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Dossier : 2004-894(IT)I

ENTRE :

TIMOTHY KIM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appels entendus le 6 août 2004, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Gavin Laird

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont admis avec dépens, le cas échéant, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que l'appelant peut déduire les commissions qu'il avait prises en compte dans le calcul de son revenu.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de septembre 2004.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice


Référence : 2004CCI665

Date : 20041012

Dossier : 2004-894(IT)I

ENTRE :

TIMOTHY KIM,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le texte du jugement original rendu le 30 septembre 2004 a été modifié, et les modifications ont été intégrées dans le présent document.

Le juge Rip

[1]      M. Timothy Kim interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu établies pour 1997, 1998 et 1999 dans lesquelles le ministre du Revenu national n'a pas permis la déduction des dépenses censément engagées par M. Kim au titre de commissions. M. Kim n'a pas pu produire de livres comptables se rapportant aux années en litige parce que ses livres ont été détruits lors d'un feu qui a endommagé sa résidence en décembre 2000. L'intimée affirme que la déduction des dépenses engagées par M. Kim au titre de commissions n'a pas été permise pour des raisons autres que le simple fait que M. Kim n'avait pas de livres comptables pour étayer les dépenses en question.

[2]      M. Kim vend des livres pour Books are Fun ( « Books » ), une société affiliée de Readers' Digest. Books fournit les articles, et M. Kim les vend, moyennant une commission d'environ 22 %. Parmi les articles que Books fournit, il y a des livres d'intérêt général, des livres de recettes, des livres pour enfants, des livres qui figurent sur la liste des best-sellers du New York Times et des articles de cadeaux. Environ 85 % des produits que vend M. Kim proviennent de Books. Les ventes sont effectuées auprès d'employés de diverses entreprises et écoles. M. Kim apporte une sélection d'articles aux écoles ou aux entreprises et y laisse les articles pendant une semaine environ. Les employés examinent les articles à leur convenance et passent leur commande selon la sélection disponible. M. Kim, ou l'un de ses vendeurs, retourne à l'entreprise ou à l'école la semaine suivante avec les articles commandés et prend les paiements, qui sont faits en argent comptant ou par chèque.

[3]      À la fin de la semaine, M. Kim « fait le bilan » des articles vendus, compare les ventes et les commandes et dépose le montant total dans un compte bancaire de Books et non dans son propre compte bancaire.

[4]      Selon M. Kim, Books détermine les prix, lui verse une commission et, à la fin de l'année, lui envoie un formulaire T4A pour les besoins de l'impôt sur le revenu.

[5]      M. Kim a déclaré qu'il engage d'autres personnes comme sous-traitants pour que ceux-ci vendent des articles et qu'il verse à ces personnes une commission dont le montant peut varier d'un sous-traitant à l'autre. Deux des sous-traitants de M. Kim pendant les années en litige étaient Henry See et la femme de celui-ci, Annabelle[1]. Il semblerait que les revenus gagnés par les See étaient inclus dans les revenus de Richdale Sales Ltd. ( « Richdale » ). Les See ont adopté la position selon laquelle c'était Richdale qui exerçait l'activité commerciale, c'est-à-dire qui vendait les articles, et non eux-mêmes. M. Kim a expliqué qu'une personne comme M. See obtenait des articles de lui et montrait ces articles à des clients, tout comme il le faisait lui-même. M. Kim a dit qu'il ne pouvait pas empêcher M. See de vendre les articles au prix qu'il voulait; M. See n'était pas tenu de vendre les articles à un prix en particulier. M. See exécutait les commandes et percevait les paiements. À la fin de chaque semaine, les montants tirés des opérations étaient comparés au prix des livres. Si, parmi les paiements effectués, il y avait des paiements en argent comptant, M. See gardait un montant d'argent comptant correspondant à sa commission, qui correspondait à environ 15 %. Si les See recevaient plus d'argent comptant que le montant de leur commission, ils donnaient un chèque pour la différence à M. Kim, qui déposait le chèque dans son compte de banque et qui émettait un chèque personnel à l'ordre des See tiré sur son propre compte.

[6]      M. Kim a dit que s'il n'y avait pas assez d'argent comptant pour couvrir le montant de commission auquel les See avaient droit, il faisait un chèque à l'ordre de M. See; s'il y avait plus d'argent comptant que le montant de commission, M. See faisait un chèque à l'ordre de M. Kim pour la différence. M. Kim a dit qu'il n'a pas envoyé de T4A à M. See quand M. See travaillait pour lui, parce qu'il ne pensait pas qu'il devait le faire.

[7]      Tous les documents de M. Kim se rapportant à M. See ont été détruits lors d'un feu de maison survenu en 2000. L'intimée admet que le feu a eu lieu. M. Kim a dit que, parmi les documents perdus, il y avait les ententes selon lesquelles M. See recevrait une commission fixe pour ses ventes, des tableurs pour tenir compte des ventes et des registres pour tenir compte des paiements en argent comptant faits à M. See.

[8]      M. Kim a produit des copies des chèques certifiés qu'il a émis à l'ordre de Mme See pour les mois de septembre, d'octobre et de novembre 1997. M. Kim a obtenu ces copies de sa banque; compte tenu du montant élevé qu'il doit verser à la banque pour recevoir des copies, il a demandé des copies pour une période de trois mois seulement. Le total des chèques s'élevait à 1 136,43 $, et, selon M. Kim, ce montant représente les commissions versées aux See pour couvrir le manque d'argent comptant.

[9]      À ce que M. Kim sache, il faisait affaire avec les See. Il n'a appris que les See avaient fait constituer Richdale en société pour vendre des livres et des produits divers que lorsque l'administration fiscale l'en a informé. Les See ne lui avaient pas donné de numéro d'entreprise pour Richdale (pour les besoins de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) ou de la taxe provinciale) ou d'indication que c'était Richdale qui exerçait l'activité commerciale.

[10]     L'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) a établi une cotisation à l'égard de M. Kim en fonction du fait qu'il a vendu des articles à M. See à un prix fixe et que la différence entre le montant auquel M. See a vendu les articles et le montant que M. See a versé à M. Kim représentait les bénéfices bruts de M. See et que M. Kim n'a pas versé de commissions à M. See. La position adoptée par M. Kim est que la différence représente une commission.

[11]     L'avocat de l'intimée a produit un document appelé [TRADUCTION] « Rapport des achats hebdomadaires » pour M. See pour les semaines se terminant le 12 et le 19 mars 1999. Les rapports ont été établis par M. See. Il est indiqué dans les rapports que le total des ventes pour la semaine se terminant le 12 mars 1999 s'élevait à 1 508,93 $. Il y a une note qui indique que la commission était de 21,26 %. Pour la semaine se terminant le 19 mars, le total des ventes s'élevait à 1 102,53 $, et il est indiqué que la commission était de 22,91 %. M. Kim a dit que les montants de 1 508,93 $ et de 1 102,53 $ représentaient 85 % des ventes brutes.

[12]     M. Kim a expliqué que lorsqu'il recevait les rapports des achats hebdomadaires, il faisait le rapprochement des montants indiqués et du stock vendu. Il a dit qu'il se souvenait que les See venaient habituellement chez lui pour lui donner un relevé des opérations et un rapport des achats hebdomadaires. M. Kim avait un carnet de reçus. Les See lui donnaient tous les chèques qui étaient à l'ordre de Books. Ils faisaient aussi un chèque qui lui était payable pour l'argent comptant qu'ils recevaient, moins leur commission. M. Kim a dit qu'il ne recevait pas d'argent comptant des See à ce moment-là. Même si les See auraient reçu en argent comptant 80 % du total de leurs ventes, ils auraient payé M. Kim au moyen d'un chèque. M. Kim a dit [TRADUCTION] « nous sommes une entreprise qui opère au moyen d'argent comptant » et a supposé que toute personne qui reçoit de l'argent comptant le déposerait dans un compte bancaire le plus tôt possible plutôt que de laisser l'argent à la maison. M. Kim, lui, émettait un chèque à l'ordre de Books. Les chèques provenant des clients étaient également à l'ordre de Books.

[13]     Selon M. Kim, même si les sous-traitants vendaient peut-être des livres à un prix plus élevé que le prix recommandé par Books, la commission était établie en fonction du prix recommandé, et le sous-traitant gardait tout montant excédentaire.

[14]     À un moment donné lors de la vérification que l'ADRC a faite à l'égard de M. Kim, celui-ci a réussi à convaincre M. See de signer une déclaration pour chacune des années 1997, 1998 et 1999, selon lesquelles M. See était un sous-traitant indépendant qui avait gagné des revenus de commission dans l'année.

[15]     Aujourd'hui, M. Kim et M. See, ou Richdale, sont des concurrents. Lorsque les See travaillaient avec M. Kim, les montants qu'ils généraient    représentaient de 30 à 35 % des montants que gagnait M. Kim dans le cadre de ses activités commerciales.

[16]     M. See a témoigné que M. Kim ne lui a pas payé de commissions. [TRADUCTION] « J'ai réalisé un bénéfice » . En ce qui concerne M. See, il ne faisait qu'acheter des livres de M. Kim pour 25 % de moins que le prix recommandé; il vendait les livres au prix recommandé. Le rabais de 25 % représentait ses bénéfices.

[17]     M. See a témoigné qu'il recevait de ses clients des paiements en argent comptant et par chèques. Il déposait les chèques et l'argent comptant dans le compte conjoint qu'il avait avec Mme See; il émettait ensuite un chèque à l'ordre de M. Kim pour le montant dû.

[18]     M. See a expliqué les diverses colonnes du rapport des achats hebdomadaires. Le rapport comprenait le total des articles vendus et le montant que M. See a payé pour chaque article et pour chaque livre. M. See a témoigné que, pour chaque livre, il payait 25 % de moins que le prix recommandé; par exemple, il payait à M. Kim 75 $ pour des articles d'une valeur de 100 $. Il payait à M. Kim 75 $ seulement. Il a dit que M. Kim ne lui a jamais payé de montant. Pour le 19 mars, son coût total était de 1 102,53 $. Selon M. See, la description [TRADUCTION] « total des ventes » correspondait au montant qu'il devait payer pour les livres, le montant qu'il devait verser à M. Kim, plus les taxes, et toute déduction pour les livres qu'il donnait à ses clients ou pour les livres perdus. M. See allègue que la description [TRADUCTION] « commission » de 22,91 % correspond à ses bénéfices nets. Étant donné qu'il devait payer à M. Kim la moitié du coût des livres qu'il donnait et des livres perdus, qui, pour la semaine du 19 mars, s'élevait à 22,76 $, plus la taxe, qui était de 77,18 $, son taux de bénéfice est passé de 25 % à 22,91 %.

[19]     Seulement la moitié du prix d'achat habituel était payée relativement aux livres que M. See perdait ou choisissait de donner. Il semblerait que M. See n'était pas tenu d'ajouter la taxe de vente au coût des livres qu'il recevait à prix réduit.

[20]     Selon M. See, le terme [TRADUCTION] « commission » contenu dans le rapport hebdomadaire et dans d'autres documents est un terme propre à l'industrie et est utilisé par d'autres éditeurs avec qui il fait affaire.

[21]     Au moment où on a présenté à M. See des copies de chèques à l'ordre de Mme See faits par M. Kim, il a soutenu que les chèques ne représentaient pas des commissions, mais qu'ils [TRADUCTION] « se rapportaient peut-être à des paiements en trop » . Il a dit ce qui suit : [TRADUCTION] « parfois, je recevais des chèques à l'ordre de Books Are Fun plutôt qu'à l'ordre de Richdale Sales » . Il donnait les chèques à l'ordre de Books à M. Kim, qui déposait les chèques dans le compte de Books, et lui remboursait tout montant excédentaire. Selon M. See, les chèques payables à Richdale et l'argent comptant étaient déposés dans le compte bancaire de Richdale.

[22]     Mme See a témoigné que les chèques payables à Books étaient donnés à M. Kim, qui [TRADUCTION] « nous remboursait » par chèque. De plus, M. Kim émettait des chèques aux See lorsqu'il y avait des erreurs de calcul ou des erreurs dans la feuille de calcul selon lesquelles [TRADUCION] « nous l'avions trop payé » . Les See ont nié avoir reçu de l'argent comptant de M. Kim.

[23]     M. John Robert Omand, qui travaillait comme sous-traitant de M. Kim une journée par semaine depuis 1997, a dit qu'il savait comment [TRADUCTION] « les commissions étaient versées » , et qu'il recevait une commission de 20 % de ses ventes.

[24]     La question qui m'est soumise ne porte pas nécessairement sur la crédibilité, mais plutôt sur une différence entre les interprétations de M. Kim et des See en ce qui concerne leur relation. J'estime que c'est M. Kim qui a raison : M. See agissait comme sous-traitant de M. Kim.

[25]     Selon les éléments de preuve, les See pouvaient retourner les livres invendus et n'avaient pas à donner de l'argent à M. Kim pour les livres avant qu'ils ne soient vendus. Même si les See devaient payer une partie du coût des livres perdus ou donnés, ils devaient payer au moins la moitié de ce qu'ils auraient dû payer à M. Kim si les livres avaient été vendus[2]. De plus, aucune TPS de 7 % n'était payée par les See pour les livres perdus ou donnés; la TPS a seulement été payée sur le total des ventes. Si M. Kim était grossiste, comme l'allèguent les See et l'intimée, les See seraient tenus de payer la TPS sur toutes les fournitures acquises auprès de M. Kim.

[26]     M. See fait la distinction entre une commission et un bénéfice en fonction de la question de savoir s'il garde l'argent comptant ou s'il doit donner l'argent à M. Kim, qui lui verse une rémunération par la suite. La façon dont on paie une personne n'a pas d'effet déterminant quant à savoir si le paiement représente une commission ou quelque chose d'autre, comme un bénéfice. L'explication de M. See sur la raison pour laquelle il a signé les déclarations pour 1997, 1998 et 1999 permet de connaître sa position :

[TRADUCTION]

Il m'a dit qu'il en avait besoin pour la production de ses déclarations de revenus. C'est ce qu'il m'a dit. Alors, comme je le répète depuis tout à l'heure, vous pouvez appeler ce montant une commission, un bénéfice, un rabais; j'ai calculé que oui, il s'agit plus ou moins du montant que j'aurais reçu de lui. Je ne nie pas cela. Je dis tout simplement que je n'ai pas reçu directement de lui une commission relativement à ce montant.

[27]     Étant donné que M. See croit qu'il a gardé l'argent qui lui revenait de toute façon (au lieu de donner l'argent à M. Kim et que ce dernier émette un chèque à son ordre pour une « commission » ), il estime que M. Kim ne lui a pas versé de commission. Toutefois, compte tenu des faits, il semblerait que les See ont reçu une commission, et les paiements de commissions peuvent être déduits par M. Kim dans le calcul de son revenu pour 1997, 1998 et 1999.

[28]     Les appels sont admis avec dépens, le cas échéant.


          Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2004.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice



[1]           Les See ont fait savoir que l'activité commerciale de la société Richdale Sales Ltd., qui leur appartient, était d'acheter des livres de M. Kim et de revendre ces livres.

[2]           Les rapports hebdomadaires des achats confirment que le prix d'achat total n'est pas exigé pour les livres perdus. Par exemple, le rapport en date du 12 mars 1999 concernant des cartes « Debbie Mumm » indique que deux cartes Debbie Mumm ont été perdues, et un montant de 4,67 $ (ou environ 2,33 $ par article) a été déduit du montant que les See devaient payer à M. Kim. Le prix des articles était de 5 $ chacun. Dans le rapport, il semblerait que M. See a ajouté le prix réduit des articles perdus dans le montant dû. Le montant du chèque en date du 15 mars 1999 pour les livres vendus indiqué dans le rapport est le même montant qui est indiqué dans le rapport comme étant des ventes nettes.

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