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Référence : 2005CCI318

Date : 20050510

Dossier : 2004-4013(IT)I

ENTRE :

JEAN GARIÉPY,

appellant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l'audience le 28 janvier 2005 à

Montréal (Québec))

 

Le juge Paris

 

[1]     Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant l'année d'imposition 2002. La question en litige est de savoir si l'appelant a le droit de réclamer une déduction pour des dépenses d'emploi, au montant de 3 300 $.

 

[2]     Selon l'appelant, ces dépenses étaient des frais de déplacement au sens de l'alinéa 8.1(h) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). La plupart des faits dans ce cas ne sont pas contestés. En février 2000, l'appelant a été engagé par la Ville de Salaberry-de-Valleyfield à titre de capitaine en prévention pour le Service de sécurité incendie. Ses heures de service étaient du lundi au vendredi, de 8 h à 4 h 30, avec des périodes de garde 24 heures sur 24 une semaine sur trois.

 

[3]     Pendant les périodes de garde, l'appelant était obligé de rester à l'intérieur de la ville de Salaberry afin de pouvoir répondre rapidement à tout appel d'urgence. Or, l'appelant et sa famille habitaient une autre ville, Vaudreuil-Dorion, qui se trouvait à une distance entre 30 - 40 kilomètres de Salaberry. Alors, au lieu de déménager, l'appelant a loué un petit appartement à Salaberry-de-Valleyfield où il restait durant les semaines où il état de garde. Son loyer était de 275 $ par mois, soit 3 300 $ pour l'année. Il ne se servait de l'appartement que pendant ses périodes de garde. Il a expliqué à la Cour qu'il a décidé de ne pas déménager à Salaberry-de-Valleyfield parce qu'il y avait eu énormément de coupures budgétaires dans les services d'incendie dans la région à cette époque et il ne voulait pas encourir les frais relatifs à un déménagement avant d'être certain que son nouvel emploi durerait.

 

[4]     Il est admis que le lieu d'affaires de l'employeur de l'appelant était la caserne d'incendie, boulevard du Havre, à Salaberry-de-Valleyfield. Les responsabilités de l'appelant au travail comprenaient la direction des opérations lors des situations d'urgence, l'établissement et la participation au programme d'éducation du public et l'inspection résidentielle, commerciale et industrielle dans la ville.

 

[5]     L'avis de dotation pour ce poste a été déposé en preuve et indiquait parmi les conditions d'emploi que le candidat devrait résider à l'intérieur du territoire de la ville lors de ses périodes de garde et qu'il devrait assumer les semaines de garde selon l'horaire préparé. Un formulaire T2200 intitulé « Déclaration des conditions de travail » a aussi été déposé en preuve avec une lettre de celui qui l'avait préparé, monsieur Michel Descostes, qui agissait au nom de l'employeur.

 

[6]     Selon ces documents, l'employeur indiquait que l'appelant n'était pas tenu de travailler ailleurs qu'à l'établissement de son employeur, que selon son contrat de travail, il devait payer les frais engagés pour l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, et que son employeur exigeait qu'il engage des frais d'hébergement pour lesquels il n'était pas remboursé.

 

[7]     Pour les motifs qui suivent, je conclus que l'appelant devait exercer habituellement ses fonctions ailleurs qu'à l'établissement de son employeur et que les renseignements fournis par son employeur à cet égard étaient erronés. Les frais de déplacement payés par un employé sont déductibles à titre de dépenses d'emploi selon l'alinéa 8.1(h) de la Loi à condition que : 1) l'employé soit habituellement tenu à exercer les fonctions de son travail ailleurs qu'au lieu de son employeur, ou à des différents endroits, 2) l'employé est tenu, en vertu de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais de déplacement qu'il a engagés pour l'accomplissement des fonctions de son emploi, et 3) les frais soient engagés pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi.

 

[8]     L'alinéa 8.1(h) de la Loi prévoit d'autres conditions pour la déduction des frais de déplacement, mais elles ne sont pas pertinentes pour les fins de ce litige. Dans le cas de l'appelant, il est clair qu'il a rencontré la première condition, à savoir qu'il était habituellement tenu d'exercer les fonctions de son travail ailleurs qu'à la caserne d'incendie. Il est évident qu'au cours de son travail, l'appelant quittait régulièrement la caserne pour répondre aux appels d'urgence, pour faire des inspections et pour participer au programme de prévention d'incendie. Pourtant, il n'encourait pas de dépenses à cet égard parce que son employeur lui fournissait un véhicule pour se déplacer. En l'espèce les frais que l'appelant cherche à déduire sont rattachés à ses périodes de garde et ont été occasionnés par l'exigence de son employeur qu'il réside à l'intérieur de la ville pendant ces périodes. Étant donné que seuls les montants dépensés pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de travail sont déductibles, la première question qui se pose est : de savoir si, pendant l'intégralité de ses périodes de garde, l'appelant exerçait des fonctions de son emploi.

 

[9]     Le dictionnaire Le Petit Robert définit « fonction » comme, entre autres, action, activité, service, tâche et travail. Et Le Petit Larousse, comme rôle, activité professionnelle ou exercice d'un emploi. Dans la version anglaise de l'alinéa 8.1(h), le législateur se sert du mot « duties » pour traduire le mot « fonction ». « Duties » dans ce contexte voudrait dire des actes ou tâches requis par un emploi. Somme toute, je peux conclure que les fonctions d'un emploi au sens de l'alinéa 8.1(h) veut dire l'ensemble des tâches, activités ou actions qu'un employeur peut demander à un employé de faire. À mon avis, la preuve révèle que l'appelant était obligé, par son employeur, de rester une semaine sur trois à Salaberry-de-Valleyfield pour répondre aux appels d'urgence. Il était alors dans l'exercice de ses fonctions de son emploi pendant ces périodes. La preuve révèle aussi que l'appelant ne pouvait pas rester à la caserne pendant sa semaine de garde, et que son employeur ne lui remboursait pas les montants du loyer qu'il a dû dépenser.

 

[10]    Le procureur de l'intimée prétend que le paiement d'un loyer ne peut en aucune circonstance être considéré comme un frais de déplacement. Selon lui, l'appelant a choisi de ne pas déménager à Salaberry-de-Valleyfield, et l'obligation de payer le loyer en question découlait de ce choix qui était de nature personnelle.

 

[11]    D'abord, la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Tremblay c. La Reine, [1997], F.C.J. 1642, a déjà accepté qu'un loyer pouvait être une dépense de déplacement. Il s'agissait là d'un agent de la GRC de Val-Bélair (Québec) qui a été envoyé à Montréal pendant neuf mois pour suivre des cours d'anglais et qui devait payer personnellement des frais d'hébergement. La Cour a déterminé que ce loyer était déductible en vertu de l'article 8.1(h) parce que l'agent était habituellement tenu d'exercer les fonctions de son travail ailleurs qu'à l'établissement de son employeur lorsqu'il a été affecté à Montréal en 1991 et 1992. Il faut aussi reconnaître que les montants en question étaient occasionnés exclusivement à cause des conditions de travail imposées à l'appelant par son employeur. Le fait de rester à Salaberry-de-Valleyfield était pour le bénéfice de l'employeur et à sa direction. Il n'était pas question d'un choix personnel de l'appelant.

 

[12]    Je conclus aussi que l'appelant, pendant ses semaines de garde, devait se déplacer de la caserne d'incendie à un autre endroit à l'intérieur de la ville et il devait se loger pendant ces périodes. Pour cette raison, le montant du loyer serait des frais de déplacement tout comme s'il avait dû se déplacer de la caserne à tout autre endroit pendant des périodes d'une semaine à la fois à la direction de son employeur.

 

[13]    Alors, pour tous ces motifs, l'appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2005.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI318

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-4013(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JEAN GARÉPY ET LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 28 janvier2005

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :       L'honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 mai 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

Avocat de l'intimée :

L'appelant lui-même

Me Simon Petit

 

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appellant :

 

          Nom :

          Étude :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                   Sous-procureur général du Canada

                   Ottawa, Ontario

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