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Dossier : 2002-2851(GST)G

ENTRE :

WEST WINDSOR URGENT CARE CENTRE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 14 et 15 mars 2005, à Windsor (Ontario)

 

Devant : l’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

 

Avocat de l’appelante :

Raymond G. Colautti, Anita E. Landry

 

 

Avocat de l’intimée :

Michael Ezri

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d’accise et ayant fait l’objet d’un avis daté du 2 novembre 2001, portant le numéro 08CP0000202, pour la période du 1er mai 1999 au 31 janvier 2002, est rejeté avec dépens pour les raisons énoncées dans les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, le 16 novembre 2005.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

 

ce 25e jour de juillet 2008.

Sandra de Azevedo, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2005CCI405

Date : 20051116

Dossier : 2002-2851(GST)G    

ENTRE :

WEST WINDSOR URGENT CARE CENTRE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

1.       Aperçu

 

[1]     L’appelante (le « Centre ») a demandé, mais s’est vu refuser, un remboursement à l’égard de la TPS versée sur des sommes que lui ont payées des médecins pour les installations et services fournis dans le cadre de l’exploitation d’une clinique médicale. La demande repose sur l’affirmation selon laquelle le Centre n’a pas, en fait, fait de fourniture aux médecins ni reçu de paiements de leur part, si bien que la perception et le versement de la taxe ont été faits par erreur.

 

[2]     La thèse avancée par l’intimée quant à la structure d’exploitation du Centre suit le modèle de ce que je pourrais qualifier de structure typique. Les médecins voient leurs patients dans une clinique et sont payés par leurs patients ou, de façon plus courante, par des assureurs tels que le Régime d’assurance‑maladie de l’Ontario (« RAMO »). Les médecins acquittent à leur tour des frais généraux pour l’utilisation des installations, comme un bureau, un lieu de travail, de l’équipement, du personnel de soutien et diverses fournitures nécessaires et accessoires. Le patient (assureur) verse des honoraires au médecin pour les services médicaux dont il est l’acquéreur. Cette fourniture, effectuée par le médecin, est une fourniture exonérée, de sorte que ni le patient, en tant que qu’acquéreur de la fourniture, ni le médecin, en tant que fournisseur, n’ont à payer la TPS ni à la verser. Toutefois, lorsque le médecin paie pour des locaux et des fournitures accessoires nécessaires à la pratique de la médecine, c’est le médecin, et non le patient, qui est l’acquéreur de cette fourniture, et l’intimée ne la traite pas comme une fourniture exonérée. Le médecin, en tant qu’acquéreur et utilisateur de telles fournitures d’infrastructure, est tenu de payer la TPS et la clinique, en tant que fournisseur de la fourniture, doit percevoir et verser cette taxe. Dans la présente affaire, l’appelante a perçu la TPS des médecins, puis a versé les montants perçus, comme le prévoit ce scénario. Cependant, l’appelante affirme maintenant que c’était une erreur et que l’arrangement qui devrait en fait s’appliquer en l’espèce est un scénario reconnaissant que le Centre a effectué ses fournitures aux patients, et non aux médecins. Pour ce motif, la TPS aurait été payée et perçue par erreur.

 

[3]     La thèse défendue par l’appelante quant à la structure opérationnelle, qui repose sur un régime contractuel régissant les relations entre les médecins et le Centre, est que le Centre fournit des services à ses patients dans des locaux qui lui appartiennent, lesquels sont pourvus en personnel et exploités comme le serait un hôpital. En vertu de cette structure, le Centre retient les services de médecins, en tant qu’entrepreneurs indépendants, pour fournir des soins médicaux à ses patients (les patients du Centre). Dans ce scénario, les médecins ne sont pas les acquéreurs d’une fourniture faite par le Centre. En fait, selon cet arrangement, le fournisseur est le médecin et l’acquéreur de la fourniture est le Centre.

 

[4]     Je note ici que les conséquences en matière de TPS de la thèse de l’appelante relative à la structure d’exploitation ne forment pas l’objet du présent appel, si ce n’est dans la mesure où la théorie de l’appelante signifierait que c’est par erreur que la TPS a été perçue et versée, selon la thèse défendue par l’intimée quant à la structure opérationnelle. Quoi qu'il en soit, l’analyse de la théorie de l’appelante concernant la structure d’exploitation commande, à mon avis, de tenir compte des conséquences en matière de TPS qui découlent de pareille structure. De fait, les avocats de l’appelante ont consacré beaucoup d’énergie à l’examen de cette question. La raison pour laquelle les avocats de l’appelante se sont concentrés sur la thèse du Centre fondée sur les fournitures exonérées à ses patients était peut‑être qu’ils cherchaient à démontrer que cette fourniture n’était pas fictive dans le contexte de la jurisprudence établie sur les entités constituées en société qui offrent des services de soins de santé. En outre, on a sans doute jugé nécessaire de se concentrer sur cette fourniture pour me convaincre que l’octroi d’un effet juridique aux conditions expresses de la structure d’exploitation ne ferait pas des patients les acquéreurs d’une fourniture taxable de services de soins de santé. Une telle conclusion entraînerait inévitablement l’autodestruction de la thèse de l’appelante[1].

 

[5]     L’appelante s’appuie principalement sur l’article 2 de la partie II de l’annexe V de la Loi sur la taxe d’accise (passages relatifs à la TPS) pour étayer son affirmation que les services fournis par le Centre étaient des services exonérés de soins de santé rendus à ses patients. Pour répondre aux critères de cet article, le Centre doit être un « établissement de santé ». Si tel est le cas, les « services de santé en établissement » qu’il fournit à ses patients sont des fournitures exonérées. Pour étayer davantage cette thèse, l’accent a été mis sur la nature du Centre, qui dispense des soins de type hospitalier. Il fournit des soins urgents un niveau en deçà de ceux d’une salle d’urgence d’hôpital. Son personnel professionnel se compose entièrement d’urgentologues et d’infirmiers et infirmières (« infirmières ») d’urgence.

 

[6]     L’intimée soutient que le Centre n’est pas un « établissement de santé », car pour en être un il doit effectuer des fournitures à ses patients. L’intimée fait valoir que les fournitures de l’appelante ne sont pas faites à ses patients, mais plutôt aux médecins qui s’occupent de leurs patients au Centre et qui retiennent les services du Centre pour obtenir l’infrastructure nécessaire à leur pratique de la médecine. Les paiements effectués par les médecins pour l’obtention de tels services sont considérés comme n’étant pas exonérés. Ce qui est exonéré, c’est le service qu’ils fournissent à leurs patients.

 

[7]     L’intimée affirme en outre que les autres dispositions d’exonération invoquées par l’appelante ne s’appliquent pas. En outre, l’intimée affirme que la disposition de remboursement sur laquelle l’appelante s’est appuyée, soit l’article 261 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), ne permet pas aux personnes qui « versent » la taxe qu’elles ont perçue par erreur de demander un remboursement de la TPS versée lorsque l’erreur portait sur le fait qu’aucune fourniture n’a été effectuée. Bien qu’il s’agisse d’une question préalable qui pourrait être examinée en premier, tant d’attention a été portée aux conséquences en matière de TPS de la thèse de l’appelante qu’il m’a été difficile de ne pas me pencher sur ses questions. Pour cette raison et par égard aux efforts déployés par les avocats, je me prononcerai sur le fond de l’appel avant d’examiner la question de la qualité de l’appelante pour interjeter appel.

 

[8]     En dernier lieu, je note que l’appelante a soutenu que, si je retenais la thèse de l’intimée selon laquelle le Centre a effectué des fournitures d’infrastructure aux médecins, alors ces fournitures, ou l’une ou plusieurs de leurs composantes, par exemple les services de soins infirmiers, devraient être considérées comme des fournitures exonérées. L’intimée soutient qu’aucun des services fournis par l’appelante n’était accessoire à une fourniture unique — ou en faisait partie —faite aux médecins et que la fourniture que l’appelante a faite aux médecins n’était pas exonérée.

 

[9]     Pour clore ce « survol », il est utile de commenter brièvement l’esprit de la Loi quant à son traitement des fournisseurs de fournitures exonérées, comme les médecins. Ces fournisseurs sont considérés comme les utilisateurs finals des fournitures qu’ils acquièrent. Ils n’obtiennent pas de crédits de taxe sur les intrants (CTI) au titre de la TPS qu’ils versent sur de telles fournitures puisque, de façon générale, il ne leur est pas permis d’être des personnes inscrites aux termes de la sous‑section d de la section V. La raison est que les fournitures exonérées qu’ils fournissent aux patients ne constituent pas une activité commerciale[2]. Lorsque les fournitures sont fournies à des médecins par une clinique, celle‑ci peut être une personne morale inscrite et obtenir des CTI au motif que ses fournitures ne sont pas exonérées et qu’elle n’en est pas l’utilisateur final — celui‑ci étant le médecin. Dans ce contexte, la protection du fisc, au détriment des médecins, repose sur les aspects suivants : que les fournitures de la clinique (faites aux médecins) ne soient pas exonérées; que la clinique n’effectue pas de fournitures exonérées aux patients; que les médecins n’obtiennent pas de CTI. La thèse de l’appelante semble porter quelque peu atteinte à cet esprit de la Loi, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Si l’appelante a raison lorsqu’elle affirme qu’elle effectue une fourniture exonérée à ses patients, elle perdra sa qualité pour réclamer des CTI[3]. Elle devient l’utilisatrice finale des fournitures qu’elle acquiert. Le fisc serait donc vraisemblablement protégé puisque, dans ce scénario, il n’y a pas de fournitures faites aux médecins. La seule perte possible pour le fisc serait la taxe sur la valeur ajoutée qui pourrait s’appliquer à la fourniture que la clinique est censée faire aux médecins en vertu du scénario selon lesquels les médecins sont les utilisateurs finals des fournitures de la clinique. En revanche, si des fournitures sont faites aux médecins par la clinique, comme l’a soutenu l’appelante, le fisc pourrait être financièrement avantagé, à moins que cette fourniture ne soit exonérée. Cela dit, on ne peut affirmer d’emblée que la thèse de l’appelante va à l’encontre de l’économie de la Loi.

 

2.       Les faits

 

[10]    L’appelante a appelé trois témoins à la barre. Le premier, le Dr Dedumets, était un médecin actionnaire du Centre; le deuxième, Mme Hill, était la gestionnaire du Centre (et est elle‑même infirmière d’urgence); le troisième était le comptable du Centre. L’intimée a fait comparaître un témoin, le Dr Salisbury, médecin employé par la Direction des services aux professionnels du ministère de la Santé de l’Ontario, qui a témoigné de manière éclairée au sujet des procédures de facturation du RAMO. Le témoignage livré était fort détaillé et comportait peu ou pas de contradictions. Voici une analyse des faits pertinents, tels que je les ai constatés.

 

                   (i) Les services du Centre

 

[11]    L’appelante est une clinique médicale offrant des services de soins d’urgence dans un quartier de Windsor où l’on manquait de services de soins hospitaliers et d’urgence. Le Centre a été fondé par des urgentologues à la suite de la fermeture du Windsor West Hospital, vers 1997. Bien que le Centre ne soit pas une « salle d’urgence » à proprement parler, il fournit des soins d’urgence de première ligne à des patients souffrant de problèmes qui ne mettent pas en danger leur vie ou leurs membres. Les actionnaires du Centre, 14 en tout, sont tous des médecins urgentistes autorisés à pratiquer la médecine en Ontario[4]. Tous travaillaient au Centre comme entrepreneurs indépendants. Ils travaillaient au Centre par quarts, en plus de travailler dans des salles d’urgence d’hôpital de la région de Windsor. Pendant toutes les heures ouvrables du Centre, le personnel comptait une secrétaire, une infirmière autorisée et un médecin. Toutes les infirmières possédaient une formation en soins dispensés en salle d’urgence et avaient beaucoup d’interaction avec les patients dans l’exécution de leurs tâches au Centre.

 

[12]    Pendant la période pertinente, le Centre abritait cinq salles d’examen et une salle d’intervention. Les salles d’examen servaient aux visites ordinaires des patients et étaient équipées de façon standard (un évier, de l’équipement médical courant, comme un brassard de tensiomètre, un ophtalmoscope et un otoscope ainsi que tout un éventail d’accessoires médicaux, comme des gants, des blouses, des écouvillons/tampons, des abaisse‑langue et d’autres fournitures). Une des salles d’examen était équipée d’une lampe à fente pour les examens oculaires. La salle d’intervention était équipée pour la surveillance cardiaque, pour les sutures faites sur les plaies ouvertes ainsi que pour l’incision et le drainage des kystes, furoncles et autres abcès. Elle était également équipée pour la pose d’attelles pour les fractures. En outre, de l’équipement additionnel, comme des nébuliseurs (pour le traitement de l’asthme et autres maladies respiratoires) et des sphygmo‑oxymètres (pour mesurer les fonctions respiratoires), était conservé au Centre et pouvait être déplacé au besoin dans l’une ou l’autre des salles. Le Centre possédait aussi un défibrillateur, un moniteur cardiaque, un électrocardiographe, un glucomètre, une boîte d’intubation et un système masque et ballon d’anesthésie. Bien entendu, le Centre avait aussi des fournitures moins spécialisées, comme des aiguilles, des seringues, du matériel de suture, une autoclave et des médicaments en stock.

 

[13]    Bien qu’il ne soit pas nécessaire, à mon avis, de revoir en détail la preuve concernant les soins dispensés aux patients au Centre, il importe de souligner que je reconnais que les patients du Centre reçoivent beaucoup plus que les soins habituellement dispensés dans un cabinet de médecin normal ou une clinique sans rendez‑vous. Suturer des plaies, fixer des fractures, effectuer des examens oculaires à la lampe à fente, effectuer des procédures de suivi pour les patients ayant reçu leur congé de la salle d’urgence d’un hôpital et avoir des droits directs de préadmission aux services d’urgence des hôpitaux et autres services spécialisés d’hospitalisation, dont les soins orthopédiques, cardiaques et autres, ne sont que quelques exemples du rôle important que cet établissement tient dans la collectivité en ce qui concerne les services auxiliaires d’urgence. Le fait que le Centre compte, parmi son personnel, des infirmières d’urgence ayant reçu une formation spécialisée souligne aussi son caractère particulier. Même les dossiers y sont tenus en fonction des incidents, comme dans une salle d’urgence, par opposition à la traditionnelle tenue de dossiers de patients. Le simple fait que le personnel médical du Centre se compose entièrement d’urgentologues en dit long sur sa nature. Je retiens alors le témoignage du Dr Dedumets selon lequel le Centre offre des traitements et procédures de soins d’urgence différents de ceux qui sont fournis dans la plupart des cliniques sans rendez‑vous.

 

[14]    Je retiens aussi le fait que les infirmières employées au Centre fournissaient, dans une large mesure, des soins directs aux patients qui allaient bien au‑delà de ce que l’on pouvait qualifier de soins faisant partie de l’« infrastructure » que le Centre fournit aux médecins pratiquant sous son toit. Non seulement les infirmières assistent les médecins dans l’évaluation des besoins du patient et dans l’administration des traitements, mais elles accomplissent aussi directement, et de façon quelque peu indépendante des médecins, tout un éventail de tâches se rapportant à l’administration de tests diagnostiques (comme le prélèvement de sang et l’administration d’électrocardiogrammes) et de fonctions liées aux soins aux patients (comme mettre les patients sous intraveineuse, leur administrer des nébuliseurs et leur faire des piqûres). Ce ne sont là que quelques exemples de ce que l’on pourrait qualifier de services de soins infirmiers fournis pour les patients, par opposition aux services infirmiers fournis pour assister les médecins dans les soins médicaux qu’ils prodiguent. Néanmoins, même si le Dr Dedumets voyait, dans les services de soins infirmiers, l’une des raisons pour lesquelles le Centre offrait davantage de services qu’une traditionnelle clinique sans rendez‑vous, il n’a pas, à mon avis, été jusqu’à laisser entendre que le Centre offrait des services de soins infirmiers à la population, indépendamment du rôle de soutien et d’assistance des infirmières dans la prestation des services médicaux fournis par les médecins traitants. De plus, je note que tous les services aux patients (y compris les services rendus par une infirmière) sont facturés comme des services médicaux relatifs aux procédures effectuées par les médecins. Reconnaître que des infirmières autorisées spécialement formées peuvent s’occuper directement de nombre des besoins médicaux de patients ne doit donc pas nécessairement nous faire nous écarter de la conclusion qu’elles font partie d’une équipe essentielle menée par des médecins, ce qui porte à croire que leurs services font partie d’une fourniture unique effectuée par les médecins.

 

                   (ii) L’entente

 

[15]    Comme je l’ai mentionné, l’arrangement pris en l’espèce entre les médecins et le Centre fait l’objet d’une entente conclue entre eux en vertu de laquelle les médecins convenaient avec l’appelante de fournir des services médicaux aux patients du Centre[5]. Il est clair alors que les parties avaient l’intention que le Centre soit considéré comme le fournisseur des services rendus à ses patients — de la même façon que l’on pourrait dire d’un hôpital qu’il fournit des services à ses patients. Le Centre veut être assimilé, de par son fonctionnement, à une salle d’urgence d’hôpital sans relation régulière ou continue de patient à médecin et avec tenue de fichiers d’incident plutôt que de dossiers de patient.

 

[16]    L’entente prévoit également que le Centre facture au RAMO les services fournis à ses patients et que les médecins facturent le Centre pour les services médicaux qu’ils fournissent aux patients du Centre, et ce, pour un montant inférieur ou égal à la moitié des frais facturés au RAMO pour les services en question fournis aux patients. D’après le témoignage du Dr Dedumets, peu après la mise en place de cette entente, le pourcentage accordé aux médecins a été augmenté pour être porté à 60 %. Il y avait en outre une entente que l’on suivait pour les médecins dont les services étaient retenus à titre de suppléants. Cette entente prévoyait que les suppléants recevaient la même proportion de 60 %, mais reconnaissait que le Centre s’était vu refuser l’attribution d’un numéro de facturation collective. Ainsi, le médecin engagé à titre de suppléant devait accepter le régime de retraits préautorisés et de versements/paiements préautorisés du Centre, en vertu duquel le médecin faisait la facturation, recevait les paiements du RAMO et autorisait le retrait automatique de l’intégralité de ces versements aux fins de dépôt dans le compte du Centre. Dès que les circonstances le permettaient, 60 % des fonds ainsi virés sur le compte du Centre étaient retransférés au compte du médecin. À l’examen de la preuve, je crois comprendre que c’est aussi la procédure qui était suivie par les médecins actionnaires jusqu’à l’obtention, par le Centre, d’un numéro de facturation collective. Une fois ce numéro obtenu, tous les médecins (actionnaires et suppléants) demandaient au RAMO de déposer leurs montants de facturation directement au compte du Centre, en vertu du même arrangement selon lequel le Centre payait ensuite aux médecins leur proportion de 60 %, conformément aux ententes convenues. Il est clair alors que le Centre avait engagé les médecins moyennant contrepartie payable par le Centre.

 

[17]    Durant la période pertinente pour le présent appel, soit du 1er mai 1999 au 31 janvier 2001, la TPS (calculée à 7 % du droit net du Centre à 40 %) a été retenue sur la proportion de 60 % à laquelle avaient droit les médecins, puis versée à la Couronne par l’appelante. Par conséquent, pour chaque service médical fourni au Centre, l’appelante conservait 40 % des frais facturés au RAMO, le médecin fournissant le service médical recevait 57,2 % des versements du RAMO et la Couronne recevait 2,8 % au titre de la TPS (c.‑à‑d. 7 % des 40 % auxquels le Centre avait droit)[6]. Cette pratique montre que les médecins (ou leurs conseillers) ont fait preuve d’à tout le moins une certaine prudence quant à leur responsabilité en ce qui concerne la retenue et le versement de la TPS sur la « contrepartie » nette de 40 % reçue par le Centre. Quoi qu’il en soit, les avocats de l’appelante ont soutenu que ces retenues et remises avaient été faites par erreur et que cette erreur devait être rectifiée au moyen d’un remboursement des sommes versées par erreur.

 

                   (iii) Le RAMO

 

[18]    En ce qui concerne les paiements effectués pour les services fournis au Centre, je note que la plupart des patients étaient couverts par le RAMO, qui effectuait les paiements au Centre, au nom des patients. En outre, le Centre était payé en vertu ou par d’autres programmes d’assurance et régimes d’indemnisation (comme le Bouclier vert (Green Shield), la Commission des accidents du travail ou la Croix bleue (Blue Cross)), lorsque les patients étaient couverts par ces régimes. Certains patients — pour la plupart des non‑résidents et des étudiants étrangers fréquentant l’université à Windsor — acquittaient directement les honoraires. Quels que soient les différents scénarios de paiement, les avocats de l’appelante ont demandé que l’examen de l’appel ne repose pas sur les éventuelles différences relatives aux possibilités de paiement. Ainsi, l’appelante n’a produit aucune preuve relative aux diverses conditions de la couverture. Par contre, l’intimée s’est beaucoup attardée sur le régime et les modalités de paiement imposés par le RAMO. C’est ainsi que les seuls éléments de preuve dont je dispose au sujet des conditions de paiement sont ceux qui se rapportent au RAMO et qui ont été déposés par le témoin de l’intimée, le Dr Salisbury. Pour cette raison, j’ai limité mon analyse aux paiements du RAMO. Suivra une analyse générale du témoignage irréfuté du Dr Salisbury.

 

[19]    En Ontario, les services de soins de santé couverts qui sont fournis par les médecins sont payés par le RAMO. En vertu de ce régime, ce sont les médecins qui ont droit à un paiement et on leur attribue un numéro de facturation. Lorsque des médecins pratiquent ensemble, on peut leur attribuer un numéro de facturation collectif qui précise le compte bancaire dans lequel chaque membre du groupe demande à ce que son paiement soit versé. On fournit cet accommodement uniquement sur demande écrite du médecin, soit la personne qui, en vertu du Régime, est en droit d’être rémunérée. Tous les médecins engagés par le Centre formaient le « groupe » et étaient autorisés à utiliser un numéro collectif pendant les années visées par le présent appel. C’est le Centre qui était désigné pour recevoir les sommes payables à chaque membre de ce groupe lorsque le numéro de facturation collectif apparaissait sur la facture. Cela signifie que c’est le Centre qui recevait les paiements pour les factures qu’il transmettait[7].

 

[20]    Le Dr Salisbury a qualifié le numéro de facturation collectif de commodité administrative permettant la présentation/production et le paiement de factures de médecin multiples dans un seul compte. Il a précisé que le numéro de facturation « collectif » était attribué aux médecins et pas au « groupe ». Il ne faisait pas de doute dans son esprit que les paiements étaient systématiquement faits aux médecins, et pas au « groupe » ou, dans le cas qui nous occupe, au Centre. En jargon juridique, on pourrait qualifier les médecins de « bénéficiaires réputés » ou bénéficiaires des paiements. À l’opposé, les avocats de l’appelante ont fait valoir que le numéro collectif était le numéro du Centre. Ils ont soutenu que les droits au transfert de revenu et la reconnaissance contractuelle que les patients sont les patients du Centre (et non les patients des médecins) étayent l’affirmation selon laquelle, nonobstant la perspective du RAMO, le numéro de facturation et les frais payés appartiennent au Centre.

 

[21]    En dernier lieu, je note que le régime de paiement du RAMO ne reconnaît pas, en fait, de fournitures multiples à des patients. Dans le document du ministère de la Santé de l’Ontario intitulé « Schedule of Benefits – Physician Services under the Health Insurance Act (July 1, 2003) », publié dans le sillage du règlement afférent à la Loi sur l’assurance-santé (R.R.O. 1990, Regulation 552, section 29), il est dit, sous la rubrique  « General Preamble » (préambule général) :

[traduction] Les éléments qui font partie intégrante de la plupart des services assurés comprennent la fourniture des locaux, de l’équipement, des fournitures et du personnel nécessaires pour accomplir les éléments courants et particuliers du service. [...]

 

Toujours dans le préambule, à l’article 10, une disposition prévoit le paiement des médecins pour des tâches accomplies sous la supervision de non‑médecins. Cela signifie que le régime de soins de santé associe clairement une fourniture unique aux services offerts par le Centre.

 

3.       Questions en litige, arguments et analyse

 

[22]    Le problème, en l’espèce, tient au fait que deux parties (le RAMO et le Centre) sont responsables du paiement des médecins pour les mêmes services rendus aux patients. Cela crée deux « acquéreurs » de la même fourniture aux termes de la Loi. Essentiellement, l’intimée adopte la position selon laquelle on ne peut reconnaître les deux responsabilités et la responsabilité que le RAMO reconnaît aux médecins doit prévaloir. Pour sa part, l’appelante soutient essentiellement que la responsabilité du RAMO s’exerce envers elle; cependant, l’appelante peut aussi s’appuyer sur la définition d’« acquéreur » dans la Loi et sur l’argument selon lequel c’est le régime contractuel entre les médecins et le Centre qui détermine les conséquences en matière de TPS en l’espèce. Pour trancher cette question, je dois déterminer qui est l’acquéreur des fournitures au sens de la Loi.

 

(i) Qui est l’acquéreur des fournitures?

 

[23]    Indéniablement, une fourniture est faite par les médecins à leurs patients. Cette fourniture, prise dans son ensemble, comprend toutes les fournitures du Centre, lesquelles font partie, en vertu du principe de la fourniture unique ou de la règle des fournitures accessoires, de la fourniture que les médecins font à leurs patients. Sur cette base, l’intimée soutient que les fournitures du Centre, puisqu’elles font parties de la fourniture que les médecins font à leurs patients, doivent être les fournitures que les médecins acquièrent d’abord du Centre. Autrement dit, pour les besoins de la Loi, une fourniture est faite par le Centre aux médecins, ce qui est la théorie défendue en l’espèce par l’intimée. Vient étayer cette position l’argument de l’intimée selon lequel, en vertu du RAMO, la responsabilité de payer les fournitures ne s’exerce qu’envers les médecins, ce qui laisse entendre qu’aucun paiement n’est fait au Centre, hormis les paiements effectués par les médecins. Ainsi, la Loi et le système de soins de santé viennent éclipser la tentative du régime contractuel de reformuler ou rebaptiser les services des médecins aux patients comme étant des services fournis par le Centre.

 

[24]    L’appelante invoque le régime contractuel pour soutenir que cela empêche de conclure que les médecins étaient les acquéreurs d’une fourniture. Aux termes de l’entente, le Centre ne fait aucune fourniture aux médecins. Nonobstant la TPS et la façon dont le système de soins de santé traite les services des médecins aux patients, le Centre a son propre ensemble de relations qui commande une analyse distincte. L’appelante affirme en effet que sa structure coexiste avec le régime dont fait état l’intimée et que pareille coexistence ne permet pas ni n’exige que l’on conclue que le Centre a fait une fourniture aux médecins. Que les patients demeurent les patients des médecins n’empêche pas l’existence d’une relation similaire avec le Centre. C’est‑à‑dire que, dans un triangle relationnel, l’existence d’un type de relation entre deux parties n’empêche pas de conclure que le même type de relation existe entre l’une de ces deux parties et la troisième partie du triangle. Si tel est le cas en l’espèce, il ne serait pas incorrect de dire que les patients sont les patients du Centre, nonobstant le fait qu’ils sont aussi les patients des médecins qui les traitent. Dans ce contexte, il ne serait pas incorrect d’accepter la réalité juridique du régime contractuel du Centre retenant les services des médecins, par opposition à l’interprétation contraire.

 

[25]    Pour mieux évaluer la thèse de l’appelante, il est utile de se pencher à nouveau sur certains des concepts fondamentaux sur lesquels repose la Loi. Les « acquéreurs » d’une fourniture doivent payer la taxe et les « fournisseurs » doivent percevoir puis verser cette taxe. À l’article 123, un fournisseur est défini (dans la version anglaise seulement de la Loi) comme la personne effectuant la fourniture, et l’acquéreur est défini comme suit :

 

a)         Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b)         personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c)         si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

            […]

(iii)       personne à qui un service est rendu. [...]

 

[26]    La définition d’« acquéreur » établit clairement une hiérarchie pour ce qui est de déterminer l’acquéreur de la fourniture d’un service. C’est la responsabilité de payer la fourniture qui permettra de savoir s’il existe une contrepartie payable. La personne qui reçoit la fourniture n’en est l’acquéreur que lorsqu’aucune contrepartie n’est payable.

 

[27]    La thèse de l’appelante permet de tirer deux conclusions : premièrement, que l’appelante était en droit de recevoir les paiements du RAMO sur son propre compte; deuxièmement, que cela signifie qu’une responsabilité incombe aux patients de payer ces services au Centre (ce qui fait d’eux les acquéreurs de leurs fournitures). À première vue, il est difficile de croire que le droit des médecins à un revenu ait été transféré en l’espèce afin de faire du Centre le destinataire des fonds du RAMO. L’intimée a cité plusieurs décisions confirmant le principe selon lequel les instructions relatives au paiement, telles que celles que les médecins transmettent au RAMO, ne changent pas, en droit, l’identité du destinataire du paiement. Bien que ces décisions fassent clairement autorité dans leurs faits, elles ne traitent pas du cas dans lequel un droit à un revenu a été transféré. En gardant cela à l’esprit, je reconnais que, si je retiens la thèse de l’appelante selon laquelle il y a eu transfert des droits de revenu, il deviendrait alors difficile de distinguer la présente affaire de l’arrêt Campbell, dans lequel la Cour suprême du Canada a statué que des médecins pouvaient transférer leurs droits à un revenu à une société pour les besoins de l’impôt sur le revenu.

 

[28]    Dans le jugement Campbell, on reconnaît qu’un transfert de revenu est systémiquement possible dans notre régime de soins de santé, même si l’assureur (le RAMO) ne paie que les médecins. C’est donc dire qu’il est possible qu’un transfert de droit à un revenu se soit produit entre les parties en cause, soit le Centre et ses médecins contractuels, à l’instar de ce qui est reconnu dans l’arrêt Campbell, et ce, en dépit du fait que toutes les dispositions réglementaires et les tierces parties aient rejeté la possibilité que le système permette une telle chose. Ce transfert est une opération en capital dès le début — au moment de la conclusion de l’entente —, peu importe que l’assureur du payeur reconnaisse ou non ce transfert. Le fait que les médecins étaient tenus de donner leur numéro de facturation au motif que la couverture s’appliquait à eux ne va pas à l’encontre de leur propre acceptation du transfert contractuel de leur droit au revenu, pas plus que le transfert ne mine les questions de responsabilité associées à la relation médecin-patient, telle qu’elle est établie dans l’arrêt Campbell[8].

 

[29]    Je note, à ce stade, que, bien que la preuve documentaire d’un transfert du droit au revenu soit limitée (aucune preuve n’a été produite quant à un transfert ou à ce que l’on qualifie d’entente de transfert en vertu de l’article 85), je suis convaincu qu’un tel transfert s’est produit. Il y a l’entente susmentionnée, qui, au moins implicitement, reconnaît qu’un transfert a eu lieu. En outre, l’appelante a inclus l’intégralité des reçus du RAMO dans ses revenus aux fins de comptabilité et d’impôt sur le revenu avant de soustraire les montants payés aux médecins contractuels indépendants. En dernier lieu, je note que les conséquences juridiques d’un tel transfert n’ont rien à voir avec la couverture en vertu du RAMO. C’est donc dire que rien ne laisse croire qu’un patient perd sa protection du fait que son médecin traitant a conclu un tel arrangement.

 

[30]    Une conclusion selon laquelle l’appelante, et non les médecins, est le bénéficiaire des paiements du RAMO (comme cela a été établi dans Campbell aux fins de l’impôt sur le revenu) érode sensiblement l’argument de l’intimée quant à la direction du mouvement des fonds. En d’autres termes, l’arrêt Campbell établit le droit du Centre aux fonds déposés, ce qui rend juridiquement opérante son obligation en vertu de l’entente conclue pour rémunérer les médecins et mine tout argument reposant sur la thèse de la « réception réputée ». Toutefois, pour juridiquement valide que soit l’entente de transfert des droits à un paiement, cela ne permet pas de déterminer pour autant s’il y a eu transfert de la responsabilité de payer. De fait, la responsabilité du RAMO de payer les médecins demeure inchangée à mon sens.

 

[31]    En conséquence, deux parties sont responsables de payer les médecins (le RAMO et le Centre), et elles semblent avoir une responsabilité à l’égard de la même fourniture, à savoir les services médicaux rendus par les médecins. Aux termes de la définition d’« acquéreur », il y a donc deux « acquéreurs » de la même fourniture. La hiérarchie de facteurs prescrite dans la définition commande que la responsabilité en vertu de l’entente ait préséance sur la responsabilité aux termes du régime réglementaire pour ce qui est de déterminer un « acquéreur », ce qui signifie que l’appelante est l’acquéreur des services fournis par les médecins aux fins de la TPS. On reconnaît aussi la réalité que l’appelante, en tant qu’intermédiaire contractuelle, acquiert/reçoit effectivement, sur le plan juridique et ainsi que cela a été confirmé dans l’arrêt Campbell, les services qu’elle offre en sous‑traitance par l’entremise des médecins. Cela signifie aussi que, en vertu de la structure de l’appelante, elle doit payer la taxe en application de l’article 165, à moins que cette fourniture (les services rendus par les médecins à l’appelante) soit exonérée. Cette fourniture n’a été abordée ni à l’audience ni dans les observations écrites[9]. Néanmoins, cela ne devrait pas nous détourner de l’analyse de la fourniture que l’appelante affirme avoir faite aux patients. Le principal argument de l’appelante repose sur une disposition d’exonération qui ne s’applique que si le Centre fait des fournitures à ses patients.

 

[32]    Avant de me pencher sur cette disposition d’exonération, je note que, en dehors de la question de savoir si le Centre sert ses patients, il est possible d’interpréter la Loi comme permettant que les patients soient les « acquéreurs » des services du Centre aux fins de la TPS, comme l’a soutenu l’appelante. La hiérarchie de facteurs prescrite dans la définition d’« acquéreur » confirme que les patients (le RAMO) sont les « acquéreurs », puisqu’ils sont responsables de payer les soins médicaux. La définition d’« acquéreur » exige qu’une personne soit « responsable », mais l’on ne précise pas envers qui cette responsabilité est engagée. Cela ne répond cependant pas à la question de savoir qui fait la fourniture. La question reste ouverte. Bien que la personne à l’égard de laquelle il y a responsabilité de payer (les médecins) semble être un choix logique dans le choix d’un fournisseur, la Loi ne donne pas de directive expresse à ce sujet. Autrement dit, la Loi ne contredit pas expressément la thèse de l’appelante selon laquelle on peut la considérer comme le fournisseur d’une fourniture aux patients. Si cette fourniture est une fourniture exonérée (en présumant que les patients ne soient pas responsables du paiement de la TPS aux termes de l’article 65 et que le droit de l’appelante à des CTI soit restreint), l’analyse produirait un résultat qui ne contreviendrait pas nécessairement à l’économie de la Loi.

 

[33]    C’est ce qui m’amène à la disposition d’exonération qui exige que les patients qui reçoivent des soins médicaux au Centre soient les patients du Centre. Sur ce point, l’arrêt Campbell n’est d’aucune utilité pour l’appelante. Dans cet arrêt, qui traite du transfert des droits de revenu d’un médecin, on a confirmé que le transfert de ce droit à une société n’avait pas d’effet sur la relation de médecin à patient. Toutefois, que les patients demeurent les patients des médecins n’empêche pas l’existence d’une relation similaire avec le Centre. De fait, c’est précisément la conclusion à laquelle la présente Cour est arrivée dans la décision Riverfront, qui a confirmé que la relation de médecin à patient n’empêchait pas l’existence d’une relation d’établissement à patient dans le contexte de l’article 2 de la partie II de l’annexe V.

 

          (ii) Article 2 de la partie II de l’annexe V

 

[34]    L’appelante soutient que le Centre est un « établissement de santé » et que ses fournitures de « services de santé en établissement » à ses patients sont des fournitures exonérées en vertu de l’article 2 de la partie II de l’annexe V de la Loi.

 

[35]    L’article 2 exonère :

 

la fourniture de services de santé en établissement, rendus à un patient ou à un résident d’un établissement de santé, effectuée par l’administrateur de l’établissement […]

 

À l’article 1, les « services de santé en établissement » sont définis comme suit :

 

[…] Les services et produits suivants offerts dans un établissement de santé :

a)         les services de laboratoire, de radiologie et autres services de diagnostic;

b)         lorsqu’elles sont accompagnées de la fourniture d’un service ou d’un bien figurant à l’un des alinéas a) et c) à g), les drogues, substances biologiques ou préparations connexes administrées dans l’établissement et les prothèses médicales ou chirurgicales installées dans l’établissement;

c)         l’usage des salles d’opération, des salles d’accouchement et des installations d’anesthésie, ainsi que l’équipement et le matériel nécessaires;

d)         l’équipement et le matériel médicaux et chirurgicaux :

                   (i)   utilisés par l’administrateur de l’établissement en vue d’offrir un service figurant aux alinéas a) à c) et e) à g),

                   (ii) fournis à un patient ou à un résident de l’établissement autrement que par vente;

e)         l’usage des installations de radiothérapie, de physiothérapie ou d’ergothérapie;

f)          l’hébergement;

g)         les repas (sauf ceux servis dans un restaurant, une cafétéria ou un autre établissement semblable où l’on sert des repas);

h)         les services rendus par des personnes rémunérées à cette fin par l’administrateur de l’établissement.

 

[36]    L’article 1 définit un « établissement de santé » comme :

 

[…] Tout ou partie dans l’établissement où sont donnés des soins hospitaliers […]

 

[37]    Dans la décision Riverfront, le juge Bell s’est penché sur l’article 2 et a relevé trois questions concernant son application, soit celles de savoir si la fourniture était faite à un patient de l’établissement, si l’établissement était exploité à des fins de fourniture de soins médicaux et s’il y avait fourniture de services de santé en établissement.

 

[38]    La première question a trait à l’aspect qui nous occupe en l’espèce. Le juge Bell a conclu que « selon l’usage » (c.‑à‑d. selon l’usage courant), le patient d’un médecin pratiquant dans une clinique est considéré comme le patient de cette clinique. Il a estimé que cela était suffisant pour satisfaire à l’exigence de la relation de patient à établissement, même si l’importance de la relation de médecin à patient, qui existait aussi manifestement dans ces situations, ne faisait aucun doute.

 

[39]    Quant à la question de savoir si l’établissement était exploité dans le but de fournir des soins médicaux, le juge Bell s’est demandé si les examens pratiqués pour le compte des compagnies d’assurance et aux fins de la préparation de rapports médicaux dans des cas de dommages corporels étaient des « soins médicaux », expression qui n’est pas définie dans la Loi. Il a conclu que, dans cette affaire, l’administrateur — constitué en société — de l’établissement ne fournissait pas de soins médicaux. Dans le cas qui nous occupe, les services fournis au Centre vont bien au‑delà des services dont il était question dans Riverfront et constituent clairement des « soins médicaux ». Qui plus est, l’intimée ne peut laisser entendre que l’appelante doit se voir refuser la qualité d’établissement de santé sous prétexte qu’elle n’est pas le praticien (de la médecine). C’est le but de l’appelante qui définit son statut d’établissement de santé et non la façon dont elle parvient à atteindre ce but ou les personnes qu’elle engage pour y arriver.

 

[40]    Cela m’amène à examiner les exigences de la définition de « services de santé en établissement » pour cerner un ou plusieurs services énumérés qui sont rendus au Centre. Il ne suffit pas de produire une preuve générale que le Centre fournit, par exemple, des services de diagnostic et de réclamer une exonération en application de l’alinéa a) de la définition de « services de santé en établissement », alors qu’il ne fournit aucun des services de diagnostic du type mentionné dans cet alinéa. De la même façon, on ne saurait invoquer l’alinéa b) de cette définition au simple motif que des médicaments sont administrés au Centre, car cette administration de médicaments ne s’accompagne pas de la fourniture d’un service médical prévu dans cet alinéa[10].

 

[41]    L’alinéa h) de la définition de « services de santé en établissement » exonère toutefois les services fournis à l’établissement lorsque ceux‑ci sont rendus par des personnes rémunérées par l’administrateur de l’établissement de santé. Ces personnes comprennent les médecins[11]. La contrepartie de cette fourniture — effectuée à l’établissement — faite aux patients de l’établissement est le montant total payé par le RAMO pour cette fourniture. L’article 165 de la Loi applique la TPS à la valeur de la contrepartie de cette fourniture, laquelle correspond au montant exonéré en vertu de l’alinéa h). Attribuer aux services rendus à l’établissement une valeur différente de celle du montant payé par le RAMO non seulement contreviendrait à ce régime réglementé, mais encore irait à l’encontre d’une conclusion selon laquelle, en l’espèce, les fournitures faites aux patients sont une fourniture unique. Le fait que l’appelante paye moins les médecins n’est pas pertinent puisque la disposition en cause ne limite pas l’exonération de la rémunération accordée à la personne qui rend le service.

 

[42]    Bien que l’analyse qui précède puisse étayer la conclusion que l’appelante a fait une fourniture exonérée à ses patients aux termes de l’article 2, je note que cet article n’exonère pas la fourniture faite par les médecins au Centre. Relativement à cette fourniture, l’article 9 est la seule disposition sur laquelle pourrait s’appuyer l’appelante. Cet article exonère une fourniture si la contrepartie de cette fourniture est payable ou remboursée par le gouvernement en vertu d’un régime provincial de soins de santé. Les fournitures faites aux patients sont payables par le gouvernement en vertu du RAMO. Cela n’implique pas nécessairement que les fournitures à des établissements de santé soient couvertes par le RAMO. En fait, la preuve présentée dans la présente affaire tend à indiquer le contraire. Si l’on reprend la structure même de l’appelante, comme on le reconnaît dans la décision Campbell, la contrepartie payée aux médecins est payable aux termes d’une entente privée et non en vertu d’un régime provincial de soins de santé. De la même façon, rien n’indique en l’espèce qu’il y ait remboursement en vertu de pareil régime pour des dépenses d’établissement de santé. D’un autre côté, la disposition d’exonération pourrait être plus largement interprétée. Bien qu’il y ait peu d’analyses sur le sujet, j’imagine que les services d’entrepreneur indépendant fournis par un médecin à un hôpital seraient traités comme une fourniture exonérée en vertu de cette disposition. Les entrepreneurs indépendants (p. ex., des suppléants) avec lesquels font affaire des bureaux de médecins sont considérés comme faisant des fournitures exonérées. En pareils cas, les charges ou coûts de structure sont déjà supportés par les fournisseurs, qui ne peuvent réclamer de CTI, si bien que l’on ne va pas à l’encontre de l’économie de la Loi lorsqu’on applique le traitement des fournitures exonérées aux médecins qui fournissent des services contractuels. Le même traitement pourrait fort bien s’appliquer aux entrepreneurs indépendants fournissant des services à des établissements de santé, y compris des cliniques médicales fournissant des fournitures exonérées.

 

[43]    Les dispositions d’exonération que renferme la Loi sont libellées en termes trop généraux pour fournir une réponse claire à de telles questions. Toujours est‑il que ces dispositions d’exonération n’ont pas été invoquées dans le contexte de la fourniture que les médecins font à l’appelante, de sorte que je ne poursuivrai pas davantage l’examen de cette question, si ce n’est pour dire que l’application de ces dispositions n’est pas évidente.

 

(iii) Nouvelle analyse de la thèse de l’intimée

 

[44]    Comme je suis convaincu que la structure d’exploitation de l’appelante, prévue par un accord, peut coexister avec le système de soins de santé sans que la TPS ne soit imposée aux patients, je serais porté à croire qu’il faut lui donner effet, ce qui revient à dire que l’appelante n’a pas fait de fournitures aux médecins. Dans ce cas, il ne serait pas nécessaire d’examiner l’application des articles sur lesquels s’est appuyée l’appelante dans sa tentative de soutenir que même la thèse défendue par l’intimée quant à la structure d’exploitation du Centre n’imposerait pas la TPS sur l’infrastructure payée par les médecins en vertu de cette théorie. Brièvement, cependant, je note que l’article 9 a été invoqué au motif que tous les services d’infrastructure de l’appelante étaient remboursés aux termes du RAMO, qui couvre les frais généraux dans son barème de frais, ou que l’article 6 a été cité au motif que les services de soins infirmiers, à tout le moins, sont des fournitures distinctes qui ne sont pas accessoires à la fourniture de soins médicaux par les médecins.

 

[45]    L’article 9 ne prescrit pas que la personne qui effectue la fourniture (le médecin) doit être la personne qui est remboursée. Toutefois, ce n’est pas franchir un grand pas que d’affirmer que la contrepartie d’une fourniture « remboursée aux termes du régime » doit signifier que cette contrepartie est « remboursée aux médecins aux termes du régime » puisque, en vertu du « régime », personne d’autre n’est en droit d’être remboursé. En outre, on peut soutenir qu’aucun paiement ou remboursement n’est effectué au titre des coûts d’infrastructure en vertu du RAMO. Le fait de reconnaître que, de façon générale, tous ces coûts sont inclus dans les listes de frais pour empêcher la facturation additionnelle ne revient pas à dire que cela constitue un paiement ou un remboursement de frais généraux particuliers. Quant à l’article 6, j’ai reconnu à l’audience la possibilité que cette disposition, qui exonère certaines fournitures de soins infirmiers, puisse être interprétée de manière suffisamment large pour exonérer les services de soins infirmiers, même en vertu de la théorie de l’intimée quant à la structure d’exploitation de l’appelante[12]. Le témoignage du Dr Dedumets, en revanche, fait davantage pencher la balance vers la conclusion d’une fourniture unique. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de trancher ces questions.

 

[46]    Cela m’amène à me pencher sur la question de la qualité de l’appelante pour obtenir le remboursement réclamé en application de l’article 261 de la Loi.

 

4. L’appelante a‑t‑elle qualité pour interjeter appel en l’espèce?

 

[47]    L’appelante a présenté la demande de remboursement des taxes payées et versées par erreur en invoquant l’article 261 de la Loi. Dès le début de mon examen de cet article et de l’article 232 (qui traite aussi des montants payés par erreur), il est important que je souligne que, nulle part dans ces articles, les termes « acquéreur », « fournisseur » ou « fourniture » ne sont employés. D’ailleurs, la question de savoir qui est un « acquéreur » ou qui est un « fournisseur » n’est, en fait, pas pertinente quant à cette discussion. Les seules dimensions pertinentes sont les questions de savoir qui a payé la taxe et qui a perçu et versé la taxe. Pourtant, on se reporte souvent à ces articles pour faire valoir leur application distincte aux acquéreurs ou aux fournisseurs. De fait, lorsque l’on consulte la jurisprudence, il est impossible d’éviter l’allusion à ces articles comme ayant une application propre aux acquéreurs et aux fournisseurs. Concédant cela, je fais observer que, dans cette partie de mes motifs, lorsque je parle de l’appelante comme du « fournisseur » (des services aux médecins), je le fais de façon générale, au sens où il s’agit de la partie qui, en fait, a perçu et versé la taxe payée par les médecins, bien qu’on ait fait valoir que cela a été fait par erreur. De la même façon, les médecins peuvent être assimilés aux « acquéreurs » d’une fourniture, mais ces allusions de ma part ne sont faites que de façon générale, au sens où ce sont les parties qui ont en fait payé la taxe, bien qu’on ait fait valoir que cela a été fait par erreur.

 

[48]    L’intimée s’appuie sur le principe général selon lequel les remboursements prévus à l’article 232 s’appliquent à ceux qui perçoivent ou versent la taxe par erreur (les fournisseurs), tandis que les remboursements prévus à l’article 261 s’adressent à ceux qui paient la taxe par erreur (les acquéreurs), comme l’indiquent R. Mullen Construction Ltd. c. Canada[13] et la récente décision McDonell c. Canada[14]. L’intimée affirme que les médecins ont payé la taxe (par erreur ou non) et que, en l’espèce, ils sont les seules personnes ayant qualité en vertu de l’article 261.

         

(i) Qui a payé la TPS?

 

[49]    Les faits de l’espèce ne laissent planer aucun doute quant au fait que ce sont les médecins qui ont payé la TPS. Celle‑ci a été déduite de leurs honoraires au Centre, qui correspondaient à 60 % des frais facturés au RAMO qui ont été payés au Centre. Les personnes qui payaient la taxe, qui supportaient le fardeau de la taxe, étaient manifestement les médecins.

 

[50]    Je prends également acte d’un engagement de la société signé par le président de l’appelante. Cet engagement stipule que, en cas de remboursement de TPS effectué au Centre, chaque médecin recevrait une somme proportionnelle à la partie de TPS qu’il a payée. L’extrait suivant est tiré de l’engagement :

 

[traduction] Au nom de West Windsor Urgent Care Inc., je confirme que la société convient de rembourser à chacun de vous sa part proportionnelle de tout remboursement de TPS obtenu à l’issue de l’appel en matière d’impôt actuellement en instance devant la Cour canadienne de l’impôt, et qu’elle s’engage à le faire. Ce remboursement sera net des honoraires professionnels d’avocat à payer conformément aux lettres d’engagement signées par West Windsor Urgent Care Inc. et BDO Dunwoody. Pareil remboursement de la TPS recouvrée au terme de l’appel susmentionné en matière de taxe sera fait en cas d’accueil dudit appel.

 

Cet engagement a été pris en vertu d’une résolution de la société appelante. Cette résolution a été mentionnée par les avocats de l’appelante, qui en ont lu l’extrait suivant :

 

[traduction] Le Dr Dedumets propose la motion suivante concernant la récupération potentielle de la TPS. Si l’action en justice en cours en matière de TPS entre la clinique et le gouvernement fédéral est tranchée en faveur de la clinique, un remboursement du paiement de la TPS sera fait aux médecins. Étant donné que l’équipe juridique et comptable qui assiste la clinique en cette matière travaille sur la base d’honoraires conditionnels, tous les remboursements potentiels obtenus dans le cadre de cette action seront effectués à la clinique et non aux médecins individuellement. Le montant restant du remboursement de TPS, une fois dûment payés les honoraires des avocats et comptables ayant pris part à cette action, sera distribué aux médecins associés en fonction de la proportion de leurs factures au cours de la période visée par le remboursement de TPS. Motion appuyée par le Dr Minardi et adoptée. [Je souligne.]

 

[51]    Si c’est l’appelante qui a payé la TPS, on s’attendrait à ce qu’aucune semblable répartition ne soit nécessaire en cas d’accueil de l’appel; l’appelante aurait droit à son remboursement et recevrait la TPS qu’elle a payée par erreur. Si ce montant était ensuite réparti entre les médecins, il serait probablement distribué sous la forme de dividendes proportionnellement à leur participation. En distribuant ce montant aux médecins en fonction de la proportion des factures envoyées pendant la période visée par le remboursement de la TPS, la société reconnaît que les médecins ont payé la TPS sur chacun des montants qu’ils ont facturés.

 

[52]    Une fois qu’il a été confirmé que les médecins ont payé la taxe, la question de savoir qui l’a perçue de qui et l’a versée à la Couronne ne se pose pas vraiment. C’est l’appelante.

 

[53]    C’est ce qui m’amène à la partie plus difficile de la thèse défendue par l’intimée : l’article 261 permet seulement aux personnes qui ont payé la taxe (c.‑à‑d. les médecins) de présenter une demande de remboursement de la TPS payée par erreur. Si tel est le cas, l’appelante n’a pas qualité pour interjeter appel en l’espèce.

 

 (ii) Législation et analyse

 

[54]    Comme on l’a vu, deux dispositions pertinentes doivent être examinées, soit les articles 232 et 261.

 

[55]    L’article 232 régit les « remboursements » et indique en partie ce qui suit :

 

232(1) Remboursement ou redressement ‑ Taxe perçue en trop — La personne qui exige ou perçoit d’une autre personne un montant au titre de la taxe prévue à la section II qui excède celui qu’elle pouvait percevoir peut, dans les deux ans suivant le jour où le montant a été ainsi exigé ou perçu :

a)         si l’excédent est exigé mais non perçu, redresser la taxe exigée;

b)         si l’excédent est perçu, le rembourser à l’autre personne ou le porter à son crédit. […]

 

[56]    Cette disposition donne à la personne qui a payé la taxe (les médecins) la possibilité de recevoir un remboursement des taxes perçues par erreur du fournisseur (le Centre), lequel a perçu la taxe. C’est donc le fournisseur qui effectue le remboursement. Toutefois, cet article est aussi la disposition qui prévoit un remboursement pour les fournisseurs. C’est ce que stipule le paragraphe 232(3), qui précise les règles s’appliquant aux remboursements accordés ou aux notes de crédit remises au fournisseur lorsque celui‑ci a accordé un remboursement ou un crédit aux acquéreurs en vertu de cet article. Le paragraphe en question permet au fournisseur, le percepteur de la taxe, d’obtenir un crédit au montant de la somme qu’il a à la fois versée et remboursée lorsque la TPS a été perçue par erreur. Le crédit est porté à la « taxe nette » du fournisseur, qui est un montant à verser en vertu du paragraphe 229(2)[15]. L’intimée fait valoir que c’est cette disposition que les fournisseurs devraient invoquer pour obtenir des remboursements.

 

[57]    L’article 261 régit les « remboursements » et est rédigé comme suit :

 

261(1)  Remboursement d’un montant payé par erreur —Dans le cas où une personne paie un montant au titre de la taxe, de la taxe nette, des pénalités, des intérêts ou d’une autre obligation selon la présente partie alors qu’elle n’avait pas à le payer ou à le verser, ou paie un tel montant qui est pris en compte à ce titre, le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement. [Je souligne.]

 

[58]    L’intimée soutient que cet article permet aux acquéreurs de fournitures, par opposition aux fournisseurs, d’obtenir un remboursement de la Couronne. Lorsque des fournisseurs n’ont pas obtenu les remboursements que permet l’article 232, les acquéreurs qui ont payé de la TPS en trop par erreur peuvent s’adresser directement au ministre pour présenter une demande de remboursement. Une modification visant les remboursements effectués après le 10 décembre 1998 a été  apportée au paragraphe 232(3) pour s’assurer que l’acquéreur ne reçoive pas à la fois un remboursement du fournisseur, aux termes de l’article 232, et un remboursement de la Couronne, en application de l’article 261[16].

 

[59]    Selon l’esprit de la Loi, il semble que les fournisseurs, en tant que percepteurs de la taxe, puissent retourner aux acquéreurs les montants de TPS exigés ou perçus par erreur. Indépendamment de cette disposition permissive, le fournisseur, en tant que percepteur, doit remettre les montants effectivement perçus, même s’ils ont été perçus par erreur[17]. Ainsi, le fisc détient toujours les montants perçus par erreur. Si l’acquéreur de la fourniture ou la personne ayant payé la taxe par erreur obtient le remboursement du fisc, alors tout est correct. Cependant, cela peut ne pas s’avérer pratique dans les cas où le fisc bénéficie d’une appropriation de fonds que l’article 165 n’a pas sanctionnée. Parfois, il serait plus efficace et réaliste de laisser le fournisseur obtenir le remboursement, puis de créditer l’acquéreur, à tout le moins lorsque les fournitures sont continues.

 

[60]    À ce stade, je note aussi que les fournisseurs pourraient être réticents à retourner aux acquéreurs les montants de TPS perçus par erreur. Cela accentuerait le problème du fisc retenant la TPS perçue par erreur dans les cas où il ne serait pas pratique, pour les acquéreurs, de demander des remboursements[18]. Un fournisseur pourrait effectuer un remboursement à un client (acquéreur) sur la base d’une perception faite par erreur, puis s’apercevoir, comme c’est le cas maintenant, que l’ARC ne croit pas qu’il y a eu erreur[19]. Pour qu’un remboursement soit accordé au fournisseur, l’article 232 ne s’applique que lorsqu’il y a eu erreur. Le fournisseur peut jouer de malchance s’il a remboursé la taxe par erreur[20]. Si tel est le cas, les dispositions en matière de remboursement, prises dans leur ensemble, n’auront pas d’autre effet que celui de garnir les coffres du fisc au moyen de taxes qui n’étaient pas payables. Quoi qu’il en soit, je suis encouragé par l’intimée à limiter l’application de l’article 261 pour veiller à ce que l’on donne effet à l’« esprit » de la Loi et pour empêcher toute possibilité de double remboursement[21].

 

[61]    L’appelante estime qu’une interprétation stricte du libellé de l’article 261 permet au fournisseur d’obtenir un remboursement. L’article en question porte que :

 

Dans le cas où une personne [l’appelante] paie un montant au titre […] de la taxe nette [remises] […] alors qu’elle n’avait pas [...] à le verser [...], le ministre lui rembourse le montant, indépendamment du fait qu’il ait été payé par erreur ou autrement. [Mots entre crochets ajoutés.]

 

[62]    La « taxe nette » est le versement de taxe effectué par le fournisseur. C’est toujours un « montant de taxe », mais il doit être « versé » (par opposition à « payé ») aux termes du paragraphe 228(2). Cela n’empêche toutefois pas l’article de s’appliquer lorsque la « personne » est le fournisseur puisque l’article ne se limite pas aux personnes qui « paient la taxe ». Très clairement, cet article peut s’appliquer à toute personne qui « paie un montant » « au titre de » « la taxe nette ». Bien que des distinctions peuvent être établies entre « payer la taxe » et « verser ou remettre la taxe » (les fournisseurs versent ou remettent la taxe plutôt qu’ils ne la payent), on ne peut établir pareille distinction lorsqu’il est question d’une personne qui « paye un montant ». Que le paiement soit un versement de taxe nette ne signifie pas qu’il ne s’agit pas du paiement d’un montant. L’article prévoit expressément les paiements au titre de la taxe nette, ce qui revient à dire que les versements de taxe nette sont des paiements d’un montant au titre de la taxe nette.

 

[63]    Je note ici que M. David Sherman, commentateur fort respecté des questions de TPS, s’est montré critique à l’endroit de décisions dans lesquelles on a conclu ou laissé entendre que l’article 261 pouvait être invoqué par les fournisseurs pour obtenir un remboursement. Son raisonnement ne repose pas sur la question de savoir si un montant payé peut être un versement. Il peut l’être et l’est assurément. Son raisonnement est que, en vertu de l’article, il faut qu’il y ait une erreur dans le versement de taxe. Cela ne peut survenir, selon lui, que lorsque le montant versé par le fournisseur n’était ni percevable ni perçu[22]. Percevoir 100 $ et verser 105 $ alors que le bon montant de taxe percevable était de 100 $ permet à un fournisseur d’obtenir un remboursement de 5 $, puisque c’est seulement dans ce cas de figure qu’un montant, en l’occurrence 5 $, n’a pas à être versé. Dans la présente affaire, la « taxe nette » était payable par l’appelante (c.‑à‑d. qu’un versement devait être fait) car un montant de TPS a été perçu. La TPS n’a pas été versée par erreur, mais a plutôt été perçue par erreur. Si un montant de taxe est perçu ou est percevable, il est versable. S’il est versable, il ne peut avoir été versé par erreur, ce qui revient à dire que l’une des exigences à remplir pour obtenir le remboursement ne peut être satisfaite et, en pareil cas, les fournisseurs ne sont pas en droit d’obtenir un remboursement en vertu de l’article 261. Selon ce raisonnement, l’intimée soutient que l’appelante n’a pas qualité pour demander un remboursement aux termes de l’article 261. Cet argument est convaincant. La présente conclusion coïncide avec celles du juge en chef Bowman dans la décision McDonell [23].

 

[64]    Avant de conclure, je ferais observer que j’ai tenu compte de la possibilité de reconnaître la qualité de l’appelante en vertu de l’article 261 au motif qu’elle était la mandataire ou la représentante des médecins, lesquels ont clairement qualité en vertu de cet article. J’en suis arrivé à la conclusion que je ne devrais pas faire une telle exception pour plusieurs raisons. En premier lieu, l’engagement à faire suivre le remboursement aux médecins a été pris bien après que l’appel ait été déposé[24]. Il existe de rares exceptions — à supposer qu’il y en ait — au principe de litige civil selon lequel le demandeur doit avoir un motif d’action contre le défendeur au commencement de l’action[25]. En deuxième lieu, la représentation n’est pas complète. Elle ne comprend pas les suppléants[26]. En troisième lieu, l’appelante n’a pas défendu cette approche ni n’a présenté d’argument direct ou cité de décisions pour l’étayer. En quatrième lieu, il est généralement accepté que le motif d’action d’un mandant ne peut être avancé par son mandataire[27]. Enfin, la jurisprudence applicable pose que les tribunaux n’ont pas compétence pour remplacer une partie lorsque la mauvaise partie défend le motif d’action[28].

 

[65]    En conséquence, s’il me navre d’invoquer une subtilité pour refuser un remboursement qui serait recevable par ailleurs, je rappellerai que la présente Cour n’est pas un tribunal d’equity. Lorsqu’elle est clairement libellée, la législation fiscale s’interprète de façon stricte. L’article 261 a exactement le sens que lui prête l’intimée. Des avertissements s’y trouvaient quant aux limitations de son utilisation par les fournisseurs. Je souscris à la décision rendue dans l’affaire McDonell. L’appelante n’a pas qualité pour interjeter appel en l’espèce. L’appel est rejeté, avec dépens, pour ce motif.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2005.

 

 

 

« J.E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2008.

 

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI405

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-2851(GST)G

 

INTITULÉ :

West Windsor Urgent Care Inc.

et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 14 et 15 mars 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 novembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Raymond G. Colautti et Anita E. Landry

 

Avocat de l’intimée :

Michael Ezri

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

Raymond G. Colautti

 

Cabinet :

Raphael Partners

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1] Comme nous en discuterons ultérieurement dans les présents motifs, l’appelante s’est appuyée sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada c. Campbell, [1980] 2 R.C.S. 256. Du point de vue jurisprudentiel, cette décision ne fait que reconnaître la structure d’exploitation de l’appelante dans la mesure où elle n’a pas d’incidence sur des structures externes, comme le régime de soins de santé, y compris, selon moi, pour ce qui est de donner lieu à une structure qui exposerait les patients à la TPS sur les services de santé. Un tel résultat nous ferait nous éloigner très regrettablement de l’esprit clair de la partie II de l’annexe V de la Loi, écart que l’arrêt Campbell ne cautionnerait pas.

[2] Voir le paragraphe 240(1), l’alinéa 240(3)a) et la définition d’« activité commerciale » à l’article 123. Voir également la décision Two Carlton Financing Ltd. c. Canada, [1998] G.S.T.C. 59 (C.C.I.) — confirmée par [2000] G.S.T.C. 2 (C.A.F.) —, dans laquelle on a statué qu’une entreprise n’exerçant pas des activités commerciales n’est pas autorisée à être inscrite et n’a pas droit à des CTI.

[3] Si les services fournis aux patients répondent à la définition que la LTA donne d’un « service de santé en établissement », le fournisseur des services se verra refuser des CTI. Voir Buccal Services Ltd. c. Canada, [1994] G.S.T.C. 70.

[4] Outre les médecins actionnaires qui travaillaient au Centre, il y avait d’autres urgentologues qui faisaient de la suppléance. Du point de vue de la facturation et des pratiques de paiement, ces derniers étaient traités de la même façon que les médecins actionnaires

[5] L’entente écrite qui a été produite à l’audience était une version préliminaire non signée datée du 9 avril 1996. J’accepte que ce document fasse état avec exactitude des conditions du contrat conclu entre les médecins et le Centre.

[6] Ces pourcentages ont pu être présentés de façon simpliste ou erronée, quoiqu’ils coïncident avec les assertions de l’appelante quant à ce qui a été fait. Une des pièces mentionnées au procès faisait la description des calculs de la TPS comme correspondant à 7/107e de la proportion de 40 % conservée pour le Centre. En outre, je note que l’entente visant les suppléants prévoit une récupération de 2,9 % pour les montants que le Centre supporte pendant aussi longtemps que la récupération est facturée. Il semble que cette récupération correspondait à la TPS remise par le Centre au nom des suppléants, mais, là encore, ce calcul n’a pas été expliqué.

[7] Le Centre a retenu les services d’un agent de facturation pour la préparation des états mensuels à renvoyer au RAMO au nom du Centre. Les services couverts que chaque médecin effectuait au Centre étaient facturés tous les mois de façon électronique ou sur disque d’ordinateur, apparaissant sur les formulaires de demande de paiement au RAMO avec le nom du médecin ayant rendu le service couvert. Sur le formulaire figuraient tant le numéro de facturation du médecin que le numéro de groupe. Grâce au numéro de facturation collective, on s’assurait que les paiements seraient faits à l’ordre du Centre, conformément aux instructions du médecin.

[8] Voir aussi Riverfront Medical Evaluation Ltd. c. Canada, [2001] A.C.I. no 381, [2002] A.C.F. no 1318, et Yepremian et al. c. Scarborough General Hospital et al., 28 O.R. 2nd 494.

[9] Bien que la responsabilité du Centre de payer la TPS sur les services rendus par les médecins ne soit pas en cause dans le présent appel, je note que, si la fourniture à l’appelante des services rendus par les médecins n’est pas exonérée, l’opinion de l’intimée quant à la structure d’exploitation se traduit par l’imposition d’une taxe plus faible (sur 40 % des paiements du RAMO) que la taxe qui aurait été imposée à l’appelante en tant qu’« acquéreur » des fournitures des médecins (sur 60 % des paiements du RAMO), en vertu de la structure attestée par son accord d’exploitation.

[10] L’appelante a également soutenu que ses salles d’examen et sa salle d’intervention étaient (en anglais) des « case rooms », ce qui lui permettait de prétendre à des fournitures exonérées en vertu de l’alinéa c) de la définition de « services de santé en établissement ». On peut constater que les salles en question ne sont pas des « case rooms » aux termes de l’alinéa c), puisque, comme l’a fait valoir l’intimée, l’expression « case rooms » est rendue, dans la version française de la Loi, par « salles d’accouchement ».

[11] L’avocat de l’intimée a affirmé que le terme anglais « remuneration » signifiait un salaire ou un traitement et non des honoraires d’entrepreneur indépendant. Adopter cette opinion serait faire fi de toute définition raisonnable de ce terme. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme anglais « remunerate » comme signifiant [traduction] « payer pour des services rendus ». Le Dictionary of Canadian Law (troisième édition) définit le terme anglais « remuneration » comme [traduction] le « paiement de services rendus » et cite l’arrêt Sheridan v. M.N.R. (1985), 57 N.R. 69, aux pages 74 et 75. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale adhère aux définitions données par le Shorter Oxford Dictionary et le Stroud's Judicial Dictionary, lesquelles comprennent les exceptions suivantes [traduction] : « payer pour des services rendus ou un travail accompli » et un paiement « en contrepartie ». Les paiements faits à des entrepreneurs indépendants pour des services rendus sont manifestement une « rémunération ».

[12] L’appelante perdrait ses crédits de taxe sur les intrants (CTI) si l’article 6 s’appliquait, tout comme elle les perdrait si l’article 9 s’appliquait.

[13] [1997] A.C.I. 1319, au paragraphe 19.

[14] [2005] A.C.I. no 302.

[15] Les montants crédités ou remboursés aux acquéreurs sont déduits de la « taxe nette » du fournisseur (du percepteur), ce qui, aux termes de l’article 225, comprend les montants perçus (par erreur ou non) et à verser.

[16] 2000, ch. 30, art. 59. On a apporté une modification correspondante à l’article 263 pour s’assurer qu’un remboursement (au sens de l’article 261) ne serait pas effectué lorsqu’un remboursement aux termes de l’article 232 a été fait. La note technique accompagnant la modification stipulait expressément que l’objet de la modification était d’empêcher les acquéreurs de recevoir à la fois un remboursement aux termes de l’article 232 et un remboursement en application de l’article 261. On laissait entendre que, sans cette modification, le dédoublement était possible. Cependant, aucune disposition n’interdit au fournisseur d’obtenir un remboursement aux termes du paragraphe 232(3) et un remboursement en vertu de l’article 261 lorsque le fournisseur a qualité pour présenter une demande à cet effet en vertu de cette dernière disposition. Qui plus est, aucune disposition n’interdit à l’acquéreur comme au fournisseur d’obtenir un remboursement en application de l’article 261 si les fournisseurs sont en droit de se prévaloir de ce dernier article.

[17] Les fonds perçus sont la propriété de la Couronne. L’article 221 exige des fournisseurs qu’ils perçoivent la taxe imposée aux acquéreurs d’une fourniture taxable, et, aux termes de l’article 222, les taxes perçues sont réputées être détenues en fiducie pour la Couronne. L’article 225 calcule « la taxe nette » comme incluant tous les montants perçus, et l’article 228 exige que, lorsqu’il y a une « taxe nette » positive, celle‑ci soit remise à la Couronne.

[18] Lorsque le fournisseur et l’acquéreur sont étroitement liés, comme c’est le cas en l’espèce, cela ne devrait normalement pas être un facteur. L’appelante aurait pu rembourser la TPS et présenter sans risque sa demande en vertu de l’article 232. Dans la plupart des cas, cependant, le problème pourrait être bien réel.

[19] S’il n’y a pas litige, le remboursement est effectué en application de l’article 225, qui calcule la « taxe nette ». Le remboursement que le fournisseur fait à l’acquéreur donne lieu à un crédit appliqué à la « taxe nette » du fournisseur. Si le fournisseur n’acquiert aucune fourniture taxable, sa responsabilité portera sur une taxe nette négative, calculée en application de l’article 225, de sorte que le crédit donnera en fait lieu à un remboursement au fournisseur. Une position de taxe nette négative est reconnue aux termes de l’article 225 et les remboursements de taxes nettes négatives sont prévus au paragraphe 228(3).

[20] Bien que les montants remboursés en trop par la Couronne soient retenus en vertu de l’article 264, je ne trouve aucune disposition semblable pouvant corriger la situation dans le cas de fournisseurs ayant effectué des remboursements en trop. Ni l’article 224 ni l’article 231 ne semblent d’application suffisamment générale pour garantir au fournisseur un redressement prévu par la loi dans le cas d’un acquéreur qui reçoit un remboursement en trop du fournisseur.

[21] Ne pas permettre aux fournisseurs de recevoir des remboursements en vertu de cet article, pour éviter les doubles remboursements, n’est pas, en soi, un motif pour lequel la présente Cour limiterait l’application dudit article. Les doubles remboursements potentiels peuvent et devraient être traités sur un plan législatif, comme cela a été fait pour l’article 232.

[22] M. Sherman a fait cette observation dans un éditorial relatif à la décision GKO Engineering (A Partnership) v. R., [2000] G.S.T.C. 29. Son opinion est que les fournisseurs n’ont qualité, en vertu de l’article 261, que dans des circonstances très limitées, comme lorsqu’il y a eu versement relativement à une fourniture qui n’a jamais été faite ou, si elle a été faite, qui n’était pas taxable ET, dans un cas comme dans l’autre, aucune taxe n’a en fait été perçue ou le montant versé était supérieur au montant perçu. Telle n’est pas la situation dans le cas qui nous occupe, puisque le montant perçu était le montant versé.

[23] Dans la décision McDonell, le juge en chef Bowman présente un résumé de la jurisprudence sur ce point (y compris de décisions sur lesquelles l’appelante s’est appuyée, comme Battista v. R., [2000] G.S.T.C. 44 (C.C.I.)). Son analyse, qui prend acte des commentaires de M. Sherman, conclut que les fournisseurs, dans des causes semblables à la présente affaire, n’ont pas qualité pour réclamer un remboursement en application de l’article 261.

[24] Il est noté que la demande présentée en vertu de l’article 261 a été faite en avril 2001. L’avis d’appel a été déposé en juillet 2002. L’engagement de la société et la résolution de redistribuer le remboursement aux médecins n’ont été pris qu’en mai et juin 2004. C’est donc dire que, au moment du dépôt de la demande et de l’appel, aucune représentation n’avait été établie. Il serait donc difficile de considérer que la demande a été présentée ou que l’appel a été interjeté au nom d’un mandant secret ou non désigné.

[25] Voir, par exemple, Saulnier v. McCauley (1970), 1 N.S.R. (2d), aux pages 78 et 79 (C.S. 1er instance). Ce tribunal a jugé qu’une partie ne pouvait être ajoutée à titre de demandeur lorsque le demandeur initial n’avait pas de motif d’action. Voir également la note 28 ci‑dessous.

 

[26] En l’espèce, les médecins comprennent à la fois les médecins actionnaires du Centre et les médecins travaillant au Centre en vertu d’arrangements de suppléance. Bien qu’il semble que les suppléants aient un motif contractuel pour affirmer que l’appelante doit les inclure dans l’entente de remboursement de la TPS payée par erreur, rien n’indique, dans la preuve, que l’appelante reçoive le remboursement au nom des suppléants. Si la théorie d’autoriser le remboursement repose sur les acquéreurs ayant permis à l’appelante d’agir en leur nom, alors le montant du remboursement pourrait se limiter à la TPS imposée aux médecins actionnaires et non aux suppléants. L’appelante n’a pas suivi cette approche.

[27] Voir, de façon générale, Alberta (Treasury Branches) v. Ghermezian, [1999] A.J. No. 1023 (B.R.); Canadian Trans-Lux Corp. v. Saco Resources Ltd., [1989] A.J. No. 130 (B.R.) (décision du protonotaire Funduk)), citant, comme précédent, la décision Allen v. E. O’Hearn & Co., (1937), A.C. 213 (C.P.) [Allen]. Dans cette dernière décision (Allen), Lord Atkin a reconnu qu’un mandataire n’avait pas de recours contre un tiers à titre de fiduciaire de son mandant. Voir aussi le jugement Evans v. Hooper (1875), 1 Q.B.D. 45, à la page 48, dans lequel il est statué que les clauses aux termes desquelles quelqu’un agit à titre de mandataire ne donnent pas le droit à un mandataire d’intenter une poursuite au nom du mandataire. Enfin, voir Park Realty Ltd. v. Dimich, [1954] B.C.J. No. 61 (C.S.), décision dans laquelle un agent d’immeuble cherchait à intenter une poursuite en tant que mandataire, pour la vendeuse, de certaines terres. Le mandataire soutenait que, même s’il n’y avait pas de motif d’action à l’encontre de la partie défenderesse, la vendeuse (qui avait qualité pour agir à titre de demanderesse) avait consenti à ce que l’action soit intentée et poursuivie par l’actuel demandeur, son mandataire, et la vendeuse était convaincue que si le demandeur obtenait gain de cause il lui remettrait toutes les sommes en sus du montant réclamé par le mandataire au titre de sa commission. Cette Cour a expressément rejeté cet argument et a conclu que la partie demanderesse n’avait pas de recours légal contre la partie défenderesse et donc qu’elle n’avait pas qualité pour intenter la poursuite.

 

[28] Voir par exemple Colville v. Small (1910), 22 O.L.R., 426 à 429 (C.D. Ont.), Winnett v. Heard (1928), 62 O.L.R. 61 (C.S. Ont.), Croll c. Greenhow (1930), 38 O.W.N. 101 (H.C. Ont.) — décision confirmée par (1930), 39 O.W.N. 105 (C.A. Ont.) —, Saulnier, supra, note 33, W.J. Realty Management Ltd. c. Price (1973), 1 O.R. (2e) 501 (C.A. Ont.), Turgeon v. Border Supply (EMO) Ltd. (1977), 3 C.P.C. 233 (H.C. Ont.) et aussi T.K. Group & Associates v. Wolfe (1998), 21 C.P.C. (4th) 366 (C. de l’Ont., Div. Gén.).

 

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