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Dossier : 2001-4604(EI)

ENTRE :

SYLVAIN ÉTHIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 24 février 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge suppléant J.F. Somers

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Antonia Paraherakes (stagiaire en droit)

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JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2003.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


Référence : 2003CCI143

Date : 20030319

Dossier : 2001-4604(EI)

ENTRE :

SYLVAIN ÉTHIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 24 février 2003.

[2]      L'appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) selon laquelle l'emploi exercé au cours de la période en litige, soit du 5 septembre au 11 décembre 1999, auprès du payeur, Observez L'Essentiel Inc., était assurable pour le motif qu'il existait une relation employeur-employé entre lui et le payeur.

[3]      Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) se lit en partie comme suit :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[4]      Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5]      En rendant sa décision, le Ministre s'est basé sur les présomptions de fait suivantes énoncées au paragraphe 25 de la Réponse à l'avis d'appel, lesquelles ont été admises, niées ou ignorées par l'appelant :

a)          le payeur a été constitué en octobre 1998; (ignoré)

b)          au cours de la période en litige, les actionnaires du payeur étaient Mme Gaëtane Vermette et M. Walter Lamothe avec chacun 50 % des actions; (ignoré)

c)          le payeur exploitait une entreprise spécialisée dans la formation d'enquêteurs privés; (admis)

d)          au cours de l'année 1999, le chiffre d'affaires du payeur s'élevait à environ 25 000 $; (ignoré)

e)          l'appelant est policier à la Sûreté du Québec; (admis)

f)           la tâche du travailleur consistait à donner des cours de formation aux clients du payeur sur la rédaction de rapports d'enquête, la prise de notes, les interventions en situation de crise et les communications radio; (nié)

g)          le payeur offrait un cours à donner à l'appelant en précisant les journées et celui-ci pouvait accepter ou refuser selon ses disponibilités; (nié)

h)          si l'appelant refusait, le payeur devait trouver quelqu'un d'autre ou changer l'horaire du cours en fonction des disponibilités de l'appelant; (nié)

i)           pour sa tâche d'enseignement, le travailleur recevait une rémunération de 20 $ l'heure; (admis)

j)           au cours de la période, le travailleur a aussi collaboré à la révision de certains des modules de cours offerts par le payeur; (nié)

k)          pour cette tâche, le travailleur convenait d'un montant forfaitaire avec le payeur; (nié)

l)           les cours étaient donnés dans les locaux du payeur mais la préparation des cours et la correction des travaux étaient effectuées à la résidence de l'appelant; (admis)

m)         le payeur fournissait le matériel d'enseignement et les photocopies; (nié)

n)          l'appelant prenait la présence des étudiants et en informait le payeur; (admis)

o)          l'appelant facturait le payeur pour les heures travaillées; (admis)

p)          l'appelant était payé par chèque. (admis)

[6]      Le payeur a été constitué en octobre 1998 et les actionnaires étaient Gaëtane Vermette et Walter Lamothe. Le payeur exploitait une entreprise spécialisée dans la formation d'enquêteurs privés. Le chiffre d'affaires du payeur, pour l'année 1999, s'élevait à environ 25 000 $.

[7]      Durant la période en litige, le payeur a retenu les services de l'appelant pour donner des cours de formation à ses clients; l'appelant est policier à la Sûreté du Québec.

[8]      L'appelant a témoigné que sa tâche consistait à donner des cours de formation sur la rédaction de rapports d'enquête, la prise de notes, les interventions en situation de crise et les communications radio. L'appelant a déclaré que la situation ne s'est jamais présentée où le payeur a dû lui trouver un remplaçant ou changer l'horaire du cours en fonction de ses disponibilités.

[9]      Dans son avis d'appel au paragraphe f) l'appelant déclare ce qui suit :

Si je ne pouvais pas donner le cours, on le remettait. ou on l'attribuait à un autre travailleur autonome ou une autre compagnie.

[10]     L'appelant recevait une rémunération de 20 $ l'heure pour enseigner un cours. Au cours de la période en litige, l'appelant s'occupait de la préparation des cours et ce sans rémunération. Selon l'appelant, le module était préparé par lui et n'a pas été vendu au payeur. Le module n'appartenait pas au payeur et personne d'autre que l'appelant pouvait s'en servir.

[11]     Le payeur décidait des cours à donner à ses clients et il fournissait les locaux. Cependant, la préparation des cours et la correction des travaux étaient exécutées à la résidence de l' appelant sans qu'il soit rémunéré pour cet aspect du travail.

[12]     L'appelant a déclaré qu'il utilisait l'équipement et les locaux du payeur; lors de l'enseignement de ses cours l'appelant prenait la présence des étudiants et en informait le payeur.

[13]     L'appelant devait prendre la présence des étudiants et en informer le payeur. Les étudiants donnaient une évaluation de la performance de l'appelant. M. Schubert affirme que les modules utilisés pour les cours étaient payés à forfait par le payeur.

[14]     Une jurisprudence constante reconnaît quatre éléments de base pour distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise : 1) le degré et l'absence de contrôle exercé par l'employeur; 2) la propriété des instruments de travail; 3) les chances de profit et les risques de perte; et 4) le degré d'intégration du travail de l'employé dans l'entreprise de l'employeur.

[15]     Afin de distinguer le contrat de louage de services du contrat d'entreprise, il faut examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties.

Le contrôle

[16]     Dans l'arrêt Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 572, le juge Noël de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé ainsi :

...les travailleurs ont effectué leurs tâches quotidiennes sans supervision, à titre de partenaires égaux, chacun se spécialisant dans [leurs] domaines établis[...] Les travailleurs n'avaient pas d'horaire de travail fixe, mais se réunissaient au besoin, [...] Chacun d'eux exécutait ses tâches quotidiennes de façon autonome. [...] Chacun des quatre travailleurs recevait une rémunération annuelle fixe [...]

La question que devait se poser le premier juge était de savoir si la société avait le pouvoir de contrôler l'exécution du travail des travailleurs et non pas si la société exerçait effectivement ce contrôle. Le fait que la société n'ait pas exercé ce contrôle ou le fait que les travailleurs ne s'y soit pas senti assujettis lors de l'exécution de leur travail n'a pas pour effet de faire disparaître, réduire ou limiter ce pouvoir d'intervention que la société possède, par le biais de son conseil d'administration.

Nous ajouterions que le premier juge ne pouvait conclure à l'absence de lien de subordination entre la défenderesse et les travailleurs du seul fait qu'ils accomplissaient leurs tâches journalières de façon autonome et sans supervision. Le contrôle exercé par une société sur ses employés cadres est évidemment moindre que celui qu'elle exerce sur ses employés subalternes.

[17]     Dans l'arrêt Hennick c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1995] A.C.F. no 294, le juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé en ces termes :

Il est vrai que l'élément contrôle est un peu plus difficile à évaluer dans le cas de spécialistes, [...] Le contrat que l'intimée avait passé avec l'intervenant ne précisait pas comment l'intimée devait enseigner, mais cette dernière devait respecter certains paramètres en ce qui concerne le temps, ce qui constituait clairement un contrôle.

[18]     Dans la cause sous étude, le payeur déterminait l'horaire des cours donnés par l'appelant en fonction des disponibilités de ce dernier.

[19]     L'appelant devait compléter une feuille de présence des étudiants et ces derniers faisaient un rapport d'évaluation sur sa performance qu'il remettaient au payeur. Les étudiants pouvaient formuler des plaintes à l'égard de l'appelant.

[20]     D'après la preuve, le payeur avait de toute évidence le pouvoir de contrôle sur le travail de l'appelant.

La propriété des instruments de travail

[21]     Les locaux et le principal équipement de travail étaient la propriété du payeur.

Chances de bénéfice et risques de perte

[22]     Dans l'arrêt Hennick, précité, le juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé ainsi :

Il est vrai que la rémunération de l'intimée était fonction de ses heures de travail, mais en fin de compte, les bénéfices ou les pertes de l'entreprise, dans son ensemble, étaient ceux de l'établissement lui-même.

Le degré d'intégration

[23]     C'était l'entreprise du payeur; l'appelant donnait des cours aux clients du payeur. L'appelant travaillait pendant la période en litige pour le bénéfice du payeur. Dans l'arrêt Hennick, précité, le juge Desjardins s'est exprimé en ces termes :

Il est évident que la situation d'une personne ne peut pas dépendre de son caractère en tant qu'individu. Il faut adopter un critère objectif, qui est fonction des faits de chaque affaire, les facteurs pertinents devant être soupesés. Dans l'ensemble, nous sommes portés à croire que le travail que l'intimée effectuait faisait partie intégrante du programme du Conservatoire. L'entreprise d'enseignement de la musique était en fin de compte l'entreprise de l'intervenant et non celle de l'intimée; cette dernière n'était qu'un des professeurs qui contribuaient à la réputation de l'établissement.

[24]     D'après l'ensemble de la preuve, l'appelant occupait un emploi assurable au sens de la Loi pendant la période en litige puisqu'il était lié au payeur selon un contrat de louage de services, au sens de l'alinéa 5(1)a).

[25]     En conséquence, l'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 2003.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI143

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-4604(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Sylvain Éthier et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 24 février 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge suppléant J.F. Somers

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 mars 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Antonia Paraherakes

(stagiaire en droit)

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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