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Dossier : 2003-2309(IT)I

ENTRE :

MICHELLE PILON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 4 novembre 2003 à Ottawa (Ontario)

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Jean-Michel Cyr

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2003.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice


Référence : 2003CCI846

Date : 20031125

Dossier : 2003-2309(IT)I

ENTRE :

MICHELLE PILON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      Le présent appel déposé selon la procédure informelle a été interjeté à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national ( « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ) pour l'année d'imposition 2000 de l'appelante. Le ministre a inclus dans le revenu de cette dernière pour l'année en question les paiements des arriérés au titre de la pension alimentaire pour enfants s'élevant à 23 200 $ qu'elle avait reçus en 2000 de son ancien conjoint. L'appelante conteste ce traitement fiscal au motif que les paiements de pension alimentaire pour enfants versés après 1997 ne devraient pas être inclus dans son revenu en vertu des nouvelles règles adoptées en vertu de la Loi.

[2]      Les faits sont simples. L'appelante et son ancien conjoint sont divorcés et vivent séparés depuis 1980. Le 30 mai 1986, la Cour suprême de l'Ontario, sur consentement des parties, a rendu une ordonnance ( « ordonnance de 1986 » ), déposée au présent dossier comme un élément de la pièce A-1, accordant à l'appelante la garde de ses deux enfants nés respectivement le 7 mars 1971 et le 6 août 1973 et exigeant de l'ancien conjoint qu'il paie à l'appelante une pension alimentaire pour enfants s'élevant à 300 $ par mois pour chacun (totalisant 600 $ par mois). Ledit montant était payable le premier jour de chaque mois jusqu'à la survenance de un ou de plusieurs des événements suivants :

          [traduction]

2(B)     [...]

i/          l'enfant atteint seize (16) ans et cesse ses études à temps plein que ce soit à l'école, au collège ou à l'université (sauf les vacances scolaires ou les vacances d'hiver);

ii/          l'enfant cesse de résider avec [...] [l'appelante], sauf pour ses études à l'école, au collège ou à l'université;

iii/         l'enfant atteint vingt et un (21) ans;

iv/         l'enfant se marie;

v/         l'enfant décède.

[3]      L'ordonnance de 1986 déclarait également :

          [traduction]

2(D)     Les paiements de pension alimentaire pour enfants seront rajustés tous les ans en fonction du pourcentage d'augmentation de l'Indice des prix à la consommation pour la Ville d'Ottawa.

[4]      L'ancien conjoint avait de constants arriérés de paiements de pension alimentaire pour enfants pour la période allant de 1987 à 1994.

[5]      Le 3 novembre 1999, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rendu l'ordonnance suivante ( « ordonnance de 1999 » ) qui fait également partie de la pièce A-1 :

          [traduction]

1.          LA COUR ORDONNE que la demande présentée par le père en vue d'obtenir une déclaration de fin de l'obligation de versement d'une pension alimentaire pour enfants le 1er juillet 1987 telle qu'elle a été prévue dans l'ordonnance du juge Mercier en date du 30 mai 1986 soit rejetée.

2.         LA COUR ORDONNE EN OUTRE que le père (ou sa succession advenant son décès) paie à la mère les arriérés au titre de la pension alimentaire pour enfants, y compris les augmentations de l'Indice des prix à la consommation, s'élevant à VINGT-TROIS MILLE DEUX CENTS (23 200 $) DOLLARS.

3.          LA COUR ORDONNE EN OUTRE que seuls des intérêts postérieurs au jugement sur les arriérés de VINGT-TROIS MILLE DEUX CENTS (23 200 $) DOLLARS soient payés.

4.          LA COUR ORDONNE EN OUTRE que tous les fonds, plus les intérêts accumulés, détenus dans le compte en fiducie de [...], Avocats, soient payés immédiatement au profit de la mère pour exécuter partiellement la présente ordonnance.

5.          LA COUR ORDONNE EN OUTRE que de brèves (c.-à-d. au plus deux pages par partie) observations écrites portant sur les dépens puissent être déposées par chacune des parties avant le 26 novembre 1999.

6.          LA COUR STATUE qu'à moins que l'ordonnance alimentaire ne soit retirée du bureau du directeur du Bureau des obligations familiales, elle soit exécutée par le directeur et les montants dus en vertu de ladite ordonnance soient payés au directeur qui les remettra à la personne à qui ils sont dus.

7.          LA PRÉSENTE ORDONNANCE PORTE INTÉRÊT au taux de 6 p. 100 pour cent par an à partir du 3 novembre 1999.

[6]      L'appelante reconnaît que la somme de 23 200 $ représente les arriérés dus par son ancien conjoint conformément à l'ordonnance de 1986. D'ailleurs, elle a déposé, comme élément de la pièce A-1, une déclaration de pension alimentaire pour enfants due et payée par le père entre juillet 1987 et juillet 1994 inclus. Le cadet des enfants ayant atteint 21 ans en août 1994, à partir de cette date, conformément à l'ordonnance de 1986, l'obligation de l'ancien conjoint de payer une pension alimentaire pour enfants s'est éteinte. L'appelante a témoigné que le total dû pour la période susmentionnée s'élevait à 16 992 $, montant qui a dû être rajusté en fonction du pourcentage d'augmentation de l'Indice des prix à la consommation ( « IPC » ) comme l'ordonnance de 1986 le prévoyait. Elle reconnaît que la somme de 23 200 $ reflète le total de 16 992 $ plus le rajustement en fonction de l'IPC. Elle soutient cependant que le paiement a été effectué par son ancien conjoint non pas conformément à l'ordonnance de 1986 mais à celle de 1999 et que, par conséquent, il devient une pension alimentaire pour enfants payée après 1997 qui, à son avis, n'est plus imposable en vertu de la Loi.

[7]      Les dispositions de la Loi qui sont applicables en ce qui concerne le traitement fiscal des paiements de pension alimentaire pour enfants sont les suivantes :

           

56(1)      Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

           

[...]

b)          le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

                   56.1.[...]

          (4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

« date d'exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[8]       Les paiements d'arriérés versés conformément aux modalités d'une ordonnance prévoyant que les montants sont payables périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants du bénéficiaire doivent être considérés comme le paiement d'un montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique lorsque, naturellement, le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion (ce dernier point n'est pas en litige en l'espèce). Les paiements ne changent pas de nature seulement parce qu'ils ne sont pas faits à temps (consulter La Reine c. Sills, [1985] 2 C.F. 200 (85 DTC 5096) (C.A.F.).

[9]       En l'espèce, la preuve indiquait que la somme de 23 200 $ reçue par l'appelante en 2000 représente le montant dû par son ancien conjoint conformément à l'ordonnance de 1986. Ledit paiement se trouvait dans les limites de la définition de « pension alimentaire » telle que la prévoit le paragraphe 56.1(4) de la Loi.

[10]      Parce que cette pension alimentaire est une pension alimentaire pour enfants, je dois déterminer si l'ordonnance de 1999 a créé une date d'exécution à l'égard de l'ordonnance de 1986, dans les limites de la définition de la « date d'exécution » prévue au paragraphe 56.1(4) de la Loi de sorte que le paiement ne serait pas imposable entre les mains de l'appelante.

[11]      Malheureusement, telle n'est pas ma conclusion. L'ordonnance de 1999 n'a pas changé le total de la pension alimentaire pour enfants payable par l'ancien conjoint conformément à l'ordonnance de 1986. Au contraire, l'ordonnance de 1999 a confirmé l'obligation de versement de la pension alimentaire pour enfants incombant au père en vertu de l'ordonnance de 1986 et lui a ordonné de payer à l'appelante les arriérés au titre de la pension alimentaire pour enfants qui s'élevaient à 23 200 $ incluant les augmentations de l'IPC. Le fait que l'ordonnance de 1999 porte intérêt à partir de la date de sa signature ne change pas le montant de pension alimentaire pour enfants payable par le père conformément à l'ordonnance de 1986.

[12]      Aucune ordonnance n'a été rendue après avril 1997 concernant le montant de la pension alimentaire pour enfants. D'ailleurs, en 1999, les enfants étaient adultes et n'étaient plus sous la garde de l'appelante. Par conséquent, il n'aurait pu y avoir d'ordonnance portant sur le montant de la pension alimentaire pour enfants. Le seul objet de l'ordonnance de 1999 était de forcer le père à s'acquitter de son obligation de paiement de la pension alimentaire pour enfants au profit de l'appelante conformément à l'ordonnance de 1986. L'ordonnance de 1999 n'avait pas pour effet de créer une date d'exécution pour l'ordonnance de 1986.

[13]      Par conséquent, les arriérés de paiement de pension alimentaire pour enfants n'étaient pas recevables par l'appelante en vertu d'une ordonnance rendue à la date d'exécution ou postérieurement à l'égard d'une période qui a commencé à la date d'exécution ou postérieurement au sens de la Loi. La somme de 23 200 $ est un montant alimentaire reçu en 2000 et imposable entre les mains de l'appelante pour cette année-là conformément à l'alinéa 56(1)b) de la Loi.

[14]      L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2003.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mars 2004.

Sylvie Sabourin, traductrice

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