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Dossier : 2005-2205(TPS)I

ENTRE :

GLOBAL INFOBROKERS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 1er novembre 2006 à Saskatoon (Saskatchewan)

 

 

Devant : l’honorable juge D.W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Benedict Nussbaum

 

Avocat de l’intimée :

Me Lyle Bouvier

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro 00000000222, est admis, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2005.

 

 

« D.W. Beaubier »

Le juge Beaubier


 

 

Référence : 2005CCI733

Date : 20051110

Dossier : 2005-2205(GST)I

ENTRE :

GLOBAL INFOBROKERS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier

                                                                          

[1]   Cet appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle à Saskatoon (Saskatchewan) le 1er novembre 2005. Une administratrice de l’appelante, Monica Kreuger, a été le seul témoin.

 

[2]   Les paragraphes 1, 4, 5, 9, 10 et 11 de la réponse à l’avis d’appel exposent les points en litige. Ils se lisent comme suit :

 

                        [traduction]

 

1.         Concernant la première page de l’avis d’appel intitulée « Avis d’appel [...] »

 

(a)        il admet qu’une cotisation a été émise à l’égard de l’appelante pour la période allant du 1er septembre 2002 au 31 août 2003 (la « période pertinente »), dont l’avis porte le numéro 00000000222 (la « cotisation »);

 

(b)        il admet que l’appelante a joint a son avis d’appel une copie de l’avis de décision et de la cotisation émis par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC »);

 

(c)        il déclare que les documents mentionnés à l’alinéa précédent parlent d’eux-mêmes et qu’il n’est pas nécessaire d’en discuter plus longuement;

 

(d)        il déclare que le reste de la page en question est de nature administrative et ne contient pas de faits pertinents à admettre ou  nier.

[…]

 

4.         Le ministre du Revenu national (le « Ministre »), par une cotisation datée du 31 mars 2004, a imposé à l’appelante une taxe nette de 5 886 $, une pénalité de 194 $ et des intérêts de 77,74 $ pour la période pertinente.

 

5.         Pour établir le montant de la taxe nette, le Ministre a tenu compte du montant de la taxe percevable non déclarée de 10 148,81 $ relativement à des fournitures taxables à 7 % qui ont été effectuées par l’appelante pendant la période pertinente.

[…]

 

9.         Pour confirmer la cotisation, le Ministre s’est fondé sur les mêmes hypothèses de fait qui avaient été utilisées pour l’établir, soit :

 

a)         que l’appelante s’est constituée en société par actions en vertu des lois de la Saskatchewan;

 

b)         que l’appelante s’est inscrite aux fins de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») et qu’elle était un inscrit à toutes les époques pertinentes;

 

c)         que pendant la période pertinente l’appelante a fourni à des particuliers admissibles en vertu d’un programme du gouvernement de la Saskatchewan connu sous le nom de « Programme de travail indépendant » (Self Employment Program) une formation et du soutien pour élaborer, mettre en œuvre et exploiter des entreprises viables (les « services éducatifs »);

 

d)         relativement aux services éducatifs, que l’appelante a également fourni de l’équipement, du matériel et des fournitures (« matériel technologique et fournitures »);

 

e)         que l’appelante a reçu une contrepartie des particuliers participant au Programme de travail indépendant pour les services éducatifs et le matériel technologique et fournitures connexes d’une valeur de 132 281,40 $ et 12 701,60 $ respectivement;

 

f)          que les services éducatifs ainsi que le matériel technologique et fournitures connexes fournis aux participants étaient taxables à 7 %;

 

g)         que l’appelante était tenue de percevoir une taxe relative aux services éducatifs et au matériel technologique et fournitures connexes de 9 259,70 $ et de 889,11 $ respectivement, soit un montant total de 10 148,81 $;

 

h)         que dans sa déclaration de TPS pour la période pertinente, l’appelante a omis de déclarer le montant de la taxe percevable indiqué à l’alinéa précédent.

 

B.        QUESTIONS À TRANCHER

 

10.       La question à trancher dans cet appel est de savoir si l’appelante est tenue de remettre la taxe percevable relativement aux services éducatifs et au matériel technologique et fournitures connexes fournis aux particuliers participant au Programme de travail indépendant, et si le Ministre a adéquatement évalué le montant de la taxe percevable relativement auxdits services.

 

C.        DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE

 

11.       Le sous-procureur général se fonde sur les paragraphes 123(1), 221(1) et 225(1) et sur les articles 165, 224, 228, 296 et 299 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, telle que modifiée (la « LTA »), sur les articles 1 et 8 de la partie III de l’annexe V de la LTA et sur l’article 18.3009 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

 

[3]     Les hypothèses 9a) à 9e) inclusivement n’ont pas été réfutées. Les autres sont en litige.

 

[4]     La période visée s’étend du 1er septembre 2002 au 31 août 2003. Pendant cette période, l’appelante percevait directement des frais auprès des participants recevant une formation en « entreprenariat » dans le cadre d’un « cours du Programme de travail indépendant ». Avant et après la période, les frais étaient assumés par la Province de la Saskatchewan, par l’intermédiaire du Canada – Saskatchewan Career Employment Services, qui est en partie financé par Développement des ressources humaines Canada (« DRHC »), et n’étaient pas assujettis à la TPS.

 

[5]     Lors du changement de bénéficiaires pendant la période, l’appelante n’a pas perçu la TPS, croyant que celle-ci n’était pas percevable. Elle considérait que les frais étaient exonérés en application de l’annexe V de la partie III de l’article 8 de la Loi sur la taxe d’accise, dont la version anglaise est ainsi rédigée :

 

A supply, other than a zero-rated supply, made by a government, a school authority, a vocational school, a public college or a university of a service of instructing individuals in, or administering examinations in respect of, courses leading to certificates, diplomas, licences or similar documents, or classes or ratings in respect of licences, that attest to the competence of individuals to practise or perform a trade or vocation except where the supplier has made an election under this section in prescribed form containing prescribed information.

 

La version française se lit comme suit :

 

La fourniture, sauf une fourniture détaxée, effectuée par un gouvernement, une administration scolaire, une école de formation professionnelle, un collège public ou une université, d'un service consistant à donner à des particuliers des cours ou des examens qui mènent à des certificats, diplômes, permis ou documents semblables, ou à des classes ou des grades conférés par un permis, attestant la compétence de particuliers dans l'exercice d'un métier, sauf si le fournisseur a fait un choix en application du présent article en la forme déterminée par le ministre et contenant les renseignements requis par celui-ci.

 

[6]     Selon la preuve, au moins 80 pour 100 du revenu gagné par l’appelante provenait en tout temps de ses programmes de formation.

 

[7]     Par conséquent, la question primordiale que la Cour doit trancher est de savoir si l’appelante était ou non une école de formation professionnelle donnant et administrant des cours ou des examens qui mènent à des certificats attestant la compétence de particuliers dans l'exercice d'un métier.

 

[8]     La finalité de l’entreprise de l’appelante, celle pour laquelle elle a été constituée, est de [traduction] « fournir aux petites entreprises une formation relativement à la conduite d’activités commerciales » (pièce A-1). Depuis sa création en décembre 1986, la société a imparti des cours d’entreprenariat sous les auspices de l’ADRC. Après une période de démarrage, les cours sont devenus des cours de 3 étapes d’une durée de 40 semaines. La première étape dure douze semaines et vise à former des étudiants admissibles à l’assurance-emploi en matière de gestion, d’étude de marché, d’établissement de prévisions financières, de gestion du personnel et de préparation d’un plan d’affaires. La deuxième étape est celle du « démarrage » : l’étudiant trouve un emplacement, du financement et du matériel puis établit son magasin. Il fait l’objet d’une inspection hebdomadaire par un formateur pendant cette étape. À la fin de l’étape, un jury composé de gens d’affaires approuve l’ensemble de la démarche. Au cours de la troisième étape, l’étudiant exploite son entreprise, gagne un revenu, apprend à établir des prévisions de ventes et à préparer des états financiers et des bilans. Une inspection à lieu à toutes les trois semaines. Au bout de 40 semaines, si le programme a été complété avec succès, le jury donne son approbation et l’étudiant se voit remettre un certificat. Certains échouent parce qu’ils sont incapables de réaliser les tâches demandées ou abandonnent le programme. Ceux qui réussissent le programme atteignent habituellement le seuil de rentabilité au bout de six à neuf mois, et 70 pour 100 d’entre eux sont encore en affaires cinq ans plus tard.

 

[9]     Monica Kreuger est titulaire d’un M.B.A. et enseigne les rudiments du cours de Global à des étudiants du College of Commerce de laUniversity of Saskatchewan dans le cadre d’un cours facultatif intitulé « Entreprenariat », dont le contenu a été élaboré à partir du cours de Global.

 

[10]    Essentiellement, les questions soulevées dans le cadre de cet appel sont les suivantes :

 

          1.       L’appelante est-elle une école de « formation professionnelle » ?

 

          2.       Peut-on qualifier l’« entreprenariat » de profession ou de métier?

 

[11]    En anglais, le terme calling (« vocation ») a été traditionnellement considéré comme un synonyme de vocation (« vocation ») et n’a pas été associé à un métier ou à une profession. Toutefois, le sens 2.b du mot vocation (« profession ») qui figure dans The Oxford English Dictionary, 2e édition, est le suivant :

 

                        [traduction]

2. […]

b.   L’emploi, l’entreprise ou la profession habituelle d’une personne.

 

[12]    Ces termes ne sont pas utilisés dans la version française de l’article 8. L’exercice d’un « métier » (trade) est la seule expression utilisée. Cependant, le mot français « vocation » est généralement défini comme faisant référence à une profession, habituellement une des professions traditionnelles, comme la profession ecclésiastique ou juridique.

 

[13]    Le terme  trade (« métier ») est ainsi défini dans The Oxford English Dictionary, 2e édition :

 

                        [traduction]

 

5. a. Exercice habituel d’un emploi ou d’une profession ou exploitation habituelle d’une entreprise [...] terme de nos jours généralement appliqué aux activités de nature commerciale et à l’artisanat spécialisé, de manière à les distinguer des professions [...]           

 

Ainsi, la portée de la description ou de l’exercice d’un trade ne se restreint plus aux métiers tels que la charpenterie, la plomberie, etc. Le terme peut aussi s’appliquer, entre autres, à l’exploitation habituelle d’une entreprise. Ce sens s’apparente à celui de son équivalent français « métier », tel qu’il est défini dans Le nouveau petit Robert (1994) et Le petit Larousse illustré (2006).

 

[14]    L’article 8 et les dispositions visées par cet appel sont établis en faveur des particuliers. En outre, de nouveaux métiers et de nouvelles vocations existent dans notre société moderne. Un exemple simple est qu’il est fréquent de penser qu’un enfant a été « appelé » à exercer la même profession ou à exploiter la même entreprise que l’un de ses parents, qu’il s’agit de sa « vocation ». Programmer ou réparer des ordinateurs ne sont pas des « métiers » ou des « professions », au sens traditionnel du terme. Néanmoins, ces activités sont considérées comme telles dans notre monde moderne.

 

[15]    De l’avis de la Cour, on peut en dire de même des entrepreneurs. Il s’agit d’un calling, d’une vocation qui fait appel à des compétences et à des habiletés précises. D’ailleurs, les causes d’impôt sur le revenu font appel à plusieurs concepts qui sont des titres de cours enseignés dans le programme d’enseignement de l’appelante  pour déterminer si un contribuable exploite une entreprise. Ces structures étaient inconnues il y a 50 ans. Il se peut qu’elles aient existé, mais elles n’étaient pas officiellement structurées et désignées. La Cour estime que le cours d’entreprenariat offert par l’appelante à titre de « programme de travail indépendant » est de fait un cours qui enseigne aux particuliers à exercer un métier ou une profession. L’entreprenariat, ou le fait d’être en affaires, constitue un métier ou une profession dans le contexte moderne du Canada d’aujourd’hui.

 

[16]    Pour ces motifs, l’appel est accueilli.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2006.

 

 

« D.W. Beaubier »

Le juge Beaubier

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