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Dossier : 2004-1537(IT)I

ENTRE :

DANIEL BELLEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 8 juin 2005 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Hémond

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

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JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Edmundston, Nouveau-Brunswick, ce 30e jour d'août 2005.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2005CCI424

Date : 20050830

Dossier : 2004-1537(IT)I

ENTRE :

DANIEL BELLEAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Il s'agit d'appels à l'égard de nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1998 et 1999 de l'appelant. En établissant ces nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (ministre) a refusé d'inclure dans le passif de l'appelant un montant de 5 000 $ pour l'année d'imposition 1998 et un montant de 20 000 $ pour l'année d'imposition 1999. Ces deux montants correspondraient à des prêts que l'appelant aurait obtenus dans chacune des années respectives de madame Sabrina Mansour. Il demande donc que ces montants soient soustraits des revenus additionnels qui lui ont été imputés. L'appelant conteste aussi l'application, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), de pénalités pour chacune des années en cause sur les revenus non déclarés de 13 891 $ et de 52 906 $ respectivement.

[2]      L'appelant a donc fait l'objet d'une vérification à l'automne 2001. Le vérificateur a constaté des écarts en essayant de concilier les revenus déclarés et a donc procédé à une vérification des revenus de l'appelant par la méthode de l' « avoir net » . À la suite de cet examen, le vérificateur a ajouté 8 006 $ et 52 329 $ au titre des revenus d'entreprise additionnels pour les années d'imposition respectives en question. Les seuls points en litige sont donc le refus de l'intimée d'inclure dans le passif de l'appelant les deux prêts en question et l'imposition des pénalités.

[3]      Les faits pertinents dans cette affaire remontent à la fin de 1997, au moment où l'appelant se portait acquéreur d'une entreprise de services de massothérapie et de bronzage. Il s'agit en fait de trois entreprises faisant affaire sous des raisons sociales différentes. Les locaux d'une de ces entreprises étaient en phase de rénovation et l'appelant était à la recherche de financement. Ses demandes de prêts ont été rejetées, sauf une par le Royal Trust, qui lui a accordé un prêt de 8 000 $. Au début de 1998, il s'est tourné vers son frère Jacques et son père qui lui auraient chacun prêté la somme de 10 000 $. Son frère Gilles lui aurait également prêté une somme de 5 000 $ plus tard.

[4]      C'est à cette époque que l'appelant a fait la connaissance de madame Sabrina Mansour. Cette dernière est originaire de la Martinique et est venue s'établir au Canada en septembre 1998. Ils ont fait connaissance en février 1997 lorsqu'elle a visité le Canada pendant ses vacances. Elle est revenue une deuxième fois en décembre 1997 et c'est à ce moment que l'appelant lui aurait parlé de son entreprise d'esthétique et de bronzage. Il lui aurait demandé un prêt pour lui permettre d'effectuer des réparations. Avant de retourner dans son pays, elle lui aurait remis 4 000 $.

[5]      Selon madame Mansour, l'appelant lui aurait fait d'autres demandes pour des avances d'argent au motif qu'il y avait d'autres travaux à effectuer. Elle lui aurait remis deux montants en 1998, soit un en septembre et un autre à la fin de décembre, totalisant 7 000 $. Cet argent fut remis en liquide et aucune reconnaissance de dette ne fut signée par l'appelant.

[6]      L'appelant et madame Mansour se sont fréquentés jusqu'à la fin de 1999 avant de cohabiter. Il en a été ainsi jusqu'en juillet 2003 lorsque leur relation a pris fin.

[7]      En 1999, le frère de madame Mansour lui a rendu visite et lui a remis la somme de 9 000 $ en argent liquide pour son anniversaire. Elle a remis cet argent à l'appelant. Plus tard, soit en août 1999, elle est allée en visite chez ses parents et a reçu une autre somme d'argent d'environ 9 000 $ qu'elle a ramené au Canada, toujours en argent liquide. Madame Mansour a déclaré avoir remis cette somme à l'appelant à son retour au Canada. Il se plaignait d'avoir besoin d'argent pour payer des rénovations. En 2000, madame Mansour lui aurait remis une somme d'environ 15 000 $. Pour toutes ces avances additionnelles, aucune reconnaissance de dette ne fut signée par l'appelant à son égard.

[8]      Voulant récupérer son argent, madame Mansour a pris une part active dans l'entreprise de l'appelant à partir de novembre 2000. Elle s'est occupée de développer des stratégies de commercialisation et a vraiment pris en main les activités. Parce que sa mère insistait, madame Mansour a signé une convention avec l'appelant en 2001. C'était une convention de société et de cession d'un intérêt financier, de même qu'une contrelettre en date du 24 septembre 2001.

[9]      Selon madame Mansour, sa mère était insatisfaite de la première convention. Une deuxième convention a donc été signée dans laquelle l'appelant reconnaissait devoir la somme de 25 000 $ à madame Mansour.

[10]     Cette deuxième convention a été déposée en preuve. Elle stipule qu'elle a préséance sur toute convention antérieure ou postérieure. Cette convention est en date du 10 janvier 2002 et prévoit essentiellement que madame Mansour aura droit à 20% des bénéfices nets après impôt du Centre de santé et beauté Venicia et qu'elle participera sur une base de 50% aux profits et aux pertes de tout nouveau centre de beauté et de santé dans la province de Québec et qu'elle et l'appelant en seront propriétaires à parts égales. L'entente stipule également que, le ou vers le 31 décembre 2003, l'appelant versera à madame Mansour la somme de 25 000 $ pour sa participation au développement du Centre de Santé et Beauté Venicia. De plus, il y est convenu que madame Mansour devra consacrer environ 40 heures de travail par semaine au centre de beauté. Chose étrange, la dernière clause stipule que la première convention demeure valide sauf là où il y a conflit entre les deux conventions.

[11]     La vérification dans ce dossier a commencé à la fin d'octobre 2001. Mme Brigitte Mailloux a représenté l'appelant auprès du ministre jusqu'en juin 2002 et fut remplacée par madame Mansour. Lors d'une rencontre avec le vérificateur le 18 juin 2002, cette dernière lui a fait part de la dette de l'appelant à son égard et du fait qu'elle n'avait aucune preuve de cette dette si ce n'est ce qui est indiqué dans sa copie de la deuxième convention. Elle a présenté au vérificateur un document en date du 29 août 2002 répartissant le montant de 25 000 $ octroyé à l'appelant comme suit :

1997

10 000 $

1998

15 000 $

1999

20 000 $

2000

25 000 $

[12]     Le document précise que cette répartition est approximative et qu'elle remonte à plus de cinq ans. Lors de son témoignage, madame Mansour a expliqué qu'il indique un prêt de 10 000 $ en 1997 et de 5 000 $ pour chacune des années suivantes, pour un total de 25 000 $. Quant au 25 000 $ stipulé dans la deuxième convention, elle déclare que la convention fut préparée par un ami de l'appelant et signée dans un restaurant à l'aube de son départ dans son pays. Pour elle, il était évident qu'il s'agissait de la somme de 25 000 $ que l'appelant lui devait, mais, pour régler ses différends avec l'appelant, elle a signé la convention même si, selon elle, l'appelant lui en devait plus. Elle a aussi réitéré dans son témoignage le fait que les montants indiqués dans le document remis au vérificateur sont des montants approximatifs et que, les montants qu'elle a prêtés à l'appelant s'élèvent en fait à 4 000 $ en 1997, à 7 000 $ en 1998, à 18 000 $ en 1999 et à environ 15 000 $ en 2000. Elle a expliqué qu'il lui était possible d'être plus précise lors de son témoignage parce qu'elle a obtenu l'aide de sa famille pour déterminer les montants prêtés. Elle a ajouté qu'elle a donné plus d'argent à l'appelant qu'elle ne lui en réclame.

[13]     Depuis qu'ils ont cessé de cohabiter en juillet 2003, madame Mansour et l'appelant ont tenté de régler leurs différends, mais en vain. Madame Mansour, par l'entremise de ses avocats, a déposé à la Cour du Québec, le 8 mars 2005, une requête introductive d'instance en réclamation de sommes d'argent et de dommages et intérêts contre l'appelant. Même s'il ne s'agit que d'allégations, il est quand même intéressant de constater de quelle façon ses avocats ont circonscrit le débat. Je reproduis donc les paragraphes 1 à 18 :

1.          De 1999 à 2003, la demanderesse et le défendeur ont fait vie commune ;

2.          Pendant cette même période, ils ont exploité conjointement une entreprise de soins de santé sous la dénomination sociale « Centre de santé et beauté Vénicia » , la demanderesse y ayant d'ailleurs travaillé à temps plein de novembre 2000 jusqu'à la rupture du couple en décembre 2003 ;

3.          Au cours de l'année 2000, la demanderesse a prêté au défendeur, pour et à l'acquit du Centre Vénicia, la somme de 25 000,00 $ ;

4.          Le 24 septembre 2001, les parties intervenaient à une convention de société et à une convention de cession d'un intérêt financier en vertu desquelles la demanderesse se voyait céder une partie des parts du Centre Vénicia, tel qu'il appert d'une copie des dites conventions produites en liasse sous la cote P-1 ;

5.          Cependant, les parties signaient le même jour une contre-lettre annulant les effets des conventions P-1, tel qu'il appert d'une copie de ladite contre-lettre produite sous la cote P-2 ;

6.          Insatisfaite des conventions précitées (P-1 et P-2), la demanderesse tentait, durant l'automne 2001, de négocier une entente satisfaisante et reflétant d'une part les sommes prêtées au Centre Vénicia, et d'autre part, son apport en temps dans l'entreprise ;

7.          Le 10 janvier 2002, après plusieurs discussions et séances de négociation, les parties signaient une convention régissant leurs relations d'affaires, tel qu'il appert d'une copie de ladite convention produite sous la cote P-3 ;

8.          Suivant les termes de cette convention P-3, la demanderesse devait recevoir, à compter du 1er janvier 2002, 20% des bénéfices nets après impôts du Centre Vénicia ;

9.          Au surplus, selon cette même convention P-3, le défendeur devait verser à la demanderesse, la somme de 25 000,00 $ et ce, le ou vers le 31 décembre 2003 ;

10.        En décembre 2003, lors de la rupture intervenue entre les parties, ces dernières ont convenu que le défendeur verserait à la demanderesse la somme de 50 000 $ à titre de règlement final des sommes dues, tant en vertu de la convention P-3 que du prêt effectué par la demanderesse ;

11.        Or, à ce jour, malgré les demandes répétées de la demanderesse ainsi que les nombreuses négociations ayant eu cours entre les parties, cette somme de 50 000,00 $ n'a toujours pas été versée à la demanderesse ;

12.        En effet, le 25 février 2004, la demanderesse transmettait au défendeur une mise en demeure lui intimant de verser la somme de 50 000,00 $ avant le 31 mars 2004, le tout tel qu'il appert d'une copie de la mise en demeure produite sous la cote P-4 ;

13.        Suite à la lettre P-4, les parties ont entamé des discussions visant à régler définitivement leurs relations conjugales et d'affaires passées ;

14.        Après discussions, les parties s'entendaient afin que la demanderesse reçoive du défendeur la somme de 50 000,00 $, tel qu'il appert de trois projets de conventions dont copies sont produites en liasse au soutien des présentes sous la cote P-5 ;

15.        De août à novembre 2004, des négociations et discussions ont continué à avoir lieu entre les parties, via leurs procureurs respectifs ;

16.        Le 24 novembre 2004, le défendeur, via son procureur, admettait d'ailleurs avoir reçu de la demanderesse un prêt de 25 000,00 $ et reconnaissait s'être engagé dans le passé à payer une somme supplémentaire de 25 000,00 $ à la demanderesse, pour un total de 50 000,00 $, le tout tel qu'il appert d'une lettre du 24 novembre 2004 produite au soutien des présentes sous la cote P-6 ;

17.        Dans cette même lettre, le défendeur prétend avoir versé la somme de 25 000,00 $ à la demanderesse, ce qui est nié, mais admet qu'un solde de 25 000,00 $ est dû à la demanderesse ;

18.        Or, malgré cette admission du défendeur, cette somme de 25 000,00 $ due à la demanderesse ne lui a toujours pas été remboursée ;

[14]     De son côté, l'appelant a déposé une défense et une demande reconventionnelle. Dans sa défense, il nie la plupart des allégations mais admet le paragraphe 9 et reconnaît que le paiement d'une somme de 50 000 $ que madame Mansour allègue au paragraphe 10 de la requête devait régler l'ensemble de leurs relations d'affaires, notamment le prêt allégué de 25 000 $ mentionné au paragraphe 3 de la requête qui aurait été accordé en 2000.

[15]     Madame Mansour a toutefois précisé lors de son témoignage qu'elle devra demander à ses avocats de modifier sa requête afin de corriger les trois premiers paragraphes, ajoutant qu'elle leur a fait parvenir un courriel à cet effet. Elle déclare ne pas avoir exploité l'entreprise conjointement avec l'appelant contrairement à ce qui est allégué au paragraphe 2, qu'elle a prêté 15 000 $ en 2000 et non 25 000 $, malgré ce qui est indiqué au paragraphe 3 et qu'elle a fait vie commune avec l'appelant qu'à partir de la fin de 1999 et non pas de 1999 à 2003, malgré ce qui est rédigé au paragraphe 1. Elle a finalement expliqué que, de l'avis de ses avocats, sa créance à l'égard de l'appelant pour les sommes prêtées avant l'année 2000 était prescrite.

[16]     L'appelant reconnaît avoir reçu des sommes d'argent totalisant 25 000 $ de madame Mansour en 1998 et en 1999. Cet argent a servi à payer les rénovations, les améliorations locatives, l'installation de bains thérapeutiques, l'aménagement de la réception et la construction du deuxième étage. Ces travaux se sont échelonnés sur trois ans et se sont terminés en 2000 avec l'installation de la climatisation.

[17]     Les déclarations de revenus de l'appelant pour 1998 et 1999 ont été déposées en preuve. On n'y retrouve aucune référence à l'effet que l'appelant devait de l'argent à madame Mansour. La déclaration de 1999 fournit une liste complète de ses créanciers et de ses dettes, dont le total atteint plus ou moins 75 000 $, mais ne comporte aucune mention de dettes envers madame Mansour. L'appelant a affirmé que ses déclarations de revenus sont conformes à la Loi et que s'il n'a pas mentionné la créance de madame Mansour, c'est parce que cette dame est française et qu'elle n'a pas la citoyenneté canadienne.

[18]     Le 7 novembre 2001, l'appelant a rencontré M. Stéphane Perreault, le vérificateur de l'intimée. Selon l'appelant, ils auraient discuté de ses emprunts et du fait que sa petite amie (madame Mansour) lui aurait prêté de l'argent. Le vérificateur nie cela. Ils n'auraient toutefois pas discuté du montant du prêt, au motif que le vérificateur ne lui a pas posé des questions à ce sujet. Dans une lettre que l'appelant adressait au même vérificateur le 7 avril 2002 et dans laquelle l'appelant décrivait ses dettes, il n'y a aucune mention de cette dette envers madame Mansour. L'appelant affirme ne pas l'avoir mentionné parce qu'il savait que le vérificateur n'accepterait pas cette dépense, d'autant plus que son comptable et son frère lui ont fait le commentaire qu' « ils vont entrer là-dedans » , en faisant référence aux autorités, parce que madame Mansour n'est pas canadienne.

[19]     L'appelant témoigne à l'effet qu'il a donné à madame Mansour 20% des bénéfices nets après impôt de l'entreprise en 2003 et 2004 et que cela est indiqué dans ses déclarations de revenus pour ces années. Il réitère qu'il doit 50 000 $ à madame Mansour. Au sujet de la deuxième convention, il dit que le document n'est pas clair mais qu'il l'a signé tel que rédigé pour se protéger d'une certaine façon, sans le préciser, car il avait peur de madame Mansour. Il a essayé de régler à l'amiable avec madame Mansour mais le tout s'est dégénéré en poursuite devant les tribunaux.

[20]     De son côté, le vérificateur a témoigné avoir rencontré l'appelant à trois reprises, soit le 7 novembre, le 14 novembre 2001 et le 10 avril 2002. À la première rencontre, ils ont discuté des dettes de l'appelant et il n'a aucunement été fait mention à cette rencontre d'une dette envers madame Mansour. À la deuxième rencontre, ils n'ont pas discuté des dettes, mais, à la troisième, l'appelant a produit sa lettre du 7 avril 2002 contenant une description de ses dettes. Cependant, il n'y était pas fait mention de la créance de madame Mansour. En fait, ce n'est que lorsqu'il a rencontré madame Mansour le 18 juin 2002 qu'elle lui a parlé de la dette de l'appelant à son égard. Le 30 août 2002, elle lui faisait parvenir un document décrivant la répartition de la dette de 25 000 $, échelonnée sur quatre ans, que l'on retrouve au paragraphe 11. Le vérificateur a refusé d'inclure cette dette dans le passif de l'appelant au motif qu'il n'y avait aucune pièce justificative. Madame Mansour lui a affirmé que cet argent provenait de ses parents.

[21]     La vérification a été entreprise parce que le coût de la vie de l'appelant était incompatible avec ses revenus déclarés, étant donné que sa déclaration de revenus révélait des pertes d'entreprise depuis 1997. Après avoir établi son coût de la vie et pris en considération certaines déclarations de l'appelant, le vérificateur a établi le revenu de ce dernier en conséquence. La vérification lui a permis de constater que certaines factures n'avaient pas été comptabilisées et qu'un revenu de 300 $ par mois provenant d'un salon de coiffure exploité à l'intérieur de son entrprise n'avait pas été déclaré. L'appelant était responsable du tiroir-caisse. Le vérificateur a donc ajouté 13 891 $ et 52 906 $ respectivement aux revenus déclarés de l'appelant pour chacune des années en question.

[22]     L'appelant demande donc que soient soustraits de ces revenus additionnels qui lui sont crédités, une dette de 5 000 $ en 1998 et une dette de 20 000 $ en 1999 à l'égard de madame Mansour et que la pénalité pour chacune des années en question soit annulée.

[23]     L'appelant allègue que son centre de santé avait besoin de rénovations et que, vu ses difficultés à obtenir du crédit, il lui fallait de l'argent pour payer tous ces travaux de rénovation. Il a expliqué avoir reçu de l'argent des membres de sa famille et avoir reçu, en 1998 et en 1999, une somme de 25 000 $ de madame Mansour. La preuve a révélé qu'il y a eu effectivement des dépenses encourues pour rénover le centre de santé, mais l'appelant n'a pas révélé combien il en a coûté chaque année pour effectuer les travaux, ni combien ces travaux ont coûté au total. L'appelant soumet que les sommes fournies par madame Mansour ont servi à payer ces coûts.

[24]     Pourtant, l'appelant ne fait aucune mention dans ses déclarations de revenus de 1998 et de 1999 de dettes qu'il aurait eues envers madame Mansour. Cela est particulièrement frappant dans sa déclaration de 1999, où ses autres créanciers sont tous énumérés. L'appelant a eu deux rencontres avec le vérificateur au cours desquelles il a été question de ses dettes et, pourtant, il n'a jamais mentionné l'existence de cette dette envers madame Mansour. De plus, dans une lettre du 7 avril 2002 au vérificateur, l'appelant a résumé ses obligations financières et n'a pas mentionné celle envers madame Mansour. Même si l'appelant prétend avoir discuté, lors de sa première rencontre avec le vérificateur d'un prêt obtenu auprès de sa petite amie, il est difficile de concilier cette affirmation avec la déclaration de l'appelant selon laquelle il n'a pas discuté de ce prêt, parce que madame Mansour était française, n'était pas citoyenne canadienne, et que son comptable et son frère lui ont suggéré de ne pas en parler parce que les autorités « allaient entrer là-dedans » . Il est donc évident qu'on cherchait à cacher quelque chose. Alors, pourquoi aurait-il mentionné le prêt vérificateur? Si la consigne était de ne pas en parler, la version du vérificateur voulant que la dette envers madame Mansour n'ait pas été mentionnée lors de cette première réunion est, à mon avis, la plus plausible.

[25]     Il est également très difficile de concilier le témoignage de l'appelant avec celui de madame Mansour. L'appelant prétend avoir emprunté 5 000 $ en 1998 et 20 000 $ en 1999. De son côté, madame Mansour affirme avoir prêté à l'appelant 7 000 $ en 1998 et 18 000 $ en 1999. Pour compliquer les choses, madame Mansour a déclaré par écrit au vérificateur en août 2002 qu'elle avait prêté à l'appelant 5 000 $ en 1998 et un autre 5 000 $ en 1999. Le document fait référence à montant de 25 000 $ et on y utilise le terme « octroyer » à l'appelant. Il fait référence à un montant de 10 000 $ en 1997 et de 5 000 $ en 2000. Madame Mansour a expliqué qu'il s'agissait d'une répartition approximative. En bref, voici les différences entre le témoignage de madame Mansour et le document : dans son témoignage, madame Mansour a fait état d'un prêt de 4 000 $ en 1997 alors que, dans le document, il était question de 10 000 $; pour 1998, son témoignage fait état de 7 000 $ alors que le document mentionne 5 000 $; pour 1999, son témoignage fait état de 18 000 $ et le document de 5 000 $; finalement, pour 2000, elle a fait état dans son témoignage d'un prêt d'environ 15 000 $ alors que, dans le document, il était question de 5 000 $. À mon humble avis, les différences entre le document et le témoignage sont importantes. Madame Mansour a eu du 18 juin au 29 août 2002 pour préparer ce document, une période qui est d'ailleurs beaucoup plus près des évènements que son témoignage en Cour. En fait, madame Mansour s'est davantage fiée sur la mémoire de ses parents que la sienne pour établir les montants et préparer son témoignage devant la présente Cour.

[26]     En plus de toutes ces contradictions, il y a la convention du 10 janvier 2002 conclu par l'appelant et madame Mansour qui, selon madame Mansour, a été reprise dans le but d'obtenir de l'appelant une reconnaissance de dette. Or, la convention en question ne mentionne aucunement l'existence d'une dette quelconque mais fait état d'un engagement par l'appelant de payer à madame Mansour la somme de 25 000 $ pour sa participation au développement du centre de santé. À mon avis, il s'agit d'un partenariat où l'apport de chacun a été redéfini tout comme le partage éventuel des bénéfices et la contribution en heures de travail de madame Mansour. L'appelant dit qu'il a signé ce document par peur de madame Mansour pour on ne sait quelle raison. Madame Mansour se serait contentée de 25 000 $ afin d'obtenir un règlement bien que le montant de sa créance était supérieur.

[27]     Finalement, il y a la requête de madame Mansour. Dans cette requête, elle réclame le 25 000 $ visé par la convention du 10 janvier 2002 et allègue avoir fait un prêt de 25 000 $ à l'appelant au cours de l'année 2000. Cependant, selon son témoignage, le prêt de l'an 2000 était d'environ 15 000 $. Selon la lettre au vérificateur, le prêt de l'an 2000 était de 5 000 $ et voilà maintenant une poursuite devant les tribunaux pour un prêt de 25 000 $ fait en l'an 2000! Madame Mansoor a déclaré qu'il faudra modifier la réclamation pour corriger cette erreur et soutient ne pas pouvoir réclamer les prêts consentis au cours des années antérieures parce qu'ils sont prescrits. Madame Mansour semble avoir une réponse à toutes les questions, sauf qu'elle me semblait beaucoup trop intelligente pour se trouver devant autant de contradictions.

[28]     De son côté, l'appelant a témoigné devoir 56 000 $ à madame Mansoor sauf que, dans sa défense, il a reconnu lui devoir 50 000 $, soit le 25 000 $ visé par la convention et le prêt de 25 000 $ fait en 2002. Il a accepté, tel qu'allégué dans la requête, qu'il y a eu des remboursements partiels de cette dette, s'élevant à 8 771,54 $, ce qui laisse un solde de 44 228,46 $.

[29]     Il ne fait aucun doute que l'appelant et madame Mansour ont, par leurs agissements, leurs contradictions et leur déformation de la vérité, réussi à mettre en péril leur crédibilité à un point tel qu'il m'est maintenant impossible d'accorder créance à leurs propos. Est-ce que madame Mansour a bel et bien fait des prêts à l'appelant en 1998 et 1999, ou s'agit-il de sa contribution ou de sa participation au centre de santé dans l'éventualité d'un partenariat possible avec l'appelant ou d'une occasion de s'établir professionnellement en sa qualité d'esthéticienne, ou les parties avaient-elles d'autres motifs? Peu importe la raison, il est à mon avis impossible, selon la preuve entendue, d'établir le montant réel d'argent que madame Mansour a octroyé, prêté ou investi dans le centre de santé en 1998 et 1999. L'appelant n'a donc pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existait en 1998 et 1999 un passif que le vérificateur aurait dû prendre en considération dans son calcul de l'avoir net de l'appelant pour les deux années en question.

[30]     L'intimée a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il lui incombe donc de démontrer que l'appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenu pour les deux années en question. Sur la question de la faute lourde, le juge Strayer, dans l'arrêt Venne c. Canada, 84 DTC 6247, [1984] A.C.F. no 314 (Q.L.), disait :

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [...]

[31]     L'ancien juge en chef Couture de la présente Cour affirmait, dans l'affaire Morin c. M.R.N., 88 DTC 1592, aux pages 1593 et 1594 :

Pour échapper aux pénalités prévues aux dispositions du paragraphe 163(2) de la Loi il est nécessaire, à mon avis, que l'attitude et le comportement général du contribuable soient tels qu'aucun doute quant à sa bonne foi et sa crédibilité ne puissent être sérieusement entretenus et cela pendant toute la période couverte par la cotisation ...

[32]     Il ne fait aucun doute en l'espèce que la tenue de livres de l'appelant était négligeable. Ses états de revenus étaient faits selon les opérations par carte de débit et de crédit qu'il remettait à son frère comptable pour les préparer. La preuve a aussi révélé que l'appelant a omis de déclarer des revenus de location de 300 $ par mois. Même si une cotisation établie par la méthode de l'avoir net comporte beaucoup d'imprécisions et d'incertitudes, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, elle révèle un écart substantiel, soit de 13 891 $ en 1998 et de 52 906 $ en 1999. Les déclarations de revenus de 1998 et de 1999 démontrent que l'appelant n'avait pas suffisamment de revenus pour vivre et il a été incapable d'expliquer cet état de chose. Cet écart démontre clairement que l'appelant n'a pas déclaré tous ses revenus.

[33]     L'appelant, par l'entremise de son avocat, soutient que son inexpérience en affaires est la cause de cet écart et de son omission de déclarer tous ses revenus. En outre, il laissait la comptabilité à son frère. Il s'agit, à mon avis, d'une explication plausible du fait que l'appelant n'a pas déclaré tous ses revenus, sauf que cette responsabilité lui appartient et il ne peut s'en soustraire sous de tels prétextes. À mon avis, l'appelant se souciait peu d'assurer une tenue de livre adéquate et de remplir correctement ses déclarations de revenus pour les années en question, de sorte que je conclus qu'il était indifférent au respect de la Loi ou qu'il a sciemment fait une omission dans ses déclarations de revenus. La preuve avancée me permet de conclure qu'il y avait chez l'appelant une attitude qui traduit cette indifférence relativement à ses obligations fiscales.

[34]     En l'espèce, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'intimée était justifiée d'imposer des pénalités pour les années en question. Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'août 2005.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2005CCI424

No DE DOSSIER DE LA COUR :

2004-1537(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Daniel Belleau et La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 8 juin 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'hon. juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 30 août 2005

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Hémond

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Pierre Hémond

Étude :

Brochet Dussault Lemieux Larochelle

Sainte-Foy (Québec)

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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