Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2004-830(IT)I

ENTRE :

LES RIVARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 13 juillet 2004, à Edmonton (Alberta)

Devant : L'honorable juge G. Sheridan

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Susan Jantz

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1999, 2000 et 2001 sont rejetés, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de novembre 2004.

« G. Sheridan »

Le juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI777

Date : 20041126

Dossier : 2004-830(IT)I

ENTRE :

LES RIVARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sheridan

[1]      L'appelant, Les Rivard, interjette appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national à l'égard des années d'imposition 1998, 1999, 2000 et 2001. Lors de l'audience, on a admis qu'il n'y avait pas d'appel à l'égard de l'année 1998. La question dans les trois autres appels est de déterminer si M. Rivard peut déduire de son revenu pour ces années les montants qu'il a versés à son ex-épouse à titre de pension alimentaire pour leurs enfants.

[2]      Monsieur Rivard et son ex-épouse, Patricia Rivard, vivent séparés depuis 1994. Trois enfants sont nés de leur mariage, en 1977, 1984 et 1989. Selon une ordonnance provisoire datée du 19 août 1994, M. Rivard devait verser une [TRADUCTION] « pension alimentaire provisoire pour les [trois] enfants issus du mariage d'une somme de 500 $ par mois, par enfant, pour un total de 1 500 $ par mois, à compter du 1er jour de septembre 1994, et payable le premier jour de chaque mois par la suite, jusqu'à ce qu'une autre ordonnance soit rendue par cette cour » . En fonction de la clause 6 de l'ordonnance provisoire de 1994, l'obligation de M. Rivard de verser une pension alimentaire pour l'aîné, alors âgé de 17 ans, était conditionnelle à ce que l'enfant continue ses études à plein temps.

[3]      Quelque temps après que l'ordonnance provisoire de 1994 a été rendue, M. Rivard a pris du retard dans ses versements. Après l'intervention du directeur de l'exécution des ordonnances alimentaires, une nouvelle ordonnance a été rendue le 26 mars 1997, obligeant l'appelant à verser une [TRADUCTION] « pension alimentaire continue de 1 000 $ par mois » , ainsi que 300 $ par mois pour l'arriéré depension alimentaire. Les deux versements mensuels étaient payables [TRADUCTION] « à compter du 15e jour de mai 1997, et par la suite, le 15e jour de chaque mois » . Contrairement à l'ordonnance provisoire de 1994, l'ordonnance de mars 1997 ne précisait pas les enfants visés par la pension alimentaire, mais l'utilisation du mot « continue » laisse entendre que cette dernière ordonnance se voulait une continuation du montant de 500 $ par mois, par enfant, établi dans l'ordonnance provisoire de 1994, ainsi que des conditions selon lesquelles la pension alimentaire était payable. Je souligne qu'en mars 1997, l'aîné des trois enfants était âgé de 20 ans et ne fréquentait probablement plus l'école. Si tel était le cas, la clause 6 comprise dans l'ordonnance provisoire de 1994 aurait mis fin à l'obligation de M. Rivard de payer la pension alimentaire pour cet enfant. Le montant de la pension alimentaire est donc ramené à 1 000 $ par mois. Ce montant, ajouté au montant d'arriérés de 300 $ par mois, donne un montant de pension alimentaire total de 1 300 $, selon l'ordonnance de 1997.

[4]      Selon le jugement de divorce, daté du 18 mars 1999, M. Rivard devait [TRADUCTION] « payer à la requérante, Patricia Ann Rivard, une somme mensuelle de 1 000 $ (soit 500 $ par mois, par enfant), pour l'entretien des [deux plus jeunes enfants issus du mariage], et ce, à compter du 1er jour de novembre 1998 et le premier jour de chaque mois par la suite [...] » . Dans ce jugement, la Cour a précisé les enfants pour lesquels la pension alimentaire doit être versée. La date de versement de la pension alimentaire est passée du quinzième au premier jour de chaque mois. Il n'y a pas eu d'ordonnance concernant les arriérés. Donc, selon le jugement de divorce rendu en 1999, le montant total de la pension alimentaire pour enfants a été réduit pour passer de 1 300 $ à 1 000 $ par mois.

[5]      La question en l'espèce est de savoir si les montants versés par M. Rivard pour l'entretien de ses enfants en 1999, en 2000 et en 2001 sont déductibles. Ces montants ont été versés en fonction d'ordonnances qui couvrent la période de 1994 à 1999. En avril 1997, certaines modifications ont été apportées aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui, auparavant, permettaient au payeur de déduire la pension alimentaire pour enfants de son revenu et obligeaient le bénéficiaire à inclure la pension dans son revenu. Dans l'affaire David M. Krutko c. La Reine[1], le juge Campbell a expliqué ces modifications et a énoncé les nouvelles dispositions régissant la déductibilité des montants :

[9]         Avant le mois de mai 1997, un conjoint pouvait déduire les paiements de pension alimentaire pour enfants qu'il faisait à un conjoint dont il était séparé ou à un ancien conjoint. Les bénéficiaires de ces paiements devaient inclure le montant de ceux-ci dans son revenu. Il s'agit de ce qu'on appelle souvent l'ancien régime ou le système de déduction et d'inclusion. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. La Reine, [1995] 2 R.C.S. 627, le Parlement a éliminé l'ancien régime ou le système de déduction et d'inclusion pour les paiements de pension alimentaire effectués en vertu d'un accord ou d'une ordonnance établis après le 30 avril 1997 et prévoyant une date d'exécution. La Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée et prévoit désormais que si un accord conclu avant mai 1997 demeure inchangé, le système de déduction et d'inclusion prévaut. Si un nouvel accord est conclu ou si une nouvelle ordonnance est rendue, ou si un ancien accord est modifié d'une manière particulière, l'ancien régime cesse de s'appliquer et seuls les paiements effectués jusqu'à la date d'exécution, telle qu'elle est définie par la Loi, sont déductibles par le payeur et doivent être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

[10]       Les expressions « pension alimentaire pour enfants » , « date d'exécution » et « pension alimentaire » sont définies comme suit au paragraphe 56.1(4) de la Loi :

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[11]       L'alinéa 60b) de la Loi est ainsi conçu :

60b) Pension alimentaire - le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A          représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

B           le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure.

[6]      Il n'est pas contesté que les montants versés par M. Rivard représentent une « pension alimentaire pour enfants » et une « pension alimentaire » . La seule question ici est de déterminer si, dans les ordonnances, il existe une « date d'exécution » , selon la définition établie au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une question importante étant donné que, s'il existe bel et bien une date d'exécution, le ministre avait raison de refuser les déductions demandées par M. Rivard.

[7]      Monsieur Rivard se représentait lui-même et a témoigné. Bien qu'il ne l'ait pas indiqué précisément en ces termes, la position qu'il a adoptée était qu'il n'y avait pas de date d'exécution. L'essentiel de son argumentation était que dans chaque ordonnance rendue en 1994, en 1997 et en 1999, le montant de la pension alimentaire est demeuré stable à 500 $ par enfant. L'apparente réduction du montant de 1 500 $ établi dans l'ordonnance provisoire de 1994 qui est passé à 1 000 $ dans l'ordonnance de mars 1997 (et qui a ensuite été conservé dans le jugement de divorce rendu en 1999) venait simplement du fait que l'aîné avait cessé d'être admissible à une pension alimentaire selon les conditions établies dans l'ordonnance provisoire de 1994. Tout cela a eu pour effet de conserver le droit de déduire la pension alimentaire pour enfants ayant fait l'objet de l'ordonnance provisoire initiale rendue en 1994, qui était antérieure aux modifications apportées en 1997.

[8]      À mon avis, M. Rivard ne peut pas obtenir gain de cause sur ce fondement. D'abord, son argument ne tient pas compte des 300 $ par mois en arriérés de pension alimentaire payables selon l'ordonnance de mars 1997. Le montant total de la pension alimentaire pour enfants, selon l'ordonnance de 1997, est de 1 300 $, et non de 1 000 $ comme le soutient M. Rivard. Il s'agit d'une modification qui nous empêche de considérer les trois ordonnances de pension alimentaire comme une seule ordonnance continue de pension alimentaire pour enfants, comme M. Rivard le demande. Pour ce qui est de déterminer une date d'exécution, les modifications apportées au montant de la pension alimentaire pour enfants ont eu lieu entre mars 1997 et 1999, soit la période de transition entre l'ancien et le nouveau régime. Si on considère alors l'ordonnance rendue en mars 1997, le montant de la pension alimentaire pour enfants était de 1 300 $. Le jugement de divorce rendu en 1999 a réduit le montant de pension alimentaire à 1 000 $. Il s'agit d'un changement suffisant pour que l'opération corresponde aux dispositions du sous-alinéa 56.1(4)b)(iii) qui, avec le préambule de l'alinéa en question, se lit comme suit :

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

[...]

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance, [...]

[12]     L'ordonnance de mars 1997 a été rendue avant mai 1997, et une ordonnance subséquente (soit le jugement de divorce de 1999) a été rendue après avril 1997 et a eu comme conséquence de changer les montants de pension alimentaire pour enfants payables, qui sont passés de 1 300 $ à 1 000 $ par mois. Selon la disposition ci-dessus, la date d'exécution était le 1er novembre 1998, soit le jour où l'obligation de versement des montants modifiés a débuté. Il existe donc une date d'exécution pour l'application du sous-alinéa (iii).

[13]     Pour conclure, cependant, je tiens compte de l'affirmation de M. Rivard indiquant qu'il pensait « avoir droit » à la déduction de la pension alimentaire pour enfants, et j'accepte cette affirmation. Même les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada ont manifesté des hésitations. Dans la première nouvelle cotisation, établie en janvier 2003, les déductions ont été admises. Après réflexion, une deuxième nouvelle cotisation a été établie en mai 2003, et les déductions y ont été refusées. Étant donné la complexité contrariante du libellé du paragraphe 56.1(4) et de l'alinéa 60b), il n'est pas surprenant que ceux qui sont touchés par la loi et ceux qui sont chargés d'exécuter la loi soient parfois déconcertés par ces dispositions.

[14]     Quoi qu'il en soit, pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus qu'il y avait bel et bien une date d'exécution et que, par conséquent, les montants de pension
alimentaire pour enfants pour les années d'imposition
1999, 2000 et 2001 ne sont pas déductibles. Les appels sont rejetés, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de novembre 2004.

« G. Sheridan »

Le juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2004CCI777

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-830(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Les Rivard et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 13 juillet 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge G. Sheridan

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Susan Jantz

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]no 2002-3099(IT)I, 11 février 2003, 2003 D.T.C. 186.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.