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Dossier : 98-526(IT)G

ENTRE :

GAVIN PITCHFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 9, 10 et 11 avril 2003, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge M.A. Mogan

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Marilyn Vardy

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont avis est daté du 16 août 1989 et porte le numéro 1249, est rejeté, avec frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de février 2004.

Ginette Côté, trad. a.


Référence : 2003CCI296

Date : 20030506

Dossier : 98-526(IT)G

ENTRE :

GAVIN PITCHFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      L'appelant a fait l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu à titre d'administrateur de Technology Equity Corporation ( « TEC » ) relativement à l'omission alléguée de TEC de remettre les montants retenus à la source sur le traitement ou le salaire de certains employés. L'avis de cotisation visé par l'appel est daté du 16 août 1989 (pièce R-2, onglet 1) et résulte de l'omission de remettre les retenues relatives à trois périodes, soit (i) de janvier à avril 1987; (ii) d'octobre à décembre 1987; et (iii) pour la totalité de l'année 1988. Le montant total de la cotisation s'établit à 83 622,31 $ et se répartit comme suit : 30 867,54 $ au titre de l'impôt fédéral, 11 703,31 $ au titre de l'impôt provincial, 8 563,34 $ au titre des cotisations au Régime de pensions du Canada ( « RPC » ), 13 258,38$ au titre des cotisations d'assurance-chômage ( « A.-C. » ), plus les pénalités et les intérêts.

[2]      Le principal argument invoqué par l'appelant pour contester la cotisation est que TEC n'avait aucun employé et que, s'il y avait des retenues à la source non remises, il s'agissait de retenues sur le salaire de personnes employées par une autre société. L'appelant prétend aussi qu'il satisfait au critère de diligence raisonnable énoncé au paragraphe 227.1(3) de la Loi.

[3]      L'appelant a terminé ses études secondaires à Toronto à la fin des années 1970 puis il a étudié à l'Université Western Ontario, en informatique surtout. Il a abandonné l'université pour retourner vivre à Toronto, où, en octobre 1979, il a été embauché par une société qui recrutait et formait des candidats pour ses clients. L'appelant a indiqué qu'il occupait d'abord et avant tout un poste de « conseiller en recrutement de cadres » . En moins de deux ans, il est devenu l'un des meilleurs recruteurs de la société. En 1982, à l'âge de 23 ans, il a quitté la société où il avait fait ses premières armes comme conseiller en recrutement pour se lancer à son compte. Son objectif était de recruter et de placer des personnes ayant une formation dans le domaine de la technologie de l'information.

[4]      L'appelant s'est adjoint dans sa nouvelle entreprise une associée (Lynda) qui avait de l'expérience en administration. Lynda est ultérieurement devenue son épouse. En 1983, IBM a lancé sur le marché son premier ordinateur personnel. L'appelant et son épouse sont devenus des spécialistes des petits systèmes informatiques. Ils ont créé une nouvelle entreprise, « High Tech Software » , dont les actions étaient réparties comme suit : 45 % à l'appelant et son épouse, 45 % à un cabinet d'avocats et 10 % à un associé passif. L'appelant consacrait presque tout son temps au développement d'un progiciel, le « Lexicalc » , pour des cabinets d'avocats. Lexicalc a été lancé sur le marché en 1984 et, en 1985, ils s'étaient déjà établi une vaste clientèle. Dans les années 1983 à 1985, l'appelant a consacré 60 % de son temps à la création de programmes pour le produit et 40 % à la commercialisation du produit en organisant des démonstrations et des séances de formation pour les clients.

[5]      En 1985, l'Association du Barreau canadien a entrepris de mener un sondage sur les programmes informatiques destinés aux cabinets d'avocats. Au début de l'année 1985, la vente du logiciel aux cabinets d'avocats rapportait à High Tech Software entre 60 000 $ et 70 000 $ par mois. Les résultats du sondage de l'Association du Barreau canadien ont été rendus publics au début de l'été 1985. Le progiciel Lexicalc était coté médiocre, ce qui a entraîné l'effondrement des ventes. L'entreprise de High Tech Software a fait faillite. L'appelant et Lynda n'ont eu d'autre choix que de se ressaisir et de repartir à zéro.

[6]      Sur les conseils d'un avocat, l'appelant et Lynda ont fait des démarches en vue de constituer les cinq nouvelles compagnies suivantes en société, entre décembre 1985 et mars 1986 :

Technology Equity Corporation ( « TEC » )

LAN Technologies Inc. ( « LAN » )

Technology Solutions Inc. ( « TSI » )

Lexicalc Inc. ( « Lexi » )

High Tech Solutions Inc. ( « HTSI » )

TEC était la société mère qui possédait toutes les actions en circulation de LAN, TSI, Lexi et HTSI. L'appelant et Lynda étaient les seuls actionnaires de TEC et l'appelant était l'un des administrateurs de chaque société. À son point de vue, chacune des cinq sociétés avait un objectif commercial particulier. TEC possédait certains éléments d'actif comme des ordinateurs et du mobilier, qu'elle louait aux autres sociétés, mais TEC n'était pas censée avoir d'employés en propre. LAN était supposée être le seul employeur du groupe de sociétés, fournissant du personnel aux autres et leur imputant les frais généraux de main-d'oeuvre. LAN était également censée acheter la totalité des fournitures et du produit pour la revente, et TSI avait pour mandat de vendre tout produit « tangible » à la clientèle après l'avoir acheté de LAN. Lexi créait des programmes informatiques destinés à la vente et faisait le nécessaire pour obtenir des subventions de recherche et des crédits d'impôt.

[7]      Même s'il était clair dans l'esprit de l'appelant que chaque société avait un objectif commercial particulier, les documents produits en preuve indiquent que les activités commerciales du groupe de sociétés n'étaient pas toujours aussi hermétiquement compartimentées. L'appelant s'appuie sur une entente de deux pages, datée du 5 mai 1986, entre LAN et TEC (pièce A-1), qu'il a lui-même rédigée. La pièce A-1 stipule notamment que LAN embauche le personnel jugé nécessaire pour répondre aux besoins en personnel de TEC et des autres sociétés du groupe, et impute aux autres sociétés les frais de main-d'oeuvre ainsi que des frais administratifs n'excédant pas 15 %.

[8]      La pièce A-1 est importante car c'est sur ce document que l'appelant s'appuie pour contester la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 car il y est clairement indiqué que toute personne employée par le groupe de sociétés TEC/LAN est un employé de LAN, non pas de TEC. La cotisation fondée sur l'article 227.1 a été établie à l'égard de l'appelant en sa qualité d'administrateur de TEC. L'avis de cotisation (pièce R-2, onglet 1) renferme l'avis suivant :

          [TRADUCTION]

AVIS DE COTISATION CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ prévue par le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'article 36a de la Loi de l'impôt sur le revenu - Ontario, l'article 22.1 du Régime de pensions du Canada et l'article 54.1 de la Loi sur l'assurance-chômage, et s'établissant à 83 622,31 $, soit le montant des retenues en souffrance, des intérêts et des pénalités payables par Technology Equity Corp. relativement à un avis de cotisation daté du 28 février 1989 établi à l'égard de Technology Equity Corp.                                                                                               (C'est moi qui souligne.)

[9]      L'appelant a déclaré qu'une entente semblable à celle portant la cote A-1 avait été conclue entre TEC et chacune des trois autres filiales, mais il n'en a produite aucune en preuve. J'ai aussi de la difficulté à m'imaginer que ces ententes existent car, en théorie, seule LAN était censée être l'employeur. Les cinq sociétés ont toutes été constituées entre décembre 1985 et mars 1986. Des éléments de preuve indiquent que, dans la dernière partie de l'année 1986, la feuille de paie du groupe de sociétés était tenue par LAN. La pièce A-5 est constituée de trois chèques datés du 16 juillet 1986, du 16 août 1986 et du 1er septembre 1986 respectivement, tous payables à des particuliers (probablement des employés) par « LAN Technologies Payroll » sur le compte no 233-0 détenu à la succursale de la Banque Royale du Canada située au 131, rue Bloor Ouest, Toronto.

[10]     L'appelant avait d'abord ouvert des comptes à la Banque Canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ), mais après que celle-ci eut exigé le remboursement d'un prêt en 1986, il a transféré les fonds à la Banque Royale du Canada ( « RBC » ). La pièce A-6 est un avant-projet de convention de crédit ou de contrat de prêt avec la RBC daté du 26 novembre 1986. La pièce R-2, onglet 19 est la convention de crédit ou le contrat de prêt daté du 1er décembre 1986 conclu entre la RBC et TEC et signé par l'appelant et Lynda. L'appelant croit qu'il est important de tenir compte des modifications apportées aux dispositions relatives aux « garanties » entre l'avant-projet et le contrat final sur lequel ils ont apposé leur signature. Je considère que de ces modifications s'inscrivent dans le processus normal de négociation et seules les modalités du contrat final signé (pièce R-2, onglet 19) m'intéressent.

[11]     L'appelant croyait que les modalités bancaires antérieures (employés payés par LAN sur le compte 233-0 détenue à la RBC) continueraient de s'appliquer, mais la RBC a considéré TEC comme son seul client bancaire. Sur les chèques de paie émis par LAN au début de janvier 1987, on peut lire qu'ils sont payables sur le compte no 233-0 détenu par LAN à la succursale de la RBC située au 131, rue Bloor Ouest, mais je ne suis pas certain qu'un seul des chèques ait été payé à partir de ce compte. La RBC a refusé d'avancer des fonds dans le compte de LAN et a insisté pour que tous les chèques de paie soient tirés sur le nouveau compte no 123-1257 détenu par TEC à la succursale située au 48, avenue St. Clair Ouest, Toronto.

[12]     La pièce A-2 est constituée de 25 chèques payables à des particuliers (apparemment des employés du groupe de sociétés de l'appelant) et émis entre le 2 janvier et le 2 février 1987. Les mots « LAN Technologies Payroll » sont imprimés dans le coin supérieur gauche de tous les chèques, indiquant que LAN était le payeur; l'adresse de la succursale de la RBC située au 131, rue Bloor Ouest est également imprimée sur les chèques, ainsi que le numéro de compte 233-0 de LAN. Les chèques datés du 2 janvier 1987 ont certainement tous été retournés pour insuffisance de fonds parce qu'on a apposé sur chacun un timbre portant la mention suivante : [TRADUCTION] « En vertu des règles de compensation, cet article ne peut être compensé à nouveau à moins d'avoir été certifié. » Sur tous les chèques émis après le 15 janvier 1987, quelqu'un a biffé la raison sociale imprimée du payeur « LAN Technologies Payroll » et écrit à la main « Technology Equity Corp » . La même personne a aussi biffé l'adresse de la succursale de la RBC située au « 131, rue Bloor Ouest » et écrit à la main « 48 av. St. Clair Ouest » . La nouvelle convention de crédit (pièce R-2, onglet 19) est rédigée sur du papier à en-tête de la succursale de la RBC située au 48, avenue St. Clair Ouest et le seul client commercial de la RBC qui y est mentionné est Technology Equity Corp.

[13]     L'appelant a produit les 25 chèques (pièce A-2) en preuve pour montrer comment il s'était efforcé de ne pas déroger à son plan initial de faire de LAN le seul employeur et payeur des employés et comment la RBC l'avait obligé à faire en sorte que les chèques de paie soient émis par TEC dans les faits. Je ne doute pas une seule seconde que l'appelant a essayé de s'en tenir à son plan initial mais, en ce qui concerne les retenues à la source et l'omission d'effectuer les remises nécessaires, le fait important c'est l'identité de la personne qui a effectivement payé les traitements et les salaires.

[14]     La pièce R-2, onglet 29 est constituée de 18 chèques de paie émis par TEC mai 1987 et septembre 1988. Ils sont tirés sur les comptes détenus à la succursale de la RBC située au 48, avenue St. Clair Ouest. Dix ont été payés à même le compte no 123-130-7, et le payeur est « Technology Equity Corp. Payroll » . Les huit autres ont été payés à partir du compte no 202-113-7, et le payeur est [TRADUCTION] « Technology Equity Corp. faisant affaires sous la raison sociale LAN Technology Payroll » . Ces huit chèques ont en réalité été émis par TEC, mais il y était indiqué que la société faisait affaires sous la raison sociale de LAN ou à titre de mandataire de LAN. La pièce R-2, onglet 30 est constituée d'états mensuels de la RBC relativement au compte no 123-130-7 « de Technology Equity Corp. Payroll » pour la période du 25 mai 1987 au 25 février 1988. Les états mensuels visant la période du 25 mars au 30 septembre 1988 établis ultérieurement par la RBC pour le compte no 202-113-7 sont juste au nom de « Technology Equity Corp » . En dépit du plan d'affaires initial de l'appelant, je suis convaincu que, à partir du 2 janvier 1987, les traitements ou les salaires de tous les employés du groupe de sociétés de l'appelant ont été payés exclusivement par TEC, plutôt que par LAN ou une autre société du groupe.

[15]     En février 1988, une vérificatrice de Revenu Canada (Mme Pattischeri) s'est présentée aux bureaux du groupe TEC pour y examiner les livres de paie, tâche qui lui a pris environ huit heures. Elle a déterminé qu'il y avait des lacunes importantes dans la remise des retenues à la source. Le 16 mars 1988, Revenu Canada a saisi le compte bancaire de TEC en raison de l'omission d'effectuer les remises. L'appelant et son épouse Lynda ont personnellement rassemblé un montant de 25 000 $, qu'ils ont versé à Revenu Canada pour récupérer le compte bancaire de TEC. Tandis que se déroulaient les négociations, Revenu Canada a avisé LAN par écrit le 8 avril 1988 que le montant des retenues à la source en souffrance s'établissait à 96 000 $. Comme l'appelant attache beaucoup d'importance à cette lettre, je vais la reproduire intégralement. La lettre (pièces A-3 et R-2, onglet 44) est adressée à LAN, à l'attention de l'appelant, et on peut y lire ce qui suit :

          [TRADUCTION]

Objet : Compte no VGF 35239 7 Lan Technologies Inc. et

            compteno VHX 14194 6 High Tech Software Ltd.

Pour faire suite à notre conversation téléphonique du 24 mars 1988, veuillez prendre note que le montant des retenues à la source en souffrance plus les intérêts accumulés au 31 mars 1988 s'établit comme suit :

1)          High Tech Software Ltd.            -            18 983,60 $

2)          Lan Technologies Inc.    -                        77 100,97 $

            Montant à payer                                    96 084,57 $

D'après les discussions que nous avons eues avec vous et l'information dont nous disposons, il ne semble pas y avoir de retenues à la source en souffrance pour les trois autres sociétés liées, soit Technology Equity Corp., Technology Solutions Inc. et Lexicalc Inc.

Nous croyons comprendre que la société a entrepris des démarches en vue d'obtenir un prêt bancaire et que le montant de 96 084,57 $ plus les intérêts accumulés à la date du paiement sera payé intégralement dès réception des fonds.

Nous vous avons indiqué que le défaut de vous conformer à l'entente intervenue pourrait donner lieu à l'établissement d'une cotisation à l'égard des administrateurs, personnellement, en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[16]     L'appelant s'appuie en particulier sur l'énoncé qui se trouve au deuxième paragraphe, c'est-à-dire « [...] il ne semble pas y avoir de montants de retenues à la source en souffrance pour les trois autres sociétés liées » , soit TEC, TSI et Lexi. L'appelant considère en quelque sorte cet énoncé comme une préclusion qui aurait dû empêcher Revenu Canada d'établir à son égard (à titre d'administrateur de TEC) la cotisation visée par l'appel en l'instance. Il va se soi que l'énoncé en cause n'est pas une préclusion. C'est un énoncé très certainement assorti de réserves puisqu'il est précédé des mots « selon notre discussion et l'information dont nous disposons, il ne semble pas » . Si la vérificatrice de Revenu Canada avait examiné uniquement les livres de paie en février 1988 sans tenir compte des chèques de paie, elle aurait peut-être conclu que seulement LAN avait des employés et que TEC n'en avait pas, même si c'est cette dernière qui payait tous les traitements ou les salaires depuis le 2 janvier 1987.

[17]     On peut supposer qu'une vérification ultérieure de Revenu Canada certainement a révélé que les traitements ou les salaires étaient payés par TEC après le 2 janvier 1987 parce que le 28 février 1989, Revenu Canada a établi quatre avis de cotisation à l'égard de TEC (pièce R-2, onglet 5) totalisant 82 500,40 $ pour omission de remettre les montants requis pour les années 1987, 1988 et 1989. C'est à cause de ces avis de cotisation que l'appelant a ultérieurement fait l'objet de la cotisation fondée sur l'article 227.1 visée par l'appel en l'instance. TEC a contesté les quatre cotisations, qui ont toutefois été ratifiées (pièce R-2, onglet 9).

[18]     Les livres et les registres de TEC n'ont pas été produits en preuve, non plus que ceux de LAN ou des trois autres sociétés. Je ne suis pas en mesure de déterminer si des livres distincts étaient minutieusement tenus pour chaque société ou s'il y avait une comptabilité commune. Je penche toutefois pour cette dernière hypothèse à cause de ce que l'appelant avait à dire au sujet de la déclaration de revenu des sociétés T2 de TEC pour l'exercice se terminant le 30 avril 1987 (pièce R-2, onglet 17). En contre-interrogatoire, il a confirmé la réponse qu'il avait faite à la question 337 de l'interrogatoire préalable selon laquelle la déclaration T2 de TEC pour l'exercice terminé le 30 avril 1987 était la seule déclaration de revenu jamais produite par l'une ou l'autre des cinq sociétés du groupe.

[19]     Les états financiers annexés à la déclaration T2 font état de revenus de 621 489 $. L'appelant a confirmé que ce montant (621 489 $) correspondait au revenu total du groupe de sociétés pour la période de 12 mois se terminant le 30 avril 1987. Les états financiers indiquent que les coûts salariaux s'établissent à 152 519 $. L'appelant a confirmé que ce montant (152 519 $) représentait le coût total des salaires payés aux employés du groupe de sociétés pour la période de douze mois se terminant le 30 avril 1987. Et ainsi de suite! Dans les faits, la déclaration T2 produite par TEC pour la période de 12 mois se terminant le 30 avril 1987 regroupait toutes les activités commerciales du groupe de sociétés de l'appelant pour cette période de 12 mois.

[20]     Ce qu'il y a de remarquable dans la déclaration de revenu T2 de TEC pour l'exercice 1987 (pièce R-2, onglet 17), c'est qu'on y trouve une demande de crédit d'impôt à l'investissement et une demande de déduction de frais de recherche scientifique et de développement expérimental ( « RS-DE » ). Les activités de RS-DE étaient censées être confiées à l'une des autres sociétés du groupe de l'appelant. Les notes accompagnant les états financiers indiquent que TEC exploitait une entreprise active dans l'exercice 1987 même si, selon le plan initial de l'appelant, TEC n'était pas supposée exploiter quelque entreprise que ce soit. L'appelant a précisé qu'il avait produit la déclaration de revenu des sociétés T2 pour l'exercice 1987 au nom de TEC afin d'accélérer l'obtention du crédit d'impôt pour RS & DE ou de la classification. En procédant de la sorte, il semble avoir regroupé la totalité, ou presque, des activités commerciales dans une seule société, TEC.

Analyse

[21]     Il y a deux articles de la Loi de l'impôt sur le revenu qui s'appliquent en l'espèce :

153(1) Toute personne qui verse à une date quelconque d'une année d'imposition

a)          un traitement, un salaire ou autre rémunération,

b)          des prestations de retraite ou d'autres pensions,

c)          une allocation de retraite,

d)          [...]

doit en déduire ou en retenir la somme qui peut être prescrite et doit, à la date qui peut être fixée par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire, selon le cas, pour l'année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3.

227.1(1) Lorsqu'une corporation a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l'article 153 ou 215, ou a omis de payer un montant d'impôt en vertu de la Partie VII ou VIII, les administrateurs de la corporation, à la date à laquelle la corporation était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la corporation, du paiement de cette somme, incluant tous les intérêts et toutes les pénalités s'y rapportant.

227.1(2) [...]

227.1(3) Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habilité pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[22]     D'entrée de jeu à l'audience, l'appelant a demandé la permission de modifier son avis d'appel pour y ajouter les paragraphes 14A, 14B et 14C. L'avocate de l'intimée ne s'est pas opposée à cette demande. Par conséquent, j'ai autorisé l'appelant à modifier son avis d'appel par l'ajout, immédiatement après le paragraphe 14, des trois paragraphes suivants :

          [TRADUCTION]

14A      L'appelant affirme, subsidiairement, que si TEC était responsable en droit de déduire et de remettre certaines sommes au titre des retenues à la source, les raisons invoquées par Revenu Canada pour établir une telle cotisation ne sont pas valables avant la paie du 15 février 1987 et ce n'était donc pas TEC qui était responsable de déduire ou remettre les sommes en janvier 1987 ou avant le 15 février 1987. La cotisation établie à l'égard de TEC (et, par conséquent, la cotisation brute établie à l'égard de l'appelant) inclut à tort un montant d'environ 6 650,56 $ pour le mois de janvier 1987, et un montant indéterminé pour février (environ la moitié), plus les pénalités et les intérêts connexes.

14B       En outre, l'appelant affirme, subsidiairement, que si TEC était responsable en droit de déduire et de remettre certaines sommes au titre des retenues à la source, le ministre du Revenu national a aussi établi des cotisations à l'égard de certaines filiales de TEC, dont Technology Solutions Inc. ( « TSI » ), Lexicalc Inc., High Tech Solutions Inc. et High Tech Management Resources Inc. en vue d'obtenir le paiement de montants identiques et entamé des procédures de saisie-arrêt auprès des clients de ces sociétés et des compagnies liées. Il admet avoir ainsi perçu un montant de 9 000 $, après quoi il a annulé les cotisations établies à l'égard de chacune des sociétés, exception faite de TEC, pour la période en cause, sans toutefois remettre les montants aux filiales et à TEC ou les porter en déduction de la somme due par TEC, comme il était tenu de le faire. Il s'ensuit que la cotisation établie à l'égard de TEC et, dès lors, de l'appelant, doit être réduite d'un montant équivalent.

14C      Au surplus, l'appelant affirme, subsidiairement, que si TEC était considérée en droit comme le payeur des salaires en juillet et août 1987 et était dès lors responsable de déduire et de remettre certaines sommes au titre des retenues à la source, cette même entité, TEC, a donc remis à Revenu Canada un montant de 1 500 $ le 13 juillet 1987 et de 2 500 $ le 17 août 1987. Les deux versements représentaient le paiement partiel des remises à effectuer ces mois-là au titre des retenues à la source du mois précédent, mais ils ont été crédités à tort à une autre société (LAN) alors qu'ils auraient dû être crédités à TEC. Il s'ensuit que la cotisation établie à l'égard de TEC et, dès lors, de l'appelant, doit être réduite d'un montant équivalent.

[23]     Ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 2 qui précède, le premier argument qu'invoque l'appelant pour contester la cotisation est que TEC n'avait pas d'employés. L'avis de cotisation (pièce R-2, onglet 1) est adressé à l'appelant eu égard à la responsabilité qui lui incombe en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (et des autres lois) de payer le montant de 83 622,31 $, « soit le montant des retenues en souffrance, des intérêts et des pénalités payables par Technology Equity Corp » . La prétention de l'appelant est très simple : si TEC n'avait pas d'employés, on ne peut donc pas lui réclamer des « retenues en souffrance » . À mon sens, la question n'est pas de savoir si TEC avait des employés. La question cruciale est de savoir si TEC a payé les traitements ou les salaires de ses propres employés ou des employés d'une autre société.

[24]     En vertu du paragraphe 153(1) de la Loi (voir le paragraphe 21 qui précède), toute personne qui verse un traitement ou un salaire doit en déduire ou en retenir la somme fixée selon les modalités réglementaires. La personne qui paie le traitement ou le salaire n'est pas nécessairement l'employeur des bénéficiaires, mais c'est elle qui doit effectuer les déductions ou les retenues. Aux paragraphes 12, 13 et 14 qui précèdent, j'ai décrit 25 chèques émis dans les cinq premières semaines de 1987 et 18 émis entre mai 1987 et septembre 1988, et j'en suis arrivé à la conclusion que, à partir du 2 janvier 1987, TEC était la seule société qui payait le traitement ou le salaire des employés du groupe de sociétés de l'appelant.

[25]     L'arrêt Mollenhauer Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), no T-1485-89, 30 juin 1992 (C.F., 1re inst.) ([1992] 2 C.T.C. 121) de la Cour fédérale, Section de 1re instance, contredit à bien des égards la thèse de l'appelant en l'espèce. Mollenhauer, un entrepreneur général, travaillait à la construction d'un hôtel et avait attribué à « Aprok » , en sous-traitance, un contrat de construction à mur sec. Alors que le sous-contrat était achevé à 85 % environ, Aprok s'est trouvée dans l'impossibilité de payer les salaires de ses employés. À cette époque, Mollenhauer devait à Aprok une somme d'environ 155 000 $ dans le cadre du contrat de sous-traitance. Pour que les travaux de construction puissent continuer, Mollenhauer a accepté de payer les montants dus aux employés d'Aprok et les a portés en déduction de la somme de 155 000 $ payable à Aprok. Mollenhauer a émis des chèques aux employés de Aprok sans effectuer ou remettre les retenues à la source. Quand Aprok s'est révélée incapable d'effectuer les remises, une cotisation a été établie à l'égard de Mollenhauer en vertu de l'article 153 pour omission de déduire ou de remettre les retenues à la source habituelles. En rejetant l'appel de Mollenhauer, le juge Teitelbaum a fait observer ce qui suit, à la page 8 (C.T.C. : à la page 126) :

Il est fort clair que le paragraphe 153(1) de la Loi ne dit pas si les personnes qui effectuent les paiements sont des employeurs ou non. Je suis convaincu qu'un individu ou une entreprise qui paie « un traitement, un salaire ou autre rémunération » doit déduire ou retenir le montant exigé, conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[...]

Pour les besoins de la présente espèce, je fais miens [sic] les remarques qu'a faites le juge Berger dans l'affaire In re Bankruptcy of G. & G. Equipment Co. Ltd. (précitée), à la page 6408 du recueil :

[TRADUCTION] La question qui se pose est donc celle de savoir si G. & G. était une « personne qui verse ... un traitement ... à ... un employé » . Si G. & G tombe sous le coup de l'article 153, le ministère a le droit d'être traité comme un créancier privilégié aux termes de l'article 107 de la Loi sur la faillite.

            Je crois que le ministère doit avoir gain de cause. Selon l'article 153, toute personne qui verse un traitement à un employé doit retenir de l'impôt; il n'y est pas indiqué que cette exigence ne vaut que pour les employeurs. Il faut considérer que les mots employés ont été choisis délibérément, et sont censés englober le genre de situation à laquelle nous avons affaire en l'espèce. La loi reconnaît que ces deux entreprises sont des entités juridiques distinctes. Cependant, elle devrait reconnaître qu'il est possible d'exploiter une entreprise commerciale par l'entremise d'un groupe de compagnies liées. La loi devrait tenir compte des réalités du monde moderne des affaires.

Dans cette affaire, les compagnies en question sont liées, mais je suis convaincu qu'en soi, ce fait est négligeable. Ce qui importe est qu'en l'espèce, la demanderesse a assumé l'obligation qu'avait Aprok de payer ses employés pour que la demanderesse puisse mener à bonne fin son projet de construction sans que les employés ou le syndicat auquel ils appartenaient interrompent les travaux.

[26]     L'arrêt Mollenhauer a été appliqué par la Cour dans la décision rendue dans l'affaire Zanet c. M.R.N., C.C.I., no 90-1374(IT)O, 11 mars 1996 ([1996] 2 C.T.C. 2373). Une décision semblable a été rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Cana Construction Co. c. Canada (ministre du Revenu national), no A-533-94, 12 juin 1996 (C.A.F.) (96 DTC 6370). La prétention de l'appelant selon laquelle TEC n'est pas l'employeur est sans fondement. TEC est la société qui a payé le traitement ou le salaire des employés en 1987 et 1988. En conséquence, TEC était tenue de déduire ou remettre les retenues à la source. Les cotisations établies à l'égard de TEC (pièce R-2, onglet 5) étaient tout à fait justifiées.

[27]     La lettre datée du 8 avril 1988 que Revenu Canada a adressée à LAN est reproduite au paragraphe 15 qui précède. L'appelant s'appuie sur ce document, qui ne lui est toutefois d'aucun secours. L'auteur de la lettre écrit qu' « il ne semble pas y avoir de montants de retenues à la source en souffrance » pour TEC. La déclaration est faite avec prudence et est assortie de réserves. Même si l'auteur avait affirmé sans réserves qu'il n'y avait pas de retenues à la source en souffrance pour TEC, cela n'empêcherait pas le ministre d'établir ultérieurement une cotisation à l'égard de la société et de l'appelant (à titre d'administrateur de TEC) s'il découvrait que c'est TEC qui avait effectivement payé le traitement ou le salaire des employés. Dans l'affaire Hawkes c. Canada, nos A-46-96 et A-55-96, 23 décembre 1996 (C.A.F.) (97 DTC 5060), la Cour d'appel fédérale était appelée à se prononcer sur des déclarations antérieures du ministre et la question de l'irrecevabilité [préclusion]. Le juge Strayer, s'exprimant pour la Cour, a fait observer ce qui suit aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 5062) :

Le paragraphe 10 énonce le fait non contesté que le bureau de Victoria de Revenu Canada a avisé les présents appelants le 22 avril 1993 que l'intimée accorderait les déductions en cause, apparemment parce que le bureau d'Edmonton les avait accordées dans le cas du docteur Revell. Cet avis contredit manifestement les nouvelles cotisations effectivement émises le 19 juillet 1993. Encore là, la jurisprudence indique clairement que ce n'est que la cotisation finale qui peut être contestée et que les opinions provisoires ou même les avis de cotisation antérieurs ne peuvent servir à établir l'invalidité de la dernière ou nouvelle cotisation, pourvu que celle-ci soit faite dans le délai prévu par la loi. [...]

De même, le paragraphe 11, où l'on invoque l'irrecevabilité découlant apparemment des actes du ministre allégués aux paragraphes 9 et 10, ne révèle aucun motif raisonnable d'appel. Il est bien établi en droit que l'irrecevabilité ne peut avoir pour effet d'empêcher le ministre de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, savoir l'établissement de cotisations adéquates à l'égard des déclarations de revenu, et ce, d'une manière conforme à la loi. [...]

[28]     J'ai conclu que c'est TEC qui avait payé le traitement ou le salaire de tous les employés du groupe de sociétés de l'appelant à partir du 2 janvier 1987. L'appelant était l'un des administrateurs de TEC à toutes les périodes pertinentes. Par conséquent, il peut être tenu responsable de l'omission de remettre les retenues à la source en vertu de l'article 227.1 de la Loi, à moins qu'il satisfasse au critère de diligence raisonnable énoncé au paragraphe 227.1(3). Dans l'arrêt Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407), le juge Robertson, s'exprimant pour la majorité, formule quelques lignes directrices sur l'application du critère de diligence raisonnable. Il fait observer ce qui suit aux pages 155 et 156 (DTC : aux pages 5416 et 5417) :

Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables » . Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective supérieure » .

[...] Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est-à-dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences du versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

[29]     Il est incontestable que l'appelant est un administrateur interne. Son épouse et lui étaient les seuls actionnaires et administrateurs de TEC et ils participaient activement à l'administration de TEC et de ses sociétés liées. L'appelant a témoigné que son épouse Lynda s'occupait davantage des questions administratives alors que lui-même consacrait surtout ses énergies à la création et à la vente de logiciels, mais la correspondance avec Revenu Canada et la RBC montre qu'il prenait une part active à la gestion financière du groupe TEC et qu'il était au courant des problèmes d'argent de la société. La lettre de Revenu Canada datée du 8 avril 1988 (pièce A-3) indique très clairement que le groupe de sociétés avait accumulé un arrérage de 96 000 $ au titre des retenues à la source au 31 mars 1988. Il convient de mentionner que la lettre était adressée à l'attention de l'appelant. L'omission de remettre les retenues avait commencé bien avant le 31 mars 1988 et l'appelant était au courant du problème. La pièce R-2, onglet 33 est constituée de deux avis de cotisation datés du 13 novembre 1986 établis à l'égard de High Tech Software Ltd. (l'une des sociétés de l'appelant) relativement à des retenues à la source en souffrance dont le montant s'établit à 3 323,94$ pour 1984 et 14 140,48 $ pour 1986.

[30]     L'appelant a déclaré plusieurs fois qu'il était convaincu que les problèmes financiers du groupe de sociétés à l'égard de Revenu Canada allaient se régler quand les sociétés recevraient un crédit d'impôt substantiel (CII?) ou un avantage fiscal en matière de RS-DE. Il croyait que le crédit d'impôt ou l'avantage fiscal obtenu allait permettre de payer les retenues à la source en souffrance, le cas échéant. Le critère de diligence raisonnable se rapporte aux mesures qu'un administrateur aurait pu prendre pour « prévenir le manquement » d'effectuer et de remettre les retenues à la source. Dans l'arrêt Corsano c. Canada (C.A.), [1999] 3 C.F. 173 (99 DTC 5658), le juge Noël, s'exprimant pour la Cour d'appel fédérale, fait observer ce qui suit au paragraphe 35 :

[35] Quatrièmement, pour déterminer si les intimés avaient fait preuve de diligence raisonnable, le juge de la Cour de l'impôt a tenu compte du fait que les administrateurs étaient convaincus que la valeur des actifs de la Corporation était suffisante pour satisfaire aux demandes de tous les créanciers, y compris Revenu Canada. Avec égards, cet élément n'est pas pertinent. Les administrateurs ont l'obligation d'empêcher les omissions et non de les avaliser systématiquement, comme l'ont fait les intimés, dans l'espoir qu'en fin de compte, il y aura assez d'argent pour payer tous les créanciers.

[31]     En ce qui concerne la défense de « diligence raisonnable » , il est important pour l'appelant, en tant qu'administrateur, de faire la preuve des mesures qu'il a prises ou a tenté de prendre pour prévenir tout manquement de la société d'effectuer et de remettre les retenues à la source. L'appelant savait que le groupe de sociétés de TEC accumulait un arriéré important au chapitre des retenues à la source. Il espérait que le crédit d'impôt substantiel attendu permettrait de payer cet arriéré. Or, le fait de nourrir un tel espoir, aussi authentique qu'il soit, n'est pas une preuve de diligence raisonnable. L'appelant est responsable du paiement des retenues à la source non remises par TEC, selon la cotisation établie; son appel sera dès lors rejeté sous réserve de toute réparation qui pourrait lui être accordée à cause des modifications que je l'ai' autorisé à apporter à son avis d'appel au début de l'audience.

[32]     Au paragraphe 14A, l'appelant prétend que TEC n'avait pas la responsabilité d'effectuer les retenues et les remises avant le 15 février 1987. Par conséquent, soutient-il, le montant brut (avant les intérêts et les pénalités) de la cotisation établie à son égard devrait être réduit de 6 650 $ pour janvier 1987 et d'un montant indéterminé (environ la moitié) pour février. La prétention de l'appelant n'est pas étayée par les documents. L'appelant a produit les originaux de 25 chèques, sous la cote A-2. Il m'apparaît que ce sont les originaux des 25 chèques photocopiés qui constituent la pièce R-2, onglet 28. Ils sont payables à six ou sept employés et sont datés du 2 janvier, du 16 janvier et du 2 février 1987 respectivement. En dépit du fait que ces chèques (tels qu'ils ont initialement été rédigés) soient tirés sur le compte détenu par LAN à la succursale de la RBC située au 131, rue Bloor Ouest, ils ont tous été payés à partir du compte no 123-1257 détenu par TEC à la succursale de la RBC située au 48, avenue St. Clair Ouest. J'ai conclu que, après signature de la nouvelle entente avec la RBC le 1er décembre 1986 (pièce R-2, onglet 19), la banque a refusé d'avancer des fonds aux sociétés de l'appelant, à l'exclusion de TEC.

[33]     Au paragraphe 14B, l'appelant prétend que le ministre a établi des cotisations à l'égard des autres filiales de TEC, entamé des procédures de saisie-arrêt auprès des clients de ces filiales et recouvré ainsi plus de 9 000 $, après quoi il a annulé les cotisations, mais sans retourner les montants recouvrés aux filiales ou à TEC. La pièce R-2, onglet 51 montre que le ministre (Revenu Canada) a recouvré un montant de 2 968,16 $ en saisissant les comptes bancaires détenus à la RBC. La pièce R-2, onglet 1 montre que c'est ce montant précis qui a été porté en déduction (comme un paiement effectué le 17 mars 19989) de la cotisation finale établie à l'égard de l'appelant. Ce dernier n'a produit aucun document au soutien de sa prétention selon laquelle Revenu Canada a recouvré un montant de 9 000 $ grâce aux procédures de saisie-arrêt mais n'en tient pas compte dans la dernière cotisation.

[34]     Au paragraphe 14C, l'appelant prétend que TEC a versé un montant de 1 500 $ à Revenu Canada en juillet 1987 et de 2 500 $ en août 1987 en paiement partiel des retenues à la source à remettre pour ces mois-là, mais que ces montants ont été portés à tort au crédit de LAN alors qu'ils auraient dû être portés au crédit de TEC. Or, aucun document n'a été produit pour étayer cette prétention. Le document annexé à l'avis de cotisation (pièce R-2, onglet 1) indique que la totalité des paiements effectués avant le 16 août 1989, date d'établissement de la cotisation, ont été portés au crédit de l'appelant. L'appel est rejeté, avec frais.


Signé à Ottawa, ce 6e jour de mai 2003.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de février 2004.

Ginette Côté, trad. a.

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