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Dossier : 2003-2858(EI)

ENTRE :

DENYSE PROULX,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

ANTOINE RANDONE,

intervenant.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel

d'Antoine Randone (2003-2856(EI)) le 8 mars 2004

à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Antoine Randone

Avocat de l'intimé :

Représentant de l'intervenant :

Me Philippe Dupuis

L'intervenant lui-même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'avril 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Dossier : 2003-2856(EI)

ENTRE :

ANTOINE RANDONE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

Denyse Proulx (2003-2858(EI)) le 8 mars 2004

à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Philippe Dupuis

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'avril 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2004CCI262

Date : 20040414

Dossier : 2003-2858(EI)

ENTRE :

DENYSE PROULX,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

ANTOINE RANDONE,

intervenant,

et

Dossier : 2003-2856(EI)

ENTRE :

ANTOINE RANDONE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Il s'agit de deux appels interjetés à l'encontre de décisions du ministre du Revenu national (le ministre) rendues le 23 mai 2003. Ces appels ont été entendus sur preuve commune. Les deux dossiers visent la décision du ministre portant que l'emploi que l'appelante Denyse Proulx occupait durant la période du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 au service de l'appelant (le payeur) n'était pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(2)(i) et du paragraphe 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi. Le ministre, après avoir examiné les modalités de l'emploi pour la période en litige, a décidé que cet emploi n'était pas assurable parce qu'un contrat de travail semblable n'aurait pas été conclu si les deux appelants n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[2]      L'appelante Denyse Proulx est la conjointe de fait de l'appelant Antoine Randone. Leur lien de dépendance n'est pas un point en litige, ni le fait qu'il existe un contrat de louage de services. L'appelant Antoine Randone est présentement conseiller en sécurité financière. Durant la période en litige, il était courtier en assurance et il vendait de l'assurance-vie et des fonds mutuels. Il avait deux bureaux, dont un était situé à l'édifice de la Sun Life et l'autre au sous-sol de son domicile. À celui de la Sun Life, l'appelant avait embauché Madame Gina Bédard comme secrétaire et, au bureau de son domicile, sa conjointe occupait ce poste. Selon l'appelant, le travail de sa conjointe était plus de nature administrative alors que celui de Madame Bédard était plus technique. Madame Bédard s'occupait de la correspondence avec le siège social, répondait au téléphone et, quoiqu'elle détenait une licence pouvant lui permettre de faire des transactions dans les fonds mutuels, elle n'en a jamais fait. Elle pouvait toutefois lier l'appelant Antoine Randone puisqu'elle détenait une procuration.

[3]      De son côté, l'appelante Denyse Proulx préparait les dossiers de la journée, vérifiait les montants de commission et les états de compte, répondait au téléphone et, à l'occasion, agissait comme chauffeur en raison de l'état de santé de l'appelant Antoine Randone. Il vérifiait le travail de l'appelante et lui fournissait l'équipment et le matériel nécessaire à l'exécution de ses tâches. L'appelant Antoine Randone reconnaît que l'appelante Denyse Proulx n'avait pas d'heures de travail fixes, qu'elle travaillait un nombre d'heures irrégulier à chaque semaine et que, durant la période en question, elle avait aussi un autre emploi. Les heures de travail de l'appelante n'étaient pas contrôlées et aucun registre de ses heures de travail n'était tenu. Son taux horaire est passé de 14,00 $ à 18,00 $ l'heure mais son salaire n'était pas versé à des dates fixes. Elle recevait les paiements parfois par chèque, parfois par chèque endossé par l'appelant Antoine Randone et parfois par des versements effectués dans ses fonds mutuels ou dans son Régime enregistré d'épargne retraite (REER). Par ailleurs, il n'y avait aucune entente écrite entre les appelants visant les modalités de l'emploi de Denyse Proulx. Les modalités de son emploi ont été établies verbalement et la rémunération était basée sur le temps qu'elle consacrait et selon une moyenne d'heures que l'appelant Antoine Randone établissait. Selon monsieur Randone, madame Proulx avait un horaire de travail aléatoire fixé selon les besoins.

[4]      Madame Bédard, elle, a conclu un contrat d'emploi écrit contenant toutes les modalités de son emploi, dont l'horaire de travail établi par monsieur Randone, sa rémunération, ses congés et son taux horaire. Madame Bédard était payée à toutes les deux semaines au taux de 15,00 $ l'heure. Les heures de travail étaient consignées dans un registre des salaires et le total reflétait le nombre d'heures de travail réellement accomplies et n'a pas établi en fonction d'une moyenne comme dans le cas de l'appelante Denyse Proulx.

[5]      Pour des raisons de santé, l'appelant a dû cessé de travailler et il a mis fin à l'emploi de madame Bédard en août 2002 et à celui de sa conjointe de fait le 30 novembre 2002.

[6]      L'agent des appels à l'Agence des douanes et du revenu du Canada responsable de l'enquête est madame Louise Moisson. Les renseignements qu'elle a obtenus lors de l'enquête sont semblables aux faits que l'appelant a présenté et admis. Elle a d'ailleurs fait des recommandations basées sur l'information qu'elle a obtenue des deux appelants et cette information n'a pas été contredite au procès.

[7]      Elle a notamment examiné le revenu d'emploi de l'appelante. Aux fins de cet examen, elle a passé en revue les témoignages recueillis, le journal des salaires, le contrat d'emploi de madame Bédard et, les montants déposés par l'appelant dans le compte bancaire de l'appelante et dans son RÉER. Ce sont la rétribution versée et les modalités de l'emploi qui ont le plus retenu son attention. Voici un extrait de son rapport sur chacune de ces rubriques.

rétribution versée

Le payeur et le travailleur nous ont indiqué que le salaire était versé sur une base de 18 $/l'heure en 2002. Les années précédentes, le payeur a précisé qu'il a varié de 14 $ à 15,50 $. Cependant, au niveau de paiement, la travailleuse nous dit qu'elle recevait 600 $/mois et pour le reste, il s'agissait de paiements non réguliers; parfois c'était en argent, parfois des chèques que le payeur avait endossé et lui remettait et parfois des paiements directs dans ses REER. Cette situation a été confirmé par le payeur.

Lorsque l'on regarde ses relevés bancaires, il n'y a pas de régularité quant aux dates et aux montants. En ce qui concerne les paiements au fond mutuel, ils ont été faits en février et mars 2002. Le payeur faisait ces paiements lorsque c'était le temps d'investir, et non selon le registre des salaires.

Selon le journal des salaires, la rémunération totale net et de 12,648,08 $ pour l'année 2002. Le total des versements aux relevés bancaires est de 9 330 $ et le total des versements au fond mutuel est de 17,820 $. Le total des versements faits pour Denyse Proulx est de 26,150 $.

Pour les autres années, le payeur ne nous a fourni aucun document nous permettant de connaître avec précision le salaire au livre et le salaire réellement payé. Cependant, la travailleuse et le payeur nous ont confirmé que les paiements ont toujours été faits de façon non régulière.

En ce qui concerne la travailleuse Gina Bédard, elle avait un contrat de travail qui indiquait que le salaire horaire était de 15$. Le payeur nous a confirmé qu'elle était payée régulièrement aux deux semaines, tel qu'indiqué au livre des salaires.

Il n'est pas raisonnable de croire que des conditions de rémunération similaires auraient été accordées à des employés sans lien de dépendance.

modalités d'emploi

En ce qui concerne l'horaire de travail, nous avons trois informations différentes. Selon le payeur, Denyse Proulx faisait 35 à 38 heures de travail par semaine. Selon Denyse Proulx, elle faisait 30 heures par semaine. Cependant, si on regarde de livre de paie de l'année 2002, on constate que le nombre total d'heures est inscrit aux deux semaines et qu'il varie d'une semaine à l'autre. Ceci est particulièrement étonnant puisque Denyse Proulx ne tenait pas de registre des heures.

Elle travaillait à sa convenance, de jour, de soir ou les fins de semaine. Comme elle avait aussi un travail à temps partiel pour un autre payeur, elle ajustait son horaire en conséquence. Le bureau étant situé à leur résidence personnelle, il lui était facile de travailler au moment qui lui convenait.

Le payeur ne contrôlait pas les heures.

L'autre travailleuse, Gina Bédard, avait un bureau aux locaux de la Sun Life. Son horaire de travail (et ses conditions de travail) était clairement établi dans son contrat de travail : du lundi au jeudi de 8 h 30 à 15 h. Le payeur nous a confirmé qu'elle tenait un registre de ses heures. Elle l'appelait pour l'en informer. Si elle manquait, elle l'avisait et reprenait son temps.

Il est déraisonnable de penser que que [sic] les rapports entre la travailleuse et le payeur sont exempts de lien de dépendance.

[8]      Dans le dossier en l'espèce, il incombait aux appelants d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre, compte tenu de la preuve avancée, n'était pas raisonnable et que les appelants avaient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre eux. Le rôle qu'exerce le ministre et que doit exercer la Cour a été établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Legaré c. Canada, [1999] A.C.F. no 878 (QL). Le juge Marceau a résumé le tout en ces termes au paragraphe 4 :

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire.    L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés.    Et la détermination du ministre n'est pas sans appel.    La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés.    La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre: c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre.    Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît toujours raisonnable.

[9]      La Cour d'appel fédérale a d'ailleurs réitéré sa position dans l'arrêt Pérusse c. Canada, [2000] A.C.F. no 310 (QL). Le juge Marceau, se référant au passage cité ci-dessus tiré de l'arrêt Legaré, a ajouté ce qui suit au paragraphe 15 :

Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner.    Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours "raisonnable" (le mot du législateur).    La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus.    Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux.

[10]     En l'espèce, la preuve avancée par l'appelant et les admissions de ce dernier à la presque totalité des présomptions de faits sur lesquelles s'est fondé le ministre dans l'exercice de sa discrétion laissent très peu de doute sur la véracité des faits et l'appréciation qu'en a fait le ministre. Les présomptions de faits sur lesquelles le ministre s'est fondé concernant la rétribution versée et les modalités d'emploi sont identiques à la preuve avancée et l'analyse des faits appuie sa conclusion. Le fait que les heures de travail de l'appelante n'aient pas été consignées dans un registre, que l'appelante ait été payée de façon irrégulière parfois en argent ou par chèque endossé par l'appelant ou par des versements directs dans ses REER pendant la saison des REER ou encore par dépôt dans son compte bancaire amènent la Cour à la conclusion suivante : ces conditions de rémunération ne seraient pas offertes à un employé sans lien de dépendance. Les modalités de l'emploi, en l'espèce, donnaient à l'appelante une flexibilité étonnante quant à sa disponibilité, justifiant la thèse du ministre dans son analyse du contrat d'emploi conclu par les appelants.


[11]     En conséquence, après avoir examiné la preuve avancée par les appelants, les modalités d'emploi, la rétribution versée, la durée de l'emploi et la nature et l'importance du travail accompli, j'arrive à la conclusion que la décision du ministre en l'espèce est bien fondée. Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'avril 2004.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2004CCI262

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2858(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Denyse Proulx et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 8 mars 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

14 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Antoine Randone

Pour l'intimé :

Pour l'intervenant :

Me Philippe Dupuis

L'intervenant lui-même

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada


RÉFÉRENCE :

2004CCI262

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2856(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Antoine Randone et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 8 mars 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

14 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Me Philippe Dupuis

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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