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Dossier : 2004-3997(IT)I

ENTRE :

LISETTE LALANCETTE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 octobre 2005, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Gaétan Drolet

Avocat de l'intimée :

Me Nathalie Goyette

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1999 est accueilli, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le montant qui doit être inclus dans le revenu de l'appelante en vertu de l'article 146 de la Loi doit être réduit à 21 163,75 $, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2005.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2005CCI748

Date : 20051209

Dossier : 2004-3997(IT)I

ENTRE :

LISETTE LALANCETTE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault

[1]      L'histoire de madame Lalancette ressemble à celle de madame Thérèse St-Hilaire, dont j'ai entendu l'appel immédiatement après celui-ci[1]. En effet, madame Lalancette s'est fait aussi embarquer dans un stratagème dont le but était de refiler aux détenteurs de REER une partie de leur argent en franchise d'impôt. Je suis d'accord avec la procureure de l'intimée, qui fait l'exposé suivant des faits aux paragraphes 48 et 50 de son argumentation écrite :

... nous faisons face à un stratagème de dépouillement de REER qui profite aux promoteurs ainsi qu'aux rentiers comme l'appelante car ces derniers ont réussi à obtenir l'argent de leur REER sans aucune conséquence fiscale, si ce n'était de la présente cotisation en litige.

[...]

Il est de connaissance générale que le mécanisme du REER permet une accumulation de fonds à l'abri de l'impôt. Il n'y a imposition qu'au moment où les fonds sont retirés du REER (à moins qu'ils aillent dans un autre type de régime permis par la Loi). Cela est logique puisque à l'origine, le montant a donné droit à une déduction. Dans le présent cas, le stratagème mis en place avait pour seul objet de contourner ces règles. Les investisseurs comme l'appelante pouvaient toucher aux fonds détenus dans leurs REERs sans aucune conséquence fiscale. [...]

[Je souligne.]

[2]      Comme il l'avait fait dans le cas de la contribuable dans l'affaire St-Hilaire, le ministre du Revenu national (ministre) a, en vertu du paragraphe 146(10)[2] de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi), ajouté au revenu de madame Lalancette pour l'année d'imposition 1999 un montant, soit 45 000 $, représentant la valeur marchande d'un prétendu placement non admissible aux fins des REER.

[3]      Dans son avis d'appel, l'avocat de madame Lalancette affirme : « [...] en plus d'avoir perdu le capital, [elle] se voit taxer sur la sortie du REER dont l'objet était de fournir une garantie à un prêt à être obtenu [dans] le cadre de financement d'affaires; » . De plus, comme motif de contestation, il ajoute que : « La taxation n'est pas faite dans la bonne année et est prescrite » . Lors de l'audition de l'appel, l'avocat n'a pas réitéré cette dernière prétention. En effet, la preuve a révélé que l'acquisition de 45 000 actions de Les Immeubles R.V. (1986) Inc. (Immeubles R.V.) pour 45 000 $, soit le prétendu placement non admissible, n'a été effectuée par la Compagnie de Fiducie M.R.S. (MRS), le fiduciaire du REER de madame Lalancette, qu'au cours du mois de janvier 1999. Toutefois, l'avocat arguait que sa cliente devrait avoir droit à une déduction pour la perte des fonds qu'elle n'a jamais reçus du promoteur du stratagème.

[4]      Lors de l'audience, cette position m'est apparue mal fondée parce que c'est la fiducie régie par le REER qui avait perdu lesdits fonds et non pas madame Lalancette. Je ne voyais pas comment madame Lalancette pouvait déduire cette perte de son revenu. De plus, comme les 45 000 actions de catégorie B d'Immeubles R.V. acquises par le REER m'apparaissaient alors comme un placement non admissible, puisque la preuve avait révélé que cette société n'exploitait aucune entreprise et qu'elle ne détenait aucune participation dans une société exploitant activement une entreprise ni aucun titre de créance émis par une telle société, j'avais rendu une décision séance tenante rejetant l'appel de madame Lalancette.

[5]      Après avoir entendu l'appel de madame St-Hilaire, je suis venu à la conclusion que l'article 146(10) de la Loi utilisé par le ministre pour justifier sa cotisation n'était pas la disposition législative appropriée à appliquer. Il ne s'agissait pas véritablement d'un cas de placement non admissible, c'était plutôt un dépouillement de REER. En effet, le stratagème mis en place tant dans St-Hilaire que dans cet appel avait recours à une série d'opérations simulées pour dépouiller les REER. Pour réaliser le stratagème, on a fait accroire aux fiduciaires de REER qu'ils investissaient dans des actions de sociétés. Dans St-Hilaire, je suis venu à la conclusion que les actions acquises n'étaient pas un véritable placement puisque l'intention des promoteurs du stratagème n'était pas de placer l'argent afin d'en tirer un profit, une plus-value ou d'en conserver la valeur. Les actions de la société 3563545 Canada Inc. - comme les 45 000 actions d'Immeubles R.V. dans la présente affaire - ne constituaient qu'un simulacre permettant aux promoteurs du stratagème de distribuer sans impôt l'argent détenu dans les REER. Voici l'exposé que j'ai fait dans la décision St-Hilaire :

[20]       Sur la foi de la preuve faite devant moi, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, Telco n'a jamais eu l'intention d'effectuer un prêt, puisqu'elle n'a jamais eu l'intention de demander le remboursement du capital ni d'encaisser les intérêts. La véritable intention de Telco était de remettre à madame St-Hilaire une partie de son REER. Telco a pu obtenir la possession de l'argent détenu dans ce REER en mettant en place un autre simulacre, celui de la souscription de 1 928 actions de catégorie B de 3563. D'ailleurs, madame St-Hilaire affirme n'avoir jamais donné l'autorisation de souscrire à de telles actions. Il est vrai que le paragraphe 146(1) définit un « placement non admissible » d'une fiducie régie par un REER comme « des biens acquis par la fiducie après 1971 et qui ne constituent pas un placement admissible pour cette fiducie » . Il est clair que cette définition et celle de « placement admissible » [3] visent des biens acquis comme placement. Dans le Petit Robert, 2002, on définit cette expression comme signifiant « [a]ction, fait de placer de l'argent » , et le mot « placer » comme signifiant « [e]mployer (un capital) afin d'en tirer un profit, une plus-value ou d'en conserver la valeur » . Ici, quand le représentant de 3563 a informé la Banque Laurentienne que madame St-Hilaire avait acheté des actions de 3563, il n'avait, comme l'un des auteurs du stratagème, aucune intention d'employer le capital en vue « d'en tirer un profit, une plus-value ou d'en conserver la valeur » . Il s'agissait plutôt d'un prétexte, d'un maquillage dont le but était de justifier auprès de la Banque Laurentienne la sortie de l'argent du REER, de façon à ce que cet argent passe du REER de madame St-Hilaire à cette dernière par l'intermédiaire de 3563 et de Telco, après soustraction d'une « commission » s'élevant à 36 %. [...]

[6]      Comme un jugement n'est pas rendu tant que la Cour ne l'a pas signé[4], il m'est loisible de changer « l'opinion » que j'ai exprimée séance tenante et de conclure plutôt que l'appel de madame Lalancette doit être accueilli au motif que le paragraphe 146(10) de la Loi ne s'applique pas et que c'est plutôt le paragraphe 146(8) que l'on doit appliquer. Ce paragraphe édicte ce qui suit :

146(8) Prestations imposables. Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition le total des montants qu'il a reçus au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d'épargne-retraite, à l'exception des retraits exclus au sens des paragraphes 146.01(1) ou 146.02(1), et des montants qui sont inclus, en application de l'alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu.

[7]      Pour mieux saisir la justification de cette conclusion, il est utile de faire un court rappel des faits pertinents qu'a révélés la preuve.

Les faits

[8]      Madame Lalancette a vécu pendant une vingtaine d'années avec monsieur Philippe Routhier qui était, avant son décès le 13 avril 2003, son conjoint de fait. Il semble, de plus, que ce dernier a participé au stratagème mis en place par un monsieur Jacques Gagné et la société 9063-3223 Québec Inc., exerçant également ses activités sous le nom de « Services Financier [sic] MacKenzie » (SFM) (voir pièce I-8, onglet 4, page 2). En effet, dans la documentation produite, monsieur Routhier est décrit comme un représentant[5]. Selon le registre des entreprises (Système Cidreq), l'actionnaire principal de SFM était General Venture Capital Management Ltd. dont l'adresse est aux Bahamas. SFM avait son établissement dans la ville de St-Hubert.

[9]      Immeubles R.V. est une société qui a été constituée le 28 août 1986 par deux actionnaires qui n'ont rien à voir avec le stratagème. Selon la déclaration solennelle de monsieur Routhier, signée le 20 juin 2002 (pièce I-5) : « Nous avons acheté la charte de Immeubles RV au début de ces transactions là. La compagnie existait mais était fermée.[...] » Selon madame Lalancette, elle n'avait agi que comme prête-nom pour monsieur Routhier pour l'achat de cette société. En raison de sa situation financière précaire, monsieur Routhier ne pouvait l'acquérir en son propre nom. Il aurait fait faillite en 2002, semble-t-il en raison de dettes fiscales. C'est aussi madame Lalancette qui signait les chèques tirés sur le compte d'Immeubles R.V., y compris les chèques payables à elle-même et à SFM.

[10]     L'autorisation donnée par madame Lalancette à MRS d'acquérir les 45 000 actions d'Immeubles R.V. l'aurait été le 20 janvier 1999 (pièce I-11, onglet 12), même si ce document est daté du 1er décembre 1998[6]. De plus, selon une note de service interne de MRS, la demande de délivrance du chèque de 45 000 $ a été faite le 22 janvier 1999 et le chèque a été délivré le 25 janvier 1999. Selon un document signé de la main de monsieur Routhier, le chèque de 45 000 $, représentant des fonds provenant du REER de madame Lalancette, a été déposé le 27 janvier 1999 dans le compte bancaire d'Immeubles R.V., et monsieur Routhier en a avisé monsieur Gagné.

[11]     Selon les vérifications effectuées par le ministre, SFM a permis qu'une somme de 681 300 $ sorte illégalement de REER. En fait, le vérificateur du ministre a pu trouver dans les comptes bancaires d'Immeubles R.V. des dépôts provenant de rentiers de REER et s'élevant à 681 300 $. Cette somme aurait été versée pour de prétendues souscriptions d'actions d'Immeubles R.V. La plus grande partie de ces renseignements provient de documents saisis par le ministre chez monsieur Gagné. Immeubles R.V. aurait remis 659 998 $ à SFM, soit environ 97% des sommes recueillies par Immeubles R.V. auprès de rentiers de REER, et une très large partie du solde, soit 21 163,75 $, a été versée à madame Lalancette par Immeubles R.V., 9 260,40 $ ayant été remis directement à elle et 11 903,35 $ versés pour acquitter des comptes de carte de crédit Visa, pour rembourser une marge de crédit ou pour effectuer un paiement au comptant à son bénéfice (ou au bénéfice de son conjoint). Dans sa déclaration solennelle faite avant son décès, monsieur Routhier affirme au vérificateur du ministre que madame Lalancette avait pu récupérer une somme de 21 000 $ ou 22 000 $ directement d'Immeubles R.V. et qu'elle avait perdu 24 000 $ (en fait 23 836,25 $ (45 000 $ - 21 163,75 $ = 23 836,25 $)).

[12]     Quoique monsieur Routhier ait affirmé dans sa déclaration solennelle que madame Lalancette avait vendu Immeubles R.V. par après et qu'il n'avait aucun document relatif à cette société, madame Lalancette a produit, lors de l'audience, le livre de procès-verbaux de cette société, qu'elle affirme avoir trouvé dans les affaires de son défunt conjoint. Un examen de ce livre révèle qu'il n'y a eu aucun transfert effectué par les anciens actionnaires en faveur de madame Lalancette. Il n'y a aucune résolution des actionnaires élisant madame Lalancette administratrice. Le seul document pertinent que j'ai pu trouver dans la section « procès-verbaux/résolutions » , c'est une résolution du conseil d'administration dans laquelle il est écrit que madame Lalancette devenait l'administratrice unique de la société et qu'elle devait ouvrir un compte bancaire à la Banque Royale de Saint-Félicien[7]. De plus, il n'y a aucune trace d'émission d'actions de catégorie B en faveur d'un REER quelconque, que ce soit celui de madame Lalancette ou les REER d'autres rentiers, qui auraient également souscrit, avec le REER de madame Lalancette, pour le total de 681 300 $. Il n'y a pas non plus de résolution autorisant l'émission de telles actions par le conseil d'administration d'Immeubles R.V. De plus, cette dernière n'a pas produit de déclaration de revenus pour les années d'imposition subséquentes à son année d'imposition 1996 (pièce I-4). Il n'y a pas d'états financiers d'Immeubles R.V. pour ses années d'imposition 1998 et suivantes. D'ailleurs, Immeubles R.V. a été radiée d'office le 8 mai 1999, tel qu'il apparaît au registre des entreprises (Système Cidreq) en date du 5 février 2004 (pièce I-8, onglet 2). La dernière déclaration annuelle est en date du 23 septembre 1997. L'avis de défaut a été donné le 22 mai 1998.

[13]     Selon le vérificateur du ministre, madame Lalancette ne fait pas partie des personnes qui auraient reçu un prêt de SFM. Donc, vraisemblablement, les autres rentiers auraient reçu de prétendus prêts de SFM. Toutefois, l'état des profits et pertes de SFM au 31 mai 1999[8] ne montre aucun revenu, mais indique seulement des dépenses totalisant 48 073 $, pour une perte nette de 48 073 $. Quant au bilan à la même date, le total de son actif y indiqué s'élève à 116 269 $ et son passif à 164 242 $[9]. Le seul capital-actions qui y apparaît est 100 $. Il n'y a donc aucune trace des 659 998 $ versés par Immeubles R.V. à SFM et pouvant refléter un placement par Immeubles R.V. dans SFM.

[14]     Lorsque le vérificateur a demandé à rencontrer madame Lalancette au cours de sa vérification, c'est monsieur Routhier qui est allé le rencontrer et qui lui a fourni les renseignements pertinents. Lors de son témoignage, madame Lalancette a affirmé qu'elle n'était pas au courant du stratagème et que son but était de faire un placement.

[15]     Selon la déclaration solennelle de monsieur Routhier, après le transfert des 45 000 $ du REER de madame Lalancette à Immeubles R.V., « Mme Lalancette pouvait obtenir de l'argent par l'entremise de Jacques Gagné. Cet argent devait servir au rachat d'hypothèque d'immeubles. » Monsieur Routhier ajoute : « Par la suite, l'argent a été transféré à Services Financiers MacKenzie. Jacques Gagné devait garder l'argent pour la placer et devait nous la prêter quand nous en aurions besoin. M. Gagné n'a rien remis. Mme Lalancette n'a pas obtenu d'argent. » Un peu plus loin, il ajoute : « Mme Lalancette a envoyé 45 000,00 $ à Services Financiers MacKenzie et elle a repris une partie de l'argent dans Immeubles R.V. » Selon madame Lalancette, monsieur Gagné ne répondait pas à ses multiples appels. Elle aurait alors paniqué et ceci expliquerait les retraits totalisant 21 163 $ du compte bancaire de Immeubles R.V., effectués entre le 15 février 1999 et le 31 mars 1999. Les relevés bancaires d'Immeubles R.V. révèlent que le solde du compte de celle-ci au 31 mars 1999 s'élevait à 157,85 $ (pièce I-2, onglet 2, page 3). Rien n'indique que madame Lalancette a retiré cette somme à son bénéfice.

Analyse

[16]     Il ressort de l'exposé des faits ci-dessus que deux motifs justifient la conclusion que le RÉER de madame Lalancette n'a pas fait l'acquisition de 45 000 actions de catégorie B d'Immeubles R.V. comme placement non admissible. Tout d'abord, comme dans l'affaire St-Hilaire, il n'y a jamais eu d'intention de faire un placement véritable parce que, de toute évidence, les promoteurs du stratagème n'ont jamais désiré que le REER de madame Lalancette tire du prétendu placement un profit, une plus-value, ou en conserve la valeur. Leur intention était strictement de refiler une partie de l'argent du REER de madame Lalancette à cette dernière et des REER d'autres rentiers à ceux-ci. Les actions d'Immeubles R.V. n'étaient qu'un simulacre, un prétexte pour permettre le transfert de l'argent du REER de madame Lalancette à cette dernière, par l'intermédiaire d'Immeubles R.V. et SFM. Cette dernière devait remettre une partie de l'argent à madame Lalancette par le biais d'un prétendu prêt. Il semble, toutefois, que la seule personne qui n'ait pas reçu de prétendu prêt de SFM soit madame Lalancette. Selon la déclaration solennelle de monsieur Routhier, monsieur Gagné n'a jamais remis d'argent à madame Lalancette et aucune explication n'a été fournie à ce sujet lors de l'audience. Il paraît plausible que c'est en raison de la relation privilégiée qui pouvait exister entre monsieur Routhier comme « représentant » et monsieur Gagné que cette somme n'a pas été versée. Les sommes retenues par Immeubles R.V. pourraient représenter une commission de 3% au bénéfice de monsieur Routhier (puisque madame Lalancette n'agissait que comme prête-nom). Monsieur Routhier se fiait à SFM pour remettre une partie des 45 000 $ par la suite, mais cela ne s'est pas produit. Cela ressemble à l'arroseur arrosé. En participant au stratagème pour frauder les autorités fiscales, monsieur Routhier a mis en péril l'argent de sa conjointe, madame Lalancette. Prise de panique, madame Lalancette, qui pouvait signer les chèques d'Immeubles R.V., a réussi à ne récupérer qu'une fraction (soit 47 %) des 45 000 $, soit 21 163,75 $.

[17]     La conclusion quant à l'existence d'un simulacre est d'autant plus facile à tirer ici qu'Immeubles R.V. n'exploitait aucune entreprise, qu'elle était inactive depuis 1996, qu'elle ne produisait plus de déclarations annuelles auprès de l'inspecteur des institutions financières, que le transfert des actions de cette société à madame Lalancette (comme prête-nom de monsieur Routhier) n'a jamais été effectué dans ses registres, qu'il n'y a aucune preuve que les actions de catégorie B ont été légalement émises en faveur du fiduciaire du REER de madame Lalancette et des REER des autres rentiers. Au contraire, le livre des procès-verbaux d'Immeubles R.V. révèle que rien n'a été fait pour les émettre.

[18]     À mon avis, il n'est pas approprié en l'espèce d'appliquer le paragraphe 146(10) de la Loi, qui vise à pénaliser le rentier d'un REER qui effectue des placements « véritables » , quoique non admissibles[10]. Il faut plutôt appliquer le paragraphe 146(8) de la Loi, qui vise à imposer entre les mains d'un rentier tous les montants « reçus » d'un REER. Or, les seules sommes qu'a reçues madame Lalancette, directement ou indirectement, s'élèvent à 21 163,75 $. Comme madame Lalancette ne sera imposée qu'à l'égard des sommes qu'elle a reçues, il n'est pas nécessaire de déduire une perte de 23 836,25 $. Cette somme devrait plutôt être imposable entre les mains de la personne qui l'a touchée.

[19]     Pour tous ces motifs, l'appel de madame Lalancette est accueilli, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le montant à être inclus dans le revenu de madame Lalancette en vertu de l'article 146 de la Loi doit être réduit à 21 163,75 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2005.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI748

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2004-3997(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               LISETTE LALANCETTE ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 17 octobre 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :                    le 9 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Gaétan Drolet

Avocat de l'intimée :

Me Nathalie Goyette

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelante:

                   Nom :                              Me Gaétan Drolet

                   Étude :                             Me Gaétan Drolet

                                                          Ste-Foy (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario



[1]           2005 CCI 747.

[2]           146(10) Acquisition d'un placement non admissible par une fiducie. Lorsque, à un moment donné d'une année d'imposition, une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite :

a)          acquiert un placement non admissible;

b)          utilise à titre de garantie d'un prêt un bien quelconque de la fiducie ou en permet l'utilisation,

la juste valeur marchande :

c)          du placement non admissible au moment de son acquisition par la fiducie;

d)          du bien utilisé à titre de garantie, au moment où il a commencé à être ainsi utilisé,

selon le cas, doit être incluse dans le calcul du revenu, pour l'année, du contribuable qui est le rentier en vertu du régime à ce moment.

[3]           L'expression « placement admissible » est définie ainsi :

« placement admissible » Dans le cas d'une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite :

a)          placement qui serait visé aux alinéas a), b), d) et f) à h) de la définition de « placement admissible » à l'article 204 si la mention « fiducie » y était remplacée par la mention de la fiducie régie par le régime enregistré d'épargne-retraite;

b)          obligation, billet ou titre semblable qui, selon le cas :

[...]

c)          rente visée à la définition de « revenu de retraite » [...]

c.1)       contrat relatif à une rente établi par un fournisseur de rentes autorisé, si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

c.2)       contrat relatif à une rente établi par un fournisseur de rentes autorisé, si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

d)          tout autre placement qui peut être prévu par règlement pris par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre des Finances.

[Je souligne.]

[4]           Dans Shairp v. M.R.N., [1989] 1 C.F. 562, à la p. 567, [1988] A.C.F. no 923 (QL), au par. 7, la Cour d'appel fédérale a décidé :

[...] À mon avis, en l'absence de dispositions expresses lui permettant de rendre jugement oralement à l'audience publique, telle la Règle 337(1) des règles générales de cette Cour, un juge d'une cour d'archives ne peut statuer de façon finale, au nom de la Cour, sur une affaire dont il est saisi qu'en déposant et en inscrivant une décision écrite. Il n'existe aucune disposition semblable à la disposition susmentionnée dans les règles de pratique de la Cour canadienne de l'impôt, et je doute même qu'une telle disposition pourrait être conforme à l'article 17 de sa loi habilitante cité plus haut, lequel, en envisageant seulement la possibilité de motifs oraux, semble exclure, en tout état de cause, les jugements oraux. Il s'ensuit, à mon sens, que tant que le jugement n'a pas été déposé, la déclaration d'un juge, même faite à l'audience publique et en présence du greffier, est simplement l'expression d'une opinion et une déclaration d'intention, qui n'ont en droit aucun effet décisif et restent par conséquent susceptibles d'être modifiées.

[5]           Voir la pièce I-6, onglet 1.

[6]          Lors de son témoignage, madame Lalancette ne se rappelait pas quand elle avait signé ce document.

[7]           De toute évidence, il s'agit d'un document mal conçu. Ce ne sont pas les administrateurs qui élisent un administrateur, mais plutôt les actionnaires.

[8]               Pièce I-7, onglet 1.

[9]           Ibid.

[10]          Voir également les motifs que j'ai exposés au par. 23 de la décision St Hilaire.

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