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Dossier : 2004-537(IT)G

ENTRE :

JEROME DOWNEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu à Kamloops (Colombie-Britannique), le 2 décembre 2005

Devant : L'honorable juge L. M. Little

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Victor Caux

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est accueilli sans frais et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 3e jour de janvier 2006.

« L. M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2007.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2005CCI810

Date : 20060103

Dossier : 2004-537(IT)G

ENTRE :

JEROME DOWNEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little

A.       LES FAITS :

[1]      Savona Equipment Ltd. (la « société » ) est une société constituée sous le régime des lois de la province de la Colombie-Britannique. La société vend du matériel d'exploitation minière neuf et usagé à partir de son bureau et de sa cour qui sont situés à Savona, en Colombie-Britannique.

[2]      Les actions de la société appartiennent aux personnes suivantes :

          L'appelant                       1/3

          Kane Desmond                1/3

          Blair Drozda           1/3

[3]      L'appelant a dit que M. Desmond et lui participaient pleinement à l'exploitation de la société et que M. Drozda était un investisseur passif.

[4]      L'appelant n'est pas lié à M. Desmond ni à M. Drozda.

[5]      Le 31 janvier 2001, l'appelant a transféré à la société un bien comprenant un terrain de 80 acres et plusieurs bâtiments. Le bien est situé dans la vallée de la rivière Deadman, près de Savona. Le bien situé dans la vallée de la rivière Deadman est ci-après appelé le « bien » .

[6]      Le prix utilisé pour le transfert du bien à la société était de 420 000 $.

[7]      Quand le bien a été transféré à la société, l'appelant a reçu un crédit de 420 000 $ dans son compte de prêt consenti à l'actionnaire par la société.

[8]      Avant le transfert du bien à la société, le compte de l'appelant en question avait un solde débiteur.

[9]      Des fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada (l' « ARC » ) ont examiné le transfert du bien à la société et ont conclu que la juste valeur marchande du bien à la date du transfert était de 139 000 $.

[10]     Le 15 mai 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi un avis de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 2001 de l'appelant et un avantage de 270 000 $ a été inclus dans le revenu de l'appelant en application du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Dans la nouvelle cotisation, le ministre a conclu que l'avantage qui avait été conféré à l'appelant par la société devait être déterminé de la manière suivante :

Prix utilisé quand le bien a été transféré par

l'appelant à la société                                                     420 000 $

Déduction de la juste valeur marchande du

bien déterminée par l'ARC                                              150 000 $

Avantage conféré à l'appelant par la société            270 000 $

[11]     Le ministre a également imposé une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.


B.       LES QUESTIONS EN LITIGE :

[12]     Voici les questions en litige :

1.         Quelle était la juste valeur marchande du bien au moment où il a été transféré par l'appelant à la société le 31 janvier 2001?

2.         Si la juste valeur marchande du bien diffère du prix utilisé lorsqu'il a été transféré à la société, l'appelant doit-il inclure la différence de valeur dans le calcul de son revenu?

3          Le ministre a-t-il eu raison d'imposer une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi?

C.        ANALYSE ET DÉCISION :

[13]     Dans un certain nombre de décisions judiciaires, il a été dit que le juge de première instance a le droit de se faire sa propre opinion au sujet de la valeur. (Connor v. The Queen, 79 DTC 5256 (C.A.F.), et R. v. Whent et al., 2000 DTC 6001 (C.A.F.)).

[14]     Je dois donc examiner attentivement la preuve et déterminer la valeur du bien à la date du transfert.

[15]     L'avocat de l'intimée a appelé M. Frank Rafford, un évaluateur de la Section des biens immobiliers de l'ARC, pour témoigner au sujet de la juste valeur marchande du bien au 31 janvier 2001.

a)        Le terrain

[16]     Pour tirer une conclusion à l'égard de la valeur du bien-fonds, M. Rafford a examiné ce qui, selon lui, constituait six biens comparables et a conclu, après avoir fait divers ajustements, que le prix de vente moyen de biens comparables dans le secteur pendant la période considérée était de 888 $ l'acre. Par conséquent, M. Rafford a conclu que, selon la technique de la parité, la valeur estimée du bien-fonds (arrondie) était de 71 000 $.

[17]     Pour l'examen des biens comparables, M. Rafford a choisi trois biens où, selon ses calculs, le prix de vente en novembre 2001 variait de la façon suivante : il était de 264 $ l'acre (vente no 4), de 842 $ l'acre (vente no 5) et de 1 388 $ l'acre (vente no 6). M. Rafford a admis que ces trois ventes faisaient partie d'une parcelle de 600 acres qui avait été vendue à la Réserve indienne Skeetchestn.

[18]     L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'une parcelle de terrain de 600 acres située près du bien avait été vendue à la Bande indienne Skeetchestn pour 850 000 $. Si nous divisons 850 000 $ par 600 acres, nous obtenons un prix de 1 416,66 $ l'acre. Lors du contre-interrogatoire, l'appelant a demandé à M. Rafford pourquoi il n'avait pas inclus les renseignements relatifs à la vente des quatre parcelles de terrain restantes à la bande indienne quand il avait mentionné les trois ventes à la bande indienne qui ont été effectuées (c.-à-d. les ventes nos 4, 5 et 6). M. Rafford n'a pas pu fournir une réponse acceptable à la question posée par l'appelant. Selon moi, M. Rafford aurait dû tenir compte de la vente des quatre parcelles de terrain à la bande indienne pour la détermination des ventes comparables, c.-à-d. qu'en ignorant les autres ventes à la bande indienne, il a entraîné une réduction du prix payé pour un terrain comparable.

[19]     Quand il a mentionné les ventes comparables 2, 3, 4, 5 et 6, M. Rafford a dit dans son rapport que chacun de ces biens était [TRADUCTION] « supérieur topographiquement » au bien en cause. Lors du contre-interrogatoire mené par l'appelant, M. Rafford a admis que, lorsqu'il avait conclu que les biens mentionnés dans les ventes nos 2, 3, 4, 5 et 6 étaient « supérieurs topographiquement » , il pensait au fait que ces biens étaient plats en grande partie, alors qu'une partie du bien en cause était, comme l'a dit M. Rafford, [TRADUCTION] « escarpé, accidenté et en pente » . L'appelant a noté, lors du contre-interrogatoire de M. Rafford, qu'il se peut qu'un acheteur qui souhaite acheter un bien pour des fins autres qu'agricoles préfère avoir un bien escarpé, accidenté ou en pente. Je crois que l'appelant a présenté un argument valable et je ne crois pas que la conclusion tirée par M. Rafford concernant le fait que les ventes nos 2, 3, 4, 5 et 6 étaient « supérieures topographiquement » était nécessairement juste, sauf si l'acheteur achetait le bien pour des fins agricoles seulement.

[20]     Dans son rapport, M. Rafford a dit qu'il s'était servi des ventes nos 3, 4, 5 et 6 pour établir la valeur du bien. Lorsque j'ai examiné les prix obtenus pour les ventes nos 3, 4, 5 et 6, j'ai constaté ce qui suit :

No de vente

Prix d'un acre

3

825 $

4

264 $

5

842 $

6

1 388 $

Dans le cadre d'une telle analyse, je ne crois pas qu'il est équitable d'utiliser une vente comme la vente no 4 où le prix payé pour un acre est extrêmement bas comparativement aux autres ventes « comparables » sans avoir d'explication satisfaisante quant à la raison pour laquelle un prix aussi bas a été payé pour ce bien.

[21]     Pour les raisons susmentionnées, j'ai conclu que la valeur du bien-fonds en cause estimée par M. Rafford n'était pas assez élevée. Selon moi, la valeur du terrain que l'appelant a vendue à la société devrait être de 1 400 $ l'acre pour un total de 112 000 $ (1 400 $ x 80). À noter que le prix de 1 400 $ l'acre est un peu moins élevé que le prix payé pour les biens qui ont été achetés par la Bande indienne Skeetchestn (voir le paragraphe 18 ci-dessus).

b)       L'habitation

[22]     M. Rafford a indiqué dans son rapport que l'habitation avait été bâtie en 1976 (voir la page 17 de son rapport). Cependant, l'appelant a indiqué dans son témoignage que, initialement, la maison (qui comportait une seule chambre à coucher) avait été bâtie par l'ancien propriétaire en 1976. L'appelant a mentionné dans son témoignage qu'il avait acheté le bien en 1980 et que l'habitation avait alors une surface d'environ 700 pieds carrés. L'appelant a dit qu'il avait ajouté 530 pieds carrés à l'habitation.

[23]     M. Rafford a dit que, selon lui, l'habitation avait une juste valeur marchande de 58 786 $.

[24]     Selon moi, la valeur de l'habitation principale estimée par M. Rafford n'était pas assez élevée, étant donné qu'il semble qu'il ignorait la date à laquelle les améliorations avaient été apportées à l'habitation par l'appelant. Je pense que la valeur de l'habitation principale devrait être fixée à 80 000 $.

c)        Le pont en acier

[25]     M. Rafford a dit dans son rapport que, selon lui, le pont en acier avait une valeur de 2 550 $ au 31 janvier 2001. L'appelant a souligné que, s'il n'y avait pas de pont, il n'aurait accès qu'à la moitié (40 acres) de la parcelle de 80 acres, étant donné que la rivière divisait le bien en deux.

[26]     L'appelant a dit que, selon lui, le pont en acier avait une valeur de 50 000 $.

[27]     Lors du contre-interrogatoire, M. Rafford a dit qu'il ne connaissait pas très bien le coût de l'acier ni les coûts liés à la construction d'un pont en acier.

[28]     Je crois que la valeur du pont en acier estimée par M. Rafford n'est pas assez élevée. J'ai conclu que le pont en acier avait une valeur de 35 000 $ en raison du coût de remplacement d'un pont en acier et de l'importance du pont pour le bien en cause.

d)       Le bois

[29]     M. Rafford n'a attribué aucune valeur au bois situé sur le bien. M. Rafford a dit ce qui suit dans son rapport à la page 14 :

          [TRADUCTION]

En raison du contenu de l'évaluation du bois en bordure de la terre et des renseignements obtenus lors d'une discussion avec le courtier en bois local, il a été décidé que la présence de bois marchand sur le bien en cause ne constituerait pas un facteur important pour la détermination de l'utilisation optimale du bien.

[30]     Lors du contre-interrogatoire mené par l'appelant, M. Rafford a admis qu'il avait consulté un courtier en bois et que celui-ci lui avait dit qu'il n'était pas rentable d'enlever le bois du bien avec un hélicoptère. Toutefois, M. Rafford a dit qu'il ne savait pas vraiment quel était le coût au mètre de l'exploitation forestière par hélicoptère.

[31]     L'appelant a dit qu'il avait parlé avec un certain nombre de personnes travaillant dans l'industrie forestière et elles lui avaient dit que le bois situé sur le bien avait une grande valeur.

[32]     Compte tenu du témoignage de l'appelant, je ne crois pas qu'il est raisonnable de n'accorder aucune valeur au bois situé sur le bien. Selon moi, le bois situé sur le bien avait une valeur de 25 000 $ au 31 janvier 2001.

[33]     J'ai conclu que les corrections suivantes devaient être apportées pour la détermination de la juste valeur marchande du bien au 31 janvier 2001 :

Valeur déterminée

par M. Rafford

Valeur révisée

Terre

71 000 $

112 000 $

Habitation

58 786 $

80 000 $

Cabine pour les invités/entreposage

1 725 $

1 725 $

(aucun changement)

Petite cabine pour les invités

977 $

977 $

(aucun changement)

Grange

2 209 $

2 209 $

(aucun changement)

Pont en acier

2 550 $

35 000 $

Station de pompage

500 $

500 $

(aucun changement)

Structure à arc à âme pleine

550 $

500 $

(aucun changement)

Divers

1 000 $

1 000 $

(aucun changement)

Bois

_____0 $

25 000 $

Total

139 247 $

258 911 $

139 000 $

259 000 $

(arrondi)

(arrondi)

[34]     La nouvelle cotisation relative à l'avantage reçu par l'appelant lors du transfert du bien à la société a été établie en application du paragraphe 15(1) de la Loi. Ce paragraphe prévoit que la valeur de l'avantage conféré à un actionnaire par une société doit être incluse dans le revenu de l'actionnaire.

[35]     Pour établir si la nouvelle cotisation a été établie à juste titre, je dois déterminer si un avantage a été conféré par la société et, si c'est le cas, ce que serait la valeur de cet avantage.

[36]     Selon moi, la société a conféré un avantage à l'appelant quand elle a acheté le bien de l'appelant, le 31 janvier 2001, pour 420 000 $. Toutefois, j'ai conclu que la valeur de l'avantage devait être calculée de la façon suivante :

          - Juste valeur marchande du bien

          déterminée par l'appelant                                      420 000 $

          - Détermination par la Cour de la juste valeur

          marchande du bien au 31 janvier 2001                    259 000 $

          - Valeur de l'avantage                                             161 000 $

[37]     Une nouvelle cotisation doit être établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 2001. Le montant de 240 000 $ doit être déduit de son revenu et le montant de 161 000 $ doit être inclus dans son revenu.

[38]     J'ai également conclu que, dans les circonstances, le ministre a eu raison d'imposer une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

[39]     L'appel est accueilli sans frais.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 3e jour de janvier 2006.

« L. M. Little »

Juge Little

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2007.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2005CCI810

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-537(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jerome Downey c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Kamloops (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 2 décembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge L. M. Little

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 janvier 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Victor Caux

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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