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Dossier : 2000-1755(GST)G

ENTRE :

VILLA BELIVEAU INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de S.A.M. (Colorado) Inc. (2001-2725(GST)G), Southpark Estates Inc. (2001-2726(GST)G) etVirden Kin Place Inc. (2001-2856(GST)G) à Winnipeg (Manitoba), les 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 mai 2003.

Devant : L'honorable A. A. Sarchuk

Comparutions :

Avocats de l'appelante:

Mes Jonathan Kroft et

Barbara M. Shields

Avocats de l'intimée:

Mes Lyle Bouvier et Angela Evans

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation relative à la taxe sur les produits et services qui a été établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 12 avril 1999 et porte le numéro 09CR0006181, est rejeté avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2004.

                                  « A.A. Sarchuk »                 

                                   Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'août 2005.

Sara Tasset


Dossier : 2001-2725(GST)G

ENTRE :

S.A.M. (COLORADO) INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Villa Beliveau Inc. (2000-1755(GST)G),Southpark Estates Inc. (2001-2726(GST)G) et Virden Kin Place Inc. (2001-2856(GST)G) à Winnipeg (Manitoba), les 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 mai 2003.

Devant : L'honorable A. A. Sarchuk

Comparutions:

Avocats de l'appelante:

Mes Jonathan Kroft et

Barbara M. Shields

Avocats de l'intimée:

Mes Lyle Bouvier et Angela Evans

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation relative à la taxe sur les produits et services qui a été établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 13 février 2001 et porte le numéro 09CR0006874, est rejeté avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2004.

                   « A.A. Sarchuk »                 

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'août 2005.

Sara Tasset


Dossier: 2001-2726(GST)G

ENTRE :

SOUTHPARK ESTATES INC.

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Villa Beliveau Inc. (2000-1755(GST)(G),SA.M. (Colorado) Inc. (2001-2725(GST)G) et Virden Kin Place Inc. (2001-2856(GST)G) à Winnipeg (Manitoba),

les 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 mai 2003.

Devant : L'honorable A. A. Sarchuk

Comparutions:

Avocats de l'appelante:

Mes Jonathan Kroft et

Barbara M. Shields

Avocats de l'intimée:

Mes Lyle Bouvier et Angela Evans

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation relative à la taxe sur les produits et services qui a été établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 5 avril 2000 et porte le numéro 09CR0030090, est rejeté avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2004.

                  « A.A. Sarchuk »                

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 8 ejour d'août 2005.

Sara Tasset


Dossier : 2001-2856(GST)G

ENTRE :

VIRDEN KIN PLACE INC.,

appelante,

Et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Villa Beliveau Inc. (2000-1755(GST)G),S.A.M. (Colorado) Inc. (2001-2725(GST)G) et Southpark Estates Inc. (2001-2726(GST)G) à Winnipeg (Manitoba),

les 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 mai 2003.

Devant : L'honorable A. A. Sarchuk

Comparutions:

Avocats de l'appelante:

Mes Jonathan Kroft et

Barbara M. Shields

Avocats de l'intimée:

Mes Lyle Bouvier et Angela Evans

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation relative à la taxe sur les produits et services qui a été établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 30 janvier 2001, et porte le numéro 09CR0006860, est rejeté avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2004.

                   « A.A. Sarchuk »                 

Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'août 2005.

Sara Tasset


Référence : 2004CCI701

Date : 20041101

Dossiers : 2000-1755(GST)G

2001-2725(GST)G

2001-2726(GST)G

2001-2856(GST)G

ENTRE :

VILLA BELIVEAU INC.,

S.A.M. (COLORADO) INC.,

SOUTHPARK ESTATES INC. et

VIRDEN KIN PLACE INC.,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Ces appels ont été entendus ensemble sur consentement des parties. La question en litige dans chaque appel se rapporte à la méthode qu'il convient d'employer pour déterminer la valeur marchande d'immeubles d'habitation à logements multiples à but non lucratif pour personnes âgées, faisant l'objet de baux viagers, pour l'application du paragraphe 191(3) de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ). Il n'est pas contesté que chacune des appelantes était une société à but non lucratif dûment constituée en vertu des lois du Manitoba.

Les cotisations

[2]      S.A.M. (Colorado) Inc. ( « Colorado » ) - Cette appelante a achevé, en 1997, la construction d'un immeuble d'habitation composé de 45 logements faisant l'objet de baux viagers, à l'intention des personnes âgées, au 140, chemin Ferry, à Winnipeg. Elle a elle-même établi sa cotisation à l'égard de l'immeuble en se fondant sur une juste valeur marchande de 2 740 000 $, la TPS payable s'élevant à 191 800 $. Le 13 février 2001, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation à l'égard de cette appelante compte tenu du fait que la juste valeur marchande n'était pas inférieure à 5 215 000 $, et il a fixé la taxe nette à 365 050 $.

[3]      Villa Beliveau Inc. ( « Villa Beliveau » ) a acquis un terrain non bâti situé au 500, boulevard Beaverhill, à Winnipeg, et après des dispositions pour y faire construire un immeuble d'habitation composé de 33 logements, les logements étant loués aux termes de « baux viagers » . La construction a été achevée au mois d'août 1998 et, au mois de septembre, Villa Beliveau a elle-même établi sa cotisation à l'égard de l'immeuble en se fondant sur une juste valeur marchande de 2 400 000 $, la TPS payable s'élevant à 168 000 $. Au mois d'avril 1999, le ministre a établi une cotisation à l'égard de Villa Beliveau compte tenu du fait que la juste valeur marchande du bâtiment n'était pas inférieure à 3 995 327,10 et que l'appelante avait omis de tenir compte de la taxe, d'un montant de 111 672,90 $.

[4]      Au mois d'avril 1998, Virden Kin Place Inc. ( « Virden » ) a achevé la construction d'un immeuble d'habitation à trois étages pour personnes âgées, lequel était composé de 22 logements faisant l'objet de baux viagers, au 489, rue Frame, à Virden (Manitoba). Virden a elle-même établi sa cotisation à l'égard du bâtiment, conformément au paragraphe 191(3) de la Loi, en se fondant sur le fait que la juste valeur marchande de l'immeuble était de 1 261 000 $ au moment pertinent et que la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) payable s'élevait à 88 270 $. Le 15 juillet 2001, le ministre a délivré un avis de décision portant à 142 282,90 $ le montant de la cotisation payable au titre de la TPS compte tenu du fait que la juste valeur marchande de l'immeuble était d'au moins 2 032 612,89 $.

[5]      Southpark Estates Inc. ( « Southpark » ) a acquis un fonds, au 132, chemin Marrington, à Winnipeg, et a pris des dispositions en vue d'y faire construire un immeuble à trois étages pour personnes âgées, composé de 58 logements. La construction a été achevée en 1997 et les logements ont été loués à des locataires aux termes de baux viagers. Southpark a elle-même établi sa cotisation à l'égard de l'immeuble en se fondant sur le fait que la juste valeur marchande était de 4 100 000 $ au moment pertinent, la TPS payable s'élevant à 287 000 $. Le 5 avril 2000, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante compte tenu du fait que la juste valeur marchande n'était pas inférieure à 6 630 000 $ et que la TPS payable par cette appelante s'élevait donc à 464 100 $.

[6]      Les paragraphes 123(1) et 191(3) de la Loi prévoient ce qui suit :

123(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

« juste valeur marchande » Juste valeur marchande d'un bien ou d'un service fourni à une personne, abstraction faite de la taxe exclue de la contrepartie de la fourniture en application de l'article 154.

191(3) Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a)          la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

b)          le constructeur, selon le cas :

(i)          transfère à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, la possession d'une habitation de celui-ci aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable conclu en vue de l'occupation de l'habitation à titre résidentiel,

(i.1)       transfère à une personne la possession d'une habitation de l'immeuble aux termes d'une convention prévoyant :

(A)        d'une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l'immeuble,

(B)        d'autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(ii)         étant un particulier, occupe lui-même à titre résidentiel une habitation de l'immeuble,

c)          le constructeur, la personne ou un particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper à titre résidentiel une habitation de l'immeuble après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d)          avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s'il est postérieur, le jour où la possession de l'habitation est transférée à la personne ou l'habitation est occupée par lui;

e)          avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

Preuve de l'appelante

[7]      Un représentant de chacune des quatre appelantes a témoigné au sujet des circonstances qui ont entraîné l'organisation et la construction des immeubles en cause.

[8]      Colorado :    S.A.M. Management ( « S.A.M. » ) est une société à but non lucratif qui a été créée en 1973 lorsque l'Église unie du Canada a tenté de remplacer un bâtiment qui avait été détruit par le feu. Cela étant, elle a construit St. Andrew's Place, composée à la fois de locaux commerciaux et d'habitations à prix modique pour personnes âgées. John Lyons a agi à titre de directeur général de S.A.M. du mois de mai 1975 au mois de mars 2001. En tant que tel, il a participé à la réalisation du projet Colorado ainsi que d'autres projets; il était responsable des contrats conclus avec les promoteurs, il supervisait le personnel chargé de la location et il assurait la coordination générale des projets.

[9]      Au début de l'année 1995, le YMCA a communiqué avec trois personnes, Bill Coady, Joe Bova et Jim Weslake, en vue d'entreprendre l'aménagement du site St. James du YMCA, sur lequel se trouvait un bâtiment qui n'était plus utilisable. Ils ont initialement communiqué avec un groupe Lions pour voir s'il acceptait d'agir comme promoteur d'un projet envisagé de baux viagers, mais la chose n'a pas porté fruit. M. Coady a donc communiqué avec M. Lyons et lui a demandé si S.A.M. acceptait d'agir comme promoteur du projet à cet endroit. Voici ce que M. Lyons a déclaré :

[TRADUCTION] [...] nous sommes essentiellement arrivés à une entente à un moment donné au mois de mai ou au mois de juin 1995 : le groupe, qui devait comprendre Manshield Construction, le cabinet d'architectes Smith Carter et RFC Development, devait financer la commercialisation du projet à baux viagers et S.A.M. Management devait fournir le personnel chargé de la location et de la commercialisation; il s'agissait de savoir s'il était possible d'obtenir le nombre voulu pour aller de l'avant et acheter le bâtiment du YMCA. [...]

À ce moment-là :

[TRADUCTION] [...] Smith Carter avait préparé un jeu de dessins préliminaires. La brochure avait été mise au point. Les prix avaient essentiellement été fixés. La structure de location était établie. On avait fixé les frais d'entrée. Il a fallu, au fur et à mesure, effectuer des ajustements, mais la première ébauche était essentiellement terminée et le projet était réalisable. En d'autres termes, il semblait raisonnablement possible de commercialiser le projet.

Les premiers envois postaux, au mois de juillet 1995, étaient adressés à [TRADUCTION] l' « ensemble de la collectivité » , soit initialement St. James, et par la suite Charleswood. Des réunions ont ensuite eu lieu avec les intéressés; il s'agissait [TRADUCTION] « en somme, d'un temps de partage » . Le personnel affecté aux ventes a été embauché en vue de trouver des contrats et d'assurer le suivi au moyen d'appels téléphoniques et ainsi de suite. On a eu recours à la Winnipeg Free Press pour la publicité et la mise en marché, plus précisément pour fournir des renseignements tels que ceux se rapportant aux réunions avec les intéressés et donner le numéro de téléphone des bureaux de S.A.M. et ainsi de suite. Le financement a été organisé avec le Trust Royal au mois de mai 1996. Selon M. Lyons, la banque, avant de s'engager, a insisté pour que la propriété soit enregistrée en tant qu'immeuble en copropriété et pour qu'un certain nombre de baux soient signés, soit dans de cas-ci 38 baux sur les 45 baux envisagés. Des contrats ont été signés avec les architectes au mois de juillet 1996; un marché à forfait a été conclu avec Manshield Construction le 29 juillet et la construction a débuté ce mois-là; elle a été achevée au mois de juin 1997. Les locataires ont immédiatement emménagé; le bâtiment a très vite été occupé et M. Lyons a fait remarquer qu'au moment où la construction a pris fin, [TRADUCTION] « il ne restait peut-être qu'un ou deux logements » .

[10]     Southpark : Vincent Riley est directeur du marketing dans le domaine de l'assurance-vie. Au moment pertinent, il résidait à Richmond West; il était membre des Chevaliers de Colomb (les « Chevaliers » ) et de la paroisse Mary Mother of the Church. Les Chevaliers agissaient à titre d'organisme promoteur de Southpark. Ils savaient que d'autres organisations participaient à des projets de baux viagers et les efforts qu'ils avaient antérieurement déployés pour faire la même chose n'avaient pas porté fruit parce que l'on n'avait pas réussi à trouver un fonds approprié. Les Chevaliers savaient également qu'il y avait un terrain non bâti qui avait été réservé pour la construction éventuelle d'une école; ils ont communiqué avec les autorités et ils ont en fin de compte conclu une entente en vue d'acquérir ce terrain au moyen d'une option d'achat assujettie à certaines conditions : l'obtention du financement nécessaire et un engagement selon lequel le projet se rapporterait à un immeuble pour personnes âgées. Southpark a été constituée en personne morale le 10 juillet 1995, le projet en étant à son quatrième ou cinquième mois sur le plan de l'organisation. Une annonce générale s'adressant aux locataires éventuels a été faite à l'église ainsi qu'au moyen d'un communiqué de presse et d'autres formes de promotion. Une brochure de Southpark qui avait alors été distribuée indiquait que l'une des particularités de Southpark était que les résidents seraient autorisés à vendre l'intérêt qu'ils possédaient dans le bail viager et que cela [TRADUCTION] « offr[ait] aux résidents la possibilité de bénéficier d'une plus-value en capital au fur et à mesure que la demande relative aux habitations pour retraités augmenterait dans l'avenir » [1]. M. Riley a fait remarquer que même si 90 logements étaient initialement envisagés, les affaires ont ralenti, une cinquantaine d'engagements ayant été pris seulement, et qu'il avait été décidé de ramener à 60 le nombre de logements. Cinquante et un logements ont été [TRADUCTION] « vendus » et, afin de mettre le projet en marche, l'architecte et l'entrepreneur général se sont engagés à prendre les neuf autres logements, M. Riley a fait remarquer qu'environ 40 p. 100 des frais d'investissement, de 7 200 000 $, ont été obtenus des locataires au moyen des frais d'entrée. Les options d'achat du fonds ont été levées le 14 avril 1996; le financement a été organisé et, le 16 octobre 1996, les Chevaliers ont conclu un marché à forfait avec un entrepreneur général. La construction a débuté ce mois-là et les logements ont commencé à être occupés au mois d'octobre 1997.

[11]     Virden :        Doyle Frederick Piwniuk, un comptable, est également propriétaire d'une agence d'assurance qui s'occupe notamment [TRADUCTION] « de planification financière et de courtage en matière d'assurance » . Il est membre du club Kinsmen de Virden et de la Chambre de Commerce de Virden; il est en outre vice-président du Conseil de développement économique, à Virden. La collectivité de Virden compte environ 3 500 habitants; elle est située dans le Sud-Ouest du Manitoba. On y trouve deux industries principales, l'agriculture et le pétrole; cette collectivité est en outre un centre de transport situé sur la route transcanadienne, à mi-chemin entre Winnipeg et Regina. Une préoccupation majeure, pour la collectivité et pour les Kinsmen, découlait du fait que le nombre d'habitations disponibles à Virden était restreint, de sorte que les jeunes gens et les personnes âgées s'installaient à Brandon. Il existait également une demande d'habitations de la part de jeunes gens qui vivaient dans de petites villes voisines, mais qui voulaient se rapprocher de Virden afin de pouvoir envoyer leurs enfants aux écoles de cette collectivité. Il y avait donc un marché passablement viable pour les personnes âgées qui voulaient vendre leur maison et s'installer dans un logement plus petit, ce qui a amené les Kinsmen à décider qu'un projet d'habitations à bail viager pour les personnes âgées était approprié.

[12]     Les premières démarches ont été faites au mois de février 1996, lorsque l'on a communiqué avec un architecte et que des discussions ont été entamées avec l'administrateur du district de santé local au sujet de l'acquisition d'une parcelle de terre appartenant à l'hôpital. La propriété choisie était bien située, dans une zone résidentielle; il y avait un hôpital et une clinique de l'autre côté de la rue. Peu de temps après, les Kinsmen ont obtenu une option sur la propriété. Trente-quatre logements étaient envisagés dans le cadre du projet initial; des annonces ont été publiées au mois de mars 1996. Des réunions publiques ont eu lieu et, malgré un intérêt initial marqué, il est devenu évident que l'on ne réussirait pas à vendre 34 logements, de sorte que le nombre de logements a été ramené à 21. Des dispositions ont été prises avec la Virden Credit Union au mois de juin 1997 en vue du financement. Selon M. Piwniuk, le retard était attribuable au fait que la caisse de crédit exigeait que 16 logements soient vendus avant de consentir au financement. Un grand nombre de locataires éventuels avaient manifesté leur intérêt, mais il n'y avait [TRADUCTION] qu' « environ 14 ou 15 » signataires. En fin de compte, cet obstacle a été surmonté et un contrat de gestion a été conclu le 30 juin 1997. M. Piwniuk a indiqué que la construction avait débuté juste avant cette date et qu'elle avait pris fin au mois de mars 1998, les premiers locataires ayant emménagé le 1er avril.

[13]     Villa Beliveau :        Douglas Alexander Leeies est expert-conseil chez Acorn Development ( « Acorn » ), une personne morale qui s'occupe d'organismes de bienfaisance, d'organismes à but non lucratif et d'autres groupes qui veulent offrir, en tant que service, des habitations à certains membres. Les Chevaliers avaient déjà eu recours à Acorn à l'égard de différents projets tels que des coopératives à but non lucratif et des immeubles à usage locatif à but non lucratif. Les Chevaliers de la paroisse St. Martyr, à Southvale, un quartier de banlieue situé dans le sud-est de Winnipeg, avaient essayé de réaliser un projet d'une façon indépendante dans le cadre d'un programme du gouvernement provincial s'adressant aux ménages à faible revenu. Ils avaient également parlé à d'autres experts-conseils dans l'intention de [TRADUCTION] « mettre sur pied un projet financé par le gouvernement fédéral » , plus précisément une coopérative pour les personnes âgées, mais le projet n'avait jamais abouti[2]. Selon M. Leeies, les gouvernements provincial et fédéral avaient cessé de s'occuper de pareils projets et :

[TRADUCTION] [...] le seul mécanisme disponible pour la construction d'habitations à but non lucratif au Manitoba était en fait le programme d'habitations faisant l'objet de baux viagers du Manitoba; des discussions [avaient] eu lieu avec le gouvernement et la collectivité [avait] de nouveau été sollicitée. On estimait qu'il s'agissait d'un bon jumelage et que l'on devrait former une équipe et tenter de réaliser ce projet avec leur aide.

Vers le mois d'avril 1992, les Chevaliers ont formellement conclu une entente à l'égard d'une propriété appartenant à l'Église et ils ont conclu un accord de consultation avec Acorn. M. Leeies a témoigné qu'avant que l'on ait eu recours à Acorn, les promoteurs avaient initialement :

[TRADUCTION] [...] espéré construire de 50 à 60 habitations, bien longtemps auparavant, avant de retenir les services d'Acorn, et [qu']en fin de compte lorsque les services d'Acorn ont été retenus et qu'il a été donné suite à l'idée des baux viagers, environ un an plus tard, il a été conclu qu'il était impossible de construire plus d'une trentaine d'habitations. Le nombre d'habitations a donc alors été ramené à environ 33.

Villa Beliveau a été constituée en personne morale le 23 novembre 1994; le 4 février 1995, une entente conditionnelle en vue de la préparation d'un plan a été conclue avec le cabinet d'architectes Prefontaine. Le 3 avril 1996, on s'est adressé à Concorde Projects pour obtenir des estimations à l'égard des travaux de construction. On n'avait pas l'intention de construire des logements luxueux ou haut de gamme, mais on ciblait plutôt le groupe à faible revenu ou à revenu moyen. On a procédé à la conception et, au mois d'avril 1996, les dessins étaient achevés. De plus, au cours de cette période, les promoteurs tentaient d'éveiller l'intérêt de la collectivité; en effet, selon une condition de financement, il fallait louer un nombre précis de logements. M. Leeies a fait remarquer que, pendant cette période, environ 14 habitations n'avaient pas encore été louées, mais que la situation ne semblait pas avoir suscité une inquiétude particulière puisqu'un nombre suffisant de gens avaient manifesté leur intérêt. La construction a débuté en 1996 et elle a été achevée au mois d'août 1998.

[14]     Des estimations de la valeur marchande des quatre propriétés en question ont été remises aux appelantes par O. William Steele[3]. M. Steele a défini comme suit l'utilisation optimale :

[TRADUCTION] [...] l'utilisation légale la plus rentable qui peut être faite d'une propriété. L'opinion concernant pareille utilisation est fondée sur l'utilisation légale optimale continue la plus rentable qui peut être faite d'une propriété, ou à l'égard de laquelle une demande est susceptible d'exister, dans un avenir rapproché.

Pour analyser et déterminer l'utilisation optimale, M. Steele a tenu compte des facteurs suivants : le zonage et les affectations permises à l'égard du fonds, l'affectation existante, l'âge, la conception, les matériaux, la qualité d'exécution et l'état physique du bâtiment, la faisabilité ou la viabilité d'autres affectations légales du fonds pour la propriété en cause. À son avis, les deux utilisations optimales possibles du fonds, aux dates de l'évaluation, étaient les suivantes : des logements en copropriété ou des immeubles d'habitation pour personnes âgées. M. Steele a toutefois conclu, pour un certain nombre de raisons, que les logements en copropriété pour personnes âgées ne constituait pas l'utilisation optimale. Il a fait remarquer qu'à la date de l'évaluation, les propriétés n'étaient pas des logements en copropriété pour personnes âgées et qu'il faudrait donc estimer la valeur marchande collective des unités en tant que logements en copropriété et déduire ensuite tous les frais qui seraient engagés pour que la propriété soit transformée d'un immeuble d'habitation à but non lucratif pour personnes âgées en un immeuble en copropriété pour personnes âgées[4]. Il fallait en outre déduire d'autres coûts, soit les montants nécessaires pour le rachat des droits de tenure à bail des locataires qui s'étaient engagés à conclure un bail à long terme à l'égard de la propriété en cause ainsi que le profit réalisé par le propriétaire. Sur cette base, M. Steele a conclu que la valeur marchande des propriétés en cause en tant qu'immeubles en copropriété, moins les coûts de transformation et de rachat et le profit revenant au propriétaire, était de beaucoup inférieure à leur valeur marchande en tant qu'immeubles d'habitation à but non lucratif pour personnes âgées. Par conséquent, à son avis, l'utilisation optimale des propriétés en cause était la suivante : des immeubles d'habitation à but non lucratif pour personnes âgées[5], plus précisément [TRADUCTION] « à des fins locatives » .

[15]     M. Steele a témoigné que lorsque le bien immeuble qui est évalué comprend le fonds et le bâtiment, la procédure la plus satisfaisante consiste à employer les trois méthodes d'évaluation communément reconnues, à savoir la technique du coût, la technique du revenu et la technique de comparaison des ventes. Il a en outre indiqué qu'étant donné que le nombre de ventes d'immeubles d'habitation traditionnels était insuffisant pour permettre l'estimation de la valeur marchande au moyen de la technique de comparaison des ventes, la technique du coût et la technique du revenu étaient les méthodes les plus précises à employer pour estimer la valeur marchande des propriétés en cause. M. Steele a plus précisément fait remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION] En estimant la valeur marchande au moyen de la technique du coût, les estimations utilisées sont fondées sur le coût de remplacement, compte tenu de la conjoncture du marché à la date de l'évaluation, plutôt que sur les frais réels d'aménagement et de construction afférents à la propriété en cause [...]

En effet, à son avis, ces coûts ne représentaient pas les coûts d'aménagement et de construction basés sur la conjoncture du marché. M. Steele a fait remarquer que la technique du coût n'est pas différente des autres techniques; il a plus précisément dit ce qui suit :

[TRADUCTION] [L]e résultat final doit être le suivant, à savoir, ce qui serait payé sur le marché pour la propriété, et si la technique du coût, disons que le coût serait supérieur à la valeur marchande présumée, il doit y avoir - il faut tenir compte de la dépréciation. En d'autres termes, la dépréciation entre maintenant en ligne de compte dans la valeur de la propriété.

Selon M. Steele, la désuétude économique est un genre de dépréciation entraînant une perte de valeur :

[TRADUCTION] [...] causée par des conditions extrinsèques inhérentes à la propriété en cause, comme un mauvais emplacement, des impôts fonciers excessifs, des cotisations spéciales, des règlements gouvernementaux, des lois ou des affectations incompatibles du fonds.

De l'avis du témoin :

[TRADUCTION] [...] il y a une désuétude économique importante qui a une incidence négative sur la valeur marchande de la propriété en cause.

Étant donné qu'à son avis, l'utilisation optimale se rapportait à des immeubles d'habitation à usage locatif pour personnes âgées, M. Steele a expressément fait mention du contrôle du loyer, qui avait cet effet sur la valeur marchande des immeubles. Le témoin estimait que cette perte était un genre de désuétude économique, représentée par la valeur capitalisée de la perte annuelle de revenu net attribuable au manque. Dans son rapport, M. Steele a fait remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION] Un indicateur de la perte locative annuelle causée par le contrôle du loyer est la différence entre le revenu net qu'il faudrait pour produire un rendement acceptable sur le marché à l'égard des capitaux investis dans le coût des immobilisations en cause et le revenu net prévu sur le marché tiré dudit bâtiment seulement, compte tenu de son utilisation à la date de l'évaluation.

Le calcul de cette différence vise à permettre d'estimer la perte de valeur marchande entre l'attente normale à l'égard d'un rendement, sur le marché, des capitaux investis dans un immeuble composé d'habitations multifamiliales et la valeur marchande en résultant une fois qu'il a été tenu compte du contrôle du loyer.

M. Steele estimait que si cette méthode était employée, la valeur marchande, selon la technique du coût, était la suivante pour Colorado, au 1er juin 1997 :

[TRADUCTION]

ESTIMATION DU COÛT DE REMPLACEMENT

Bâtiment : 45 logements locatifs x 105 000 $ l'unité

4 725 000 $

Travail lié au site : 41 122 pieds carrés x 3,50 $ le pied carré disons

    150 000 $

Coût de remplacement estimatif

4 875 000 $

MOINS ESTIMATION DE LA DÉPRÉCIATION

Désuétude économique :

230 607 $ ÷ 0,10(%) = 2 306 070 $      disons (2 300 000 $)

Estimation de la dépréciation

(2 300 000 $)

ESTIMATION DE LA VALEUR DÉPRÉCIÉE DES AMÉLIORATIONS EN CAUSE

2 575 000 $

AJOUTER L'ESTIMATION DE LA VALEUR MARCHANDE DU FONDS COMME S'IL S'AGISSAIT D'UN TERRAIN NON BÂTI, 62 500 pieds carrés x 6 $ le pied carré

375 000 $

ESTIMATION DE LA VALEUR MARCHANDE SELON LA TECHNIQUE DU COÛT

2 950 000 $

                                                                                    disons

3 000 000 $

En employant la même méthode, M. Steele est arrivé, au moyen de la technique du coût, aux estimations suivantes de la valeur marchande pour les trois autres propriétés : Virden : 1 150 000 $, Villa Beliveau : 2 200 000 $ et Southpark : 3 800 000 $.

[16]     M. Steele a également estimé la valeur marchande des propriétés au moyen de la technique du revenu, soit une méthode d'évaluation dans laquelle le revenu net prévu qui s'applique aux propriétés en cause est capitalisé, de façon à indiquer la valeur marchande. Il a défini la valeur marchande locative comme étant le revenu de location qu'une propriété produirait fort probablement sur le marché libre, et il a indiqué que les taux qu'il avait utilisés dans son rapport sont supérieurs aux taux généralement payés pour [TRADUCTION] « les logements locatifs d'un immeuble d'habitation traditionnel comparable non destiné aux personnes âgées » . Il en était ainsi parce que les immeubles d'habitation à but non lucratif pour personnes âgées étaient généralement composés de bâtiments plus neufs, qu'en raison de leurs caractéristiques, ils se prêtaient tout particulièrement au logement des personnes âgées et qu'ils généraient donc des loyers un peu plus élevés sur le marché. M. Steele a expressément fait remarquer qu'au Manitoba, les valeurs locatives de telles propriétés sont assujetties à des restrictions en vertu de la Loi sur la location à usage d'habitation, auxquelles vient s'ajouter le fait que les loyers se rapportent expressément à une propriété, c'est-à-dire que les hausses annuelles de loyer sont basées sur le loyer annuel demandé pour la propriété en cause au cours de l'année précédente plutôt que sur le marché général. À son avis, le contrôle du loyer, lorsqu'on l'appliquait au marché des immeubles d'habitation dans son ensemble, avait une incidence négative sérieuse sur la valeur locative des immeubles d'habitation qui venaient d'être construits. M. Steele a donc conclu ce qui suit :

[TRADUCTION] Dans l'ensemble, pour les logements locatifs d'une ou de deux chambres à coucher d'un immeuble d'habitation, en 1997 et en 1998, les valeurs marchandes locatives des immeubles d'habitation traditionnels de meilleure qualité situés dans de bons endroits étaient en général de 0,70 à 0,80 $ le pied carré par mois, disons 0,75 $.

M. Steele s'est ensuite posé la question suivante :

[TRADUCTION] Étant donné qu'ils venaient d'être construits sur un marché composé d'immeubles d'habitation traditionnels plus anciens, les logements locatifs situés sur la propriété en cause auraient-ils, à la date de l'évaluation, une valeur marchande locative beaucoup plus élevée que celle de 0,75 $ le pied carré par mois?

M. Steele a conclu que les valeurs marchandes locatives des propriétés en cause ne seraient que légèrement plus élevées que leur valeur en tant qu'immeubles d'habitation traditionnels.

[17]     M. Steele a déclaré que, selon la technique du revenu, les éléments de la valeur, notamment la valeur locative, l'allocation pour inoccupation, les frais d'exploitation et le taux de capitalisation globale, sont basés sur la conjoncture du marché pour des propriétés comparables plutôt que sur les informations sur l'évolution et la situation actuelle de la propriété en cause. Selon cette méthode, la première étape consiste à estimer le revenu brut compte tenu de la valeur marchande locative, pour un taux d'occupation de 100 p. 100, selon les conditions du marché; on déduit ensuite un montant estimatif pour le taux d'inoccupation et la perte de loyer ainsi qu'un montant estimatif pour les frais annuels d'exploitation, compte tenu de l'état matériel des améliorations en cause, et l'on capitalise enfin le montant estimatif du revenu annuel net en résultant, de façon à indiquer la valeur marchande. M. Steele a conclu qu'il était difficile d'arriver à une estimation définitive, mais qu'il existait suffisamment de données de marché pour effectuer une [TRADUCTION] « estimation de la valeur marchande raisonnablement exacte et fiable » . La conclusion finale qu'il a tirée au sujet de la valeur marchande, selon cette technique, était de 3 350 000 $ pour Colorado, de 4 000 000 $ pour Southpark, de 1 200 000 $ pour Virden et de 2 150 000 $ pour Villa Beliveau.

[18]     Aux fins de son estimation finale, M. Steele a tenu compte des résultats obtenus au moyen de la technique du coût et de la technique du revenu et il a conclu que la valeur marchande de chaque propriété était la suivante : de 3 300 000 $ pour Colorado, de 1 200 000 $ pour Virden; de 2 150 000 $ pour Villa Beliveau et de 4 000 000 $ pour Southpark.

[19]     Jeffrey Rabb[6] travaille dans le domaine immobilier depuis au moins 1986; à l'heure actuelle, il s'occupe de la gestion de Dorchester Developments Ltd., une personne morale se spécialisant dans l'acquisition et dans le réaménagement d'immeubles d'habitation. Plus précisément, il a fait remarquer que la rénovation de pareils immeubles leur permet d'échapper au contrôle du loyer pour une période de cinq ans et permet à Dorchester de porter les loyers à leur valeur maximale selon le marché et [TRADUCTION] d' « obtenir les taux de rendement les plus élevés pour les immeubles d'habitation en générant les loyers les plus élevés dans l'industrie » . Pour les besoins de son témoignage, l'avocat des appelantes a remis à M. Rabb les rapports de Kellough, Pestl, Singh Associates et de Sterling Realty Advisors et lui a expressément demandé quelle était son opinion [TRADUCTION] « en sa qualité de participant actif sur le marché des immeubles d'habitation, à Winnipeg, au sujet de la fourchette des valeurs la plus raisonnable et la plus exacte sur le plan commercial » . Étant donné que M. Rabb possède de fait des connaissances spéciales et qu'il a de l'expérience dans ce qu'il a appelé le domaine des immeubles d'habitation, les appelantes ont été autorisés à le citer comme témoin pour qu'il exprime son avis au sujet de la valeur marchande des quatre propriétés en cause en tant que propriétés à usage locatif. Toutefois, M. Rabb n'était pas qualifié à titre d'expert en évaluation; il ne pouvait donc pas témoigner au sujet du bien-fondé ou de l'exactitude de l'une ou l'autre méthode ou des conclusions tirées par Sterling Realty Advisors ou par Kellough, Pestl, Singh Associates.

[20]     De l'avis de M. Rabb, les propriétés ne se prêtaient pas à une transformation en immeubles en copropriété; en effet, par suite de leur coût, il n'était pas possible de générer un revenu suffisant pour couvrir les coûts compte tenu de la valeur au pied carré des logements en copropriété vendus sur le marché de Winnipeg. M. Rabb a en outre témoigné que, s'il devait acheter les propriétés en question, il ne les utiliserait que comme immeubles d'habitation. M. Rabb est arrivé à cette conclusion en tenant compte de l'emplacement des propriétés, de la superficie des logements ainsi que des commodités, afin de fixer le loyer et les coûts réels d'exploitation et de fixer ainsi les frais y afférents. Il a ensuite capitalisé le revenu net en se fondant sur ce qui, selon lui, était le prix du marché, compte tenu des conditions existant à Winnipeg au moment pertinent. Cela étant, il était d'avis que les valeurs marchandes pour Villa Beliveau, Southpark et Colorado étaient de 2 100 000 $, de 3 678 980 $ et de 3 028 449 $ respectivement.

Preuve de l'intimée

[21]     Une preuve a été présentée pour le compte de l'intimée par H.E. Pestl[7]. Les services de ce témoin ont été retenus pour qu'il procède à une évaluation et qu'il exprime une opinion au sujet de la valeur marchande de chacune des quatre propriétés. La date à laquelle prenaient effet les estimations de la valeur dans chaque cas était la date de première occupation de chacune des propriétés en cause conformément aux exigences du paragraphe 191(3) de la Loi. Ces dates sont les suivantes : le 1er juin 1997 dans le cas de Colorado; le 1er octobre 1997 dans le cas de Southpark; le 1er avril 1998 dans le cas de Virden et le 5 août 1998 dans le cas de Villa Beliveau. M. Pestl a déclaré avoir analysé les renseignements pertinents concernant les propriétés en cause, notamment les renseignements relatifs à leur acquisition ainsi que les offres d'achat et les mandats de vente récents. Il a appris qu'il n'y avait pas eu d'offres ou de mandats. Chacune des propriétés en question et leurs voisinages immédiats ont été inspectés et les données économiques du marché ont été réunies. Il a été tenu compte des restrictions relatives à l'affectation des fonds et notamment du zonage municipal et des plans officiels s'appliquant aux propriétés en cause. Le témoin a ensuite procédé à une analyse et à un examen de la notion d'utilisation optimale et des diverses méthodes d'évaluation. Il a indiqué quelles méthodes il convenait d'appliquer dans ce cas-ci et il a ensuite entrepris une analyse en se fondant sur ces méthodes.

[22]     M. Pestl a déclaré qu'il y a trois méthodes acceptables que l'on utilise normalement en fixant ou en estimant la valeur marchande d'un bien immeuble. Chacune de ces méthodes comporte des avantages, mais ces méthodes dépendent toutes de renseignements précis qui doivent être disponibles pour qu'une méthode particulière puisse être employée avec succès. M. Pestl a décrit les méthodes comme suit :

[TRADUCTION]

(i)          La technique du coût est une méthode permettant d'estimer la valeur en évaluant, en tant que terrain non bâti, le fonds sur lequel les bâtiments sont situés. Cette évaluation du terrain non bâti est effectuée principalement au moyen de comparaisons sur le marché. On estime le coût de remplacement des bâtiments lorsqu'ils sont neufs et l'on établit la valeur en ajoutant la valeur marchande du fonds à la valeur amortie des bâtiments et des améliorations apportées à l'emplacement. Cette technique laisse au départ supposer qu'il existe un nombre suffisant de fonds situés tout près du fonds en cause qui sont vendus à la date de l'évaluation ou à peu près à ce moment-là pour qu'il soit possible d'établir la valeur marchande du fonds au moyen d'une comparaison.

(ii)         La technique de comparaison directe des ventes comporte la collecte, l'analyse et la comparaison de données applicables à des propriétés similaires qui ont été vendues ou qui ont fait l'objet d'une offre. Logiquement, ces propriétés similaires doivent être comparables à celle qui est en cause quant à leur superficie, à leur emplacement et à la date de la vente. À supposer qu'il soit possible de trouver un nombre suffisant de propriétés qui peuvent être comparées à la propriété en cause dans son ensemble, c'est-à-dire qui sont comparables quant au fonds, aux bâtiments et aux commodités, la technique de comparaison directe des ventes est une méthode bonne et acceptable aux fins de l'évaluation.

(iii)        La technique du revenu ou la méthode d'évaluation fondée sur la capitalisation est une méthode par laquelle le revenu annuel prévu généré par une propriété est capitalisé à un taux approprié, de façon à indiquer la valeur en capital de cette propriété. L'expression « valeur en capital » est considérée comme assimilable à la valeur marchande, c'est-à-dire qu'il s'agit du prix estimatif qu'un investisseur paierait pour une propriété compte tenu du flux de revenu net et du taux de rendement prévu des capitaux investis. Cette technique consiste à appliquer un facteur approprié afin d'actualiser le flux de revenu futur pour le ramener à sa valeur actuelle en argent.

En ce qui concerne la technique du revenu, M. Pestl a fait les remarques précises suivantes au sujet des propriétés en question :

[TRADUCTION] Dans ce cas-ci, les fonds viennent à peine d'être améliorés par suite de la construction d'un immeuble résidentiel moderne pour personnes âgées. Étant donné que des baux viagers sont en cause, le flux de revenu existant généré par le projet ne correspond pas au loyer déterminé par le marché. Les loyers payés par les occupants reflètent les montants payés au titre des frais d'entrée et tout paiement additionnel effectué par les personnes qui achètent un intérêt dans un bail viager. En outre, pendant de nombreuses années, les loyers déterminés par le marché n'ont pas justifié la construction de nouveaux immeubles d'habitation étant donné que de tels projets ne sont pas viables sur le plan économique. Cela étant, la technique du revenu n'est pas considérée comme appropriée lorsqu'il s'agit d'évaluer l'immeuble en cause. Il faut également noter que, dans ce cas-ci, il ne convient pas de procéder à une analyse des valeurs locatives sur le marché des logements locatifs classiques; en effet, les loyers y afférents ne sont pas basés sur des frais d'entrée et sur des paiements additionnels tels que ceux qui sont versés par les occupants visés par un bail viager.

L'analyse effectuée selon la technique du revenu n'indiquerait pas la valeur marchande totale de la propriété en cause, à moins que les frais d'entrée et les montants additionnels payés par les occupants ne soient pris en compte. Le propriétaire de l'immeuble en question touche des loyers mensuels (comme c'est le cas pour les logements locatifs classiques) et il touche également les frais d'entrée et les paiements additionnels effectués par les personnes qui achètent un intérêt dans les baux viagers. Ces deux types de recouvrement des capitaux par le propriétaire forment ensemble la valeur marchande de la propriété. Toutefois, contrairement à ce qui se produit pour un logement locatif classique, il n'y a pas d'incitation à augmenter le montant des loyers jusqu'au maximum possible étant donné qu'il s'agit d'un projet à but non lucratif.

[23]     M. Pestl a fait remarquer que les quatre immeubles en cause venaient d'être construits et que, dans chaque cas, on disposait des sommes nécessaires aux fins de l'aménagement. Il a également fait remarquer qu'un certain nombre d'immeubles similaires venaient d'être construits et qu'il existait de toute évidence un marché pour les immeubles de ce genre. Aucun des projets n'était subventionné par l'État ou autrement financé. Ils étaient tous financés au complet au moyen des frais d'entrée et avec l'aide de sociétés de prêts hypothécaires. Aucune subvention publique ou privée n'avait été accordée à l'un ou l'autre des projets, et les projets n'étaient pas non plus financés au moyen de [TRADUCTION] « campagnes de collecte de fonds » ou de mécanismes similaires. Pour les besoins de son analyse, le témoin a donc utilisé les techniques du coût et de comparaison directe des ventes aux fins de l'évaluation.

[24]     En ce qui concerne l'analyse selon la technique du coût effectuée pour chacune des quatre propriétés, afin d'estimer le coût de remplacement à neuf des améliorations en cause, M. Pestl a tenu compte des coûts réels de construction de l'immeuble et du coût d'immeubles similaires, et il a procédé à une détermination indépendante des coûts en utilisant le système informatique de détermination des coûts Marshall. En ce qui concerne Colorado, il a décrit la procédure comme suit :

[TRADUCTION] Selon les états financiers, le coût total de construction de l'immeuble en question s'élèverait à 5 552 771 $. Ce montant comprend le coût du fonds, indiqué comme s'élevant à 388 501 $. Il comprend également la TPS payée, soit un montant de 191 800 $. Par conséquent, abstraction faite du fonds et de la TPS, le coût d'aménagement est d'environ 4 972 470 $ pour 45 logements, soit 110 499 $ par logement.

La superficie nette totale des logements de l'immeuble est de 48 407 pieds carrés; le coût d'aménagement est d'environ 102,72 $ le pied carré, abstraction faite du fonds, et de 110,75 $ si le fonds est inclus, la TPS, dans les deux cas, n'étant pas comprise. Compte tenu des coûts indiqués pour la propriété en question, le coût du projet, la TPS étant exclue, mais le fonds étant inclus, est de 5 360 971 $.

À l'appendice 16 du présent document figure un sommaire des coûts d'aménagement de onze (11) projets à baux viagers, dont le projet ici en cause. Une propriété (le no 9) est un ajout à un projet existant et l'on a procédé à des rajustements en vue de tenir compte de la chose. Ce projet fait également l'objet de baux d'une durée de 99 ans, avec option de renouvellement. On peut constater que pour ces projets, la fourchette des coûts d'aménagement, à part le fonds et la TPS, varie de 90,17 $ le pied carré de superficie nette d'un logement, à 116,88 $ le pied carré, le coût moyen étant de 103,72 $ le pied carré (102,72 $ pour le projet ici en cause). La fourchette des coûts, si le coût du fonds est inclus, varie de 95,71 $ le pied carré à 121,03 $ le pied carré, la moyenne étant de 108,95 $ le pied carré (110,75 $ pour le projet en question).

L'immeuble ici en cause est pourvu d'installations communes particulièrement étendues et de bonne qualité, mais il s'agit néanmoins d'une construction à ossature en bois. On estime que ces caractéristiques se compensent. Les valeurs moyennes indiquées pour les ventes comparables étayent les coûts réels de construction de l'immeuble en question.

Nous avons également entrepris une analyse de coûts en employant le système informatisé de détermination des coûts Marshall (voir l'appendice 18). Les coûts liés au bâtiment, abstraction faite du fonds, des améliorations apportées à l'emplacement comme l'aménagement paysager, l'éclairage extérieur, l'aire de stationnement, les allées, les affiches, les accessoires fixes et le matériel et ainsi de suite, mais la TPS étant toutefois incluse, est à ce jour de 4 710 985 $. Le facteur de rajustement pour le 1er juillet 1997 est de 1,081 et le coût rajusté est donc de 4 357 988 $. Si un rajustement est fait pour la TPS, le coût est ramené à 4 072 886 $.

Une allocation variant de 10 à 15 p. 100 pour les améliorations apportées à l'emplacement, les accessoires fixes et le matériel ainsi que les coûts accessoires donne une fourchette de coûts variant de 4 480 173 à 4 683 819 $, ce qui se compare à un coût réel de 4 972 470 $, si le fonds et la TPS sont exclus. La fourchette de coûts obtenue au moyen de la méthode de détermination des coûts Marshall & Swift est inférieure d'environ 6 à 10 p. 100 au coût réel d'aménagement. Comme il en déjà été fait mention, les parties communes sont étendues et la qualité de la finition est de beaucoup supérieure à la norme pour les immeubles similaires classiques. Ces caractéristiques supérieures ne sont pas prises en compte dans les estimations du coût qui sont basées sur une construction à ossature en bois de qualité moyenne. C'est pourquoi il est conclu que les coûts réels d'aménagement constituent l'indicateur qui convient le mieux.

Nous avons estimé à 382 500 $ la valeur marchande du fonds en question. Nous avons en outre confirmé que le coût réel d'aménagement, d'un montant de 4 972 470 $, correspond au coût de remplacement probable. Par conséquent, la valeur marchande indiquée pour la propriété en question, selon la technique du coût, au 1er juillet 1997, abstraction faite de la TPS, est de 5 354 970 $, chiffre qui peut être arrondi à 5 355 000 $.

[25]     M. Pestl a également utilisé la technique de comparaison directe des ventes afin d'obtenir une autre indication de la valeur marchande des propriétés en question. Dans son rapport, il a fait remarquer qu'afin de choisir des ventes comparables appropriées, il a tenu compte de la nature des propriétés en cause en tant qu'immeubles faisant l'objet de baux viagers. Plus précisément, il a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] La définition de la valeur marchande exige que l'on suppose qu'il y a un vendeur sérieux et un acheteur sérieux, qui ne sont ni l'un ni l'autre obligés d'agir. En d'autres termes, il faut supposer la conclusion d'une opération hypothétique sur un marché libre et dans les circonstances normales sur le marché. À cet égard, il existe deux scénarios possibles dans le cadre desquels la propriété en cause pourrait être vendue.

Selon le premier scénario, un autre groupe à but non lucratif peut vouloir offrir à ses membres une possibilité similaire en matière de logement, et l'on suppose que le propriétaire et l'occupant actuels de la propriété en cause sont des vendeurs sérieux.

Le groupe acheteur a la possibilité d'acquérir un emplacement approprié et de construire un immeuble ou, à supposer que l'immeuble soit mis en vente, de l'acquérir.

Dans les deux cas, il y aurait des membres du groupe qui seraient prêts à payer des frais d'entrée suffisants pour que l'opération puisse être conclue.

Selon le second scénario, le propriétaire et les occupants de l'immeuble en cause pourraient procéder à la vente des logements individuels en tant qu'unités condominiales, s'il s'entendaient pour le faire.

Dans la plupart des cas, les baux viagers qui s'appliquent à pareils aménagements sont organisés de façon que les occupants individuels, ou leur succession, reçoivent, à la fin du bail, les frais d'entrée initiaux ainsi que tout apport de capitaux additionnel pour chaque logement. En somme, les coûts d'acquisition réels sont remboursés et le logement est revendu, sous la forme d'un nouveau bail viager, à un acheteur ultérieur. Le marché pour les logements faisant l'objet d'un bail viager est comparativement nouveau et peu de logements faisant partie de l'immeuble ici en cause ont de fait été revendus. Toutefois, dans certains aménagements similaires, on autorise les occupants à vendre eux-mêmes leur logement et à bénéficier d'une hausse du marché.

L'occupation faisant l'objet d'un bail viager est à presque tous les égards semblable à la copropriété. Il s'agit dans les deux cas d'un type d'occupation du logement, comportant des éléments communs. Étant donné qu'il est prévu que les baux viagers sont revendus indépendamment de la durée de vie du vendeur, mais compte tenu de la durée de vie de l'acheteur, les droits de propriété sont de beaucoup supérieurs à un droit habituel de tenure à bail.

Le bail viager offre un avantage additionnel du fait qu'il s'adresse au marché des personnes d'âge mur (âgées de 55 ans ou plus). Les installations communes sont habituellement plus étendues que dans les aménagements de copropriété comparables; de plus, ce concept permet de réglementer l'immeuble à l'égard des occupants éventuels. La chose a pour effet de créer un environnement attrayant pour les personnes âgées.

La principale différence, sur le plan financier, entre une tenure fondée sur un bail viager (à but non lucratif) par rapport à la copropriété découle de la possibilité de réaliser un gain en capital sur l'augmentation possible de la valeur du logement au moment où il sera finalement vendu ou aliéné. Toutefois, cette incidence est relativement modeste.

Ainsi, supposons qu'un logement vaut 110 000 $ et qu'il est conservé pendant 20 ans, disons, à un taux composé annuel d'augmentation de 1 p. 100, la valeur future à la fin de cette période serait de 134 220,90 $. La plus-value en capital est de 24 220,90 $. Toutefois, la valeur actuelle de ce gain en capital, à supposer que le taux annuel d'intérêt soit de 5 p. 100 seulement, est de 9 128,59 $ (f = 0,376889). À 10 p. 100 (f = 0,148644), la valeur actuelle est de 3 600,29 $ seulement. Cela étant, la tenure faisant l'objet d'un bail viager semblerait comporter un coût financier variant de 3 à 8 p. 100.

Toutefois, ce modeste coût financier semble être plus que compensé par les autres avantages qu'offre une tenure faisant l'objet d'un bail viager. L'immeuble faisant l'objet de baux viagers offre un environnement organisé particulièrement attrayant pour le marché des personnes âgées; de plus, les aménagements comportent habituellement des installations communes et récréatives plus étendues que dans le cas des immeubles en copropriété habituels et comprennent souvent du matériel de surveillance pour l'aide en cas d'urgence et ainsi de suite.

Il arrive souvent que les immeubles faisant l'objet de baux viagers soient enregistrés en tant que copropriété et certains aménagements sont en voie d'enregistrement, mais d'autres ne sont pas ainsi enregistrés. Nous ne connaissons qu'un seul immeuble, Assiniboine Links, boulevard Roblin, qui était exploité dans le cadre d'un projet à but non lucratif faisant l'objet de baux viagers et qui a par la suite été vendu sous la forme d'immeuble en copropriété.

Dans ce cas-là, l'immeuble a toutefois été vendu à la suite d'une saisie. Les membres qui avaient initialement occupé les lieux en vertu d'un bail viager ont fourni des fonds additionnels afin d'acheter leur logement dans le cadre de l'offre de logement en copropriété, mais les fonds additionnels étaient destinés à satisfaire aux obligations financières de la société et à préserver les sommes initialement investies par ces membres.

La décision relative à la question de savoir si l'occupant visé par un bail viager peut revendre son logement à sa valeur marchande est habituellement régie par les conditions de la convention de bail viager. Toutefois, la question de savoir si la société propriétaire décide de bénéficier de pareille augmentation au moyen de la revente de l'immeuble à sa valeur marchande ou permet à l'occupant de bénéficier de cette augmentation n'influe pas sur la valeur marchande réelle de la propriété. Dans ce cadre de certains projets, on permet aux occupants de revendre leur logement à sa valeur marchande.

M. Pestl a tenu compte d'un certain nombre de ventes d'unités condominiales dans le cadre de divers projets un peu partout à Winnipeg et dans la région voisine et il a utilisé une dizaine de ventes comparables. En employant la technique de comparaison directe des ventes, il a conclu que la valeur marchande de Colorado s'élevait à 5 422 000 $[8].

[26]     Étant donné qu'à son avis, l'acheteur de la propriété en cause serait fort probablement un autre exploitant à but non lucratif et compte tenu de l'avantage qu'offre l'acquisition d'un immeuble existant, pour ce qui est de l'économie de temps, M. Pestl a conclu qu'il fallait accorder plus de poids aux considérations prises en compte dans la technique du coût et il a donc fixé à 5 355 000 $ la valeur de Colorado, au 1er juillet 1997. En employant les mêmes méthodes, M. Pestl est arrivé aux valeurs estimatives suivantes :

a)        Villa Beliveau : technique du coût : 4 345 000 $; technique de comparaison directe des ventes : 4 332 000 $. L'estimation de la valeur marchande effectuée par M. Pestl au mois d'août 1998 donnait donc 4 345 000 $;

b)       Southpark : les techniques utilisées indiquent des valeurs de 6 457 000 $ et de 6 541 000 $ respectivement; de plus, la valeur marchande estimative de la propriété au mois d'octobre 1998 était de 6 460 000 $.

[27]     Quant à Virden, les valeurs indiquées étaient de 2 246 500 $ et de 2 065 000 $ respectivement. Dans ce cas-ci, M. Pestl favorisait la valeur indiquée située au bas de la fourchette, obtenue selon la technique de comparaison directe, et ce, principalement :

[TRADUCTION] [...] à cause de l'emplacement rural, le marché pour une propriété située dans ce genre d'endroit étant donc probablement plus petit, comparativement aux propriétés situées ici; il a donc été conclu que la valeur se situerait au bas de la fourchette obtenue au moyen des deux techniques.

Par conséquent, l'estimation de la valeur marchande au 1er avril 1998 était de 2 100 000 $.

[28]     M. Pestl a en outre témoigné que la valeur marchande n'est pas complète sans une estimation du délai d'exposition lié à l'estimation de la valeur. Il a déclaré que le délai d'exposition est la période prévue pendant laquelle la propriété évaluée serait mise sur le marché avant d'être hypothétiquement vendue à sa valeur marchande à la date à laquelle l'évaluation prend effet. Il est toujours présumé que le délai d'exposition précède la date à laquelle l'estimation de la valeur prend effet; ce délai est basé sur une analyse des événements qui se sont produits sur le marché par le passé et sur les tendances du marché, tels qu'ils s'appliquent au type de bien immeuble à l'étude. Compte tenu de la recherche et de l'analyse qu'il a effectuées, M. Pestl a conclu que le délai d'exposition varierait normalement de trois à six mois.

Observationsdes appelantes

[29]     Au début de son argumentation, l'avocat des appelantes a signalé plusieurs points sur lesquels les parties s'entendaient. Premièrement, la définition de la juste valeur marchande n'est pas contestée. Deuxièmement, la procédure ne se rapporte pas aux baux viagers, mais elle se rapporte plutôt à l'évaluation d'immeubles d'habitation à logements multiples. Troisièmement, il n'est pas contesté que personne n'achèterait un tel immeuble au prix coûtant afin d'exploiter un immeuble d'habitation traditionnel; en effet, depuis un certain nombre d'années, les loyers du marché ne justifiaient pas la construction de nouveaux immeubles d'habitation parce qu'ils n'étaient pas viables sur le plan économique. L'avocat a en outre fait remarquer que les coûts de remplacement n'étaient pas sérieusement contestés; il a reconnu que les estimations de ces coûts que M. Pestl avait faites étaient dans chaque cas compatibles avec le coût réel de construction et il a fait remarquer qu'à l'exception de Villa Beliveau, les chiffres se rapprochaient énormément de ceux auxquels M. Steele était arrivé. D'autre part, l'avocat a soutenu que les deux évaluateurs étaient loin de s'entendre au sujet de la façon dont chacun considérait et appliquait la notion de désuétude économique aux valeurs obtenues à l'aide de la technique du coût. L'avocat a fait remarquer que M. Pestl convenait que la diminution de valeur attribuable au contrôle du loyer créerait une désuétude économique pour les immeubles d'habitation traditionnels et que si pareil immeuble était en cause, l'évaluateur serait obligé, selon la technique du coût, de tenir compte de la désuétude économique. En outre, il n'était pas contesté qu'une méthode acceptable, aux fins de la détermination de la désuétude économique, consisterait à capitaliser la perte de loyer attribuable au contrôle du loyer. L'avocat a affirmé que l'évaluateur des appelantes l'avait fait, mais que l'évaluateur de l'intimée avait omis de le faire. M. Pestl a plutôt supposé qu'un autre organisme mettant en oeuvre un projet à baux viagers à but non lucratif achèterait les propriétés en question au prix coûtant, de sorte qu'elles ne seraient pas considérées ou traitées comme des immeubles d'habitation traditionnels et qu'il n'y aurait donc pas de désuétude économique. Cette hypothèse soulève la question de savoir s'il existait un marché distinct de personnes qui seraient prêtes à acheter et en mesure d'acheter les propriétés en question au prix coûtant afin de réaliser de nouveaux projets à baux viagers ou si ces propriétés allaient se retrouver sur le marché normal. L'avocat a soutenu qu'il n'y avait rien dans la preuve qui justifie la position prise par l'intimée, mais que d'autre part, les dépositions des quatre témoins représentant les groupes à but non lucratif qui étaient en cause dans l'aménagement des propriétés en question établissaient qu'il n'existait [TRADUCTION] « aucune possibilité réaliste qu'un autre promoteur de projet à baux viagers soit en mesure d'acquérir un immeuble existant » étant donné que les groupes à but non lucratif qui se lancent dans des projets tels que celui-ci ne disposent pas de fonds immédiats pour faire une offre à l'égard d'une propriété existante. L'avocat a mentionné, à titre d'exemple, le témoignage de M. Leeies, selon lequel un organisme mettant en oeuvre un projet à baux viagers ne pourrait en aucun cas acquérir un autre bâtiment à moins qu'il n'y ait un prêteur philanthropique, pour reprendre l'expression qu'il a employée, ou à moins d'être financé par le gouvernement, de sorte que dans les deux cas la définition de la valeur marchande ne s'appliquerait plus au projet. Parmi les autres facteurs qui empêchaient l'acquisition d'une propriété existante par un groupe s'occupant de baux viagers, il y avait l'emplacement physique de la propriété, par exemple le fait qu'elle était située près de l'église paroissiale, comme c'était le cas pour Villa Beliveau, ce qui était d'une importance cruciale. On s'est fondé d'une façon toute particulière sur le témoignage de M. Leeies selon lequel il existe [TRADUCTION] « des limites géographiques passablement strictes quant au genre d'emplacement » .

[30]     Il y avait une autre raison pour laquelle les appelantes ne souscrivaient pas à la conclusion que M. Pestl avait tirée à l'aide de la technique du coût : même si la propriété hypothétique était acquise par un groupe à but non lucratif s'occupant de baux viagers, il ne s'agirait pas d'une opération commerciale selon la définition de la « valeur marchande » ; en effet, ce ne sont pas des objectifs liés au marché qui poussent les parties à une telle opération à agir. Ce sont les besoins sociaux et communautaires qui amènent à agir les promoteurs qui sont propriétaires des bâtiments et, selon l'avocat :

[TRADUCTION] Lorsqu'il est question d'un marché, il est question d'entrepreneurs; il ne s'agit pas de projets sociaux. Habituellement, les gens motivés sur le marché ne font pas les choses gratuitement; il s'attendent à réaliser un profit. Cependant, les propriétaires de chacune des propriétés ici en cause ne sont pas des acheteurs habituels. Ils fournissent des services sociaux. Ils n'exploitent pas une entreprise.

Les appelantes soutiennent en outre qu'étant donné que les opérations relatives aux baux viagers ne peuvent pas être conclues sans qu'il y ait des plans de financement créatifs et des compromis de la part des personnes associées aux projets, [TRADUCTION] « on ne saurait sérieusement soutenir que le modèle des baux viagers est un modèle habituel ou qu'il s'agit du financement qui s'applique normalement à la construction d'un immeuble d'habitation » .

[31]     Les appelantes contestent également la conclusion de M. Pestl selon laquelle il faudrait normalement de trois à six mois pour aliéner pareilles propriétés, et ce, même si des immeubles tels que ceux qui sont ici en cause étaient disponibles sur le marché; en effet, il serait presque impossible pour un promoteur intéressé d'organiser un groupe de locataires dans le bref délai proposé par l'intimée. L'avocat a fait remarquer que les délais requis, pour les propriétés en question, une fois que l'emplacement était trouvé et que des plans étaient disponibles pour être montrés aux locataires éventuels, variaient de 14 mois à deux ans et demi. Par conséquent, aucun élément de preuve acceptable n'étaye l'hypothèse fondamentale sous-tendant l'exclusion par M. Pestl de la dépréciation économique, à savoir qu'il existe un groupe d'acheteurs mettant en oeuvre des projets à but non lucratif pour ces immeubles. Les appelantes font également valoir que même s'il y avait de tels acheteurs, ces achats ne satisferaient pas à la définition de la valeur marchande et que la technique du coût, si on l'applique de la façon appropriée en tenant compte de la désuétude qui, comme M. Pestl l'a admis, existait sur le marché en général, ne justifie pas les valeurs avancées par l'intimée.

[32]     Quant à la technique de comparaison directe utilisée par M. Pestl, évaluateur de l'intimée, les appelantes soutiennent que, pour évaluer d'une façon appropriée une propriété dans le cas de la vente d'un immeuble en copropriété, la procédure doit inclure une provision pour le coût de transformation de l'immeuble en copropriété, compte tenu des coûts liés aux modifications matérielles, aux honoraires juridiques et professionnels, aux frais de commercialisation et d'exploitation pendant une période de commercialisation acceptable, ainsi qu'une provision pour le profit qu'un promoteur s'attend à tirer de la vente des logements individuels. Cette méthode a été employée par M. Steele et M. Pestl justifiait à tort la technique de comparaison directe avec des logements en copropriété qu'il avait adoptée en estimant la valeur au détail globale des unités en tant que logements en copropriété et en utilisant ce total pour établir ce que valaient les immeubles. M. Pestl a également omis d'estimer le montant des dépenses en capital ou les coûts liés à la commercialisation et de tenir compte du moment où ces frais étaient engagés et il n'a pas fourni d'analyse du moment où les ventes seraient probablement conclues. Essentiellement, l'approche que M. Pestl a adoptée en se fondant sur les logements en copropriété permettait l'évaluation des logements individuels faisant partie des immeubles respectifs, mais non l'évaluation des immeubles. Cela était erroné, tant sur le plan de la formule d'évaluation qu'à l'égard de la Loi sur la taxe d'accise. M. Pestl avait donc pris en compte les recettes générées par la vente des logements, mais il avait omis de tenir compte des coûts et il n'avait pas prévu un rendement normal sur le marché.

[33]     Quant à la technique du revenu utilisée par M. Steele, les appelantes font valoir qu'elle est habituellement utilisée lorsque la propriété à évaluer génère un revenu. Premièrement, M. Steele a estimé les valeurs locatives déterminées par le marché des logements plutôt que les valeurs locatives contractuelles et, par conséquent, les ententes relatives aux baux viagers n'influaient pas sur les loyers utilisés. M. Steele a ensuite déduit les coûts associés à l'exploitation des immeubles et a capitalisé le flux de revenu net en se fondant sur un taux de commercialisation sur le marché. L'avocat a fait remarquer que l'évaluateur de l'intimée ne contestait pas le témoignage de M. Steele quant à la question de savoir ce qu'étaient les valeurs locatives déterminées par le marché ou les coûts d'exploitation et qu'il ne contestait pas non plus le taux de capitalisation utilisé. L'avocat s'est expressément référé à la remarque suivante que M. Pestl avait faite en rejetant cette approche :

[TRADUCTION] Il n'est pas approprié de procéder à une analyse des valeurs locatives sur le marché pour les logements locatifs classiques dans ce cas-ci étant donné que pareils loyers ne sont pas fondés sur des frais d'entrée similaires et sur des paiements additionnels tels que ceux qui sont effectués par les occupants visés par un bail viager.

L'avocat a soutenu que le fait que les logements étaient initialement financés au moyen de baux viagers n'avait rien à avoir avec leur valeur courante parce qu'il fallait supposer [TRADUCTION] l' « inexistence » des baux viagers aux fins de la commercialisation du plein fief simple. En outre, les frais d'entrée et les paiements additionnels sont, selon l'avocat, un [TRADUCTION] « faux fuyant » et expliquent simplement comment le bâtiment a été construit sur un marché dont les valeurs locatives étaient à la baisse. Les appelantes soutiennent que, pour ces raisons, les acheteurs hypothétiques sur ce marché établiraient la valeur en se fondant sur la technique du revenu et que cela reflète l'évaluation courante appropriée des propriétés en question telle qu'elle a été effectuée par leur évaluateur, M. Steele.

Observations de l'intimée

[34]     La Cour est ici fondamentalement saisie de la question de savoir s'il faut confirmer les cotisations établies conformément au paragraphe 191(3) de la Loi, qui oblige les appelantes à établir elles-mêmes leur cotisation à l'égard de la juste valeur marchande des quatre immeubles à baux viagers. Le paragraphe 123(1) de la Loi prévoit que la juste valeur marchande d'un bien ou service fourni à une personne s'entend de la juste valeur marchande du bien ou service, abstraction faite de la taxe exclue de la contrepartie de la fourniture en application de l'article 154. Comme l'ont reconnu les appelantes, il n'existe aucun désaccord au sujet de la définition de la juste valeur marchande telle qu'elle a été avancée par l'expert de l'intimée, M. Pestl.

[35]     L'avocat a fait remarquer que la question dont la Cour est saisie se rapporte à la juste valeur marchande des propriétés et qu'une preuve a été soumise au sujet de l'évaluation, mais qu'un représentant de chacune des quatre appelantes a témoigné au sujet des débuts et de la réalisation de leurs projets respectifs. Ces témoignages montraient clairement que les propriétés faisant l'objet de baux viagers ne sont pas du tout des propriétés à usage locatif traditionnelles; les témoignages établissaient également qu'il s'agit d'une chose fondamentalement différente de la convention de location habituelle. En premier lieu, les propriétés comportent des commodités matérielles qui se prêtent au mode de vie de locataires visés par des baux viagers. En outre, les frais d'entrée servent habituellement à financer jusqu'à la moitié du coût de construction et sont liés aux paiements effectués par les locataires au titre de la location. Les locataires possèdent un intérêt dans leurs logements, comme en font foi les baux viagers et, dans certains cas, les frais d'entrée sont considérés, dans la documentation pertinente, comme un investissement garanti par une seconde hypothèque en faveur des locataires. De l'avis de l'intimée, les dépositions de ces quatre témoins établissaient clairement l'existence d'un marché manifeste et la nécessité d'immeubles à baux viagers.

[36]     L'intimée fait valoir que les appelantes se sont fondées à tort sur les évaluations de M. Steele en ce sens que le contenu et la qualité des rapports de ce dernier n'étaient pas conformes à la norme requise à l'égard d'une preuve d'expert et ne devaient pas être retenus par la Cour. En particulier, M. Steele a omis de prendre les mesures appropriées en vue de s'assurer que les renseignements et l'analyse fournis sont suffisants pour que les utilisateurs puissent comprendre le fondement de toute opinion exprimée. Plus précisément, M. Steele s'était contenté d'identifier d'une façon minime les renseignements et données justifiant ses hypothèses et conclusions, qui étaient simplement dans bien des cas fondées sur son expérience personnelle. Un certain nombre de points précis ont été soulevés par l'avocat. Premièrement, M. Steele a utilisé la technique du revenu à l'égard des propriétés et il semble avoir évalué ces propriétés en tant qu'immeubles d'habitation traditionnels. Ce faisant, M. Steele n'a pas tenu compte des frais d'entrée, et ce, même s'il a admis que ces frais faisaient partie du financement des immeubles et que les appelantes n'auraient jamais pu exiger les loyers existants en l'absence de ces frais. La technique du revenu employée par M. Steele était donc défectueuse parce qu'elle omettait de tenir compte des capitaux importants que les locataires avaient investis dans ces propriétés. De plus, en ce qui concerne la capitalisation du revenu net qui devait être tiré de ces propriétés selon la technique du revenu employée par M. Steele, la façon de calculer le taux de capitalisation à l'aide du procédé du placement gradué était beaucoup trop simpliste et elle était inexacte compte tenu de la méthode plus technique et plus détaillée énoncée dans les exigences de l'Institut des évaluateurs.

[37]     Quant à la technique du coût employée par M. Steele, l'avocat a fait remarquer que même s'il avait tenu compte du coût réel de construction de chaque immeuble, M. Steele avait en fin de compte utilisé un chiffre moins élevé en calculant le coût de remplacement estimatif, sans expliquer pourquoi il le faisait. En outre, même s'il a affirmé ne pas croire que les coûts réels soient des coûts normaux sur le marché, M. Steele n'a aucunement défini ce qui constituait un coût normal sur le marché et n'a soumis aucun élément de preuve au sujet des autres coûts et aucun exemple à l'appui de son hypothèse. En ce qui concerne l'utilisation qu'il a faite de la désuétude économique lorsqu'il s'est agi de déprécier les améliorations, l'idée de M. Steele était apparemment fondée sur les dispositions de la Loi sur la location à usage d'habitation qui avaient pour effet de réduire la possibilité d'un rendement des capitaux investis du fait de la réduction des profits obtenus dans le cas des immeubles traditionnels exploités à des fins commerciales. L'avocat a soutenu qu'en fait, les dispositions relatives au contrôle du loyer de la Loi sur la location à usage d'habitation ne s'appliquent pas dans ce cas-ci et que l'analyse effectuée par M. Steele n'est pas pertinente dans le contexte de projets à but non lucratif faisant l'objet de baux viagers, où les frais d'entrée compensent le fait que les loyers à eux seuls ne permettraient pas de supporter les frais liés aux propriétés. L'avocat a également fait remarquer que la définition de la désuétude économique donnée par M. Steele et la formule que celui-ci a employée étaient basées sur son expérience personnelle et que cela n'était pas conforme à l'approche recommandée par l'Institut des évaluateurs. Étant donné que la formule que M. Steele a employée pour calculer la désuétude économique obligeait celui-ci à inclure le revenu net obtenu selon la technique du revenu qu'il avait employée, toute lacune, dans cette dernière, aurait des incidences sur la technique du coût employée par M. Steele, de sorte que les conclusions tirées selon les deux techniques étaient viciées et contestables. C'est pourquoi on ne pouvait pas se fonder sur l'estimation de la valeur effectuée par M. Steele selon la technique du revenu ou selon la technique du coût.

[38]     L'avocat a affirmé que les témoignages présentés par les représentants des groupes assurant la réalisation des projets établissaient que les dispositions y afférentes étaient fort différentes de celles qui étaient prises en vertu d'une convention de location classique. Les propriétés en question comportent des commodités matérielles qui se prêtent au mode de vie de ce groupe particulier de locataires. Dans la plupart des cas, les frais d'entrée permettent de financer jusqu'à la moitié du coût de construction et sont liés aux paiements effectués par les locataires au titre du loyer. Les frais d'entrée sont considérés comme un investissement garanti par une seconde hypothèque consentie en faveur des locataires. Les locataires ont donc un intérêt fort spécial dans leurs logements, comme en font foi les baux viagers qu'ils ont signés et l'intérêt bénéficiaire qu'ils possèdent dans ces secondes hypothèques. Aux fins du financement, les banques considéraient dans presque tous les cas ces projets comme des projets d'immeubles en copropriété et exigeaient que les immeubles soient enregistrés en tant que tels. De toute évidence, il existe une demande et un marché manifeste à l'égard de ces immeubles par opposition aux immeubles d'habitation traditionnels et, contrairement aux immeubles traditionnels, ces projets sont soutenus sur le marché par les capitaux investis par les locataires ainsi que par les paiements mensuels.

[39]     L'intimée affirme qu'en déterminant les méthodes qu'il convient d'employer pour évaluer les propriétés en question, M. Pestl a examiné les trois techniques et a fait remarquer que la technique du revenu est habituellement utilisée lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'un investisseur paierait pour la propriété compte tenu du flux de revenu net et du taux de rendement prévu à l'égard des capitaux investis. Selon la position prise par l'intimée, étant donné qu'il a été conclu à juste titre que l'utilisation optimale de la propriété était l'utilisation existante, la technique du revenu ne convient pas aux fins de l'évaluation de ces propriétés. Étant donné que le projet est structuré sous la forme de baux viagers, le flux de revenu existant généré par le projet ne représente pas le loyer du marché. Les loyers payés par les occupants indiquent les paiements effectués au titre des frais d'entrée ainsi que tout paiement additionnel effectué par les personnes qui achètent un intérêt dans un bail viager. Depuis plusieurs années, les loyers du marché ne justifiaient pas la construction de nouveaux immeubles d'habitation étant donné que pareils projets ne sont pas viables sur le plan économique. En outre, il ne convient pas de procéder à une analyse de la valeur locative déterminée par le marché puisqu'aucun logement locatif comparable n'est disponible et que pareils loyers ne sont de toute façon pas fondés sur des frais d'entrée et sur des paiements additionnels similaires. Une analyse basée sur la technique du revenu n'indiquerait pas la valeur marchande totale de la propriété en cause à moins qu'il ne soit tenu compte des frais d'entrée et du montant additionnel payés par les occupants puisque le propriétaire reçoit à la fois le loyer mensuel et les frais d'entrée.

[40]     Dans sa conclusion, l'avocat a mentionné plusieurs décisions à l'appui de la thèse selon laquelle le coût réel de construction est fort représentatif de la valeur et de la juste valeur marchande pour les besoins de la TPS. Ces remarques s'appliquaient aux cas dans lesquels des projets à but non lucratif et des projets à but lucratif étaient évalués. L'intimée se fonde dans cette mesure sur ces décisions, qui sont selon elle déterminantes[9].

Analyse

[41]     La Loi sur les baux viagers[10] du Manitoba définit le « bail viager » comme suit :

« bail viager » Convention de location écrite en vertu de laquelle ou relativement à laquelle :

a)          des frais d'entrée ont été payés ou sont payables à l'égard d'une unité locative;

b)          la personne ayant la première le droit d'occuper l'unité locative en vertu de la convention se voit accorder un droit d'occupation viager ou un droit d'occupation pour un terme fixe d'au moins 50 ans, si la convention est conclue après l'entrée en vigueur de la présente loi à l'égard d'une unité locative située dans un ensemble résidentiel dans lequel aucune unité n'a fait l'objet d'un bail viager avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

La présente définition vise notamment toute convention distincte à l'égard de laquelle les frais d'entrée ont été payés ou sont payables. ("life lease")

[42]     Il s'avère opportun d'examiner brièvement le programme des baux viagers qui s'applique au Manitoba. L'imposition d'un contrôle du loyer au Manitoba, au cours des années 1980, a entraîné une pénurie de logements parce que les loyers du marché qui pouvaient être obtenus pour de nouveaux logements ne justifiaient pas leur construction. Cela posait un problème à l'égard du logement des personnes âgées. Le gouvernement provincial a mis sur pied le programme des baux viagers à un moment où le gouvernement fédéral et le gouvernement de la province ont cessé de prendre de nouvelles initiatives dans le domaine du logement social et ont cessé d'accorder de grosses subventions. M. Leeies qui, à un moment donné, travaillait au ministère responsable de ces questions, a témoigné que le gouvernement du Manitoba avait décidé de répondre à un certain nombre de communications reçues de groupes d'utilisateurs, en particulier de personnes âgées, dont les revenus étaient juste assez élevés pour les exclure du programme des loyers liés au revenu, qui étaient fortement subventionnés. Il a été décidé d'aider ce groupe particulier, composé de personnes âgées habitant dans une maison ou dans un logement locatif, et le programme des baux viagers a été élaboré pour répondre aux besoins de ces personnes. M. Leeies a fait remarquer qu'il s'agissait d'un programme à l'intention :

[TRADUCTION] [...] des personnes qui possédaient une maison dont la valeur nette était plutôt élevée, mais qui avaient un faible revenu, ou encore des personnes dont la maison était libre de toute hypothèque et qui bénéficiaient de la valeur nette de la maison, mais dont les revenus étaient très faibles et qui ne touchaient peut-être que les prestations prévues par le Régime de pensions du Canada. Or, ces gens étaient dans une certaine mesure pris au piège, dans une maison qui bien souvent se dépréciait. Ils n'avaient pas les moyens d'assurer l'entretien de la maison. La maison ne se prêtait plus vraiment à leurs besoins, mais ils n'avaient pas droit à un logement parrainé par le gouvernement. Ils pouvaient donc se servir de la valeur nette de la maison pour la transférer dans ce nouveau type de logement, qui répondait fondamentalement à leur mode de vie différent.

En tentant de résoudre ce problème, les appelantes (et d'autres groupes) ont commencé à participer à des programmes dans le cadre desquels elles agissaient à titre de promoteurs de projets d'habitation pour personnes âgées en ayant recours au concept de la location assujettie à des baux viagers. Il importe également de noter que, par opposition aux logements à but non lucratif qui étaient subventionnés à l'aide de programmes du gouvernement fédéral ou provincial, les projets à baux viagers, au Manitoba, ne recevaient au moment pertinent aucune aide financière de quelque ordre de gouvernement que ce soit, de sorte que tous les capitaux nécessaires provenaient du secteur privé.

[43]     Les questions en litige se rapportent à la juste valeur marchande des quatre immeubles au moment où les appelantes étaient tenues d'établir elles-mêmes leurs cotisations. L'avocat des appelantes a indiqué qu'en ce qui concerne le sens de la juste valeur marchande, selon la théorie et la pratique applicables en matière d'évaluation, la définition suivante, donnée par l'expert de l'intimée, M. Pestl, est acceptable :

[TRADUCTION] En général, la valeur marchande peut être définie comme suit : le prix probable, en argent, que la propriété rapporterait si elle était mise en vente sur le marché libre par un vendeur sérieux, un délai raisonnable étant accordé pour trouver un acheteur sérieux, l'acheteur et le vendeur n'étant ni l'un ni l'autre obligés d'agir, ayant tous deux pleinement connaissance des utilisations et des fins auxquelles la propriété se prête et auxquelles elle peut servir, et faisant tous deux preuve d'un jugement raisonnable.

Cette définition laisse implicitement entendre ce qui suit :

(i)          les parties à l'opération ont habituellement la motivation nécessaire pour agir;

(ii)         il s'agit de deux personnes informées ou averties qui agissent selon ce qui, selon elles, est au mieux de leurs intérêts;

(iii)        un délai acceptable est accordé pour la mise en vente sur le marché libre;

(iv)        le paiement est effectué en argent comptant, en dollars canadiens, ou au moyen d'arrangements financiers comparables; et

(v)         le prix représente la contrepartie normale pour la propriété, indépendamment d'un financement spécial ou créatif ou de concessions faites par une personne associée à l'opération.

La définition de la valeur marchande n'est pas compète sans une indication du temps d'exposition prévu lié à l'estimation de la valeur. Le temps d'exposition est la période prévue pendant laquelle l'intérêt de propriété évalué aurait été offert sur le marché avant la conclusion hypothétique d'une vente à la valeur marchande, à la date où l'évaluation prend effet. Il est toujours présumé que le temps d'exposition précède la date à laquelle l'estimation de la valeur prend effet; il est basé sur une analyse des événements qui se sont produits sur le marché par le passé et des tendances du marché, tels qu'ils s'appliquent au type de bien immeuble à l'étude.

[44]     Les parties sont bien loin de s'entendre au sujet des trois questions en litige. Premièrement, les appelantes maintiennent que l'utilisation optimale des propriétés consistait à s'en servir comme immeubles d'habitation à usage locatif pour personnes âgées. D'autre part, l'intimée affirme que l'utilisation optimale était l'utilisation existante, à savoir un immeuble à baux viagers. Deuxièmement, les appelantes maintiennent qu'il n'y avait pas de marché distinct sur lequel les immeubles à baux viagers en question seraient achetés au prix coûtant par un groupe s'occupant de baux viagers. Troisièmement, même si pareille vente, au prix coûtant, devait avoir lieu, elle ne constituerait pas une opération à la juste valeur marchande. Les deux premières questions sont liées l'une à l'autre. S'il existait un marché distinct pour les immeubles à baux viagers, l'une des prémisses fondamentales sur lesquelles la théorie de la désuétude économique des appelantes est fondée est alors contestable.

[45]     J'examinerai d'abord la question du [TRADUCTION] « marché distinct » , qui exige l'examen de deux éléments. En premier lieu, existe-il un marché pour les projets à baux viagers au Manitoba et, en second lieu, la vente d'un immeuble à un autre promoteur de baux viagers à but non lucratif serait-elle une opération à la juste valeur marchande? Étant donné la position prise par les appelantes, il convient d'examiner l'historique de pareils projets au Manitoba. Dans son rapport, M. Pestl a fait remarquer que le premier immeuble de ce genre à Winnipeg, le Kiwanis Chateau, composé de 122 logements, a été construit en 1988. Après que ce projet initial eut été réalisé, ce type d'habitation a connu de la vogue parmi les personnes âgées de la collectivité de Winnipeg et, en 1998, 18 projets à baux viagers avaient été réalisés à Winnipeg, ce qui comprenait 1 073 logements en tout, et six autres projets en étaient à l'étape de la construction ou de la planification. Le rapport de la SCHL indiquait également que, parmi les promoteurs de ces projets, il y avait des organisations communautaires, des groupes confessionnels, des firmes de gestion immobilière et d'autres organismes similaires. L'existence d'un marché croissant est en outre établie par les dépositions des représentants, selon lesquelles ils voulaient participer activement à ces projets. Ainsi, M. Lyons a fait remarquer que, par le passé, S.A.M. avait réalisé des projets à l'aide d'hypothèques garanties par la SCHL ou de programmes provinciaux de subventions garanties, mais que ces programmes avaient pris fin. Il a en outre indiqué que S.A.M. avait en partie été amenée à participer au projet Colorado et à d'autres projets parce qu'il était difficile de conserver un personnel professionnel rémunéré étant donné [TRADUCTION] qu' « il faut un certain nombre de projets pour se soutenir » et que, dans ce contexte, le groupe avait tenu compte de [TRADUCTION] « l'avenir des logements à baux viagers pour personnes âgées à Winnipeg à ce moment-là et voulait y participer activement » . Par conséquent, S.A.M. gère, à l'heure actuelle, six projets à baux viagers; elle a été promoteur d'un projet, Colorado, et elle a également participé à la réalisation du projet Vasalund, un autre projet à baux viagers, en fournissant du personnel pour la commercialisation et pour d'autres tâches. Acorn et son président, M. Leeies, fournissent des services de consultation professionnelle à divers groupes à but non lucratif. M. Leeies est également président de Murdoch, une société de gestion immobilière. M. Leeies a agi à titre d'expert-conseil à l'égard du projet de Villa Beliveau et l'on a en temps et lieu eu recours aux services de Murdoch à titre de gérant. Les deux groupes étaient fort actifs dans le domaine des projets à baux viagers. En fait, la page Web de Murdoch renferme la remarque suivante :

[TRADUCTION] À l'heure actuelle, Murdoch Management gère plus de 750 logements à but non lucratif d'une valeur de plus de soixante millions [...] le nombre de foyers inscrits sur les listes d'attente à l'heure actuelle est le suivant : plus de 3 500 foyers pour les aménagements à baux viagers assujettis au marché, plus de 600 foyers pour les personnes âgées bénéficiant de subventions [...]

                                                                                                            [Je souligne.]

Je note également que M. Pestl a évalué neuf aménagements à baux viagers et qu'il en a [TRADUCTION] « examiné une douzaine en consultant tous les documents et ainsi de suite » . M. Pestl a expressément demandé à chacun des administrateurs responsables des aménagements en question s'il y avait une liste d'occupants éventuels pour leurs bâtiments et ceux-ci lui ont répondu qu'il y en avait bien souvent une et qu'avant qu'il inspecte le bâtiment, il y avait eu fort peu de logements qui avaient changé d'occupant. Cela étant, il est raisonnable de conclure que, pendant la période pertinente, il existait une forte demande et un marché pour les aménagements à baux viagers.

[46]     Malgré l'existence d'un marché de baux viagers, les appelantes rejettent la conclusion tirée par l'évaluateur de l'intimée, à savoir que l'acheteur sérieux habituel des propriétés en question serait probablement un autre groupe à but non lucratif voulant offrir à la collectivité des habitations similaires. Le désaccord se ramène en fait à la question de savoir si les groupes à but non lucratif étaient prêts à acheter un immeuble et s'ils étaient en mesure d'acheter un immeuble en vue de mettre à exécution des projets à baux viagers ou si l'immeuble allait aboutir sur le [TRADUCTION] « marché normal » . À l'appui, plusieurs propositions ont été avancées par les appelantes : a) il existe des limites géographiques passablement strictes quant à un emplacement acceptable pour un bâtiment; b) il n'existe aucun exemple d'un groupe à but non lucratif achetant ou tentant d'acheter un bâtiment existant; c) les retards associés à la promotion de ces projets empêchent un achat sur le marché dans un délai d'exposition raisonnable; et d) la méthode de financement ne se prête pas à l'acquisition d'aménagements existants étant donné que les groupes à but non lucratif en cause n'ont pas de fonds leur permettant d'obliger le groupe à acheter une propriété.

[47]     Emplacement :        L'avocat des appelantes a souligné l'importance de [TRADUCTION] l' « emplacement géographique » pour une [TRADUCTION] « communauté » telle que le groupe confessionnel qui était en cause dans le projet Villa Beliveau; il a déclaré que les besoins particuliers de chaque communauté avaient pour effet de limiter la taille du marché[11]. Cela peut être entré en ligne de compte pour le projet Villa Beliveau, qui était étroitement lié à la paroisse locale et qui a été parrainé et réalisé pour un groupe à faible revenu, mais à mon avis, cela n'était pas une circonstance habituelle. Le projet Southpark par contre était diamétralement opposé au projet Villa Beliveau. Ce projet s'adressait lui aussi initialement à une communauté affiliée à la paroisse locale. Toutefois, il est vite devenu évident qu'une telle approche échouerait et l'accès a été accordé à [TRADUCTION] « toute personne âgée de plus de 55 ans, peu importe sa confession religieuse, son église, qui était en mesure de payer » . M. Riley a décrit comme suit les premiers occupants de l'immeuble, en 1997 :

[TRADUCTION] [...] Je dirais que 40 p. 100 des gens appartenaient à notre église et que les autres, soit à peu près 40 p. 100 des gens, venaient de la communauté, de Fort Richmond, de Richmond West. De nombreuses confessions religieuses différentes étaient donc en cause. Et à cause de la publicité, nous avons attiré encore plus de gens; je songe notamment à tous les gens dont nous avons ici parlé, mais en ce qui concerne les locataires, il y avait des gens qui venaient de Dauphin et qui, à ma connaissance, sont encore là, ce genre de choses, d'autres secteurs de la ville, mais je dirais que 80 p. 100 des gens venaient de cette communauté.

En ce qui concerne le projet Colorado, M. Lyons a témoigné qu'aucune paroisse précise ou qu'aucun autre groupe précis ne participait à sa réalisation, et qu'aucun groupe particulier n'était ciblé. La publicité initiale couvrait tout le secteur de St. James et puisqu'un nouveau pont devait être construit sur la rivière Assiniboine, on a également communiqué avec la collectivité de Charleswood. Dans le cas du projet Virden, rien ne montre qu'un groupe précis, à l'exclusion d'autres groupes, ait été ciblé. Cela étant, je ne suis pas convaincu que le facteur « emplacement » soit aussi pertinent que les appelantes l'affirment. Il n'est pas inhabituel qu'une personne soit portée à résider dans un secteur précis de la ville, comme acheteur ou comme locataire, et cela se produit sur le marché des maisons, des logements en copropriété et des logements locatifs.

[48]     Achat d'un bâtiment à but non lucratif existant : M. Leeies a témoigné qu'Acorn n'avait jamais acquis un immeuble à baux viagers qui avait déjà été construit et qu'il ne croyait pas qu'elle le ferait. Il a également fait expressément mention de deux projets à baux viagers [TRADUCTION] « qui [avaient] échoué » , qui [TRADUCTION] « pendant longtemps n'[avaient] pas généré de ventes et [qui] [avaient] en fin de compte été achetés à un prix très faible et transformés [pensait-il] en logements locatifs » . Toutefois, il ne savait pas que ces projets avaient avorté ou il n'a pas fait mention de la chose parce que, comme l'a fait remarquer M. Lyons :

[TRADUCTION] [...] le bâtiment Doulton était un petit bâtiment étrange parce qu'il ressemblait davantage à une tour d'habitation. Il était construit sur une superficie fort petite. Ce genre de bâtiment attire ou est attrayant, attire des locataires plus âgés, qui ont habituellement de 75 à 80 ans. Les logements plus petits situés dans des tours d'habitation, où il n'est pas nécessaire de monter ou de descendre des escaliers parce qu'il y a un ascenseur, ce genre de chose intéresse généralement un groupe plus âgé.

Le bâtiment à trois étages sans ascenseur du style maison en rangée dont nous avons fait l'essai dans le cas du projet Mager, la Villa Mager, attirait un groupe plus jeune. Je crois que le problème était encore une fois principalement attribuable au fait que dans le cas du projet St. Vital, il y avait sur cette bande de terrains des logements en copropriété à prix modique et que les loyers que nous demandions étaient juste un peu trop élevés.

Quant au projet The Islands, on a tenté d'y construire des résidences du style bungalow :

[TRADUCTION] [...] ce style n'a pas fonctionné pour les baux viagers. Il n'y a pas d'espace pour les commodités. On n'y trouve pas le genre de vie communautaire qui plaît aux personnes âgées et il est fort difficile de conclure des ventes.

M. Lyons a dit que, par conséquent :

[TRADUCTION] [...] essentiellement, on n'arrivait pas au nombre voulu. En d'autres termes, malgré les efforts de commercialisation que nous avons déployés pour les projets Doulton, Villa Mager et The Islands, le nombre souhaité par la banque n'a jamais été atteint.

Étant donné leur caractère de toute évidence inapproprié, il n'est pas surprenant que ces projets aient échoué. En outre, l'absence de ventes ne permet pas de conclure qu'un promoteur s'occupant de baux viagers n'acquerrait en aucun cas un bâtiment existant. M. Lyons a témoigné qu'à sa connaissance, on n'avait jamais communiqué avec S.A.M. à l'égard de pareil achat et que S.A.M. n'avait jamais envisagé pareil achat, mais il a fait remarquer [TRADUCTION] qu' « aucune personne n'[était] venue dire qu'elle voulait se départir d'un immeuble qui lui appartenait » . Le témoin a reconnu qu'un tel achat aurait été possible si S.A.M. avait disposé d'une liste de personnes qui étaient prêtes à signer un bail viager et si un bâtiment approprié était devenu disponible sur le marché; voici ce qu'il a dit : [TRADUCTION] « Je suppose qu'il existe en théorie une possibilité, si tous les locataires étaient déjà là. » Il est raisonnable de conclure à l'existence d'une demande pour les projets à baux viagers à but non lucratif et le fait qu'aucun bâtiment existant à but non lucratif n'avait encore été vendu établit tout simplement qu'un projet approprié n'avait jamais été mis sur le marché.

[49]     Retards - financement :     L'avocat des appelantes a mentionné d'une façon toute particulière la façon dont M. Leeies avait décrit les étapes en cause dans la réalisation d'un projet à baux viagers : il fallait notamment trouver un emplacement convenable, retenir les services d'un expert-conseil en matière d'aménagement, créer une société d'habitation à but non lucratif, exercer un contrôle sur le fonds, préférablement au moyen d'une option, et trouver des locataires éventuels qui seraient prêts à signer des baux viagers. À ce stade, les estimations préliminaires relatives aux coûts des immobilisations et les frais d'exploitation engagés pendant la première année étaient examinés, la publicité préliminaire et les documents préliminaires de mise en marché étaient distribués et l'on commençait à essayer d'obtenir des dépôts (remboursables) des locataires et des engagements de la part des locataires éventuels en vue de réunir les capitaux nécessaires aux fins du financement. Lorsque le nombre d'engagements était suffisant pour qu'il soit possible de poursuivre le projet, les promoteurs passaient à la deuxième étape, l'architecte et les ingénieurs procédant alors à l'élaboration des dessins et des documents contractuels, obtenant des coûts de construction définitifs et poursuivant les efforts de commercialisation. Les appelantes soutiennent que le temps qu'il a fallu aux promoteurs pour obtenir les engagements et les dépôts des locataires indiquait clairement qu'il n'était pas possible qu'un promoteur s'occupant de baux viagers réussisse à former un groupe de locataires dans le délai de trois à six mois proposé par l'évaluateur de l'intimée comme délai dans lequel la vente hypothétique d'un de ces immeubles serait conclue.

[50]     J'ai certaines réserves au sujet du fait que M. Pestl a jugé raisonnable un délai de trois à six mois pour la vente hypothétique d'une des propriétés en question, mais la prétention des appelantes selon laquelle il faudrait une période de plus de deux ans est également contestable. Les représentants des groupes s'occupant des projets ont clairement dit que les retards importants à l'étape initiale de la réalisation du projet, lorsque la propriété avait été annoncée et promue, étaient en partie attribuables, comme l'avocat des appelantes l'a fait remarquer, au fait [TRADUCTION] qu' « il est impossible de chercher des locataires sans avoir à l'esprit un bâtiment, ou du moins un emplacement et un plan, ce n'est pas pratique, et on ne peut tout simplement pas demander au vendeur d'attendre de deux à quatre ans, sans garantie que le marché soit un jour conclu » . Cela est compréhensible, mais comme M. Leeies l'a fait remarquer, les retards se sont produits pour les raisons suivantes :

[TRADUCTION] [...] il y a un grand nombre de gens qui attendent, qui sont indécis. Il y a un groupe de gens qui nous disent qu'ils sont là depuis deux ans, que le projet leur plaît, mais qu'ils ne vont pas louer tant qu'ils n'auront pas vu de quoi il en ressort. De plus, il est difficile pour certaines personnes de comprendre les dessins et, bien entendu, les gens veulent visiter le bâtiment.

En outre, les projets à baux viagers fournissent les commodités sociales communautaires exigées sur ce marché particulier. Ainsi, dans le cas de Colorado, il y avait une aire de loisirs composée d'un solarium, d'une bibliothèque, d'une salle de billard, d'une salle de culture physique et d'un salon pourvu [TRADUCTION] d' « une cuisine, d'un lave-vaisselle et ainsi de suite » et, comme M. Lyons l'a dit, sans ces installations additionnelles, [TRADUCTION] « il ne serait jamais possible de mettre le bâtiment sur le marché » . Il est raisonnable de conclure que l'existence d'un nouvel immeuble à baux viagers aurait une incidence favorable sur les locataires éventuels et réduirait de beaucoup le temps qu'il faudrait pour obtenir les engagements nécessaires et permettre ainsi au promoteur-acheteur d'obtenir le financement bancaire nécessaire.

[51]     J'examinerai maintenant le deuxième volet de l'argument des appelantes, à savoir la question de la désuétude économique. Il n'y avait pas de grave désaccord au sujet du coût de remplacement attribuable aux propriétés. Le principal point qui oppose les parties est de savoir si les propriétés étaient touchées par la dépréciation économique dont faisaient l'objet d'autres immeubles d'habitation à usage locatif. Plus précisément, le désaccord porte sur l'application, par M. Steele, l'évaluateur des appelantes, de la désuétude économique. Cette idée était fondée sur la conclusion de M. Steele selon laquelle l'utilisation optimale des propriétés ne se rapportait pas à un aménagement à baux viagers ou à un immeuble en copropriété pour personnes âgées, mais plutôt à des logements locatifs pour personnes âgées. La désuétude alléguée était principalement fondée sur le fait que le contrôle du loyer avait une incidence fort négative sur le marché des logements locatifs, de sorte qu'aucun nouvel immeuble n'avait été construit étant donné que la structure des loyers n'était pas suffisante pour justifier leur construction. M. Steele a conclu qu'il y avait donc une désuétude économique importante ayant une incidence négative sur la valeur marchande des propriétés en question. Les appelantes affirment que cette approche était correcte et que, cela étant, l'évaluateur de l'intimée a eu tort d'exclure la désuétude économique de son évaluation et, plus particulièrement, que cette approche a été rejetée pour le motif qu'il existait un marché distinct pour l'achat des immeubles par des groupes à but non lucratif qui voulaient réaliser un projet à baux viagers.

[52]     Étant donné que les appelantes se sont basées sur l'opinion de M. Steele selon laquelle il y avait une désuétude économique, le fondement de la conclusion tirée par ce dernier doit être minutieusement examiné. Je me pencherai d'abord sur les qualifications de M. Steele : il a déclaré ne plus être membre de l'Institut canadien des évaluateurs et ne [TRADUCTION] « pas [s]e plier aux exigences de l'Institut des évaluateurs » . M. Steele ne savait pas que les anciennes règles américaines de pratique en matière d'évaluation professionnelle n'étaient plus suivies par l'Institut canadien des évaluateurs depuis que les normes canadiennes uniformes avaient été adoptées au mois de janvier 2001. Il connaissait l'existence de ces règles, mais il n'en avait pas pris connaissance et il n'avait pas l'intention de le faire; il a plutôt décidé d'appliquer ses propres méthodes et approches pour procéder à l'évaluation[12]. Par conséquent, même si M. Steele a énormément d'expérience, le fait qu'il n'a pas documenté d'une façon adéquate les renseignements sur lesquels il se fondait et qu'il n'a pas établi que les méthodes qu'il avait employées étaient en principe valables suscite des préoccupations au sujet du fondement factuel sous-tendant ses conclusions, et ce, particulièrement en ce qui concerne l'opinion selon laquelle il y avait une désuétude économique importante ayant des incidences négatives sur la valeur marchande des propriétés. À son avis, les frais réels d'aménagement et de construction des immeubles n'indiquaient pas les coûts avec exactitude et ils étaient en général, comme il l'a dit, plus élevés que si le produit avait été mis au point selon [TRADUCTION] « les conditions normales du marché » . Il a attribué cette augmentation aux honoraires et profits des promoteurs, des experts-conseils et des entrepreneurs ainsi qu'à l'absence de gestion appropriée à l'égard du projet et il a maintenu qu'en estimant la valeur marchande des propriétés en question, il faut veiller à ne pas utiliser ces [TRADUCTION] « frais d'aménagement excédentaires même s'il s'agit de coûts réels » [13]. Comme l'a fait remarquer l'évaluateur de l'intimée, la chose a amené M. Steele à conclure que dans le cas de Colorado, le coût représentait 91,5 p. 100 du coût réel, que dans le cas de Southpark, le coût représentait 89,7 p. 100 du coût réel, que dans le cas de Villa Beliveau, le coût représentait 77,2 p. 100 du coût réel et que dans le cas de Virden, le coût représentait 92,5 p. 100 du coût réel. La valeur des nouveaux immeubles a donc été réduite de 42,5 p. 100 et ramenée à 51,8 p. 100 de leur coût de remplacement à neuf estimatif, soit un montant de beaucoup inférieur à leurs coûts réels de construction. Il est difficile d'accepter ces résultats étant donné qu'il n'existe presque aucune donnée à l'appui de la conclusion tirée par M. Steele. Quant à l'analyse du coût de remplacement effectuée par M. Steele, M. Pestl a fait la remarque suivante :

[TRADUCTION] Étant donné que l'évaluateur a rejeté les coûts réels d'aménagement des projets en les remplaçant par des estimations de coûts et des valeurs du fonds non étayées de pièces justificatives et, ce qui est fort important, parce qu'il a appliqué aux améliorations une désuétude économique estimative fort importante, la valeur indiquée selon la technique du coût est sous-estimée de beaucoup.

Je souscris à cette conclusion.

[53]     Le deuxième volet de l'analyse effectuée par M. Steele se rapporte à l'application de la désuétude économique aux fins de la diminution de la valeur des propriétés en cause. Dans ce contexte, M. Pestl a fait les remarques suivantes :

[TRADUCTION] En ce qui concerne la dépréciation économique estimative que M. Steele a appliquée, il importe de noter qu'elle est basée sur la théorie fondamentale selon laquelle les immeubles en cause sont des immeubles à usage locatif, c'est-à-dire que la dépréciation qui est appliquée représente la perte du revenu net qui devrait normalement être obtenu sur les capitaux investis dans les coûts de construction de l'immeuble. Cette théorie n'est pas conforme aux faits ou au marché. Elle est fondamentalement basée sur le fait qu'il ne faut pas tenir compte des frais d'entrée, payés par chaque occupant de l'immeuble, aux fins de l'évaluation. Selon nous, cette thèse n'est pas raisonnable. Les frais d'entrée sont de fait payés, et ils sont initialement utilisés pour financer la construction de l'immeuble. Ces frais peuvent être recouvrés à la fin du bail, et ils sont payés par les occupants postérieurs. Les frais ont une incidence directe sur le montant payable au titre du loyer mensuel pendant la durée du bail.

Aucun intérêt n'est payé sur les frais d'entrée et c'est le propriétaire de l'immeuble qui en tire parti du fait qu'ils réduisent le montant total du financement nécessaire aux fins de l'aménagement de l'immeuble. Dans presque tous les cas, les paiements additionnels imputables aux immobilisations peuvent être effectués par les occupants, ce qui réduit encore plus les montants mensuels que ceux-ci doivent payer pour leur logement au titre du loyer.

Il existe un rapport évident entre les frais d'entrée payés par les locataires et les loyers mensuels, et M. Steele a décidé de ne pas tenir compte de ce rapport[14]. Or, il était erroné d'agir ainsi étant donné que, comme M. Pestl l'a fait remarquer, la technique du revenu n'indiquerait pas la valeur marchande totale de la propriété en cause à moins que les frais d'entrée et les montants additionnels payés par les occupants ne soient pris en compte.

[54]     Une question a également été soulevée au sujet de la façon dont M. Steele a utilisé les techniques du coût et du revenu dans son analyse. M. Pestl a fait remarquer que les trois techniques :

[TRADUCTION] [...] sont des techniques autonomes et [qu']elles sont conçues comme des techniques autonomes parce que l'on espère élaborer au moins une, et préférablement deux, méthodes d'évaluation, indépendantes l'une de l'autre, afin de connaître avec certitude la valeur de la propriété. On obtient donc plus d'un indicateur de la valeur au moyen de deux méthodes indépendantes. Or, M. Steele a combiné les deux méthodes, la technique du coût et la technique du revenu, en extrapolant la dépréciation économique dans une technique et en la transposant dans l'autre technique, pour justifier une réduction attribuable à la désuétude économique dans l'autre technique. Par conséquent, si une technique n'est pas correcte, cela rend nécessairement inexact le résultat obtenu selon l'autre technique, et s'il s'agit d'un rajustement qui a été transféré, la chose a pour effet de faire baisser les deux valeurs.

J'ai conclu qu'il faut rejeter les évaluations effectuées par M. Steele et, ce faisant, j'adopte les remarques suivantes que M. Pestl a faites à ce sujet :

[TRADUCTION] [...] la technique du coût et la technique du revenu, telles qu'elles ont été utilisées dans le rapport, sont fondamentalement déficientes. La technique du revenu est basée sur un examen des loyers payés par les occupants d'immeubles d'habitation traditionnels, lesquels ne sont plus assujettis au contrôle du loyer, ou d'immeubles d'habitation à but non lucratif, auquel cas les frais d'entrée sont payés à l'avance et ne font pas partie du flux de revenu. Par conséquent, la technique du revenu entraîne une indication fortement sous-estimée de la valeur. Cette valeur sous-estimée est ensuite reportée à l'analyse effectuée selon la technique du coût au moyen de l'attribution de la dépréciation économique importante qui est appliquée aux estimations de coûts, dépréciation qui est directement basée sur le manque à gagner attribuable au fait que, selon l'analyse du revenu, il n'est pas tenu compte des frais d'entrée qu'il faut payer pour occuper les logements de l'immeuble en cause.

[55]     Projets à baux viagers - Opérations non fondées sur la juste valeur marchande : Les appelantes font en outre valoir qu'étant donné qu'aucun des projets à baux viagers ne peut être réalisé sans que des concessions soient faites par les intéressés et que ces projets n'auraient pas pu être réalisés sans un financement spécial ou sans un financement créatif, les opérations se rapportant à l'aménagement d'habitations à but non lucratif faisant l'objet de baux viagers ne satisfont aucunement aux éléments de la définition de la juste valeur marchande. Cette thèse est basée sur un concept adopté par M. Steele, lequel a été accepté par les appelantes, à savoir que de telles opérations n'indiqueraient pas la [TRADUCTION] « valeur marchande » parce qu'il n'y avait aucun rendement sur le plan financier, c'est-à-dire qu'il n'y avait aucune recherche de profit. Comme l'avocat l'a dit, [TRADUCTION] « on ne cherche pas un gain personnel; on ne cherche pas à obtenir un rendement sur l'investissement; il s'agit de projets sociaux plutôt que d'opérations commerciales » . Les appelantes maintiennent que, par conséquent, même si un autre organisme de bienfaisance achetait l'un de ces immeubles afin de réaliser un projet à baux viagers et même si cet organisme payait le coût de remplacement, il ne s'agirait pas d'une opération indiquant la valeur marchande parce que le vendeur ne chercherait pas à obtenir un rendement sur son investissement. Je ne suis pas d'accord. Cet argument est basé sur l'hypothèse selon laquelle le profit de l'entrepreneur constitue un élément nécessaire dont l'évaluateur doit tenir compte lorsqu'il détermine la valeur marchande. L'avocat a étayé cette thèse en se référant à la décision Moss v. The Queen[15]. Dans cette affaire-là, le contribuable s'occupait de la construction et de la vente d'habitations. Il avait omis d'inclure dans son revenu les montants tirés de l'entreprise, de sorte que le ministre avait établi une cotisation en vue d'augmenter le revenu et avait imposé des pénalités. L'une des questions en litige était de savoir si le contribuable était digne de foi, à l'égard des coûts de construction engagés et des marges de profit réalisées, ainsi qu'à l'égard des pertes qu'il alléguait avoir subies lorsqu'il avait vendu les propriétés en question. Les deux parties avaient soumis une preuve d'évaluation en vue d'établir les coûts de construction, mais dans chaque cas, la qualité de cette preuve était douteuse. L'absence d'éléments de preuve acceptables préoccupait énormément la Cour étant donné que, comme on le faisait remarquer dans l'ouvrage intitulé The Appraisal of Real Estate :

[TRADUCTION] Étant donné que le profit de l'entrepreneur varie selon les conditions économiques, il est difficile d'établir un rapport typique entre ce profit et les autres coûts; toutefois, on ne devrait pas omettre de tenir compte du profit de l'entrepreneur en appliquant la technique du coût. Le profit de l'entrepreneur est un élément nécessaire de l'incitation à effectuer des améliorations [...]

Il n'est pas contesté que le profit de l'entrepreneur est un élément nécessaire et que l'évaluateur ne doit pas omettre d'en tenir compte en déterminant le coût de construction. Cependant, telle n'est pas ici la question en litige et cela n'a rien à voir avec la question dont la Cour est saisie. De plus, les deux évaluateurs connaissaient les coûts réels de construction et, dans chaque cas, ils sont arrivés à leur propre conclusion au sujet des coûts de remplacement. En outre, les appelantes ont reconnu que les coûts de remplacement ne sont pas vraiment contestés. La position des appelantes selon laquelle le fait que le promoteur-propriétaire ne cherche pas à réaliser un profit a pour effet de transformer la vente de la propriété faisant l'objet de baux viagers en quelque chose d'autre qu'une opération reflétant la valeur marchande n'est tout simplement pas soutenable et n'est pas conforme à la définition reconnue de la juste valeur marchande.

Conclusion

[56]     La procédure d'évaluation vise en fin de compte à permettre de déterminer le prix probable que la propriété rapporterait si elle était mise en vente sur le marché libre. La preuve mise à la disposition de la Cour permet de tirer les conclusions ci-après énoncées :

(i)                 l'utilisation optimale des propriétés en question est l'utilisation existante, c'est-à-dire un immeuble à baux viagers composé de logements multiples pour personnes âgées;

(ii)               il existait au Manitoba, au moment pertinent, un marché important pour les projets à baux viagers;

(iii)             la vente d'un immeuble à un autre promoteur de baux viagers à but non lucratif satisfait à la définition de l'opération fondée sur la valeur marchande;

(iv)             les justes valeurs marchandes des propriétés en question sont celles auxquelles l'évaluateur de l'intimée, M. Pestl, est arrivé.

Il faut également examiner la prétention des appelantes selon laquelle aucune vente de ce genre ne pourrait être conclue dans un délai raisonnable. À cet égard, il est reconnu qu'en ce qui concerne les projets en question, il a fallu de 13 à 14 mois pour obtenir suffisamment d'engagements dans le cas de Colorado, il a fallu 18 ou 19 mois dans le cas de Southpark, il a fallu 19 mois dans le cas de Virden et il a fallu deux ans et demi dans le cas de Villa Beliveau[16]. Compte tenu de l'avantage que comporte le fait qu'il existe déjà un immeuble prêt à être occupé, il ne serait pas déraisonnable d'envisager une période de 12 à 18 mois comme délai hypothétique acceptable aux fins de la vente d'une des propriétés en question[17].

[58]     Pour les motifs susmentionnés, les appels sont rejetés, l'intimée ayant droit à un seul mémoire de frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de novembre 2004.

                                                 « A.A. Sarchuk »   

                                                 Juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'août 2005.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2004CCI701

Nos DES DOSSIERS DE

LA COUR :

2000-1755(GST)G, 2001-2725(GST)G,

2001-2726(GST)G, 2001-2856(GST)G

INTITULÉ :

Villa Beliveau Inc., S.A.M. (Colorado) Inc., Southpark Estates Inc. et Virden Kin Place Inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATES DES AUDIENCES :

Les 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 mai 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable A.A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er novembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocats des appelantes :

Mes Jonathan Kroft et Barbara Shields

Avocats de l'intimée :

Mes Lyle Bouvier et Angela Evans

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelantes :

Nom :

Jonathan Kroft et Barbara Shields

Cabinet :

Aikins, MacAulay & Thorvaldson

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Pièce R-3.

[2]           Ce projet et d'autres projets antérieurs semblent avoir été envisagés au milieu ou à la fin des années 1980.

[3]           M. Steele est évaluateur qualifié. Il était autrefois membre de l'Institut canadien des évaluateurs et il a des antécédents en matière d'analyse d'immeubles commerciaux, d'évaluations, de promotion d'immeubles commerciaux, de gestion, d'acquisition ainsi que dans le domaine du courtage et de l'évaluation d'immeubles commerciaux.

[4]           C'est-à-dire les honoraires juridiques, les frais d'arpentage et d'enregistrement, les mesures incitatives aux fins de la commercialisation, les frais de gestion, d'entretien, des services publics, les impôts fonciers et les frais d'intérêt afférents aux logements inoccupés pendant la période de mise en vente, les frais de publicité et de promotion, les dépenses et les commissions de vente.

[5]           Au début de son témoignage, M. Steele a parlé de l'emploi qu'il avait fait de l'expression « à but non lucratif » dans ce contexte; il a indiqué que cela n'aurait pas dû faire partie de son opinion étant donné que cette expression [TRADUCTION] « s'applique à la gestion plutôt qu'à un type de propriété; [que] cela n'a rien à voir... n'a rien à voir avec l'utilisation de la propriété » .

[6]           M. Rabb est titulaire d'un baccalauréat avec spécialisation en commerce et d'un baccalauréat en droit de l'Université du Manitoba. Il est devenu membre du Barreau au mois de juin 1983.

[7]           H.E. Pestl, B.A., AACO, ASA, ABC et FRI, est évaluateur qualifié, expert-conseil en matière d'économie immobilière, arbitre et associé principal au sein du cabinet Kellough, Pestl, Singh Associates Inc.

[8]           Les données utilisées par M. Pestl étaient résumées sous la forme d'abrégés, de cartes, de photos, de fiches techniques figurant à l'appendice 17 de son évaluation du projet Colorado.

[9]           Timber Lodge Ltd. c. Canada, [1994] A.C.I. no 934; Charleswood Legion Non-Profit Housing Inc. c. Canada, [1998] A.C.I. no 503; Sira Enterprises Ltd. c. Canada, [2000] A.C.I. no 804.

[10]          L.M. 1998, ch. 42.

[11]          Le mot « communauté » a été employé pour indiquer, d'une part, un lien avec une paroisse particulière et ainsi de suite et, d'autre part, un secteur géographique général, à savoir Fort Richmond, Richmond West et St. James, qui sont de grosses banlieues de Winnipeg.

[12]          Un bon exemple se rapporte à son rejet des normes reconnues de pratique en matière d'évaluation relativement à l'utilisation optimale, exigeant, lorsqu'un fonds est évalué comme s'il s'agissait d'un terrain non bâti disponible en vue d'un aménagement selon l'utilisation optimale, des opinions a) au sujet du fonds, en tant que terrain non bâti; et b) au sujet de la propriété, si des améliorations y sont apportées. Il a rejeté la chose pour le motif [TRADUCTION] qu' « une fois qu'un emplacement a été approuvé pour une structure permanente, le concept est habituellement envisagé [...] sous une perspective différente, il est alors présumé que le bâtiment « se rattache » au fonds et qu'ensemble, le fonds et le bâtiment deviennent une seule entité productive » . Toutefois, il n'a pas expliqué ce sur quoi son approche était basée et il n'a pas donné de renseignements au sujet de l'acceptabilité de cette approche aux fins de l'évaluation.

[13]          Il convient de noter que M. Steele avait à sa disposition les coûts réels de construction se rapportant à onze propriétés à baux viagers et que les coûts engagés étaient relativement uniformes. En outre, les témoins des appelantes ont déclaré qu'en leur qualité de directeurs de projets, ils avaient demandé et obtenu jusqu'à trois soumissions pour divers aspects de la construction et qu'ils avaient toujours surveillé attentivement les coûts de construction.

[14]          Selon les témoignages des représentants, l'avoir des locataires était le suivant : Colorado : coût 5,2 millions de dollars - avoir des locataires : 2,4 millions de dollars; Southpark : coût : 7,2 millions de dollars - avoir des locataires : 2,8 millions de dollars; Virden : coût : 2,2 millions de dollars - avoir des locataires : un million de dollars.

[15]          99 DTC 1229.

[16]          En ce qui concerne le projet Vasalund, dans lequel S.A.M. était en cause, il a fallu 12 mois pour obtenir les engagements nécessaires.

[17]          Dans le rapport qu'il a soumis en contre-preuve, M. Pestl a indiqué que même un délai de deux ans serait un délai de commercialisation acceptable pour ce qui est de l'organisation d'un acheteur éventuel à but non lucratif.

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