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Référence : 2005CCI374

Date : 20050726

Dossier : 2004-4052(IT)I

ENTRE :

MARK STAPLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario), le 13 avril 2005.)

[1]      L'appel interjeté conformément à la procédure informelle a été entendu à Toronto (Ontario) le 12 avril 2005. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits.

[2]      Voici le libellé des paragraphes 9 et 10 de la réponse à l'avis d'appel :

                   [TRADUCTION]

9.                     Pour établir les nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 mentionnées au paragraphe 6 ci-dessus, et pour ratifier ces nouvelles cotisations, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants :

a)               pendant les années d'imposition 2000, 2001 et 2002, l'appelant était un agent immobilier indépendant qui recevait un revenu de commissions;

b)               au cours des années d'imposition 2000, 2001 et 2002, l'appelant a payé les sommes de 20 125 $, de 14 208 $ et de 19 145 $ respectivement pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes;

c)               dans le calcul de son revenu de commissions net pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002, l'appelant a déduit, respectivement, 100 % des sommes de 20 125 $, de 14 208 $ et de 19 145 $ qu'il a payées pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes.

B.          QUESTION EN LITIGE

10.         La question est de savoir si le ministre a refusé à juste titre la déduction de 50 % des sommes de 20 125 $, de 14 208 $ et de 19 145 $ qui ont été payées par l'appelant pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes, dans le calcul du revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 respectivement.

[3]      Les deux avocats ont reconnu dans le dossier que l'appelant n'a pas consommé les aliments en question ou participé aux divertissements en question avec ses clients. Il a seulement donné aux clients des bons d'échange ou des billets qu'ils ont utilisés comme bon leur semblait.

[4]      L'appelant a donné ces bons d'échange et ces billets à ses clients qui ont acheté ou vendu une maison par l'intermédiaire de son entreprise, ce qui lui a permis de gagner un revenu. Il s'attendait à ce que ses clients lui permettent d'augmenter son chiffre d'affaires ou sa clientèle, et c'est pour cette raison qu'il a fourni les éléments en question.

[5]      Le litige concerne le paragraphe 67.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui énonce ce qui suit en ce qui concerne les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 :

67.1 (1) Frais de représentation- Pour l'application de la présente loi, sauf des articles 62, 63 et 118.2, un montant payé ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes est réputé correspondre à 50 % du moins élevé du montant réellement payé ou payable et du montant qui serait raisonnable dans les circonstances.

Toutefois, l'avocate de l'appelant a allégué que l'appelant a simplement engagé une dépense en vue de tirer un revenu de son entreprise, ce qui est vrai, et qu'il devrait donc avoir droit à la totalité de la déduction demandée et non pas seulement à la moitié de la déduction qui a été admise par le ministre.

[6]      Par conséquent, il y a deux questions liées à l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu en l'espèce :

1.       Le paragraphe 67.1(1) l'emporte-t-il sur les règles générales régissant la déductibilité d'une dépense qu'un contribuable engage en vue d'augmenter son chiffre d'affaires?

2.       La dépense a-t-elle été faite « pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes » ?

[7]      À l'égard de la deuxième question, le juge Dickson de la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit dans l'arrêt Nowegijick v. R, [1983] 144 DLR (3d) 193, à la page 200 :

À mon avis, les mots « quant à » ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant » , « relativement à » ou « par rapport à » . Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression « quant à » qui est la plus large.

Dans cet arrêt, à la page 202, la Cour suprême du Canada a conclu que le libellé de l'article 87 de la Loi sur les Indiens, « nul Indien [...] n'est assujetti à une taxation [...] quant à l'un de ces biens » , visait des personnes et des biens; en particulier de biens personnels situés sur une réserve, à savoir un revenu.

[8]      Selon le Oxford Dictionary, 1re édition, l'expression anglaise « in respect to » , qui est définie sous le terme « respect » , signifie « to have regard or relation to » ( « concerner ou viser » en français). Comme l'expression concernée en l'espèce est « in respect of » , elle pourrait être définie comme voulant dire « to have regard or relation of » ( « être relatif à ou avoir rapport à » en français). Toutefois, peu importe l'expression utilisée dans la version anglaise, dans les deux cas, l'appelant a effectué les achats en vue de tirer un revenu de son entreprise, il ne les a pas effectués aux fins de consommation ou de divertissement. Il aurait pu acheter des fleurs, des bons d'achat pour des aliments, un livre, des billets de spectacle ou n'importe quoi d'autre, ou il aurait tout simplement pu donner de l'argent; mais, pour lui, ces achats ont été effectués en vue de tirer un revenu de son entreprise. En fait, le montant qu'il a payé pour les bons d'échange ou les billets constituait une réduction ou un remboursement de sa commission de courtage. Le client pouvait choisir d'utiliser le bon d'échange ou le billet, de le donner à quelqu'un d'autre ou bien de demander un remboursement de sa valeur. Après avoir donné les bons d'échange ou les billets, l'appelant ne contrôlait aucunement la façon dont ils étaient utilisés par les clients.

[9]      Pour cette raison, l'appelant qui n'a pas participé à la consommation ou aux divertissements n'a effectué l'achat que pour réaliser un bénéfice. Il a acheté ce qui, selon lui, permettrait d'augmenter son chiffre d'affaires. C'est pour cette raison que le paiement a été effectué.

[10]     Il faut également examiner le premier élément mentionné au paragraphe [6]. Le paragraphe 67.1(1) commence de la façon suivante : « Pour l'application de la présente loi, sauf des articles 62, 63 et 118.2, un montant payé [...] » . Il s'agit ici des mots de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais on n'y traite pas ou on ne prétend pas y traiter d'une utilisation commerciale ordinaire pour déterminer un bénéfice. Le paragraphe 9(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu énonce que le revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise est le bénéfice qu'il en tire pour cette année. L'appelant n'a pas acheté des bons d'échange ou des billets pour consommer des aliments ou pour participer à des divertissements. Il a plutôt simplement donné à ses clients une forme de rabais en vue de tirer un revenu ou un bénéfice de son entreprise. Il s'agissait-là d'une opération commerciale aux fins de calcul comptable ou commercial, et elle était effectuée avant que n'entrent en jeu les dispositions concernées de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[11]     Par conséquent, le libellé du paragraphe 67.1(1) n'entre pas en ligne de compte parce que le contribuable a effectué les paiements pour son entreprise et non pour consommer des aliments ou participer à des divertissements.

[12]     L'appel est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

[13]     L'appelant a droit à ses dépens taxables.

       Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 26e jour de juillet 2005.

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de décembre 2005.

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :

2005CCI374

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-4052(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Mark Stapley c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 12 avril 2005

MOTIFS DU JUGEMENT RENDUS ORALEMENT PAR :

L'honorable juge Beaubier

MOTIFS RENDUS ORALEMENT LE :

Le 26 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelant :

Me Laurie Aitchison

Avocat de l'intimée :

Me Brendan Gluckman, stagiaire

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Laurie Aitchison

Étude :

Aitchison Law Office

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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