue des livres était quasi inexistante et aucun système de classement n'existait pour ce commerce, aucune facture n'était émise pour les ventes et la majorité des pièces justificatives pour l'achat de pièces automobiles n'existaient pas.

32.        Lors des nouvelles cotisations du 22 septembre 2003, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi ont été réduites en conséquence des changements apportés par l'agent des oppositions; elles se sont donc appliquées sur des augmentations nettes de revenus de 14 918 $ pour l'année d'imposition 1998, et de 5747 $ pour l'année d'imposition 2000.

[3]      Les questions en litige consistent à déterminer, dans un premier temps, si le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) était justifié d'ajouter aux revenus de l'appelant les montants suivants :

1998

1999

2000

14 918 $

6 750 $

5 747 $

[4]      Dans un deuxième temps, le tribunal devra déterminer si les pénalités étaient justifiées.

[5]      Au début de l'audition, le procureur de l'appelant a indiqué au tribunal que la preuve de l'appelant ciblerait principalement la question de l'encaisse au début de la période, soit en 1997.

[6]      L'appelant a ainsi expliqué avoir eu en caisse à ce moment un montant de plus ou moins 107 328,71 $, constitué des composantes suivantes :

Indemnité d'assurance suite au décès de son épouse

Dépôt à terme détenu par son épouse

Espèce en sa possession : entre 10 000 $ et 15 000 $

Diverses indemnités d'assurance payées en trois versements de 5 000 $, 27 221,84 $ et 21 000 $

Produit de la vente d'un terrain

5 006,87 $

10 000,00 $

15 000,00 $

53 321,84 $

24 000,00 $

Total

107 328,71 $

[7]      L'appelant a ensuite affirmé être passionné par la mécanique et avoir décidé de s'offrir ce dont il avait toujours rêvé en terme de véhicules. Il a donc fait l'acquisition de plusieurs biens dont les coûts n'ont pas fait l'objet de litige.

[8]      Il a expliqué avoir dû piger dans le capital qu'il possédait au début de la période en cause, soit en 1997, pour se payer ses rêves, puisque ses revenus pour l'année 1998 étaient de 7 273 $, pour l'année 1999 de 8 326 $, et pour l'année 2000 de 9 124 $.

[9]      Quant à son coût de vie, il a affirmé qu'il était très peu exigeant et très sobre dans ses dépenses, qu'il a évaluées à 250 $ par semaine. Il a aussi mentionné que sa blonde payait pour lui lorsqu'ils allaient au restaurant, qu'elle avait assumé le coût d'acquisition d'un cabanon en 1996 et qu'elle avait également payé plus de la moitié des dépenses du garage.

[10]     Ce fut là l'essentiel du témoignage de l'appelant. La première partie du témoignage de l'appelant m'est apparue assez convaincante, les assises en étaient principalement des documents, à savoir des copies de chèques d'indemnités d'assurance suite au décès de son épouse, une copie du dépôt à terme que cette dernière possédait lors du décès, divers chèques d'indemnités d'assurance suite à l'incendie de sa maison mobile et une copie du contrat attestant de la vente du terrain sur lequel était la maison détruite par l'incendie. Les choses se sont cependant gâtées lorsqu'il a expliqué ses habitudes de vie, ses passions, la modestie de ses dépenses personnelles et l'extrême générosité de son amie.

[11]     Le colossal fossé entre le train de vie plus qu'apparent de l'appelant (véhicule de luxe, camion, bateau, autocaravane) et ses revenus, qu'il déclarait compléter en invoquant toutes sortes d'explications rocambolesques, a cependant gravement ébranlé la vraisemblance des explications quant à l'utilisation des indemnités d'assurance et des autres montants qu'il aurait possédés au début de la période, soit en 1997.

[12]     L'intimée, de son côté, a d'abord indiqué qu'elle ne souscrivait pas à l'évaluation de l'encaisse en 1997. Elle a fait entendre madame Christine Verreault et monsieur Claude Rony, respectivement de vérificatrice et agent des appels.

[13]     Dans un premier temps, madame Verreault a expliqué que la vérification avait découlé du constat de l'acquisition par l'appelant de beaucoup d'éléments d'actif alors que ses revenus étaient plus que modestes. À cet égard, la preuve non contestée a fait état de l'acquisition d'une résidence, de voitures, d'un camion, d'un bateau et d'une autocaravane.

[14]     Madame Verreault a indiqué avoir dû procéder selon la méthode de l'avoir net étant donné l'absence totale de données fiables et l'impossibilité de pouvoir procéder selon la méthode habituelle.

[15]     Non seulement l'appelant n'avait pas de comptabilité adéquate, il refusait systématiquement toute collaboration et prenait diverses initiatives pour diriger la vérificatrice sur des pistes fausses et mensongères. Il s'est notamment fait passer pour une autre personne et il a fait passer son amie pour sa fille. Il a même nié une évidence, à savoir qu'il avait été propriétaire d'un bateau.

[16]     De manière à illustrer la nature des problèmes rencontrés lors de la vérification, je crois utile de reproduire un extrait du procès-verbal préparé par madame Verreault (pièce I-2) :

[. . .]

Je lui dis que dans les factures de publicité pour acheter ses véhicules, je vois l'annonce d'un Cris Craft 1985 à vendre. Il me dit qu'il s'agit de son bateau. Il se demande comment se fait-il que je sais qu'il a un bateau. Je lui dis que je l'ai vu dans ses factures. Il me dit que c'est une facture qui devait traîner. Il m'explique qu'il s'agit d'un bateau appartenant à un de ses chums qui aurait eu un accident dans le fleuve. Celui-ci aurait frappé un haut fonds et le bateau aurait pris l'eau. Son chum lui aurait vendu le bateau pour 5 à 6000$ pour qu'il s'en occupe et le répare. Ce qu'il aurait fait et il l'aurait mis en vente par la suite en 1998. Ne trouvant pas à le vendre à un particulier il aurait décidé de l'échanger contre un campeur en 1999 chez le Géant Motorisé. Il me dit qu'il aurait possédé ce bateau pendant 12 ans et ensuite il s'en est servi pour se promener un peu avec ses chums (Lac St-Joseph, Lac Champlain, Sorel) mais chaque fois toutes les dépenses d'essence étaient partagées avec les occupants. Je lui demande s'il l'amarrait à quelque part dans une marina il me dit que non qu'il l'entreposait chez un de ses chums à l'Ange-Gardien (M. Yvon Choinard).

Je demande à voir son papier sur lequel il consigne les paiements faits à sa belle-soeur. Il y est inscrit un acompte de 1000$ le 31/10/95, 4000$ le 10/07/96, 4000$ le 02/08/97, 4000$ 15/08/98, 4000$ le 10/09/99 et finalement 4000$ le 11/06/00. Il me dit qu'il n'a pas de factures pour les rénovations car ils ont presque tout fait par eux-mêmes avec des chums et que je ne retrouverai aucune facture pour les années 1997 et suivantes tout a été fait bien avant.

Je lui demande s'il a retrouvé des factures pour l'achat de ses véhicules automobiles. Il me dit que non et qu'il a vérifié avec Cécil Bilodeau, concessionnaire, mais comme ils ont passé au feu ils n'ont rien là-dessus. Il me mentionne que son Oldsmobile Regency a été acheté en février 1998, payé 13 500 $ (taxes comprises sans échange) et payé en argent comptant avec de l'argent des assurances. Son pick-up aurait été acheté en mars 1997 pour 21 000 $ (taxes comprises sans échange) et payé en argent comptant avec l'argent des assurances. Il l'aurait gardé pendant un an et l'aurait vendu à un particulier en 1998 pour 19 000 $. Il me dit que ce camion a été acheté pour transporter son bateau mais qu'il a décidé de le vendre.

Je lui explique que nous allons regarder l'estimation de son train de vie car celui-ci ne semble pas correspondre aux revenus déclarés. Il ne dit qu'il vit avec les revenus de ses assurances. Je lui dis que nous allons quand même estimer son coût de vie. Il me dit qu'il sait comment cela marche que je vais lui demander comment je cela lui coût pour vivre. Je lui dis que c'est nous voulons estimer.

Pour la nourriture, il estime 75$/semaine et les restaurants à 30$/mois. Il me parle souvent de Gisèle qui lui amène des mets préparés (sous-marins, mets chinois ...). Pour l'habitation, je lui dis que j'ai passablement toutes les dépenses, le capital remis à chaque année à sa belle-soeur, les factures d'hydro (il chauffe à l'huile le garage et la résidence), les factures de Bell, les taxes municipales et scolaires. Pour l'assurance-habitation, je lui demande s'il est toujours assuré avec Desjardins. Il me dit que c'est AXA Assurances pour tout. Il communique avec Mme. Michel Boutin qui lui confirme les primes suivantes pour la dernière année : son motorisé (448$), le Pontiac Sunbird (256$), son Oldsmobile (403$) et la résidence à (303$). Pour les vêtements on estime à 200$/année. Il me dit que ses filles et Gisèle lui achète la majeure partie de ses vêtements.

Pour ses véhicules, pour son Oldsmobile (kilométrage parcouru depuis l'achat en 1997 123 000 à 157 000 Km) il estime à 2 pleins d'essence soit 2 fois 45$. L'entretien et les réparations à 100$ (pièces achetées dans les cours à scrap). l'immatriculation à 250$. Pour son motorisé, l'entretien à 100$ l'immatriculation à 425$. Pour son deuxième motorisé acheté en 2000 il me dit qu'il n'a rien eu à débourser car le propriétaire lui a repris étant donné les problèmes de fonctionnement de l'ancien véhicule. Il serait chum avec le propriétaire du Géant motorisé à St-Ambroise.

Pour les soins de santé, M. Lefrançois n'a rien déboursé pour des lunettes, dentistes. Pour les médicaments il prend des médicaments de son frère qui est impotent (anti-inflammatoires). Les produits cosmétiques représentent environ 30$/année selon lui.

M. Lefrançois m'avoue qu'il m'a menti lorsque j'appelais à sa résidence au mois d'avril. Il me dit que je n'ai jamais parlé à son frère et qu'il n'habite pas chez lui il ne vient que 2 ou 3 jours pas plus. Il me dit également qu'il ne voulait pas aller chercher la lettre au bureau de poste car il croyait que c'était quelqu'un à qui il a vendu une voiture et qui veut le poursuivre à la Cour des Petites Créances. Il me dit que cela lui faisait peur et qu'il voulait fuir. Il me dit qu'il sait que je le prend pour un menteur et il voulait me dire la vérité. Il me dit qu'il est conscient que je me suis rendu compte de tout cela.

Pour ce qui est de ses loisirs il me dit aller à la pêche au camp de la mère de Gisèle et celui coûte environ 50$ d'essence et 75$ d'épicerie. Il y va environ 5 fois par année. Il paye une cotisation à la Fédération des Campeurs 45$/année. Pour ce qui est de son bateau, il me parle de 600$ d'essence pour aller à Sorel (il me dit que la consommation est de 12 gallons à l'heure). Il se rend au terrain de camping de sa fille avec son motorisé et il lui en coûte 20$ pour 5 gallons d'essence. Il me dit être allé en 1999 en Caroline du Nord chez son frère mais que cela ne lui coûte avec son motorisé que 150$ et qu'il reste chez son frère pendant de 15 jours. Il me dit qu'il a passé sa carte de crédit à son frère qui est allé à Daytona une fois mais que c'est la seule fois et que lui-même n'y a pas été. Il me dit qu'il n'a pas l'habitude d'utiliser sa carte c'est uniquement pour dépanner. Il a l'habitude de tout payer en argent comptant il me dit qu'il n'aime pas laisser de traces de son passage.

Il me dit faire des cadeaux à ses filles pour environ 45$ à 50$/fille/année et 100$ à Gisèle. Il me dit que Gisèle lui en fait beaucoup. Il y a un chien dans la maison. Il me dit que c'est pour Gisèle et qu'elle ne peut le garder dans son appartement mais que c'est elle qui paye pour lui (nourriture, vétérinaire...). Pour la consommation de boisson, M. Lefrançois me dit acheter une caisse de 24 bières aux 15 jours et 6 à 7 viniers par année.

[17]     Le recours à la méthode de l'avoir net n'est jamais la solution idéale pour établir une cotisation puisque, de sa nature même, elle doit utiliser des données essentiellement arbitraires. La personne qui fait l'objet d'une telle cotisation peut cependant apporter des explications et des justifications pour réfuter et contester les composantes d'une telle cotisation au moyen de documents, de témoignages, etc.

[18]     Faute de documents et de témoignages de personnes crédibles et dûment renseignées sur les éléments en litige, la crédibilité de la personne concernée par une telle cotisation revêt une importance déterminante.

[19]     En l'espèce, à la lumière de l'ensemble de la preuve, je n'accorde aucune crédibilité à l'appelant, dont le témoignage a été cousu de fil blanc et de mensonges tout à fait grossiers.

[20]     Il a tenté de discréditer la compétence de la vérificatrice en insinuant qu'elle lui avait menti, qu'elle ne s'était pas identifiée et, ce qui est encore plus surprenant, qu'elle lui avait fait peur.

[21]     Or, il a lui-même menti effrontément sur son identité en se faisant passer pour son frère et en affirmant que la personne visée par la vérification travaillait à l'extérieur à un endroit qu'il ne pouvait pas indiquer. Il a fourni plusieurs explications totalement contradictoires quant aux montants substantiels reçus. Sa première version était qu'il avait effectué des réparations et des améliorations majeures à sa résidence. À la Cour, il a affirmé avoir tout simplement encaissé le montant pour le garder en espèces chez lui.

[22]     Après avoir offert à la vérificatrice de lui montrer une importante somme d'argent qu'il gardait en espèces chez lui, il a fait volte-face et n'a jamais accepté de faire cette démonstration.

[23]     Il a reconnu qu'il ne s'occupait pas du courrier enregistré qui lui était destiné parce que, comme vendeur de voitures de 500 $ à 1000 $, il devait souvent faire l'objet de poursuites devant la Cour des petites créances; l'expérience lui avait enseigné de ne pas s'occuper du courrier et ce stratagème lui avait évité beaucoup de problèmes.

[24]     Pour justifier le retrait de 40 000 $ de la banque, il a indiqué qu'il ne faisait pas confiance aux banques puisqu'on avait déjà vidé son compte sans qu'il le sache. Il a aussi affirmé qu'il n'avait aucunement besoin de la résidence, mais qu'il l'avait achetée pour sa blonde. Il a parlé de réparations mineures qu'il avait exécutées lui-même avec des amis d'où l'explication, voulant qu'il ait retiré le 40 000 $ pour des réparations majeures, fournie à la vérificatrice ne tenait plus à l'audience. Les réparations avaient perdu de leur importance et le retrait était demeuré en comptant et gardé à la maison.

Pénalités

[25]     L'ensemble de la preuve justifie pleinement l'imposition des pénalités. La prépondérance de la preuve est que l'appelant est non seulement une personne totalement indifférente à ses obligations fiscales, il fait délibérément tout ce qu'il peut pour s'y soustraire. Il paie en espèces, ne garde aucun document et manifeste une facilité déconcertante à inventer, de toutes pièces, les explications susceptibles d'expliquer l'inexplicable.

[26]     Dans le cadre de la vérification de son dossier, l'appelant, à plusieurs reprises, a fait des déclarations fausses et mensongères et il a refusé systématiquement de collaborer. Le travail de vérification a été laborieux. Il m'est apparu évident que l'appelant a délibérément choisi de vivre et d'organiser ses affaires pour éviter de payer tout impôt.

[27]     Je suis d'ailleurs convaincu que les cotisations qui ont été émises sont probablement bien en deçà de ce qu'elles auraient dû être.

[28]     Les personnes qui ont fait la vérification, l'analyse et la révision ont fait un travail très professionnel, judicieux et tout à fait impeccable eu égard aux nombreuses contraintes et aux bâtons que l'appelant leur a mis dans les roues.

[29]     Pour tous ces motifs, je confirme le bien-fondé des nouvelles cotisations émises et je détermine que les pénalisés imposées étaient totalement justifiées.

[30]     L'appel est conséquemment rejeté, le tout avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de septembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI587

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-4443(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Michel Lefrançois c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 24 août 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 7 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Christian Néron

Pour l'intimée :

Me Emmanuelle Faulker

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Christian Néron

Ville :

Québec (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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