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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2001-4242(IT)G

ENTRE :

RICHARD INRIG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu les 6 et 7 juin et le 28 septembre 2005

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Douglas C. Morley

Me Allen A. Soltan

Avocate de l'intimée :

Me Lisa M. Macdonell

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JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 est admis, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire de son revenu les parties suivantes des frais afférents à un véhicule à moteur : 3,40 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1995, 2,94 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1996 et 2,00 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1997.

          Les dépens sont accordés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'octobre 2005.

« J. Woods »

Le juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2005CCI687

Date : 20051020

Dossier : 2001-4242(IT)G

ENTRE :

RICHARD INRIG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Woods

[1]      Il s'agit d'un appel de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997, cotisations par lesquelles le ministre du Revenu national a refusé d'accorder à Richard Inrig la déduction de frais afférents à un véhicule à moteur engagés par ce dernier dans l'exercice des fonctions de son emploi en tant que directeur adjoint d'une école secondaire.

[2]      Les dispositions légales pertinentes sont les alinéas 8(1)h.1) et j) de la Loi. En général, ces dispositions permettent au contribuable de déduire de son revenu les frais afférents à un véhicule à moteur engagés dans l'exercice des fonctions de son emploi (y compris la déduction pour amortissement) dans la mesure où il n'a pas le droit d'être remboursé à cet égard.

[3]      Une fois l'audience commencée, les parties se sont entendues pour dire que 80 % des déplacements effectués par l'appelant dans le cadre de son emploi (selon le kilométrage)ne pouvaient pas donner droit à une déduction parce que les dépenses pouvaient être remboursées, et que les 20 % restants pouvaient donner droit à une déduction. La question qui demeure en litige concerne la méthode de répartition des frais. Est-ce que les frais devraient être répartis entre l'utilisation personnelle du véhicule et son utilisation dans le cadre de l'emploi selon le kilométrage, selon le temps, ou selon une combinaison des deux?

[4]      La Couronne soutient que les frais devraient être répartis selon le kilométrage. L'appelant ne conteste pas cette décision en ce qui concerne les coûts variables (l'essence et les réparations, par exemple), mais il prétend que la déduction pour amortissement et les frais d'assurance devraient être répartis selon le temps plutôt que selon le kilométrage. L'appelant s'est fondé sur deux décisions : Cumming v. M.N.R., 67 D.T.C. 5312 (C. de l'É.), et R. c. Mina, no T-1937-85, 25 mars 1988, 88 D.T.C. 6245 (C.F. 1re inst.).

[5]      Même si le montant en litige est peu élevé et ne représente que des déductions totalisant moins de 400 $ pour les trois années, je crois comprendre que la question pourrait être pertinente pour d'autres enseignants.

[6]      Deux questions non liées qui avaient été soulevées dans l'avis d'appel ont été abandonnées par l'appelant au début de l'audience.

Les faits

[7]      L'appelant est administrateur scolaire et vit dans la région métropolitaine de Vancouver. Durant les trois années d'imposition visées par l'appel, l'appelant était employé à titre de directeur adjoint par deux grandes écoles secondaires de la commission scolaire de Surrey, et chacune de ces écoles comptait plus de 1 300 élèves. L'une des deux écoles employait trois administrateurs (deux directeurs adjoints et un directeur), et l'autre en employait quatre (trois directeurs adjoints et un directeur).

[8]      Les tâches de l'appelant comprenaient l'encadrement des enseignants, les relations avec les élèves et l'organisation d'activités de perfectionnement professionnel. Même si son emploi a son siège aux écoles, l'appelant se déplaçait souvent dans le cadre de ses fonctions. L'appelant devait se déplacer pour assister à des réunions, s'occuper de problèmes concernant des élèves ou des membres du personnel, et assister à des épreuves sportives auxquelles les élèves participaient. L'appelant jouait un rôle actif dans les activités qui avaient lieu en dehors de l'école, en particulier dans les événements sportifs. Selon le carnet de route de l'appelant (où les déplacements n'étaient pas tous consignés), l'appelant devait se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi environ huit fois par mois en moyenne.

[9]      Une fois l'audience commencée, les parties ont convenu que les frais afférents à un véhicule à moteur engagés par l'appelant pouvaient donner droit à des remboursements, sauf dans le cas où le déplacement comprenait le transport d'élèves dans les environs[1]. Elles ont aussi convenu que 20 % des déplacements que l'appelant avait effectués dans le cadre de son emploi (selon le kilométrage) comprenaient le transport d'élèves; ils ne pouvaient pas être remboursés et étaient donc déductibles.

[10]     Les chiffres sur lesquels les parties se sont entendues sont exposés dans le tableau ci-dessous. Le tableau donne un aperçu du total des kilomètres parcourus, des kilomètres parcourus dans le cadre de l'emploi et des kilomètres parcourus à l'égard desquels l'appelant n'a pas droit à des remboursements. La dernière colonne correspond à 20 % du total des kilomètres parcourus dans le cadre de l'emploi.

Total des kilomètres parcourus

Kilomètres parcourus dans le cadre de l'emploi (pourcentage du total)

Kilomètres parcourus pour le transport des élèves (pourcentage du total)

1995

34 000

17,00 %

3,40 %

1996

34 000

14,7 %

2,94 %

1997

34 000

10,00 %

2,00 %

Analyse

[11]     La question est de savoir comment répartir de façon raisonnable la totalité des frais afférents à un véhicule à moteur entre l'utilisation personnelle du véhicule et son utilisation dans le cadre de l'emploi.

[12]     Lorsque les dépenses se rapportent en partie à l'utilisation personnelle du véhicule et en partie à son utilisation dans le cadre de l'emploi, le préambule du paragraphe 8(1) permet que les dépenses soient réparties de manière raisonnable. Le préambule se lit comme suit :

Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant [...]

[13]     Comme je l'ai déjà mentionné, la Couronne a pour position que la totalité des frais afférents à un véhicule à moteur devrait être répartie entre l'utilisation personnelle du véhicule et son utilisation dans le cadre de l'emploi en fonction du kilométrage. L'appelant ne conteste pas cette position en ce qui concerne les coûts variables tels que l'essence et les réparations, mais il prétend que le kilométrage n'est pas un fondement raisonnable pour appuyer la répartition des frais d'assurance et de la déduction pour amortissement, ce qu'on appelle les « coûts de propriété » . Selon l'appelant, ces frais devraient être répartis en fonction du nombre d'heures où le véhicule est disponible.

[14]     Les positions respectives des parties sont résumées dans le tableau ci-dessous. Le tableau en question donne un aperçu des dépenses engagées pour l'utilisation du véhicule à moteur, comme en ont convenu les parties, et les parts déductibles proposées par chacune des parties.

1995

1996

1997

Frais d'utilisation (essence, entretien et lave-auto)

Total des dépenses

2 713 $

3 565 $

2 685 $

Déductible selon la Couronne

92,24 $

(3,40 %)

104,81 $

(2,94 %)

53,70 $

(2,00 %)

Déductible selon l'appelant

92,24 $

(3,40 %)

104,81 $

(2,94 %)

53,70 $

(2,00 %)

Coûts de propriété

(assurances et déduction pour amortissement)

Total des dépenses

3 321 $

2 760 $

2 018 $

Déductible selon la Couronne

112,91 $

(3,40 %)

81,14 $

(2,94 %)

40,36 $

(2,00 %)

Déductible selon l'appelant

249,08 $

(7,5 %)

207 $

(7,5 %)

151,35 $

(7,5 %)

[15]     La répartition en fonction du temps proposée par l'appelant donne lieu à une déduction de 7,5 % des « coûts de propriété » , ce qui représente plus que le double des montants déductibles selon le kilométrage (c.-à-d. 3,40 %, 2,94 % et 2,00 %).

[16]     La répartition en fonction du temps a été calculée de la manière suivante. Premièrement, on a tenu pour acquis que le véhicule à moteur était disponible pendant un total de 16 heures par jour, nombre d'heures qui excluait huit heures consacrées au repos. Deuxièmement, on a tenu pour acquis que le véhicule à moteur était à la disposition de l'appelant dans le cadre de son emploi pendant les heures de travail régulières (10 heures par jour), et ce, chaque jour d'école (221 jours par année).

[17]     Compte tenu des hypothèses proposées par l'appelant, il a été calculé que le véhicule à moteur était à la disposition de l'appelant dans le cadre de son emploi environ 38 % du temps, pourcentage qui a été calculé comme suit :

[18]     Le pourcentage mentionné ci-dessus a par la suite été rajusté pour tenir compte du fait que 80 % de l'utilisation du véhicule par l'appelant dans le cadre de son emploi (selon le kilométrage) pouvaient donner droit à un remboursement et que les dépenses connexes n'étaient pas déductibles. Le rajustement a été fait en répartissant les 38 % calculés précédemment entre les kilomètres parcourus pour le transport d'élèves et ceux parcourus dans le cadre d'autres déplacements effectués dans le cadre de l'emploi.

[19]     Vu que les parties avaient convenu que le transport d'élèves représentait 20 % de la totalité des déplacements liés à l'emploi, calculés en fonction du kilométrage, le pourcentage de temps réservé au transport d'élèves était d'environ 7,5 %, selon l'appelant, et avait été calculé comme suit :

20 % x 37,84 % = 7,568 % (7,5 %)

[20]     Je devrais peut-être souligner qu'à cette étape, la Couronne a contesté l'hypothèse selon laquelle le véhicule n'était disponible que pendant 16 heures par jour et a fait observer que le dénominateur ci-dessus devrait être 24 plutôt que 16. La Couronne appuie probablement sa position sur le fait que le véhicule était disponible durant la nuit en cas d'urgences familiales.

[21]     L'appelant a appuyé sa position sur les décisions Cumming et Mina. Cependant, son avocat admet que la méthode de répartition selon le temps proposée par l'appelant est plus favorable pour celui-ci que ce qui avait été accordé aux contribuables dans les décisions Cumming et Mina. Dans ces deux décisions, on a appuyé la répartition sur une combinaison des facteurs de temps et de kilométrage, tandis que la méthode de l'appelant répartit l'utilisation personnelle du véhicule et son utilisation dans le cadre de l'emploi selon le temps seulement.

[22]     Pour être conforme aux décisions Cumming et Mina, l'avocat de l'appelant indique qu'il serait raisonnable de réduire la répartition à moins de 7,5 % pour tenir compte du kilométrage. Il soutient que la pondération relative attribuée au kilométrage et au temps relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Il semble que, dans les affaires Cumming et Mina, la Cour a calculé la pondération relative raisonnable des deux facteurs en tenant compte des faits particuliers de chaque cas[2].

[23]     La Couronne soutient qu'il n'est pas approprié de s'écarter d'une répartition faite selon le kilométrage dans le cas présent et soutient que les faits sont considérablement différents de ceux des affaires Cumming et Mina. L'avocate de l'intimée prétend aussi que la méthode proposée par l'appelant est trop appréciative et qu'elle engendrerait incertitude et conflits. Elle préfère limiter la méthode adoptée dans les affaires Cumming et Mina aux faits particuliers de ces affaires.

[24]     Même si je comprends bien l'idée de la Couronne selon laquelle on devrait répartir les frais de manière objective, le préambule du paragraphe 8(1) exige une répartition « raisonnable » , et le terme « raisonnable » sous-entend que la répartition des frais devrait être faite en fonction de chaque cas particulier. Si le contribuable peut fournir un fondement factuel pour appuyer le caractère raisonnable d'une méthode de répartition, les exigences du paragraphe 8(1) seront satisfaites, même si la méthode est partiellement subjective.

[25]     D'après les faits de l'espèce, je conclus que la méthode de répartition fondée sur le kilométrage est celle qui donne le résultat le plus raisonnable. Contrairement aux contribuables dans les affaires Cumming et Mina, l'appelant n'a pas utilisé son véhicule dans le cadre de son emploi de manière régulière chaque jour de travail. De plus, l'utilisation du véhicule de l'appelant dans le cadre de l'emploi selon le kilométrage était faible en comparaison avec son utilisation personnelle.

[26]     L'appelant soutient que son véhicule était en fait utilisé tout au long de chaque journée de travail parce qu'il était important que le véhicule soit toujours disponible en cas d'urgence. Même si la disponibilité de quelques véhicules à l'école est sans aucun doute utile en cas d'urgence, je ne suis pas convaincue que cette affirmation justifie la répartition partielle des frais de l'appelant en fonction du temps. À mon avis, la méthode de répartition fondée sur le kilométrage est celle qui donne le résultat le plus raisonnable en ce qui concerne les faits particuliers de cette affaire.

[27]     L'appel sera admis au motif que l'appelant a le droit de déduire de son revenu les parties suivantes des frais afférents à un véhicule à moteur : 3,40 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1995, 2,94 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1996 et 2,00 % en ce qui concerne l'année d'imposition 1997. Les dépens sont accordés à la Couronne parce qu'elle a largement obtenu gain de cause dans l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'octobre 2005.

« J. Woods »

Le juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI687

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2001-4242(IT)G

INTITULÉ : Richard Inrig et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :         Les 6 et 7 juin et le 28 septembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                L'honorable juge Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :                    Le 20 octobre 2005

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelant :

Me Douglas C. Morley

Me Allen A. Soltan

Avocate de l'intimée :

Me Lisa M. Macdonell

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                              Douglas C. Morley

                   Cabinet :                          Davis & Company LLP

                                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

          Pour l'intimée :                          John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Même si aucune des deux parties n'a soutenu que ce point était pertinent, l'appelant n'a jamais fait de demande de remboursement, et il semble que cela soit typique des enseignants et des administrateurs de la commission scolaire.

[2] Je souligne que dans l'affaire Cumming, la méthode combinée a seulement été appliquée à la déduction pour amortissement. Dans l'affaire Mina, la méthode combinée a été appliquée aux frais d'assurance et à la déduction pour amortissement, mais les parties avaient convenu qu'une méthode combinée était appropriée, et étaient seulement en désaccord en ce qui concerne la pondération relative de chaque élément.

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