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Dossier : 2004-3806(IT)I

ENTRE :

LISETTE GIRARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 26 janvier 2005 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Brent Paris

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Laurent Brodeur

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2005.

« Brent Paris »

Juge Paris


Référence : 2005CCI104

Date : 20050202

Dossier : 2004-3806(IT)I

ENTRE :

LISETTE GIRARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation émise par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle ce dernier a refusé à l'appelante un crédit d'impôt pour déficience physique grave et prolongée relatif à son année d'imposition 2003.

[2]      L'appelante souffre d'une apnée de sommeil, une condition qui fait qu'elle arrête de respirer pour de courtes périodes pendant son sommeil. Ces « événements respiratoires » sont suivis d'une réaction d'éveil où la respiration recommence. Il en résulte une fragmentation du sommeil et une somnolence diurne. Pour remédier à sa condition, l'appelante se sert la nuit d'un appareil connu sous le nom de « CPAP » , un acronyme signifiant « continuous positive airway pressure » , qui consiste en un masque attaché par un tuyau à un réservoir d'oxygène. Elle porte le masque pendant le sommeil, ce qui donne une pression positive continue sur les voies respiratoires et les maintient ouvertes, supprime les événements respiratoires et fait disparaître la somnolence diurne.

[3]      L'appelante était la seule personne à témoigner au soutien de son appel. Elle a expliqué que sans l'appareil CPAP elle n'arriverait pas à entrer dans un sommeil profond, qu'elle ferait des cauchemars et qu'elle aurait des crises d'angoisse. Le manque de sommeil profond aurait un effet le jour sur la mémoire et la concentration et provoquerait une fatigue énorme.

[4]      L'appelante a ajouté que l'été dernier elle avait été diagnostiquée d'une obstruction dans un artère cardiaque et qu'elle prend actuellement des médicaments pour réduire le risque de faire un infarctus. Selon elle, le risque d'infarctus serait plus élevé la nuit si elle ne se servait pas de l'appareil CPAP.

[5]      En contre-interrogatoire, l'appelante a admis qu'avant d'avoir l'appareil CPAP en 2002, sa déficience physique ne l'empêchait pas de travailler à son poste de vérificatrice à Revenu Québec et qu'elle n'a pas eu d'arrêt de travail dû à son apnée.

[6]      Un certificat relatif au crédit d'impôt pour personnes handicapées signé par le médecin traitant de l'appelante, Dr. Charbonneau, a été déposé en preuve sous la cote I-1. Ce certificat atteste que l'appelante souffre d'une apnée de sommeil modérée et qu'elle doit « suivre des soins thérapeutiques essentiels pour maintenir une fonction vitale » et « y consacrer ... au moins 14 heures par semaine en moyenne, au moins trois fois par semaine » et précise que le type de soins thérapeutiques est « CPAP nasal » .

[7]      Cependant, selon la Réponse à l'avis d'appel (sous-paragraphe 6b)), le Dr. Charbonneau aurait déclaré ce qui suit à un agent de l'Agence des douanes et du revenu du Canada :

[...] sa patiente en l'absence de l'utilisation de sa pompe CPAP éprouverait une somnolence diurne qui l'empêcherait de fonctionner adéquatement au travail, mais la capacité de l'appelante d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne ne serait pas limitée de façon marquée.

[8]      L'alinéa 118.3(1)(a.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) stipule que :

Un montant est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

a.1) les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait en l'absence de soins thérapeutiques qui, à la fois :

(i)                   sont essentiels au maintien d'une fonction vitale du particulier,

(ii)                 doivent être administrés au moins trois fois par semaine pendant une durée totale moyenne d'au moins 14 heures par semaine,

(iii)                selon ce à quoi il est raisonnable de s'attendre, n'ont pas d'effet bénéfique sur des personnes n'ayant pas une telle déficience;

[9]      Le représentant de l'appelante prétend que la Cour devrait accepter le certificat médical tel qu'il a été complété par le Dr. Charbonneau à titre de preuve que l'appelante satisfait aux conditions prévues à l'alinéa 118.3(1)(a.1) de la Loi. Il déclare que le port de l'appareil CPAP représente des soins thérapeutiques essentiels au maintien d'une fonction vitale, c'est-à-dire la respiration. Selon lui, la preuve a démontré que sans cet appareil l'appelante serait à risque accru de faire un infarctus.

[10]     Dans l'arrêt Biron c. La Reine (2004CCI154), la juge Lamarre Proulx devait décider si un contribuable souffrant de l'apnée de sommeil sévère et qui était obligé de se servir d'un appareil CPAP avait droit au crédit d'impôt pour personnes handicapées. La juge Lamarre Proulx a reconnu que la respiration est une fonction vitale mais a déclaré ce qui suit aux paragraphes 44 et 45 de sa décision :

            D'après ma lecture des articles que l'on m'a présentés sur l'apnée respiratoire et selon le témoignage même du Dr. Camirand, l'usage du masque respiratoire ne me paraît pas tomber dans la catégorie de soins thérapeutiques essentiels au sens de l'alinéa 118.3(1)(a.1) de la Loi.

            Le législateur a utilisé le terme « essentiel » . Dans le sens juridique, « essentiel » se rapporte à un élément dont dépend l'existence d'un acte juridique. Dans la même logique, à mon sens, les soins essentiels sont ceux que si le patient cesse de les tolérer, il accepte que ses jours prennent fin à brève échéance. Le port du masque respiratoire ainsi que le nombre de nuits où il est utilisé est quelque peu la discrétion du patient. S'il ne le porte pas, sa vie n'est pas en danger immédiat ou prochain. À long terme, l'apnée respiratoire peut causer des dommages si une personne ne prend pas des précautions à cet effet : le port du masque, les médicaments, l'exercice physique ou la diète. Il ne s'agit pas des soins essentiels au maintien d'une fonction vitale au sens de l'alinéa 118.3(1)(a.1) de la Loi.

[11]     L'appelante, en l'espèce, tente de différencier son cas de celui de M. Biron. Son représentant suggère que dans le cas sous étude, l'appelante court un risque plus élevé de faire un infarctus si elle ne se sert pas de l'appareil CPAP et que, pour cette raison, l'utilisation de cet appareil est essentiel au maintien d'une fonction vitale. Bien que le représentant de l'appelante ne l'ait pas précisé, je présume que la fonction vitale à laquelle il fait référence est le système cardio-vasculaire. Il n'y a cependant aucune preuve devant la Cour démontrant que l'apnée du sommeil accroît les risques d'infarctus chez les gens qui ont une obstruction artérielle. La Cour a pris connaissance d'un article médical déposé en preuve par l'appelante (pièce A-1) traitant de l'apnée du sommeil et en particulier l'extrait suivant de la conclusion (dernière page de l'article) :

[...] Le lien de causalité entre SAOS [syndrome d'apnées obstructives du sommeil] et morbidité cardio-vasculaire semble également probable mais n'a pas été établi de façon formelle.

[12]     La Cour n'est pas satisfaite que la vie de l'appelante serait en danger immédiat ou prochain si elle n'utilisait pas le CPAP. De plus, la preuve tend à démontrer que même sans le CPAP, l'appelante pourrait accomplir les activités courantes de la vie quotidienne, telles qu'énoncées à l'alinéa 118.4(1)c) de la Loi.

[13]     De toute façon, on ne peut dire que l'utilisation de l'appareil CPAP représentait des soins thérapeutiques essentiels au maintien d'une fonction vitale. Il semble aussi que l'usage de l'appareil CPAP ne serait pas considéré comme des « soins thérapeutiques » . Le dictionnaire Le Petit Robert définit le mot « soins » comme étant, entre autres, « actes par lesquels on soigne quelqu'un ou quelque chose » . Si le législateur avait voulu inclure dans la Loi, à l'alinéa 118.3(1)(a.1), les appareils thérapeutiques, il en aurait fait expressément mention tel qu'il l'a fait au paragraphe 118.4(1) qui réfère aux « soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments ... » .

[14]     Vu les conclusions que la Cour tire de la preuve présentée, je suis d'avis que le Dr. Charbonneau a fait une erreur en indiquant sur le certificat médical que l'appelante avait besoin de soins thérapeutiques pour la maintenir en vie.

[15]     Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2005.

« Brent Paris »

Juge Paris


RÉFÉRENCE :

2005CCI104

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3806(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Lisette Girard et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 26 janvier 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Brent Paris

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 février 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Laurent Brodeur (représentant)

Pour l'intimée :

Me Anne Poirier

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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