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Dossier : 2004-2996(IT)I

ENTRE :

DONNA BARNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 7 mars 2005, à Fredericton (Nouveau-Brunswick).

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelante:

Greg G. Byrne

Avocate de l'intimée :

Me Christa MacKinnon

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JUGEMENT

          Les appels à l'encontre de la décision relative à la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour Teri, la petite-fille de l'appelante, à l'égard de la période allant du mois de juillet 2002 au mois de février 2004 pour les années de base 2001 et 2002 sont admis conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 25e jour d'avril 2005.

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice


Référence : 2005CCI252

Date : 20050425

Dossier : 2004-2996(IT)I

ENTRE :

DONNA BARNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]    Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a examiné la question de savoir si l'appelante avait droit à la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour la période allant du mois de juillet 2002 au mois de février 2004 inclusivement (la « période en litige » ). Le ministre a conclu que l'appelante n'était pas un particulier admissible pendant la période en litige et a établi une cotisation de 1 711,28 $ pour récupérer les versements excédentaires de prestations que l'appelante a reçus pendant la période en litige, tout au long des années de base 2001 et 2002. L'appelante a déposé un avis d'opposition valide, et le ministre a ratifié la cotisation le 1er juin 2004. L'appelante interjette appel de cette décision.

[2]    Teri Leigh Sharpe était la personne à charge admissible pour la période en litige, qui se terminait le jour de son 18e anniversaire. Elle était donc âgée de 16 ans au début de la période. L'appelante est la grand-mère de Teri.

[3]    Les parents de Teri se sont séparés en 1991 et ont eu la garde conjointe de leur fille. Earl, le père de Teri, assume la garde et la surveillance quotidienne de Teri, tandis que la mère de Teri bénéficie de droits de sortie. Jusqu'en février 2002, Teri vivait avec son père et sa belle-mère à Charter's Settlement, près de Fredericton (Nouveau-Brunswick). Pendant cette période, Teri, son père et sa belle-mère ont eu une grosse querelle, à la suite de laquelle Teri a déménagé chez ses grands-parents à Cambridge-Narrows, qui se trouve à environ une heure de route de Fredericton. L'appelante a pris les dispositions nécessaires pour que Teri soit transférée de l'école secondaire de Fredericton à l'école secondaire d'Oromocto. Les affaires de Teri ont été envoyées à la maison de l'appelante, et Teri a eu sa propre chambre. L'appelante veillait à tous les besoins de sa petite-fille et, avec l'aide de son mari et d'une autre personne, s'occupait du transport de la fille à l'école.

[4]    La fin de l'année scolaire 2002 est le début de la période en litige. La seule question à trancher est de savoir si l'appelante était un particulier admissible à l'égard de Teri pendant la période en litige. La définition de « particulier admissible » se trouve à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et elle dit ce qui suit :

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a) elle réside avec la personne à charge;

b) elle est la personne - père ou mère de la personne à charge - qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

c) elle réside au Canada ou, si elle est l'époux ou le conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

d) elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e) elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i) résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

(ii) résident temporaire ou titulaire d'un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

(iii) personne protégée au titre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiées,

(iv) quelqu'un qui fait partie d'une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l'immigration.

Pour l'application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

[5]    L'article 6302 de la partie LXIII du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement » ) de la Loi énonce :

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[6]    Pour être un particulier admissible, il faut satisfaire aux deux critères les plus importants, soit, d'une part, résider avec la personne à charge, et, d'autre part, assumer principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge admissible à un moment donné. Les critères énumérés à l'article 6302 du Règlement servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible.

[7]    La question qui revient le plus souvent devant la Cour est de savoir lequel des deux parents est le particulier admissible. Dans l'affaire qui nous occupe, il est question de la grand-mère maternelle et de la belle-mère de l'enfant. Nous sommes également en présence d'une personne à charge admissible âgée de 16 ans dont le niveau de dépendance est quelque peu limité. Aussi, la preuve révèle qu'il y avait un grave problème de communication entre les grands-parents maternels de la fille et le père et la belle-mère de celle-ci tout au long de la période en litige, problème qui persiste encore aujourd'hui.

[8]    Le conflit sur la question de savoir qui est le particulier admissible a tellement aggravé le problème qu'il est très difficile pour la Cour de se fier aux témoignages des membres de la famille, y compris à celui du père. Chacun des témoins a cherché à exagérer ou à déformer les faits de façon à s'attribuer le rôle de personne ayant la responsabilité principale de l'enfant. Teri, elle, est au milieu de toute cette histoire et n'a aucun avantage à tirer du résultat du présent appel.

[9]    Teri demeure chez sa grand-mère depuis le mois de février 2002. À la fin de l'année scolaire 2002, à la mi-juin, Teri a obtenu un emploi comme ramasseuse de fraises à Jemseg (Nouveau-Brunswick). Elle a occupé cet emploi pendant trois à quatre semaines environ et a continué à vivre chez sa grand-mère pendant cette période. Son grand-père la conduisait à son travail. Pendant le reste de l'été, Teri a gardé sa demi-soeur chez sa mère et est retournée vivre chez sa grand-mère au début de l'année scolaire. Elle a continué à fréquenter l'école secondaire d'Oromocto, et son grand-père et d'autres personnes l'ont conduite à l'école chaque jour. Sa grand-mère subvenait à tous ses besoins.

[10]En novembre 2002, Teri a obtenu un emploi à temps partiel à Fredericton. Au début, elle ne travaillait que les mercredis soirs et, ces soirs-là, elle dormait chez son père. Les fins de semaine, elle rendait visite à sa mère ou à son père. Juste avant Noël, Teri a commencé à travailler les fins de semaine, mais, au début, elle ne faisait pas cela de façon régulière. Lorsqu'elle travaillait, elle dormait chez son père et, selon l'endroit où elle dormait, son père, sa mère ou son grand-père s'occupaient de son transport. Même si ses vêtements étaient chez sa grand-mère, Teri en gardait quelques uns chez son père et chez sa mère. Ses fournitures scolaires et son ordinateur étaient chez sa grand-mère.

[11]Cette situation s'est maintenue jusqu'en juin 2003. Teri a obtenu un autre emploi à Fredericton. Au début, elle travaillait de deux à trois quarts de travail par semaine, surtout les fins de semaine. Elle habitait chez sa mère étant donné qu'elle gardait aussi sa demi-soeur. En septembre 2003, elle a recommencé l'école et est retournée vivre avec ses grands-parents.

[12]Teri a appris à la fin septembre 2003 qu'elle attendait un enfant. Elle a continué à aller à l'école et a gardé son emploi à temps partiel jusqu'à la mi-décembre. Elle a accouché le 5 janvier 2004. Pendant les vacances de Noël, elle a passé une semaine chez sa mère et le reste du temps chez son père. De plus, avant d'accoucher, elle a passé plus de temps que d'habitude avec son père et sa belle-mère parce que ses grands-parents avaient la grippe. Après avoir accouché, Teri est retournée chez ses grands-parents.

[13]Teri estime que son lieu de résidence pendant la période en litige était la résidence de ses grands-parents, et j'accepte cela comme un fait. Bien qu'elle ait passé du temps chez sa mère et chez son père, je conclus qu'à toutes fins utiles, Teri habitait avec l'appelante pendant toute la période en litige. Le fait que Teri ait dû coucher à différents endroits pour pouvoir travailler ou qu'elle ait vécu temporairement chez son père pour pouvoir travailler à temps partiel ne change rien au fait que la résidence de l'appelante était le lieu de résidence permanent de Teri.

[14]Comme je l'ai mentionné précédemment, tous les témoignages ont été plus ou moins viciés ou faussés pour faire en sorte qu'ils favorisent l'appelante ou la belle-mère. C'est Teri qui a le moins d'avantages à tirer de cette histoire et, selon moi, c'est son témoignage qui est le plus fiable. J'ai examiné attentivement la pièce A-3, soit une lettre que Teri a signée et envoyée à Revenu Canada pour l'aider à clarifier la situation en regard de l'identité de la personne qui avait droit à la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Selon moi, le contenu de cette lettre est beaucoup trop précis et détaillé pour que ce soit Teri qui l'ait rédigée toute seule, et je ne pense pas non plus que ce soit son père qui l'ait rédigée. Je pense que la belle-mère de Teri a joué un rôle beaucoup plus important qu'elle ne l'a admis à l'audience étant donné qu'elle avait beaucoup à gagner en envoyant cette lettre.

[15]Je pense que l'appelante ainsi que le père et la belle-mère de Teri ont tous contribué également au transport de Teri et aux soins médicaux dont celle-ci avait besoin. Compte tenu de son âge, elle était tout à fait capable de faire bien des choses toute seule, ses besoins étant donc moins nombreux que les besoins énumérés dans les critères que la Cour doit examiner. Toutes les personnes en cause dans cette affaire semblent avoir participé aux frais de déplacement et aux frais médicaux, l'appelante et la belle-mère de Teri ayant donc assumé à parts égales les responsabilités visées par les critères c) et d).

[16]En ce qui concerne la période pendant laquelle Teri devait assister à des cours prénataux et décider si elle voulait donner son bébé en adoption, l'aide fournie par sa belle-mère est un élément important dont il faut tenir compte au moment d'évaluer la preuve se rapportant au critère g). Toutefois, je dois tenir compte de la situation globale et non de la situation pendant une courte période de temps, étant donné que le critère porte sur le fait d'être présent auprès de l'enfant et de guider celui-ci de façon générale. Un point qui ressort du témoignage de la belle-mère est son affirmation voulant que toute l'audience ne soit qu'une question d'argent. En fait, son témoignage révèle que l'argent avait une grande importance pour elle. Les sommes reçues dans le cadre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants ont été déposées dans un compte bancaire pour l'éducation de Teri. Teri est inscrite à l'Université St. Thomas et n'a toujours pas reçu ces sommes.

[17] Je conclus que les critères a) et b) en particulier, ainsi que les critères d), e) et g) jouent en faveur de l'appelante. Lorsque Teri a déménagé chez l'appelante en février 2002, elle l'a fait de façon permanente. Le rôle de l'appelante dans la vie de Teri est alors devenu vital, et l'appelante a donné un chez-soi à la fille quelles que soient les circonstances. Teri pouvait donc vivre dans un milieu sécuritaire où elle pouvait obtenir tous les soins dont une personne de son âge peut avoir besoin. L'appelante a subvenu aux besoins de Teri sans avoir d'aide financière des parents de Teri. Même si toutes les personnes en cause ont aidé Teri et se sont occupées d'elle, je conclus que c'était l'appelante qui s'occupait principalement d'elle tout au long de la période en litige.

[18]L'appel est admis, et la décision est renvoyée au ministre pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire en tenant pour acquis que l'appelante a droit à la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour la période en litige.

Signé à Edmundston (Nouveau-Brunswick), ce 25e jour d'avril 2005.

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'octobre 2005.

Nathalie Boudreau, traductrice

RÉFÉRENCE :                                   2005CCI252

NO DU DOSSIER :                             2004-2996(IT)I

INTITULÉ :                                        Donna Barnes et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 7 mars 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                    Le 25 avril 2005

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

Greg G. Byrne

Avocate de l'intimée :

Me Christa MacKinnon

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :                                                                                             

                   Nom :                             

                   Cabinet :

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

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