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Dossiers : 2001-3094(IT)G

ENTRE :

BUOR LEANG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appel entendu le 7 avril 2004 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Jacques Côté et

Me Bernard Gaudreau

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Aimée Cantin

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 est accueilli et les cotisations y compris les pénalités sont annulées, le tout avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI318

Date : 20040430

Dossier : 2001-3094(IT)G

ENTRE :

BUOR LEANG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1996, 1997 et 1998. Les cotisations ont fait l'objet des pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ). Les cotisations dont il est fait appel ont été établies par la méthode de l'avoir net.

[2]      L'appel soulève donc deux questions. La première consiste à déterminer si l'appelant a déclaré la totalité de ses revenus et la deuxième est relative au bien-fondé des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[3]      L'avis d'appel de l'appelant se lit comme suit :

1.          Au cours des années en litige, l'Appelant exploitait un restaurant sous la raison sociale Les Délices d'Angkor Enr.;

2.          Par des cotisations d'impôt sur le revenu en date du 12 mai 2000 pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 le revenu déclaré par l'Appelant pour ses années d'imposition 1996, 1997 et 1998 fut augmenté de 41 288 $, de 26 213 $ et de 62 344 $ respectivement, à titre de revenus additionnels. De plus, des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été imposées;

3.          En établissant lesdites cotisations, le vérificateur de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada a procédé par la méthode de l'avoir net;

4.          Au cours des années en litige, Monsieur Pho Leang et sa conjointe ainsi que Monsieur Kim Leang, frères de l'Appelant, habitaient la résidence de l'Appelant;

5.          Pour chacune des années en litige, Monsieur Pho Leang a remis à l'Appelant des montants totalisant 3 600 $ afin de participer aux dépenses de la maison et afin de participer aux dépenses d'entretien de leur mère qui résidait aussi chez l'Appelant;

6.          Pour chacune des années en litige, Monsieur Kim Leang a remis à l'Appelant des montants totalisant 5 000 $ afin de participer aux dépenses de la maison et afin de participer aux dépenses d'entretien de leur mère qui résidait aussi chez L'Appelant;

7.          En établissant les revenus additionnels pour chacune des années d'imposition en litige, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte desdites sommes remises à l'Appelant par ses frères, Pho Leang et Kim Leang;

8.          Afin d'aider son frère Kim Leang à souscrire des actions du capital-actions de Délices de Thaïlande Inc., l'Appelant a prêté à ce dernier un montant de 5 000 $;

9.          Le prêt de 5 000 $ fut remboursé à l'Appelant par un paiement de 2 000 $ en juillet 1996 ainsi que par un paiement de 3 000 $ en janvier 1997;

10.        En établissant les revenus additionnels pour les années d'imposition 1996 et 1997, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte dudit prêt ainsi que de son remboursement;

11.        Au cours des années 1996, 1997 et 1998, Monsieur Tho Leang, frère de l'Appelant, a remis des sommes totalisant 5 000 $, 6 000 $ et 7 000 $ respectivement à l'Appelant afin de participer aux dépenses d'entretien de leur mère ainsi que de Pathraporn Chalearmkiet, nièce de l'Appelant et de Tho Leang, qui résidait chez l'Appelant.

12.        En établissant les revenus additionnels pour les années en litige, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte desdites sommes remises par Tho Leang à l'Appelant;

13.        Antérieurement à 1996, l'Appelant a prêté à son frère Tho Leang un montant de 10 000 $ pour la construction de la maison de ce dernier;

14.        Ledit prêt de 10 000 $ fut remboursé à l'Appelant par un paiement de 5 000 $ en 1996 ainsi que par un paiement de 5 000 $ en 1998;

15.        En établissant les revenus additionnels pour les années 1996 et 1998, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte dudit prêt ainsi que de son remboursement;

16.        En 1997, lors d'un voyage en Thaïlande, Madame Wandee Wesarachanon a remis à l'Appelant ainsi qu'à Mademoiselle Pathraporn Chalearmkiet des montants totalisant 20 000 $ afin de payer une partie des frais de subsistance et de scolarité de Mademoiselle Pathraporn Chalearmkiet, sa nièce, qui était venue au Canada pour étudier;

17.        En établissant les revenus additionnels pour les années 1997 et 1998, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte desdites sommes remises par Madame Wandee Wesarachanon;

18.        En 1997, lors d'un voyage en Thaïlande, les parents de l'Appelant lui ont remis un montant de 5 000 $ à titre de cadeau, montant qui fut déposé dans son compte à la Banque Nationale du Canada au cours de l'année 1998;

19.        En établissant les revenus additionnels pour les années 1997 et 1998, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'a pas tenu compte de ladite somme de 5 000 $;

20.        Par son avoir net pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada a établi les dépenses personnelles de l'Appelant à 39 866,08 $, à 54 811,45 $ et à 47 228,26 $;

21.        Les dépenses personnelles de l'Appelant pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 se chiffraient à 30 021 $, à 40 190 $ et à 32 581 $ respectivement;

22.        L'Appelant s'est dûment opposé aux cotisations émises pour ses années d'imposition 1996, 1997 et 1998 et le 20 juin 2001, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada émettait de nouvelles cotisations réduisant les revenus additionnels à 31 489 $ pour l'année 1996, à 16 937 $ pour l'année 1997 et à 51 740 $ pour l'année 1998;

23.        L'Appelant se fonde, inter alia, sur les articles 3 et 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tels qu'applicables pour les années d'imposition en litige;

24.        L'Appelant soutient qu'au cours des années d'imposition en litige, il n'a réalisé aucun revenu autre que ceux dûment déclarés dans ses déclarations fiscales, avec la conséquence que l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada n'était pas justifiée d'inclure des sommes à titre de revenus additionnels;

25.        L'Appelant soutient qu'il n'a pas, sciemment ou dans les circonstances équivalentes à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998 et qu'en conséquence, l'imposition de pénalités en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu était injustifiée;

26.        L'Appelant soutient que les cotisations émises sont mal fondées en faits et en droit;

[4]      En réplique à l'avis d'appel, l'intimée a admis les alinéas 1, 2, 3, 20 et 22; il a nié les alinéas 4 à 19, 21, 24 à 26 et a ajouté les alinéas suivants :

18.        Il prend note des dispositions statutaires contenues au paragraphe 23 de l'avis d'appel.

[...]

20.        Au cours des années d'imposition en litige, l'appelant a déclaré les revenus totaux suivants :


Années d'imposition

Revenus

1996

11 005 $

1997

10 360 $

1998

20 732 $

21.        Par avis de nouvelle cotisation en date du 12 mai 2000, le ministre du Revenu national a fixé l'impôt à payer par l'appelant pour les années d'imposition en litige. Pour ce faire, il a ajouté les revenus tirés d'une entreprise non déclarée suivants et imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour chacune des années :

Années d'imposition

Revenus non déclarés

1996

41 288 $

1997

26 213 $

1998

62 344 $

22.        Par avis d'opposition en date du 17 juillet 2000, l'appelant s'opposa aux nouvelles cotisations émises pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998.

23.        Par avis de nouvelle cotisation en date du 20 juin 2001, le ministre du Revenu national a diminué d'un montant de 9 800 $ en 1996, 9 276 $ en 1997 et 10 604 $ en 1998 les revenus tirés d'une entreprise non déclarée ajoutés aux revenus de l'appelant pour ces années et, quant au reste, a confirmé les nouvelles cotisations qui avaient été émises le 12 mai 2000.

24.        En établissant les nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, le ministre du Revenu national a tenu pour acquis, notamment, les faits suivants :

a)     au cours des années d'imposition en litige, l'appelant exploitait un restaurant sous la raison sociale « Les Délices d'Angkor Enr. » ;

b)    lors de la production de ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, l'appelant a déclaré les revenus d'entreprises suivants :


Années

d'imposition

Revenus d'entreprise bruts

Revenus d'entreprise nets

1996

183 936 $

8 505 $

1997

186 286 $

7 859 $

1998

237 493 $

11 582 $

c)     lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1996, 1997 et 1998, l'appelant n'a pas déclaré la totalité de ses revenus;

d)    suite à une vérification par méthode de l'avoir net et suite à une analyse lors de l'opposition, le Ministre a constaté des écarts respectifs de 31 489 $ (1996), 16 937 $ (1997) et 51 740 $ (1998) au niveau de la conciliation de capital de l'appelant (une copie des bilans et des conciliations de capital de l'appelant préparées lors de la vérification et un sommaire des rajustements préparé au niveau des oppositions par les préposés du Ministre est jointe à la présente réponse à l'avis d'appel respectivement sous les cotes I-1 et I-2 pour en faire partie intégrante);

e)     les montants mentionnés plus haut de 31 489 $ (1996), 16 937 $ (1997) et 51 740 $ (1998) constituent des revenus que l'appelant a omis de déclarer et qui doivent être pris en considération aux fins du calcul de son impôt sur le revenu pour ces mêmes années d'imposition;

f)     l'appelant a fait sciemment, ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations d'impôt sur le revenu produites pour les années 1996, 1997 et 1998.

[5]      L'appelant a expliqué qu'il vivait avec sa famille dans une grande maison comprenant plusieurs chambres. Lors des années en question, ils étaient plusieurs personnes à y résider : l'appelant, sa mère, son épouse, leurs deux enfants, ses deux frères, dont l'un avec son épouse, et une nièce.

[6]      Sa mère était gravement malade. Son épouse et lui travaillaient tous deux dans le restaurant dont il était propriétaire situé très près de la résidence familiale. La plupart du temps, lui et son épouse mangeaient au restaurant.

[7]      Incapable de lire et écrire le français, il a expliqué qu'il devait, le plus souvent, s'en remettre à la personne qui s'occupait de la comptabilité pour la préparation des chèques qu'il signait. Très impliqué avec son épouse dans l'exploitation de son restaurant, ils y consacraient six et souvent sept jours par semaine.

[8]      L'appelant était le chef de cette famille. Il hébergeait sa mère dont la santé s'était gravement détériorée et qui avait besoin de soins et devait faire l'objet d'une attention constante. Il hébergeait également ses frères, dont l'un avec sa conjointe. Plus tard, une nièce est venue habiter chez lui.

[9]      Pour contribuer aux dépenses effectuées pour leur mère et à titre de loyer et pension, l'un de ses frères avait versé à l'appelant un montant comptant de 350 $ par mois, soit 4 200 $ par année, pendant les trois années en cause. Quant à son autre frère, il lui avait payé environ 400 $ par mois.

[10]     Les deux frères sont venus confirmer le fait qu'ils avaient bel et bien payé à l'appelant les montants en question pour leur hébergement et aussi à titre de contribution pour les dépenses importantes découlant de l'état de santé de leur mère. Cette dernière avait des besoins particuliers, tel un lit électrique.

[11]     De façon générale, les témoignages étaient cohérents et conformes au contenu de l'Avis d'appel.

[12]     Pour justifier le recours à la méthode de l'avoir net, le vérificateur Richard Guillet, a expliqué que les contrôles internes de l'entreprise étaient faibles. Lorsqu'on lui a demandé comment il était arrivé à cette conclusion, il a expliqué que l'appelant occupait un rôle prédominant dans son entreprise et qu'il assumait des fonctions stratégiques, notamment s'occuper de la caisse enregistreuse.

[13]     Il a aussi noté que le système de facturation était très particulier en ce qu'il s'agissait de factures qui ne portaient qu'un numéro. Il s'agissait ainsi de factures réutilisables.

[14]     Partant de là, il n'a pas cru bon de vérifier les inventaires, ni les achats; il a fait une analyse par échantillonnage des rubans de caisses, lesquelles balançaient. Après avoir fait un rapide survol, il a affirmé n'avoir rien remarqué d'irrégulier, ou d'anormal.

[15]     Le contrôle interne n'étant pas fiable, selon lui, il a alors décidé de procéder par la méthode de l'avoir net. Pour ce faire, il a questionné l'appelant et lui a remis la formule qu'il devait remplir pour établir l'avoir net.

[16]     Le vérificateur reconnaît avoir obtenu des réponses à toutes ses questions dans un climat de collaboration. Il a généralement obtenu tout ce qu'il a demandé. À l'appui de ses prétentions, quant aux montants obtenus des membres de sa famille et de la grand-mère de Pathraporn Chalearmkiet, l'appelant a obtenu diverses confirmations écrites de la part des personnes concernées.

[17]     Comme il s'agissait de montants importants payés ou reçus la plupart du temps en argent comptant, le vérificateur a décidé qu'il n'y avait rien de concluant faute de preuve écrite, tel dépôt, reçu officiel, chèque, etc. Il a essentiellement indiqué qu'il n'était pas juge et qu'il n'avait pas le pouvoir d'apprécier la vraisemblance des explications ou des justifications qui lui ont été données.

[18]     Lors du cheminement du dossier, certaines informations ont fait l'objet de modifications ou de corrections. Ces changements, aux dires des représentants de l'intimée, constituaient des contradictions flagrantes et démontraient également qu'il pouvait s'agir de représentations mensongères.

[19]     Il s'agit d'un appel dont le sort repose essentiellement sur la crédibilité de la preuve. Apprécier la crédibilité d'un témoignage n'est pas un exercice facile; je cherche toujours une recette fiable pour ce faire.

[20]     Il existe des éléments qui permettent souvent de tirer les conclusions satisfaisantes. Je fais référence notamment aux témoins qui ont une mémoire sélective ou qui n'en ont aucune, qui évitent de répondre aux questions, qui font mine de ne rien comprendre, à ceux qui, à maintes reprises, se contredisent ou contredisant les autres témoignages soumis à l'appui d'un dossier, à l'absence de témoins, aux explications invraisemblables, loufoques et farfelues, etc. Bref, il existe des situations où il est plus facile que d'autres de conclure quant à la qualité d'une preuve.

[21]     Au stade de l'argumentation, l'intimée a fait référence à l'ouvrage de Léo Ducharme, dont le titre est « Pièces de la preuve » et spécifiquement aux paragraphes 508, 509, 510 et 511 qui se lisent comme suit :

508.      Au sujet de la force probante proprement dite du témoignage, l'article 2845 C.c.Q. se contente d'affirmer que celle-ci est laissée à l'appréciation du tribunal. Cet article passe toutefois sous silence le fait que l'appréciation des témoignages incombe d'abord et avant tout au juge de première instance de qui relève l'instruction des causes. Ayant l'avantage de voir et d'entendre les témoins, il est ainsi mieux à même de juger de la valeur qu'il convient d'accorder à leurs dépositions.

509.      Lorsqu'il s'agit d'apprécier la valeur d'un témoignage, ce sont les facteurs qui régissent la crédibilité des témoins qui importent et notamment les facteurs suivants : les moyens de connaissance du témoin, son sens d'observation, ses raisons de se souvenir, son expérience, la fidélité de sa mémoire et son indépendance par rapport aux parties en cause. il incombe à celui qui cite un témoin de faire apparaître les facteurs favorables à sa crédibilité et à la partie adverse de mettre en lumière les facteurs défavorables. Ces facteurs défavorables peuvent se rapporter, entre autres, à la moralité du témoin. Ainsi, dans une affaire particulière, un tribunal a retenu comme facteur défavorable à la crédibilité d'un témoin sa propension à chercher à se soustraire à ses obligations fiscales. 664

510       Soulignons cependant que le témoignage que le juge considère comme faux sur un point ne doit pas nécessairement être rejeté en entier. 665 Toutefois, si un témoin se contredit et même admet avoir donné une réponse erronée, il y a là une raison suffisante, pour le juge, d'écarter son témoignage en l'absence de corroboration. 666

511.      Mentionnons, enfin, que le comportement du témoin est un facteur dont le juge doit tenir compte. Dans l'affaire Guay c. Dubreuil 667, on a jugé que l'attitude et le maintien du témoin au moment de son interrogatoire, sa manière de répondre, les sentiments par lui manifestés, séance tenante, à l'égard du défendeur et sa tentative d'influencer le juge en dehors de la cour, étaient des raisons qui justifiaient le juge d'attacher moins de crédibilité à son témoignage.

664.          B.C. c. Damas S.S. et les héritiers de Dame S.S., (1988) 12 Q.A.C. 266.

665.          Dallaire c. Commission des liqueurs du Québec, (1923) 35 B.R. 379.

666.          Chevalier c. Wilson, (1896) 10 C.S. 59.

667.          (1931) 37 R.L.n.s. 6 (C.S.).

[22]     Je souscris entièrement et sans réserve à ce texte. D'ailleurs, j'y vois là un élément additionnel pour conclure que la preuve testimoniale soumise par l'appelant est acceptable, vraisemblable et prépondérante.

[23]     En l'espèce, l'appelant a témoigné et a fait entendre trois de ses frères et une nièce. Ils ont témoigné les uns en l'absence des autres. J'ai retenu de la preuve testimoniale que les explications fournies par l'appelant lors de la vérification ont toujours été sensiblement les mêmes, si ce n'est qu'elles ont été corrigées quant à certains aspects.

[24]     De façon générale, les témoignages ont été assez précis, mais surtout cohérents quant à leur objet fondamental. Tous les témoins ont répondu sans hésitation ni détour et d'une manière crédible. Je n'ai rien vu ni entendu qui soit de nature à écarter l'un de ces témoignages ou même une partie de ceux-ci.

[25]     Certes, j'ai pu constater que certaines explications avaient fait l'objet de corrections ou de changements. Encore là, les témoins intéressés à ce sujet ont encore là, fourni des éclaircissements raisonnables.

[26]     Selon l'intimée, pour écarter ou occulter certains faits ou explications quant aux aspects déterminants du dossier, je devrais le faire en me fondant sur mon intuition ou sur certains doutes découlant d'une description de faits qui n'était pas absolument parfaite. Je devrais présumer qu'un paiement ou une entrée de fonds en argent comptant a certainement quelque chose de douteux, de répréhensible et d'inacceptable.

[27]     Selon l'intimée, je ne devrais pas retenir la preuve de l'appelant puisque les témoignages ne sont pas dignes de foi. Pour soutenir son appréciation, elle s'appuie notamment sur les éléments suivants :

·         plusieurs entrées et sorties importantes de fonds étaient faites en argent comptant;

·         il y a eu des changements et des modifications apportés aux témoignages quant à certains montants;

·         les revenus net d'entreprise ne permettent pas un niveau de vie aussi élevé;

·         les revenus ne permettent pas l'utilisation et la jouissance d'un véhicule moteur de luxe;

·         le restaurant avait une capacité lui permettant de générer un chiffre d'affaires beaucoup plus élevé;

·         les sommes qui auraient été payées par les frères de l'appelant au titre du loyer et de la pension, absorbées par les dépenses inhérentes à leur occupation des lieux;

·         la facturation douteuse au restaurant;

·         l'absence de contrôle interne fiable;

·         l'impossibilité de confirmer les explications soumises par l'appelant quant aux entrées et sorties de fonds en comptant.

[28]     Certes, tout comme l'intimée, j'ai remarqué quelques petites incohérences et aussi une certaine confusion. J'ai aussi pu constater que l'appelant et les membres de sa famille avaient des besoins alimentaires, vestimentaires et un niveau de vie assez modestes sauf en ce qui avait trait au véhicule automobile requérant généralement des ressources supérieures à celles déclarés.

[29]     Par contre, la preuve de l'appelant a aussi fait ressortir certains points favorisant sa thèse. J'en ai relevé quelques uns que j'énumère comme suit :

·         les témoins se sont exprimés en l'absence les uns des autres;

·         les explications fournies furent cohérentes;

·         les explications furent également vraisemblables;

·         aucun des témoins n'a évité de répondre aux questions ou fait mine de ne pas comprendre;

·         les réponses fournies ont été données sans hésitation;

·         les réponses et les explications ont été claires;

·         le langage corporel et le langage verbal étaient cohérents;

·         les explications et témoignages livrés à l'audition étaient sensiblement comparables à ceux obtenus lors de la vérification et répétés au stade de l'opposition;

·         le vérificateur n'a rien remarqué d'anormal et a reconnu que l'appelant avait pleinement collaboré;

·         le vérificateur n'a exprimé aucun grief;

·         l'appelant ne peut pas lire ni écrire en français; cette explication ne peut servir à justifier la façon dont les factures étaient faites, mais peut l'expliquer;

·         l'écoulement du temps doit être pris en compte pour expliquer ou justifier certaines incohérences et confusion.

[30]     La liste de griefs soulevés par l'intimée est relativement longue. Sont-ils suffisants pour discréditer la preuve de l'appelant? Je réponds par la négative, et cela, pour les raisons suivantes :

·         il s'agit de griefs s'appuyant sur l'intuition ou sur la pure spéculation [ex.: le chiffre d'affaire potentiel du restaurant];

·         la quantité des reproches n'a pas pour effet automatique de créer une qualité;

·         il semble que l'intimée ait choisi l'approche du survol de la preuve au lieu de l'approche où elle aurait pu et dû obtenir tous les détails possibles et probablement disponibles sur quelques éléments au lieu de croire que le constat de plusieurs petits détails aurait le même impact;

·         les fameux changements ou corrections des versions auxquels l'intimée a accordé une très grande importance sont réels, mais sont-ils graves au point de justifier le rejet pur et simple du témoignage concerné?

[31]     Après avoir soutenu qu'il avait remboursé 5 000 $, le frère de l'appelant a affirmé, après une vérification plus poussée, exigée par l'appelant, qu'il ne réussissait pas à convaincre les responsables de son dossier auprès de l'intimée. Or, il s'est avéré qu'il avait bel et bien remboursé 5 000 $, mais en deux paiements, soit l'un de 2 000 $ et l'autre de 3 000 $.

[32]     Je ne prétends pas que la preuve dont l'appelant avait le fardeau mérite une note de 80 pour cent et plus; je dois décider à partir d'une prépondérance de la preuve et non pas rejeter l'appel pour les simples motifs que la preuve de l'appelant a soulevé certains doutes.

Pénalités

[33]     Les pénalités imposées étaient fondées sur le paragraphe 163(2) de la Loi qui se lit comme suit :

(2) Faux énoncés ou omissionsToute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé « déclaration » au présent article - rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

[...]

[34]     Il m'apparaît important de rappeler que le fardeau de la preuve, en matière de pénalités, incombait à l'intimée. Je ne peux pas apprécier la qualité de cette preuve puisqu'il n'y en a eu aucune.

[35]     Les seuls éléments qui auraient pu conduire à l'élaboration d'un commencement d'une telle preuve ont été l'intuition, la perception et une opinion ni motivée, ni justifiée du vérificateur.

[36]     Non seulement celui-ci n'a-t-il pas fait état d'aucun fait susceptible de démontrer une négligence et incurie de la part de l'appelant, mais il a plutôt fait état de la collaboration de ce dernier et du fait qu'il n'avait pas pu valider certaines informations. Le vérificateur, monsieur Guillet, n'a cependant fait aucune démarche pour valider quoi que ce soit; il a semblé présumer que les explications de l'appelant étaient douteuses étant donné que des sommes importantes avaient transigé en argent comptant.

[37]     Il s'agissait peut-être là d'un point qui pouvait donner naissance à des soupçons, mais cela n'était certainement pas suffisant et concluant pour justifier l'imposition de pénalités, d'autant plus que tous les acteurs ayant participé aux transactions étaient connus, avaient des adresses connues et avaient même fourni leur version des faits confirmant celle de l'appelant.

[38]     Pour tous ces motifs, l'appel est accueilli et les cotisations, y compris les pénalités, sont annulées, le tout avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI318

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-3094(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Buor Leang et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

les 7 et 8 avril 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 30 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Jacques Côté et Me Bernard Gaudreau

Pour l'intimée :

Me Marie-Aimée Cantin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Jacques Côté

Étude :

Ville :

Ogilvie Renault

Québec

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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