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Dossier : 97-3304(IT)G

ENTRE :

SATISH KUMAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Requête entendue ex parte le 20 juillet 2004, à Sydney (Nouvelle-Écosse).

Devant : L'honorable juge E. A. Bowie

Comparution :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

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ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l'appelant afin d'obtenir une ordonnance en application de l'article 172.4 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) enjoignant au ministre du Revenu national ou à son avocat, Me John Smithers, de justifier pourquoi ils ne devraient pas être reconnus coupables d'outrage au tribunal;

          Et vu l'affidavit de l'appelant et ses observations;

          La Cour ordonne que la requête soit rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2004.

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de janvier 2007.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2004CCI521

Date : 20040723

Dossier : 97-3304(IT)G

ENTRE :

SATISH KUMAR,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Bowie

[1]      La présente affaire dure depuis longtemps. Les appels de M. Kumar visant les nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1992, 1993 et 1994 ont été interjetés en 1997. Le procès a eu lieu devant un juge de la Cour le 14 juillet 1999. À l'issue du procès, le juge de première instance a admis les appels et a prononcé oralement les motifs de son jugement. Le 3 août 1999, il a rendu son jugement écrit officiel selon lequel les appels ont été admis et les nouvelles cotisations déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations. Le jugement indiquait les montants à ajouter aux pertes autres qu'en capital de l'appelant pour les années d'imposition 1992 et 1994 et ceux à déduire de ses revenus pour l'année 1993. L'appelant soutenait, et soutient toujours, que le jugement écrit ne correspond pas aux motifs rendus oralement par le juge de première instance à l'issue du procès, et que le juge voulait augmenter davantage ses pertes pour l'année 1994 et lui accorder une plus grande déduction de ses profits pour l'année 1993. L'appelant a demandé une modification du jugement écrit en invoquant la règle du lapsus. Le juge de première instance a rejeté sa requête. L'appelant n'a pas interjeté appel du jugement de première instance ou de l'ordonnance rejetant la requête présentée en vue de le faire modifier.

[2]      À présent, environ cinq ans plus tard, l'appelant présente une requête en vue d'obtenir une ordonnance en application de l'article 172.4 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) enjoignant au [TRADUCTION] « ministre du Revenu national ou à leur [sic] avocat, Me John Smithers » de justifier pourquoi ils ne devraient pas être reconnus coupables d'outrage au tribunal. L'appelant a présenté trois raisons pour lesquelles je devrais rendre une telle ordonnance.

[3]      Tout d'abord, l'appelant soutient qu'un fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada[1] (comme on l'appelle maintenant) s'est parjuré au procès en faisant un faux témoignage. Ensuite, il soutient que [TRADUCTION] « l'ADRC n'a pas tenu compte » d'une ordonnance rendue le 24 novembre 1998 lors d'une audience sur l'état de l'instance, selon laquelle les interrogatoires préalables devaient être effectués au plus tard le 1er février 1998. Enfin, il soutient que dans l'établissement des nouvelles cotisations en fonction du jugement rendu le 3 août 1999, l'ARC n'a pas suivi les motifs du jugement prononcés oralement à l'issue du procès. Les nouvelles cotisations suivent plutôt le jugement écrit rendu le 3 août 1999.

[4]      Le critère sur lequel doit se fonder le juge qui instruit une demande d'ordonnance de justification est judicieusement énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Perry[2]. Le juge Pratte, s'exprimant au nom de la Cour, dit ce qui suit du juge qui a entendu la demande de justification :

[...] Il lui incombait de déterminer si les affidavits produits au soutien de la demande établissaient prima facie que les personnes dont les noms figuraient à l'annexe A de l'avis de requête, ou certaines d'entre elles, avaient transgressé l'injonction prononcée par le juge Walsh. Si une telle preuve était faite, le juge devait rendre l'ordonnance de justification, à moins qu'il ne soit clairement établi qu'il s'agissait d'une violation tellement insignifiante ou d'une violation qui s'était produite dans des circonstances telles qu'il devenait, selon lui, indiscutablement inutile de la sanctionner[3].

[5]      Je dois préciser d'emblée que la requête ne peut pas être accueillie à l'égard du « ministre du Revenu national » . Il est bien établi qu'un ministre de la Couronne ne peut pas être condamné pour outrage en raison d'actes ou d'omissions d'un fonctionnaire de son ministère (voir Bhatnager c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 217).

[6]      Outre cette faille fondamentale dans la position soutenue par l'appelant, les documents qui me sont présentés par M. Kumar sont insuffisants pour me permettre d'accueillir la requête. Son entreprise a fait l'objet d'une vérification menée par l'ARC visant la taxe sur les produits et services ainsi que l'impôt sur le revenu. Le vérificateur de la TPS a déterminé que le coût des marchandises vendues par l'appelant, nommément ses achats, pour les années 1993 et 1994 était exact comme il avait été établi par l'appelant. Cependant, le vérificateur de l'impôt sur le revenu a déterminé que les montants relatifs aux achats étaient inférieurs de 10 500 $ pour 1993 et de 6 000 $ pour 1994 aux montants consignés par l'appelant. Selon M. Kumar, la représentante de l'ARC qui a témoigné au procès s'est certainement parjurée, parce qu'elle a donné les chiffres inférieurs. Les documents qui m'ont été présentés à l'appui de la requête ne me permettent pas de déterminer quel vérificateur a raison. Même si je suppose qu'on a établi que le vérificateur de la TPS a raison, les documents ne me permettent pas de conclure que le vérificateur de l'impôt sur le revenu a sciemment fait un faux témoignage. En se fondant sur l'affidavit, on peut conclure tout aussi bien qu'il s'agit d'une erreur faite de bonne foi ou qu'il s'agit d'une affirmation fausse faite avec l'intention de tromper. L'intention de tromper est, bien sûr, un élément essentiel du parjure. Une erreur faite de bonne foi ne permet pas quant à elle de conclure que le témoin est coupable d'outrage au tribunal.

[7]      J'examine maintenant l'allégation selon laquelle le ministre ou son avocat n'a pas suivi l'ordonnance rendue lors de l'audience sur l'état de l'instance. Selon l'appelant, la disposition qui n'a pas été suivie est l'ordre d'effectuer les interrogatoires préalables au plus tard le 1er février 1999. Monsieur Kumar soutient que l'avocat n'a pas répondu à ses lettres et à ses appels téléphoniques. C'est peut-être le cas, mais les affidavits sont, au mieux, nébuleux. Il y a une seule lettre qui invite simplement l'avocat à une rencontre servant à préciser les questions et à possiblement en arriver à un règlement. L'article 103 des Règles énonce la marche à suivre pour obliger une personne à se présenter à l'interrogatoire préalable. En l'espèce, rien ne vient démontrer que M. Kumar a signifié un avis de convocation ou un subpoena, ou qu'il a pris quelque mesure prévue à l'article 103 des Règles pour obliger qui que ce soit à se présenter à l'interrogatoire. De toute évidence, on ne peut pas être reconnu coupable d'outrage pour ne pas s'être présenté à un interrogatoire préalable si on n'a pas été convoqué à un moment et à un endroit donné.

[8]      En dernier lieu, M. Kumar soutient que dans la nouvelle cotisation établie en novembre 1999 à la suite du jugement, le ministre aurait dû s'appuyer sur les motifs du jugement prononcés oralement par le juge de première instance le 14 juillet plutôt que sur le jugement écrit officiel rendu le 3 août 1999. Selon lui, il s'agit ici d'un outrage étant donné que le ministre aurait dû savoir que les motifs étaient exacts, et pas le jugement écrit. C'est une observation ridicule. Il est bien établi que le jugement rendu et enregistré représente la décision de la Cour. De surcroît, à ce moment-là le juge de première instance avait déjà examiné et rejeté la requête de l'appelant visant à faire modifier le jugement en application de la règle du lapsus. Les nouvelles cotisations établies par le ministre sont les seules qu'elle pouvait établir.

[9]      Le recours de M. Kumar au rejet de sa requête présentée en application de la règle du lapsus était d'interjeter appel du jugement ou de l'ordonnance rejetant sa requête, ou bien des deux, auprès de la Cour d'appel fédérale.

[10]     La requête présentée ici est mal fondée et elle est rejetée. Si M. Kumar était d'avis que les nouvelles cotisations établies en novembre 1999 ne reflétaient pas adéquatement le jugement rendu par la Cour, il aurait pu produire des avis d'opposition et par la suite interjeter appel auprès de la Cour. Il n'en a rien fait et demande plutôt une ordonnance d'incarcération.

[11]     Si M. Kumar veut, à cette date tardive, essayer de présenter l'affaire à la Cour d'appel fédérale, il doit d'abord demander une prorogation du délai pour interjeter appel à un juge de cette cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 2004.

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de janvier 2007.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2004CCI521

N ° DU DOSSIER DE LA COUR :

97-3304(IT)G

INTITULÉ :

Satish Kumar et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sydney (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :

L'honorable juge E.A. Bowie

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 23 juillet 2004

COMPARUTION :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Je désignerai l'Agence du revenu du Canada et ses deux prédécesseurs, Revenu Canada et l'Agence des douanes et du revenu du Canada, par l'expression « ARC » .

[2]           [1982] 2 C.F. 519.

[3]            Ibid., p. 525.

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