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Dossier : 2003-2160(IT)I

ENTRE :

JOE SOLOMON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 20 février 2004, à Winnipeg (Manitoba)

Devant : L'honorable juge A. A. Sarchuk

Comparutions :

Avocate de l'appelant :

Me Barbara Shields

Avocate de l'intimée :

Me Penny Piper

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JUGEMENT

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1998 et 1999 sont accueillis, avec dépens, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que presque la totalité de la distance parcourue par la Buick Park Avenue 1997 pendant les jours durant lesquels elle était mise à la disposition de l'appelant était liée à l'emploi de l'appelant auprès de Specialty Construction Products Ltd.


Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 2004.

« A. A. Sarchuk »

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2004CCI774

Date : 20041124

Dossier : 2003-2160(IT)I

ENTRE :

JOE SOLOMON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Le 1er février 2002, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1998 et 1999. Dans sa nouvelle cotisation, le ministre a établi des frais pour droit d'usage de 7 571 $ pour chaque année d'imposition pour l'utilisation d'une automobile louée par l'employeur, et a ajouté au revenu de l'appelant les montants de 720 $ et de 761 $ à l'égard d'un avantage social, soit les cotisations annuelles payées par Specialty Construction Products Ltd. ( « Specialty » ) pour les droits d'adhésion au Winnipeg Squash Club (le « club » ). L'appelant a interjeté appel des nouvelles cotisations établies.

Frais pour droit d'usage d'une automobile

[2]      Dans l'établissement de la nouvelle cotisation à l'intention de l'appelant concernant la question des frais pour droit d'usage d'une automobile, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

h)          la totalité ou presque de la distance parcourue par le véhicule pendant les jours durant lesquels il était à la disposition de l'appelant n'a pas été parcourue dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi de l'appelant chez Specialty;

i)           l'appelant n'a pas tenu de registre du kilométrage effectué pour des raisons personnelles et pour l'entreprise avec le véhicule pendant les années d'imposition 1998 et 1999;

j)           pour chacune des années d'imposition, soit 1998 et 1999, 12 000 kilomètres ont été parcourus avec le véhicule à des fins personnelles pendant les jours durant lesquels le véhicule était à la disposition de l'appelant;

k)          tous les coûts liés au fonctionnement du véhicule ont été payés par Specialty;

l)           l'appelant n'a remboursé aucune partie des coûts liés au fonctionnement du véhicule à Specialty;

m)         Specialty n'a pas imposé de restrictions concernant l'utilisation personnelle du véhicule;

[3]      L'appelant est le propriétaire et le président de Specialty, qui mène des activités dans le domaine de la construction depuis longtemps. Plus précisément, Specialty est grossiste pour plus de cinquante fabricants et traite principalement avec des organismes gouvernementaux et des entrepreneurs, et leur fournit des produits servant à la construction en béton. Parmi ces produits, notons l'équipement de coffrage, les composés imperméabilisants, l'armature pour béton, les adjuvants du béton, le mastic pour béton et les produits de cure du béton, les adjuvants pour injection, les revêtements, etc. Concrete Restoration Services Limited ( « Concrete » ), une filiale à cent pour cent de Specialty, est une entreprise de restauration qui fournit des services principalement à des organismes gouvernementaux pour des projets à l'échelle du Manitoba et du Nord-Ouest de l'Ontario. Ses principales activités sont la réparation de ponts, de barrages hydro-électriques, de structures de stationnement et de différents types de constructions.

[4]      L'appelant a expliqué que son rôle dans l'entreprise était de trouver des occasions d'affaires. Il devait donc rendre visite à des architectes et à des ingénieurs, et il devait aller rencontrer les représentants des différents organismes gouvernementaux pour leur présenter les nouveaux produits de l'entreprise. Pendant les années d'imposition en question, il devait se rendre à divers chantiers de construction pour établir un premier contact avec les clients, fournir des estimations pour le travail à effectuer, superviser les travailleurs, inspecter la qualité du travail effectué, répondre aux questions des clients, et pour différentes autres raisons concernant l'exécution des contrats obtenus. Étant donné que les fabricants comptent sur Specialty pour veiller à ce que leurs produits soient bien utilisés et appliqués, l'appelant devait également se rendre sur les différents chantiers où on utilisait les matériaux en question afin de vérifier qu'ils étaient bien utilisés. Donc, en raison de toutes ses tâches, l'appelant était très souvent appelé à se déplacer dans Winnipeg et ailleurs. C'est donc en grande partie pour ces raisons que, pendant un certain nombre d'années, Specialty louait le véhicule qu'utilisait l'appelant dans le cadre de son emploi.

[5]      L'appelant soutient que, pendant les années d'imposition en question, presque la totalité de la distance parcourue par le véhicule de l'entreprise était liée à l'accomplissement de ses fonctions en tant que président de Specialty. Dans son témoignage, il a affirmé que ses journées normales de travail commençaient à 6 h, au moment où il partait de la maison, et que, en règle générale, il rentrait rarement avant 19 h 30 ou 20 h. En outre, la nature de l'entreprise l'obligeait souvent à travailler des [TRADUCTION] « semaines de six jours ou plus » , et qu'il en était ainsi parce que la plus grande partie du travail qui était effectué pour les clients de l'entreprise devait être effectué pendant la fin de semaine, quand les installations étaient fermées. La routine habituelle de l'appelant débutait chaque jour avec une visite au club où, a-t-il affirmé : [TRADUCTION] « Je me lave et je me prépare pour aller au travail. Souvent, j'ai rendez-vous avec des gens au club. Nous prenons un café ensemble et nous discutons des affaires à venir » . Après son départ du club, il se rendait habituellement sur un ou sur plusieurs chantiers avant d'aller au bureau. Selon lui, cela était nécessaire, étant donné que, en règle générale, pendant l'été il pouvait y avoir [TRADUCTION] « plus de deux douzaines de projets en cours en même temps » . De plus, même si les affaires avaient tendance à ralentir pendant l'hiver, il y avait au moins : [TRADUCTION] « quatre ou cinq, et dans certains cas, plus d'une ou deux douzaines de projets en cours » . Aussi, l'appelant a souligné que, pendant l'hiver, il passait plus de temps à faire la promotion des produits, ce qu'il faisait en organisant des présentations et en rendant visite à des architectes, à des ingénieurs et à d'autres personnes pour créer des occasions d'affaires. Également, l'appelant passait du temps au bureau pour s'occuper des affaires courantes, pour discuter des devis et examiner ceux-ci, etc. avec ses chefs de chantier. Cependant, l'appelant a laissé entendre que le travail de bureau ne représentait qu'une petite partie de son train-train quotidien.

[6]      Dans son témoignage, l'appelant a affirmé qu'en 1998 et en 1999, il n'était pas au courant de l'existence des frais pour droit d'usage et du fait qu'il devait indiquer un avantage personnel dans sa déclaration. Voici ce qu'il a affirmé :

[TRADUCTION]

R.          J'avais compris que nous avions un certain pourcentage autorisé pour l'usage personnel. Il y a de cela quelques années, je pense que nous accordions peut-être 20 % pour usage personnel, ou quelque chose du genre.

Q.         Comment comptabilisiez-vous tout ça?

A.         Je ne le comptabilisais pas. Je pense que nous faisions simplement cette supposition dans nos dépenses.

(page 47, ligne 11)

En juillet 2001, les comptables de l'appelant lui ont suggéré de tenir un registre mensuel[1]. C'est ce qu'il a fait, et le document qu'il a présenté à Revenu Canada indiquait que l'utilisation personnelle faite du véhicule représentait environ 15 % de l'utilisation totale. Après un long contre-interrogatoire de l'appelant au sujet de l'exactitude de la tenue du registre, on a pu déterminer clairement que le registre n'était pas du tout détaillé. Même l'appelant a dit ceci : [TRADUCTION] « Je ne tenais pas un registre exact. Vous savez, nos comptables nous ont avisés de prendre des renseignements, d'enregistrer des renseignements sur nos activités. Ils nous ont dit de consigner notre kilométrage, et c'est ce que j'ai fait » . Il a admis que le registre était principalement fondé sur des estimations et il a dit : [TRADUCTION] « d'après moi, c'était en quelque sorte une moyenne de ce que je faisais chaque semaine, alors c'est ce que j'ai fourni » . L'appelant a ajouté que, [TRADUCTION] « à la suite du désastre » découlant de la tenue du registre pour l'année 2001, il a tenu un registre plus exact et détaillé de son kilométrage et de l'utilisation du véhicule pour l'année 2002[2]. Le relevé récapitulatif du registre de 2002 indiquait 7,88 % d'utilisation personnelle.

[7]      Voici la position de l'appelant : [TRADUCTION] « si j'avais tenu le même registre en 1998 et en 1999, j'aurais tous les renseignements pour ces deux années-là. Le même type de registre serait très, très comparable. Je n'ai pas changé ma façon de travailler. Elle est la même depuis les énièmes dernières années de l'entreprise » . Par conséquent, l'appelant soutient que toutes les conditions nécessaires ont été respectées et qu'il a droit à une réduction des frais pour droit d'usage. L'avocate de l'intimée conteste cette conclusion. Plus précisément, elle soutient que, même si le registre constitué pour l'année 2002, et sur lequel l'appelant appuie son argument, est exact, il ne peut pas servir à appuyer son argument et il ne peut pas être considéré comme un rapport précis pour les deux années d'imposition en question.

[8]      Dans l'ensemble, le témoignage de l'appelant était digne de foi et non contesté. Il est clair que l'employeur de l'appelant exigeait que ce dernier utilise le véhicule dans l'accomplissement de ses fonctions, et que la totalité ou presque de la distance parcourue par le véhicule pendant la période durant laquelle il était à la disposition de l'appelant était liée à l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi. En outre, rien ne vient prouver que la conjointe de l'appelant a déjà utilisé le véhicule. Il est difficile de déterminer si l'appelant a omis de tenir un registre pendant les années d'imposition en question à cause de son interprétation des conseils formulés par son comptable concernant ce qu'il devait faire, ou parce qu'il a simplement choisi de ne pas tenir de registre. Il semble plus plausible que l'appelant ait simplement choisi de ne pas tenir de registre. Dans ce cas-là, c'est de sa propre faute si les vérificateurs de l'intimée ont tiré les conclusions qu'ils ont tirées. Ses problèmes ont probablement été aggravés par sa mauvaise tenue de registres pour le kilométrage de 2001, tenue de registre qu'il a lui-même qualifiée de désastreuse. Cependant, il semble quand même que l'appelant ait finalement compris le message, et les registres tenus pour l'année 2002 étaient détaillés, et ils constituent effectivement un rapport précis de l'utilisation du véhicule pour cette année-là.

[9]      La disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui est pertinente en l'espèce est l'alinéa 6(1)e). Elle prévoit l'application de frais de droit d'usage pour une automobile qui est mise à la disposition d'un contribuable par son employeur au cours d'une année d'imposition donnée. Les frais de droit d'usage font en sorte que la valeur de l'avantage que tire le contribuable de l'automobile de l'entreprise qui est mise à sa disposition pour son usage personnel est incluse dans son revenu. Le paragraphe 6(2) de la Loi donne une formule pour calculer la valeur d'un tel avantage. Plus précisément, la définition de la variable « A » donnée dans ce paragraphe prévoit la réduction des frais de droit d'usage qui doivent être inclus dans le revenu du contribuable si certaines conditions sont remplies. Dans l'arrêt The Queen v. Adams[3], le juge Robertson de la Cour d'appel fédérale a indiqué, à la page 6271 :

15         La supposée exception « pour usage personnel minimal » est contenue dans la définition de « A » énoncée au paragraphe 6(2). Essentiellement, l'exception permet à un employé d'obtenir une réduction du montant des frais pour droit d'usage, qui serait autrement applicable, si les conditions préalables suivantes sont réunies. Tout d'abord, l'employeur doit exiger de l'employé qu'il utilise l'automobile dans l'accomplissement des fonctions de son emploi. Deuxièmement, « la totalité ou presque » de la distance parcourue par l'automobile pendant qu'elle était à la disposition de l'employé doit l'être dans l'accomplissement des fonctions de son emploi ou pendant ses heures de travail. À cet égard, le ministre a adopté une politique exigeant qu'au moins 90 % de l'usage de l'automobile soit lié à l'accomplissement du travail de l'employé : voir le bulletin IT-63R4. Troisièmement, l'usage personnel de l'automobile ne doit pas dépasser 12 000 km par année. Ainsi, les employés qui utilisent l'automobile de leur employeur exclusivement à des fins commerciales ne sont pas tenus d'inclure les frais pour droit d'usage dans leurs revenus. La raison en est que « A » est à ce moment égal à 0. Les employés qui font un usage personnel de l'automobile de l'employeur ont droit à une réduction des frais pour droit d'usage, pourvu que cet usage soit minimal, c'est-à-dire que les trois conditions préalables doivent être réunies.

[10]     Il y a un bon nombre de jugements établissant que, même si la politique d'établissement des cotisations correspond à la « règle des 90 % » , la définition de « la totalité ou presque » au paragraphe 6(2) de la Loi ne précise pas qu'il faut qu'au moins 90 % de l'usage du véhicule soit lié à l'emploi. Le registre détaillé tenu par l'appelant en 2002 indiquait un usage personnel de 7,88 %. En fonction principalement du témoignage de l'appelant, que j'accepte, je suis convaincu que sa façon de travailler n'a presque pas changé au cours des années en question. Je peux donc conclure que, pendant les années d'imposition en question, l'automobile de l'entreprise a été utilisée à des fins personnelles dans la mesure prévue dans les dispositions législatives qui s'appliquent. L'appelant a donc droit à une réduction des frais de droit d'usage et aux rajustements appropriés à apporter à l'avantage établi relatif au fonctionnement d'une automobile.

Dépenses liées au club

[11]     Le deuxième point en litige concerne l'adhésion au Winnipeg Squash Club et les cotisations mensuelles qui étaient payées par Specialty. L'appelant affirme que son adhésion au club servait à promouvoir les nouvelles affaires, à divertir les clients, et à d'autres fins liées aux activités de Specialty. La position de l'intimée est que les réunions concernant l'entreprise représentaient moins de 5 % de l'utilisation totale du club. Dans l'établissement de la cotisation, le ministre a admis 25 % d'utilisation aux fins de l'entreprise et, pour cette raison, a inclus dans le revenu de l'appelant les avantages sociaux en question en application de l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[12]     Les comptables de l'appelant semblent avoir traité le paiement par l'employeur des cotisations annuelles du club comme s'il avait été fait principalement pour le bénéfice de l'employeur. Même si l'appelant utilisait le club, dans une certaine mesure, pour des activités commerciales, la conclusion tirée par les comptables n'est pas appuyée par des éléments de preuve. Toutefois, étant donné que l'usage du club était tantôt pour les affaires et tantôt à des fins personnelles, il était très approprié de calculer un avantage imposable au moment d'établir la cotisation de l'appelant. À mon avis, la seule question ici est de savoir si les 25 % « d'usage à des fins personnelles » établis sont un pourcentage approprié. J'ai conclu que, étant donné l'ensemble du témoignage de l'appelant, la répartition faite par le ministre est plus que raisonnable.

[13]     Les appels à l'égard des années 1998 et 1999 sont accueillis, avec dépens, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en fonction du fait que la totalité ou presque de la distance parcourue par l'automobile pendant les jours durant lesquels elle était mise à la disposition de l'appelant était liée à l'emploi de l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de novembre 2004.

« A. A. Sarchuk »

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


RÉFÉRENCE :

2004CCI774

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2160(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Joe Solomon et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 février 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge A. A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelant :

Me Barbara Shields

Avocate de l'intimée :

Me Penny Piper

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Barbara Shields

Cabinet :

Aikens, MacAulay & Thorvaldson

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           La suggestion semble avoir été faite par un vérificateur de Revenu Canada pendant son examen des déclarations pour 1998 et 1999.

[2]           Pièce A-7.

[3]           98 DTC 6266.

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