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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossiers : 2003-2569(EI)

2003-2580(CPP)

ENTRE :

LE ROYAL WINNIPEG BALLET,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels

Kerrie Souster, 2003-2570(EI) et 2003-2571(CPP),

John Wright, 2003-2572(EI) et 2003-2573(CPP),

et Tara Birtwhistle, 2003-2574(EI) et 2003-2575(CPP),

les 18 et 19 février 2004 à Winnipeg (Manitoba)

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Robert A. Watchman

Avocate de l'intimé :

Me Tracey Telford

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel fondé sur le paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à la demande visée à l'article 92 de cette loi est confirmée.

L'appel fondé sur l'article 28 du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à la demande visée à l'article 27 de ce régime est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossiers : 2003-2570(EI)

2003-2571(CPP)

ENTRE :

KERRIE SOUSTER,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels

Royal WinnipegBallet, 2003-2569(EI) et 2003-2580(CPP),

John Wright, 2003-2572(EI) et 2003-2573(CPP),

et Tara Birtwhistle, 2003-2574(EI) 2003-2575(CPP),

les 18 et 19 février 2004 à Winnipeg (Manitoba)

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Douglas H Mathew

Me Sergio Rodriguez

Avocate de l'intimé :

Me Tracey Telford

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel fondé sur le paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à l'appel visé à l'article 91 de cette loi est confirmée.

L'appel fondé sur l'article 28 du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à la demande visée à l'article 27 de ce régime est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossiers : 2003-2572(EI)

2003-2573(CPP)

ENTRE :

JOHN WRIGHT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels

Royal Winnipeg Ballet, 2003-2569(EI) et 2003-2580(CPP),

Kerrie Souster, 2003-2570(EI) et 2003-2571(CPP),

et Tara Birtwhistle, 2003-2574(EI) et 2003-2575(CPP),

les 18 et 19 février 2004 à Winnipeg (Manitoba)

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Douglas H. Mathew

Me Sergio Rodriguez

Avocate de l'intimé :

Me Tracey Telford

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel fondé sur le paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à l'appel visé à l'article 91 de cette loi est confirmée.

L'appel fondé sur l'article 28 du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à la demande visée à l'article 27 de ce régime est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossiers : 2003-2574(EI)

2003-2575(CPP)

ENTRE :

TARA BIRTWHISTLE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec les appels

Royal Winnipeg Ballet, 2003-2569(EI) et 2003-2580(CPP),

Kerrie Souster, 2003-2570(EI) et 2003-2571(CPP),

et John Wright, 2003-2572(EI) et 2003-2573(CPP),

les 18 et 19 février 2004 à Winnipeg (Manitoba)

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Douglas H. Mathew

Me Sergio Rodriguez

Avocate de l'intimé :

Me Tracey Telford

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel fondé sur le paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à l'appel visé à l'article 91 de cette loi est confirmée.

L'appel fondé sur l'article 28 du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national relativement à la demande visée à l'article 27 de ce régime est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2004CCI390

Date : 20040603

Dossiers : 2003-2569(EI), 2003-2580(CPP)

ENTRE :

LE ROYAL WINNIPEG BALLET,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Dossiers : 2003-2570(EI), 2003-2571(CPP)

ET ENTRE :

KERRIE SOUSTER,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Dossiers : 2003-2572(EI), 2003-2573(CPP)

ET ENTRE :

JOHN WRIGHT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Dossiers : 2003-2574(EI), 2003-2575(CPP)

ET ENTRE :

TARA BIRTWHISTLE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      Le Royal Winnipeg Ballet est synonyme d'excellence en matière de danse depuis des décennies. Il a attiré de grands danseurs dans ses spectacles au Canada et à l'étranger. Le présent appel porte sur le statut de trois danseurs de janvier à juillet 2001, sur leur assurabilité sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi et sur leur droit à une pension en vertu du Régime de pensions du Canada. Les appelants, Kerrie Souster, John Wright et Tara Birtwhistle (les « danseurs » ), étaient-ils des entrepreneurs indépendants en vertu d'un contrat d'entreprise conclu avec le Royal Winnipeg Ballet pour la période en question ou des employés en vertu d'un contrat de louage de services conclu avec cette compagnie? Les danseurs et le Royal Winnipeg Ballet soutiennent que les personnes qui participent à des spectacles visuels sont dans une position particulière et qu'il faut en tenir compte lorsqu'on applique les critères d'emploi habituels. Si on le fait en l'espèce, il faut conclure que les danseurs sont des entrepreneurs indépendants. L'intimé n'est cependant pas de cet avis. Tous les travailleurs canadiens, y compris les professionnels hautement qualifiés, doivent être traités de manière uniforme et équitable et, si les critères d'emploi reconnus qui sont pertinents sont appliqués, il fait peu de doute que les danseurs sont des employés.

[2]      Les circonstances présentent des indices laissant croire que les danseurs étaient des employés et d'autres, qu'ils étaient des entrepreneurs indépendants. J'estime toutefois que, tout bien pesé, les danseurs n'exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte lorsqu'ils travaillaient pour le Royal Winnipeg Ballet.

Faits

Entente entre les danseurs et le Royal Winnipeg Ballet

[3]      Créé en 1939, le Royal Winnipeg Ballet comporte deux parties : une école et un volet spectacle, la compagnie de ballet elle-même. La saison de la compagnie s'étend généralement d'août à mai, mais cela peut varier. La compagnie présente normalement quatre séries de spectacles à Winnipeg, avant d'entreprendre une tournée au Canada, aux États-Unis et parfois à l'étranger. La planification des spectacles commence généralement deux ou trois ans avant leur présentation, selon qu'il s'agit d'un nouveau spectacle ou d'une pièce déjà présentée.

[4]      Le directeur artistique du Royal Winnipeg Ballet, André Lewis, est chargé du choix des danseurs qui participeront à la prochaine saison. Les danseurs sont choisis parmi le personnel de la compagnie, sont recrutés à l'école de celle-ci ou passent des auditions pendant que la compagnie est en tournée. Le Royal Winnipeg Ballet envoie une lettre d'intention à ses danseurs avant la fin du mois de février pour leur faire savoir s'ils auront un contrat pour la prochaine saison. M. Lewis a indiqué qu'il choisit les danseurs en fonction du mérite artistique et de l'expertise technique et qu'il discute de ces questions avec eux. Les danseurs pour lesquels, selon M. Lewis, aucun poste n'est disponible pendant la prochaine saison sont également avisés avant la fin du mois de février. M. Lewis discute avec les danseurs plus expérimentés des rôles qui seront disponibles au cours de la saison à venir.

[5]      Le Royal Winnipeg Ballet compte en moyenne environ 25 danseurs pour une saison. Ces danseurs sont de différents niveaux : apprenti, corps 1 à 6, deuxième soliste 1 et 2, premier soliste 1 à 5 et danseur principal. Après que le directeur artistique a choisi les danseurs qu'il veut engager et dans quelle catégorie, des lettres d'intention leur sont envoyées. Lorsqu'un danseur répond favorablement, il conclut un [TRADUCTION] « contrat d'engagement » avec le Royal Winnipeg Ballet. Cela survient en avril ou en mai. Le contrat, qui n'est valable que pour une saison, stipule le niveau auquel le danseur est engagé et la somme qu'il recevra pour les répétitions et pour les représentations à Winnipeg et ailleurs. Il précise également que les parties acceptent d'être liées par la « Canadian Ballet Agreement » , une convention collective conclue entre le Royal Winnipeg Ballet et la Canadian Actor's Equity Association (la « CAEA » ) et négociée à tous les trois ans. En outre, le contrat prévoit qu'il est possible d'y ajouter des clauses. Par exemple, les parties ajoutent souvent au contrat une clause prévoyant que les nouveaux taux de rémunération s'appliquent rétroactivement si la convention collective entre le Royal Winnipeg Ballet et la CAEA est prolongée ou si une nouvelle convention collective entre en vigueur pendant la durée du contrat. Les danseurs peuvent négocier d'autres éléments du contrat, par exemple une rémunération plus élevée que ce que prévoit la Canadian Ballet Agreement[1], des congés spéciaux leur permettant d'accepter d'autres engagements, la possibilité de voyager avec un animal de compagnie - comme Mme Birtwhistle l'a fait - ou la possibilité de quitter prématurément les répétitions pour des raisons familiales.

[6]      En plus de son corps de danseurs régulier, le Royal Winnipeg Ballet embauche aussi à l'occasion, pour une certaine période de temps pendant une saison, un [TRADUCTION] « travailleur local » - un danseur de quelque niveau que ce soit - et un [TRADUCTION] « artiste invité » - un danseur principal ou un soliste de haut niveau. Les [TRADUCTION] « contrats d'engagement » de ces danseurs sont semblables à ceux des danseurs embauchés pour toute la saison, sauf pour ce qui est de la durée de l'engagement. Il n'est pas rare qu'un artiste invité négocie un salaire supérieur à l'échelle de la Canadian Ballet Agreement.

[7]      Quoiqu'ils n'y soient pas tenus par le contrat d'engagement qu'ils concluent avec le Royal Winnipeg Ballet ou par la Canadian Ballet Agreement, les danseurs contribuent à un plan de transition des ressources servant à aider les danseurs professionnels à entreprendre une autre carrière après leur carrière de danseur. Si un danseur contribue à ce fonds, comme Mme Birtwhistle et M. Wright ont dit dans leur témoignage qu'ils le faisaient, le Royal Winnipeg Ballet verse une contribution équivalente. Les danseurs peuvent faire retenir leur contribution sur leur rémunération.

[8]      Les danseurs peuvent également demander que le Royal Winnipeg Ballet retienne l'impôt sur le revenu fédéral sur leur rémunération, au taux qu'ils choisissent. Aucune cotisation au Régime de pensions du Canada et aucune prime d'assurance-emploi n'est cependant déduite de la rémunération des danseurs. Tous les danseurs avaient un numéro d'inscription aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS) qu'ils percevaient sur leur rémunération. Le Royal Winnipeg Ballet retenait aussi les droits exigés par la CAEA et les primes du régime de prestations de maladie. Les danseurs assumaient 25 p. 100 de ces primes, le solde étant payé par le Royal Winnipeg Ballet.

Convention collective

[9]      Avant d'examiner les témoignages de Tara Birtwhistle et de John Wright, j'aimerais rappeler certaines stipulations de la Canadian Ballet Agreement de 42 pages, la convention qui régit les rapports entre les danseurs et le Royal Winnipeg Ballet. La directrice exécutive de la CAEA, Mme Susan Wallace, qui a participé étroitement à la négociation de cette convention, a donné des éclaircissement utiles sur les clauses de celle-ci. La convention ne s'applique pas uniquement aux danseurs, mais aussi aux régisseurs de plateau, aux chorégraphes et aux maîtres et maîtresses de ballet. Elle ne vise pas les spectacles enregistrés, mais seulement les représentations en direct. L'équipe de négociation de la CAEA compte un représentant des danseurs et des régisseurs de plateau. La CAEA a conclu plusieurs conventions semblables avec, notamment, le Ballet national du Canada, l'Alberta Ballet et le Vancouver Opera. Mme Wallace a indiqué qu'il est entendu depuis longtemps avec la CAEA que les artistes du spectacle sont des entrepreneurs indépendants qui concluent des contrats pour des engagements uniques. Elle a indiqué qu'il existait deux exceptions à cette règle : les régisseurs de plateau sont souvent des employés et l'Alberta Ballet de Calgary embauche traditionnellement des danseurs à titre d'employés.

[10]     Les stipulations de la Canadian Ballet Agreement qui suivent sont importantes.

[TRADUCTION]

STIPULATIONS

Contrat d'artiste

7.01      Aucun artiste ne peut prendre part à une répétition ou à une représentation ou faire quelque travail que ce soit s'il n'a pas signé au préalable un contrat d'artiste. Tous les contrats et ententes conclus par l'employeur avec l'artiste en vertu de la présente convention de base sont conformes à tous égards à toutes les stipulations contenues aux présentes. [...]

Cession du contrat d'un artiste

8.          L'employeur reconnaît que le contrat qu'il conclut avec un artiste ne peut être cédé ou transféré à un particulier ou à une société qu'avec le consentement écrit de la CAEA et qu'après que l'artiste a signifié son accord sur le recto du contrat. Le transfert d'un contrat sans ces consentements écrits est nul.

Exclusivité des services de l'artiste

9.          À moins que son contrat ne le prévoie autrement, l'artiste ne peut, sans le consentement écrit de l'employeur, accepter aucun autre engagement concernant une représentation en direct à compter de la date du début des répétitions jusqu'à la fin du contrat. Il a cependant le droit d'accepter d'autres engagements qui ne l'empêchent pas d'exécuter le travail qui lui incombe en vertu de ce contrat, pourvu qu'il obtienne le consentement écrit de l'employeur après lui avoir donné un préavis raisonnable.

            L'artiste qui est un danseur principal ou un soliste pendant la durée du contrat peut, dans une entente écrite qui sera annexée à ce contrat, s'engager à n'accepter aucun autre engagement et à offrir ses services à aucun autre particulier ou société sans le consentement écrit de l'employeur. L'artiste reconnaît qu'il lui incombe de se produire devant le public en vertu du contrat de la CAEA. Si, pendant la durée de l'engagement prévue par le contrat de la CAEA, un danseur principal ou un soliste figurant en tête d'affiche est également embauché pour une émission de radio ou de télévision, il est entendu qu'il doit exiger que toute publicité de cette émission, écrite ou autre, mentionne expressément qu'il fait partie de la compagnie.

Baisses des normes minimales et renonciations interdites

10.        L'employeur reconnaît que les conditions prévues aux présentes sont les conditions minimales régissant l'engagement d'artistes au Canada. Il s'engage à ne pas engager d'artistes au Canada ou à ne pas conclure de contrats avec des artistes au Canada à des conditions moins favorables aux artistes que celles énoncées aux présentes. [...] et l'employeur reconnaît en outre que la présente convention de base n'est pas réputée empêcher un artiste de négocier ou d'obtenir de meilleures conditions que les conditions minimales qui y sont prévues.

Cautionnement

15.01    Avant de conclure un contrat avec un artiste, l'employeur dépose auprès de la CAEA (Toronto (Ontario), Canada) un montant en espèces, un chèque certifié ou une autre garantie d'une banque à charte faisant affaire au Canada d'un montant égal à ses engagements financiers contractuels envers l'artiste pendant au moins une (1) semaine. L'employeur n'est pas réputé s'être acquitté de l'obligation qui lui incombe en vertu de la présente convention de base tant que la CAEA n'a pas donné son approbation.

15.03    [...] La CAEA a le droit d'exiger de l'employeur qu'il dépose les cautionnements ou autres garanties, notamment en espèces, qu'elle estime nécessaires pour assurer le transport et le retour en toute sécurité de l'artiste.

Rémunération et autres indemnités

18.01    (A) Rémunération

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Apprenti

349,94 $

360,44 $

371,25 $

Corps 1

466,59 $

480,59 $

495,01 $

Corps 2

491,31 $

506,05 $

521,23 $

Corps 3

543,84 $

560,16 $

576,96 $

Corps 4

561,35 $

578,19 $

595,54 $

Corps 5

577,83 $

595,16 $

613,02 $

Corps 6

599,46 $

617,44 $

635,97 $

Deuxième soliste 1

634,48 $

653,51 $

673,12 $

Deuxième soliste 2

653,02 $

672,61 $

692,79 $

Deuxième soliste (de 3 à 5 ans d'ancienneté) + 2 % de plus par saison

Premier soliste 1

668,47 $

688,52 $

709,18 $

Premier soliste 2

707,61 $

728,84 $

750,70 $

Premier soliste 3

744,69 $

767,03 $

790,04 $

Premier soliste 4

775,59 $

798,86 $

822,82 $

Premier soliste 5

805,46 $

829,62 $

854,51 $

Danseur principal

941,42 $

969,66 $

998,75 $

18.02    Catégories

(A)        Les catégories ci-dessus - corps de ballet, deuxième soliste, premier soliste et danseur principal - ont trait à la place occupée par l'artiste sur l'affiche de la compagnie et non dans la distribution d'un ballet particulier et ne dépendent pas des rôles joués dans un ballet.

(B)        Un danseur principal est celui dont le nom apparaît sur l'affiche de la compagnie en plus grosses lettres; viennent ensuite, dans l'ordre, les solistes et les danseurs du corps de ballet.

(D)        L'employeur convient de payer au moins la rémunération minimale indiquée dans la présente convention de base pour la catégorie la plus élevée à laquelle un artiste appartient en vertu de son contrat.

(E)        L'employeur peut exiger d'un artiste qu'il travaille comme danseur de n'importe quelle catégorie, que celle-ci soit indiquée dans son contrat ou non, à moins que lui et l'artiste conviennent, au moment de la négociation du contrat, que ce dernier peut devoir travailler comme danseur d'une (1) ou de deux (2) catégories seulement. [...]

Paie de vacances

18.04    Tous les artistes engagés par l'employeur reçoivent ou accumulent une paie de vacances, conformément aux catégories et aux taux suivants [...]

18.05    Indemnité quotidienne (hébergement en tournée et indemnité de subsistance)

(A)        [...]

(B)        L'indemnité de repas en tournée est de cinquante-cinq dollars et trente-cinq cents (55,35 $) par jour pour la période allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.

Stipulations générales - Répétitions

25.01    [...]

(C)        L'artiste n'est pas tenu de répéter plus de deux (2) heures supplémentaires par jour. Lorsqu'il le fait, il reçoit le double du taux du temps supplémentaire pour chaque demi-heure (½) ou partie de demi-heure dépassant les deux (2) heures. (Voir aussi les règles 25.02(B), (C) et (D), ainsi que 25.03(D) et (E) concernant la durée.)

Horaires des répétitions et des spectacles

27.02    [...] Si l'artiste ne fait pas savoir à l'employeur qu'il sera en retard à une répétition ou à une représentation ou qu'il sera incapable d'y assister (voir la règle 27.05), la personne responsable de la répétition ou de la représentation en informe l'employeur. Ce dernier peut déduire de la rémunération de l'artiste la moitié du taux horaire pour chaque demi-heure (½) ou partie de demi-heure d'absence. L'artiste peut porter en appel auprès de la CAEA la décision de l'employeur de ne pas le payer pendant son absence. La décision de la CAEA est définitive et obligatoire. [...]

29.16    Risques extraordinaires

(A) S'il est appelé à exécuter, pendant une répétition ou une représentation, des services qui comportent des risques extraordinaires, qu'il est blessé au cours de cette exécution et qu'il devient ensuite incapable de répéter ou de se produire, l'artiste reçoit la rémunération à laquelle il a droit jusqu'à ce qu'il soit en mesure de reprendre le travail ou, à défaut, pendant une période maximale de cinq (5) ans.

            [...]

(D)        Les artistes ont le droit de refuser de s'exposer à des risques extraordinaires.

Costumes, perruques, chaussons, maquillage, etc.

31.01    L'employeur s'engage à fournir à tous les artistes, avant les représentations et les répétitions, tous les costumes correctement ajustés qu'il exige, y compris les collants de spectacle, les perruques, les épingles à perruque, les bijoux, les barbes, les postiches, les chaussons, la peinture de peau, le fond de teint blanc en crème et jusqu'à six (6) paires de rubans pour les chaussons à pointe (femmes) ainsi que des élastiques pour les chaussons, pour toutes les représentations, répétitions et cours. Sauf en cas d'urgence, chaque artiste féminine reçoit ses propres collants pour les représentations de la saison.

31.06    Si les chaussons d'un artiste ne conviennent plus pour la danse au cours d'une saison, l'employeur les remplace par des articles qu'il a en réserve ou en commande de nouveaux qui respectent les exigences du danseur. Tout différend sur la question de savoir si les chaussons d'un danseur peuvent être portés est réglé définitivement par l'employeur et le maître ou la maîtresse de ballet.

34.02    Congés de maladie

            L'employeur convient que, pendant son engagement, l'artiste a droit à au moins quatorze (14) jours de congé de maladie entièrement payés du 1er juillet d'une année au 30 juin de l'année suivante. Le nombre de jours de maladie consécutifs qui peuvent être pris pour un même incident ne peut excéder sept (7) jours civils.

43.        Engagement en tant qu'artiste invité

            L'artiste peut, si l'employeur l'y autorise, accepter des engagements en tant qu'artiste invité à l'extérieur de la compagnie. Si l'employeur donne son autorisation, il informe l'artiste par écrit de la rémunération perdue et des frais relatifs aux costumes ou à la location de bande. Il incombe à l'artiste d'obtenir l'autorisation écrite de l'employeur avant de conclure une entente d'artiste invité.

49.        Règles de l'employeur

            Les artistes sont assujettis aux règles de l'employeur qui ne sont pas incompatibles avec la présente convention de base.

Témoignage de John Wright

[11]     M. Wright faisait partie des deuxièmes solistes du Royal Winnipeg Ballet pendant la période en cause. À ce titre, il pouvait jouer certains rôles de genre ou certains rôles principaux. Il est actuellement l'un des premiers solistes de la compagnie. M. Wright a signé son premier contrat avec le Royal Winnipeg Ballet en 1997. Lui et son épouse ont alors conclu des contrats avec M. Lewis pour faire partie du corps de ballet (niveau 4). Ils ont négocié les frais de déménagement et la durée du contrat de cette première saison. M. Wright en est à son septième contrat d'une saison.

[12]     M. Wright a décrit une journée type lorsqu'il n'y a pas de représentation et une journée type lorsqu'il y a une représentation. Les jours où il n'y a pas de représentation, il participe à une séance d'échauffement d'une heure et demie offerte par le Royal Winnipeg Ballet. La compagnie était tenue d'offrir cette séance, qui est dirigée par un maître ou une maîtresse de ballet, mais le danseur n'était pas obligé d'y assister et pouvait décider de ne pas s'y présenter (cela n'arrivait presque jamais). Le danseur pouvait s'échauffer où et comment il le voulait. M. Wright a toujours assisté à cette séance parce qu'[TRADUCTION] « il ne pouvait pas s'en passer » , a-t-il dit. La première répétition obligatoire avait lieu de 11 h à 14 h. C'est le personnel artistique, sous la direction de M. Lewis, qui décidait de la nature de la répétition. Les danseurs pouvaient répéter plus d'un ballet à la fois; les répétitions étaient souvent divisées en trois parties d'une heure, chacune étant consacrée à un ballet différent. Il y avait une pause d'au moins une heure, suivie de trois autres heures de répétition. Les danseurs pouvaient répéter cinq jours par semaine lorsqu'ils étaient à Winnipeg.

[13]     Les jours où il y avait une représentation en soirée, le travail débutait plus tard, à 12 h 30 ou à 13 h. Il y avait d'abord une période d'échauffement et ensuite une répétition. Chaque danseur se prépare différemment en vue d'une représentation, mais la plupart des danseurs commencent leur préparation une heure à une heure et demie avant le spectacle.

[14]     Des avantages spéciaux étaient accordés pendant les tournées. Par exemple, les danseurs pouvaient avoir droit à un jour de congé après un vol de jour, un certain nombre d'heures par jour seulement pouvant être consacré au déplacement. De telles questions étaient négociées de façon ponctuelle avec la CAEA.

[15]     M. Wright a décrit la collaboration existant entre le directeur artistique, le chorégraphe et le danseur. Chaque danseur apporte ses forces, sa diversité, ses mouvements, ses levés et sa personnalité à un rôle. Un chorégraphe tente de saisir la vision du directeur artistique et travaille avec le danseur à la création des mouvements qui la traduisent. Quant au danseur, il apporte des nuances au rôle grâce à ses forces et à son interprétation; cela doit cependant, selon M. Lewis, être dans les limites de ce qui convient. M. Wright a laissé entendre qu'un chorégraphe peut laisser le danseur modifier ou améliorer les mouvements. Inversement, le chorégraphe peut donner des conseils à un danseur sur certains mouvements afin que ce dernier évoque certaines émotions. Le maître ou la maîtresse de ballet sont les yeux du danseur et indiquent à celui-ci à quel moment, par exemple, se redresser ou faire des pointes, même si, selon M. Wright, c'est de lui que relève l'interprétation finale.

[16]     M. Wright a indiqué dans son témoignage qu'il avait négocié une rémunération un peu plus élevée que ce que l'échelle de la Canadian Ballet Agreement prévoyait. Il a également travaillé comme mannequin et joué dans des films pendant la durée de son contrat avec le Royal Winnipeg Ballet. S'il était invité par une autre troupe, le fait qu'il faisait partie du Royal Winnipeg Ballet devait être mentionné. Pendant la période pertinente, il a été invité par le Ballet B.C. et s'est produit devant la Reine lors d'un spectacle conçu spécialement pour son jubilé, en vertu d'un contrat conclu avec la province du Manitoba. M. Wright a demandé l'approbation de M. Lewis afin de s'assurer que ces engagements n'entraient pas en conflit avec son horaire au Royal Winnipeg Ballet. M. Wright a facturé la TPS, quoique aucune facture n'ait été présentée au Royal Winnipeg Ballet. La compagnie retenait l'impôt, mais pas les cotisations au Régime de pensions du Canada ou les primes d'assurance-emploi.

[17]     Les dépenses suivantes étaient à la charge de M. Wright :

-         vêtements d'entraînement;

-         vêtements de répétition;

-         certaines chaussures;

-         frais de gymnase, leçons de Pilates;

-         corset lombaire;

-         ceinture herniaire;

-         soins de chiropratique et massages au-delà du plafond de 500 $ prévu par le régime d'indemnisation;

-         produits de maquillage;

-         cours avec d'autres troupes en tournée.

[18]     Pendant la période d'inactivité du Royal Winnipeg Ballet, M. Wright continuait son entraînement et acceptait d'autres engagements (artiste invité, cinéma, travail de mannequin).

Témoignage de Tara Birtwhistle

[19]     Mme Birtwhistle a commencé sa carrière de danseuse à l'âge de 14 ans. Elle a gravi régulièrement les échelons au sein du Royal Winnipeg Ballet et est devenue danseuse principale en 1999, un poste qui, selon elle, signifiait qu'elle était une étoile. Tous ses contrats avec le Royal Winnipeg Ballet ne portaient que sur une saison. La Canadian Ballet Agreement prévoit que le contrat d'un danseur principal doit durer au moins 46 semaines.

[20]     Mme Birtwhistle assistait également aux séances d'échauffement d'une heure à une heure et demie décrites par M. Wright, sans être payée. En tant que danseuse principale, elle pouvait répéter dans un studio séparé et travailler plusieurs rôles. Les jours de représentation, elle s'occupe elle-même de sa préparation, laquelle commence à 18 h si le spectacle est à 20 h.

[21]     En ce qui concerne la danse comme telle, Mme Birtwhistle contribue grandement à la réalisation de la vision du directeur artistique sur scène. Elle travaille étroitement avec le directeur artistique et le chorégraphe à cet égard, en particulier lorsqu'il s'agit d'une nouvelle pièce. Les pièces qui ont déjà été jouées peuvent être apprises dans une certaine mesure en regardant des vidéos, avec l'aide cependant du maître ou de la maîtresse de ballet. Mme Birtwhistle a parlé de collaboration pour décrire les activités menant à la présentation d'une pièce. Le spectacle final dépend énormément, cependant, des choix artistiques du danseur pendant la représentation et de la manière dont il se sent ce jour-là, ainsi que de son style. Comme Mme Birtwhistle l'a souligné, il peut y avoir différentes Juliette.

[22]     En ce qui concerne son contrat particulier, Mme Birtwhistle n'a pas négocié une rémunération dépassant l'échelle établie. Elle a négocié des avantages en tournée (elle voyage avec son chien par exemple) et des congés lui permettant de se produire ailleurs (elle a notamment fait une tournée avec Julie Andrews et s'est produite avec Christopher Plummer). Mme Birtwhistle a aussi dansé à l'extérieur du Royal Winnipeg Ballet, lors de nombreux galas, notamment devant la Reine, et de soirées-bénéfices. Elle a aussi travaillé comme mannequin et joué dans des films. Un contrat distinct devait être conclu par l'entremise de l'ACTRA pour faire du cinéma.

[23]     Les déclarations de revenus de Mme Birtwhistle ont toujours été celles d'un entrepreneur indépendant. Elle percevait aussi la TPS et chargeait le Royal Winnipeg Ballet de retenir les impôts. Elle supportait les mêmes dépenses que M. Wright, auxquelles s'ajoutaient les suivantes :

          -         bandages, laine d'agneau;

          -         aiguilles;

          -         rubans;

          -         Advil;

          -         soins podiatriques;

          -         chaussures athlétiques tout sport.

[24]     Pendant la saison morte, Mme Birtwhistle continuait de suivre des cours chaque jour à ses frais, notamment à l'étranger. Elle a parlé, par exemple, de cours suivis en Italie avec un professeur particulier.

[25]     L'autre appelante, Mme Souster, n'a pas témoigné.

Droit applicable

[26]     Le droit régissant la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant a été exposé de manière exhaustive par le juge Major de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[2]. Il est inutile que j'effectue la même analyse. Il convient cependant que je cite pour commencer le passage suivant de cet arrêt :

47         Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

48         Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[27]     Le juge Major dresse la liste non exhaustive suivante des facteurs à prendre en considération lorsqu'il faut déterminer si un travailleur qui fournit des services à un payeur le fait à son compte :

a)        le degré de contrôle - ce facteur doit toujours être pris en considération;

          b)       la question de savoir à qui appartient les outils de travail;

          c)        la question de savoir si le travailleur engage ses propres employés;

          d)       l'étendue des risques financiers;

e)        le degré de responsabilité en ce qui concerne les mises de fonds et la gestion;

          f)        la possibilité de profit.

[28]     Avant de déterminer si d'autres facteurs s'appliquent en l'espèce, je dois faire trois observations sur la méthode recommandée par le juge Major. Premièrement, l'intention des parties - la question de savoir comment elles voient leur relation - ne figure dans la liste qu'il a établie. Deuxièmement, il ne s'est pas servi du critère de l'intégration. Troisièmement, ses facteurs peuvent très bien, à mon avis, être répartis en deux catégories : les facteurs relatifs au contrôle et les facteurs économiques. Je traiterai maintenant de chacune de ces observations.

[29]     Les avocats m'ont présenté des points de vue différents sur l'importance de l'intention des parties. L'intimé et l'avocat du Royal Winnipeg Ballet ont tous deux laissé entendre que l'intention doit être prise en considération avec tous les autres facteurs lorsqu'il faut résoudre le dilemme employé-entrepreneur indépendant. Le poids à y accorder dépendra, comme pour tous les autres facteurs, des circonstances et des faits particuliers de l'affaire. L'avocate des danseurs a une opinion différente sur la question. Elle s'appuie à cet égard sur l'arrêt Wolf c. Canada[3], où le juge Noël a écrit :

123       ... Mon évaluation de l'ensemble de la relation entre les parties ne n'amène pas à une conclusion claire et c'est pourquoi, selon moi, il faut examiner la façon dont les parties voyaient leur relation.

124       Ce n'est pas un cas où les parties qualifiaient leur relation d'une façon telle que cela leur procure un avantage fiscal. Aucune manoeuvre frauduleuse ou aucun maquillage de quelque sorte n'est allégué. Il s'ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l'emporter à moins qu'elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu'elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu'elles se trouvaient dans une relation d'entrepreneur indépendant et qu'elles ont agi d'une façon conforme à cette relation, je n'estime pas que la juge de la Cour de l'impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente (à comparer avec l'affaire Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), à la page 170).

[31]     L'intention ne devient un facteur que si les critères juridiques pertinents ne permettent pas de tirer une conclusion définitive et qu'aucune manoeuvre frauduleuse ou aucun maquillage de quelque sorte n'est allégué. Je souscris à cette idée. Dans les circonstances appropriées, l'intention sert simplement d'élément de démarcation, ce qui concorde avec l'approche du juge Major. L'[TRADUCTION] « intention » ne joue pas un rôle plus important. Si l'[TRADUCTION] « intention » avait l'importance que la Cour suprême du Canada semble avoir accordée au contrôle, les payeurs, les employeurs, les employés et les entrepreneurs indépendants pourraient penser que le droit de participer ou non au régime d'assurance-emploi est reconnu dans une certaine mesure. Or, il faut se rappeler que ce régime n'est pas volontaire.

[32]     En ce qui concerne le critère de l'intégration, peu importe le degré de clarté qui peut être attribué à l'expression, il existe une grande confusion au regard de la question de savoir s'il fait partie du critère élaboré dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[4], s'il s'agit d'un critère autonome ou même d'un critère approprié. La Cour suprême du Canada n'a pas dit que le critère de l'intégration devait être pris en considération. À mes yeux, cela sonne l'arrêt de mort de ce critère particulier, et je n'en reparlerai plus.

[33]     Le plus important reste cependant les facteurs relatifs au contrôle et les facteurs économiques qui sont déterminants dans le cas d'une compagnie de ballet. J'examinerai les questions suivantes au regard du contrôle : qui décide de la façon dont les travailleurs dansent (cette question concerne directement le talent artistique et l'indépendance de l'expression), qui décide du rôle qu'un danseur interprétera, qui est responsable de la gestion des danseurs en général (par exemple, qui décide des engagements qui peuvent être acceptés). Certains facteurs qui semblent être relatifs au contrôle ne permettent pas cependant de faire la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant dans le domaine des arts du spectacle parce qu'ils sont les mêmes, peu importe le statut du travailleur - employé ou entrepreneur indépendant -, par exemple qui fixe l'heure des répétitions et des représentations et qui décide des spectacles qui seront présentés au cours d'une saison, de la date du début et de la fin de la saison, des costumes qui devraient être portés et de qui peut remplacer un danseur[5]. À cause de la nature même du travail, toutes ces questions relèveront toujours de la compagnie artistique, qu'il s'agisse de ballet, d'opéra ou de théâtre. Si ces facteurs menaient à la conclusion qu'une relation employeur-employé existe, aucun travailleur d'une compagnie artistique ne pourrait jamais être un entrepreneur indépendant. J'estime que ces facteurs ne sont pas utiles pour savoir si un travailleur du domaine des arts du spectacle est un employé ou un entrepreneur indépendant. Seuls les facteurs qui laissent place à une certaine latitude sur le plan du contrôle devraient être pris en considération.

[34]     La même approche peut être utilisée en ce qui a trait aux facteurs économiques. Les facteurs qui, en raison de la nature du travail, sont les mêmes, peu importe la nature de la relation, ne peuvent être considérés comme des facteurs déterminants. La fourniture des outils de travail est l'un de ces facteurs. Dans le cas d'un danseur, cette expression n'a pas son sens ordinaire, un danseur apportant peu d'outils à son travail. Elle désigne plutôt l'[TRADUCTION] « outil » principal du danseur, son corps. Ce facteur ne permet pas de distinguer l'employé de l'entrepreneur indépendant : peu importe la nature de la relation, l'outil principal fourni par un danseur est toujours le même, son corps. Cet outil ne peut jamais appartenir à la compagnie de ballet. Le danseur fournira toujours son corps, comme le chirurgien fournit ses mains, le professeur, son cerveau et le sommelier, son palais. La propriété de cet [TRADUCTION] « outil » ne permet pas de faire la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant.

[35]     Les risques financiers, la possibilité de profit, le degré de responsabilité en ce qui concerne les mises de fonds et la propriété des outils (autres que le corps lui-même) peuvent cependant varier d'un cas à l'autre. Il faut prendre ces facteurs économiques en considération pour connaître la véritable nature d'une relation.

[36]     Comme j'ai écarté plusieurs facteurs parce qu'ils ne sont pas déterminants dans le cas d'une compagnie de ballet, la distinction doit reposer sur une poignée seulement de facteurs décisifs, l'importance de chacun pouvant varier. En outre, en écartant ces facteurs, on élimine certaines préconceptions comme celle voulant que le danseur soit un employé puisque c'est la compagnie de ballet qui fixe les représentations et les répétitions, ou celle voulant que, parce que son corps est l'outil principal de son travail, le danseur soit un entrepreneur indépendant. L'intimé n'a pas prétendu que l'artiste doit toujours être nécessairement un employé étant donné la nature des arts du spectacle et le contrôle inhérent exercé par la compagnie de ballet. De leur côté, les appelants n'ont pas fait valoir que l'artiste doit toujours être nécessairement un entrepreneur indépendant vu la nature des arts du spectacle et le fait que l'outil principal de son travail lui appartient. La nature des arts du spectacle ne détermine pas en soi la nature de la relation juridique. Il faut, par conséquent, examiner les quelques facteurs très importants qui peuvent permettre de faire la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant.

[37]     Existe-t-il d'autres facteurs qui pourraient m'aider? Je conviens avec tous les avocats que la Canadian Ballet Agreement devrait être consultée. Cette convention concerne tous les facteurs. Aucune partie ne laisse entendre que la convention fait plus que refléter les modalités de l'entente. La convention devrait cependant être examinée à la lumière de la Loi sur le statut de l'artiste[6].

[38]     J'analyserai maintenant les facteurs déterminants en tenant compte de ce contexte.

Analyse

Facteurs relatifs au contrôle

Qui décide comment le travailleur danse?

[39]     L'interprétation, par un danseur, du rôle qui lui est confié comporte de nombreuses facettes. Il ne s'agit pas simplement de liberté d'expression artistique. Le [TRADUCTION] « contrôle » exercé sur le travail d'un danseur est un concept délicat parce qu'il concerne le talent d'un danseur, cette combinaison indéfinissable de technique, de flair, d'âme, de beauté et de grâce - ce qui est incontrôlable à de nombreux égards. Or, comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas seulement l'expression artistique qui est en cause. Je dois également tenir compte de la technique du danseur, de la coordination de la danse, de la vision et de l'intégrité artistique de l'exécution, des différences de talent parmi les danseurs d'une troupe de ballet et de l'effet de l'environnement de travail sur la manière dont le danseur danse.

[40]     Je parlerai d'abord de l'expression artistique, ce talent artistique inné, créatif et individuel, l'essence même de ce qui est unique à chaque personne. Certains prétendent que toute tentative de contrôle de cette qualité nébuleuse pourrait étouffer la créativité. Une telle idée de [TRADUCTION] « contrôle » déplaît à l'artiste de spectacle. Je pense que le Royal Winnipeg Ballet le reconnaît; en fait, certains danseurs ont été choisis afin d'apporter cette créativité même aux rôles qui leur sont confiés. Ce n'est pas ce qui est assujetti au contrôle; ni les danseurs ni le Royal Winnipeg Ballet ne voudraient qu'il en soit autrement. C'est cette liberté artistique qui peut transformer une bonne exécution en une grande exécution. Le fait que l'exécution ne peut et ne devrait pas être contrôlée ne mène pas à la conclusion que c'est le danseur qui décide de tout ce qui concerne la danse et, en conséquence, qu'il est un entrepreneur indépendant. Ce facteur doit être placé dans le contexte : il ne s'agit que d'un élément de la manière dont le danseur danse, la manière dont le danseur danse n'est qu'un des facteurs relatifs au contrôle et le contrôle n'est qu'un des facteurs qui doit être pris en compte pour déterminer la nature de la relation juridique.

[41]     La technique est un autre élément de ce qui constitue la manière dont le danseur interprète le rôle qui lui a été attribué. M. Wright a reconnu que le maître de ballet donne des indications sur les mouvements techniques que le danseur doit exécuter. Il a donné l'exemple d'un chorégraphe suggérant à un danseur qui doit exprimer la tristesse de se tourner et de laisser tomber les épaules. Les danseurs répètent six heures par jour en moyenne, cinq jours par semaine pendant la saison, les répétitions étant cependant moins longues les jours de représentation. Ils répètent sous le regard attentif des maîtres de ballet, maîtresses de ballet, chorégraphes et directeur artistique. Ils sont dirigés. Je conclus des témoignages de M. Wright et de Mme Birtwhistle qu'en tant que soliste et danseuse principale ils discutaient des mouvements et de l'interprétation de leurs rôles avec le directeur artistique. Cela ne veut pas dire cependant que les danseurs menaient la barque : c'est le personnel artistique qui le faisait.

[42]     De même, en ce qui concerne la coordination de la danse, rien dans la preuve n'indique que ce sont les danseurs qui décident du moment, du rythme et de la coordination des mouvements avec les autres danseurs.

[43]     En outre, la danse est répétée et exécutée d'une manière qui reflète la vision du directeur artistique. M. Wright a reconnu que c'est la vision du directeur artistique qu'il essayait de créer. Le directeur artistique lui-même a indiqué qu'il lui incombait notamment d'assurer l'intégrité artistique de la pièce. Il peut écouter les suggestions d'un danseur d'expérience, mais c'est lui qui a le dernier mot. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de collaboration. En fait, il y en a. Mais elle est très différente de celle qui existe au sein d'une équipe de production d'émissions de télévision, comme celle qui était en cause dans l'affaire Les Productions Petit Bonhomme Inc. c. M.R.N.[7]. Le juge Angers a décrit l'arrangement existant dans cette affaire dans les termes suivants :

104       Toutes ces particularités relatives à la participation de chacun à la production des émissions en question appuient la conclusion qu'une telle production est le fruit des idées, du talent, de la créativité et du savoir-faire qu'apporte chacun à l'exercice de ses fonctions, lesquelles s'exercent sous le contrôle du producteur quant à la façon d'exécuter leur travail. Et le tout se passe dans un climat de collaboration entre professionnels. La situation des travailleurs en l'espèce, s'apparente donc davantage à celle de travailleurs indépendants.

[44]     Dans cette affaire, aucun coiffeur ne supervisait ou ne dirigeait le travail des autres coiffeurs et aucun preneur de son ne surveillait le travail des autres preneurs de son. En l'espèce par contre, les danseurs avaient une équipe de danseurs professionnels expérimentés - maîtres et maîtresses de ballet, chorégraphes et directeur artistique - qui faisait exactement cela. Contrairement au producteur de l'émission de télévision, le directeur et le personnel artistiques du Royal Winnipeg Ballet font beaucoup plus que collaborer avec les danseurs. L'environnement de travail en est plus un de subordination que de collaboration, malgré une certaine collaboration avec les danseurs plus expérimentés. Il faut maintenant se demander si une danseuse principale, par exemple, a acquis suffisamment d'indépendance artistique pour que son cas soit différent de celui des autres danseurs, en ce sens que son travail n'est pas assujetti au contrôle du Royal Winnipeg Ballet.

[45]     Mme Birtwhistle s'est décrite comme l'étoile. Elle a indiqué dans son témoignage qu'en tant qu'étoile elle avait droit à son propre studio de répétition, elle pouvait discuter avec le directeur artistique des rôles qu'elle pouvait jouer et faire des suggestions sur l'interprétation de ces rôles, et elle bénéficiait de certains avantages en tournée. Il est impossible, à la lumière de la preuve, de savoir à quel point la contribution de Mme Birtwhistle aux décisions artistiques a été plus importante que celle des autres danseurs. Il ne fait aucun doute cependant qu'en tant que danseuse principale son influence était généralement plus grande. Je ne suis pas convaincu toutefois que cette influence ou cette contribution l'emportent sur un environnement où le personnel artistique du Royal Winnipeg Ballet décide d'une grande partie des facettes du travail des danseurs, les examine à la loupe, les dirige et, dans les faits, les contrôle.

Qui décide des rôles que les danseurs interpréteront?

[46]     En définitive, c'est le directeur artistique qui décide quel danseur interprétera tel rôle. Mme Birtwhistle a cependant déclaré dans son témoignage qu'elle discutait de cette question avec M. Lewis. Elle connaissait bien ses forces et savait quels rôles lui convenaient. Ce n'était pas réellement M. Lewis qui décidait dans son cas.

[47]     La situation semblait être différente dans le cas de M. Wright. Ce dernier a indiqué dans son témoignage qu'il aimait jouer un certain type de rôle. Si le directeur artistique lui demandait de jouer un tel rôle, il acceptait. Il ne semble pas qu'il pouvait exiger les rôles qu'il voulait. Cet élément de contrôle est lié en réalité à la vendabilité du danseur. Le danseur à son compte a davantage son mot à dire sur ce qu'il fait, et il peut faire valoir ses forces pour obtenir un rôle. L'employé est plus susceptible de prendre ce qu'on lui donne et a peu ou pas du tout la possibilité de proposer autre chose. Seul le témoignage de Mme Birtwhistle démontre qu'elle est un entrepreneur indépendant à l'égard de cet aspect du contrôle.

Qui est responsable de la gestion des danseurs en général?

[48]     Il y a trois aspects de la gestion des danseurs qui sont importants aux fins de la question du contrôle : qui est responsable de l'entraînement, qui gère l'usure des corps des danseurs et qui contrôle les engagements à l'extérieur de la compagnie.

[49]     Le Royal Winnipeg Ballet fournit des services d'entraîneur lors des répétitions concernant des prestations particulières. Il offre aussi une séance d'échauffement facultative, mais pas de programmes de mise en forme, de leçons de Pilates ou d'autres programmes d'entraînement, ni pendant la saison ni le reste de l'année. Selon M. Wright et Mme Birtwhistle, ce type d'entraînement, qui vise à maintenir le corps en excellente condition afin d'être en mesure d'atteindre un niveau de qualité convenant au Royal Winnipeg Ballet, a été laissé aux soins des danseurs eux-mêmes. Mme Birtwhistle a indiqué que, pendant la saison morte, elle suivait également, que ce soit ici ou à l'étranger, une formation technique additionnelle sans que le Royal Winnipeg Ballet ne le lui demande. Les danseurs devaient rester souples, en santé et en forme. C'était leur devoir de le faire.

[50]     Les nombreuses heures d'entraînement, de répétition et d'exécution doivent avoir un impact considérable sur le corps d'un danseur. C'est d'ailleurs ce qui ressort clairement de la description faite par Mme Birtwhistle de certaines des dépenses qu'elle devait elle-même supporter : bandages, laine d'agneau, aiguilles, Advil et soins podiatriques. M. Wright a aussi fait mention de corset lombaire, de ceinture herniaire, de soins de chiropratique et de massages, ces dépenses considérables excédant le plafond de 500 $ prévu par le régime d'indemnisation. Contrairement à la propriété du corps, l'entretien du corps peut influer sur la nature de la relation. Le Royal Winnipeg Ballet a reconnu l'importance de cet entretien et a établi un régime de prestations à cet égard, lequel couvre les soins de chiropratique et les massages jusqu'à un maximum de 500 $.

[51]     En ce qui concerne les engagements à l'extérieur de la compagnie, M. Wright et Mme Birtwhistle en ont tous les deux beaucoup eu. Ce sont eux qui décidaient des engagements qu'ils acceptaient : danser comme artiste invité avec une autre troupe, se produire lors de soirées-bénéfices, travailler comme mannequin, jouer dans des films, etc. Il y avait cependant deux conditions concernant les engagements à l'extérieur du Royal Winnipeg Ballet : ils devaient être approuvés par le directeur artistique, M. Lewis, et les danseurs devaient se présenter comme des membres du Royal Winnipeg Ballet dans le cadre de ces activités[8]. Ces deux conditions sont importantes.

[52]     M. Wright et Mme Birtwhistle ont peut-être bien travaillé à leur compte à l'extérieur de la compagnie, mais les deux conditions imposées par le Royal Winnipeg Ballet laissent croire que celui-ci était davantage que le principal client des danseurs. Ces conditions révèlent un degré de contrôle indiquant l'existence d'un contrat de louage de services : vous pouvez travailler ailleurs lorsque nous le décidons et, dans certaines circonstances, vos liens avec nous doivent être mentionnés clairement. Il s'agit d'une lourde obligation à imposer à un entrepreneur indépendant.

[53]     En résumé, il est toujours utile et il convient toujours d'évaluer le facteur relatif au contrôle même si cela est difficile dans le cas d'un professionnel hautement qualifié. Il y a cependant suffisamment de facteurs réellement déterminants qui s'appliquent dans un tel cas. Les éléments suivants semblent indiquer que les danseurs travaillaient à leur compte :

(i)       le fait que le talent artistique d'un danseur est unique et n'est assujetti à aucun contrôle;

(ii)       en ce qui concerne Mme Birtwhistle seulement, la possibilité de discuter avec le directeur artistique des rôles qui lui convenaient;

(iii)      la responsabilité de l'entraînement nécessaire pour demeurer en excellente forme physique;

(iv)      la responsabilité en ce qui concerne le maintien du corps en bonne santé;

          (v)      la possibilité d'accepter d'autres engagements;

          (vi)      la possibilité de négocier des avantages.

[54]     Les éléments suivants portent par contre à croire que les danseurs étaient des employés :

(i)       c'est le directeur artistique qui décidait de l'attribution des rôles;

(ii)       la subordination à la direction et l'enseignement de la technique par le personnel artistique du Royal Winnipeg Ballet;

(iii)      la coordination de l'exécution par le personnel artistique afin d'assurer que la danse respecte la vision et l'intégrité artistique du directeur artistique;

(iv)      l'obligation d'obtenir la permission du Royal Winnipeg Ballet avant de travailler ailleurs;

(v)      l'obligation de mentionner ses liens avec le Royal Winnipeg Ballet dans le cadre des engagements extérieurs;

(vi)      le fait que le Royal Winnipeg Ballet a un régime d'indemnisation pour les danseurs;

(vii)     les séances d'échauffement gratuites fournies par le Royal Winnipeg Ballet.

[55]     Dans l'ensemble, j'estime que le contrôle semble avoir été exercé davantage par le Royal Winnipeg Ballet que par les danseurs.

Facteurs économiques

Quels risques financiers sont supportés par les danseurs?

[56]     Peu, voire aucun, selon l'intimé. Les danseurs recevaient un salaire en fonction de leur ancienneté et non en fonction du temps réellement travaillé. Les appelants font toutefois valoir qu'ils couraient le risque - important - de ne pas se faire offrir un contrat pour la saison suivante. Les avocats des appelants se sont appuyés sur les commentaires suivants formulés par le juge Legg dans l'arrêt Walden v. Danger Bay Productions Ltd. et al.[9] :

[TRADUCTION]

Il y avait une possibilité de profit en vertu des contrats avec l'ACTRA, l'organisation des interprètes, et des contrats conclus entre les actrices et le producteur. Il n'y avait aucun risque apparent de perte dans les contrats. Cette perspective est faussée parce qu'elle est considérée du point de vue du producteur. Or, pour les interprètes, il ne s'agit que d'une étape dans leur carrière. Le degré de succès qu'elle a remporté dans le rôle peut être tout aussi important ou plus important pour sa carrière que pour la série. De ce point de vue, il y a donc à la fois une possibilité de profit et un risque de perte pour l'actrice.

[57]     Les danseurs courent de faibles risques financiers en vertu des modalités du contrat pour une saison qu'ils concluent avec le Royal Winnipeg Ballet. L'intimé a raison quand il dit que les danseurs sont payés peu importe le nombre d'heures qu'ils dansent. Du point de vue des danseurs, certains frais à leur charge ont une incidence sur leur rémunération nette. Ces frais ont trait principalement à l'entraînement et aux soins de santé, au sens le plus large. Peu d'éléments de preuve démontant l'importance de ces coûts ont été présentés. Les danseurs n'ont produit aucun état financier d'une entreprise. M. Wright a laissé entendre que les dépenses de chiropratique et de massages pouvaient atteindre deux ou trois fois le montant assumé par le Royal Winnipeg Ballet. Les autres frais - cours privés, mise en forme, bandages, Advil, etc. - n'ont pas non plus été précisés, mais rien ne permettait de croire qu'ils étaient élevés au point d'entraîner une perte d'entreprise pour les danseurs. Le Royal Winnipeg Ballet se chargeait des dépenses liées à tous les déplacements, prestations et paies de vacances ainsi qu'à certains congés.

[58]     L'argument le plus intéressant est celui selon lequel un contrat d'une saison avec le Royal Winnipeg Ballet n'est qu'une étape dans la carrière d'un danseur professionnel qui peut avoir une grande incidence sur son avenir. Cela peut bien être vrai : une saison de critiques dithyrambiques avec le Royal Winnipeg Ballet ouvrira davantage de portes dans l'avenir; une saison de prestations moins marquantes pourrait mettre fin à une carrière. Mais un employé ne court-il pas le même risque? Peu importe que le danseur ait un emploi d'un an en tant qu'employé ou un contrat d'un an en tant qu'entrepreneur, le [TRADUCTION] « risque pour la carrière » est le même. Ce facteur ne change pas en fonction de la nature de la relation juridique et, en conséquence, il n'aide pas vraiment à déterminer celle-ci. C'est comme dire à un danseur professionnel : [TRADUCTION] « Vous ne pouvez qu'être un entrepreneur indépendant étant donné que vous avez choisi une carrière comportant des risques. » Je ne crois pas qu'il faille nécessairement tirer une telle conclusion.

Quelle est la possibilité de profit du danseur?

[59]     La gestion des risques s'accompagne de la prise de mesures visant à maximiser les profits. Comme pour le risque de perte, la possibilité de profit découlant d'un contrat pour une saison est limitée. La rémunération est largement établie par la Canada Ballet Agreement selon l'ancienneté. Le soliste de niveau 1 a un salaire très élevé. La preuve a cependant démontré que les danseurs pouvaient négocier une rémunération supérieure à celle prévue par cette convention, mais que, lorsqu'une augmentation était obtenue, elle était peu importante.

[60]     La véritable possibilité de profit du danseur vient du fait qu'il s'améliore, qu'il devient l'étoile de la compagnie, comme Mme Birtwhistle l'a dit. Mais ce statut d'étoile ne semble pas avoir apporté plus de profits à cette dernière avec le Royal Winnipeg Ballet. Il peut amener des participations spéciales lucratives, des films et des engagements spéciaux, mais si les danseurs sont considérés comme des entrepreneurs indépendants et le Royal Winnipeg Ballet, comme leur principal client, rien dans la preuve n'indiquait que celui-ci serait la source de profits plus importants. En tant que client important, le Royal Winnipeg Ballet pourrait créer les conditions permettant au danseur de renforcer sa réputation et, ainsi, d'obtenir d'autres engagements plus lucratifs. Les arts du spectacle sont ainsi. Cependant, cette forme de possibilité de profit n'est pas unique à un entrepreneur indépendant.

Quel était le degré de responsabilité des danseurs en ce qui concerne la gestion et les mises de fonds?

[61]     Peu d'éléments de preuve ont été produits au sujet de la gestion d'une entreprise indépendante constituée par le contrat conclu avec le Royal Winnipeg Ballet. La gestion des activités effectuées à l'extérieur de cette compagnie pourrait indiquer qu'un danseur agissait alors en tant qu'entrepreneur indépendant, mais cela ne permet pas de déterminer la nature de la relation existant entre les danseurs et le Royal Winnipeg Ballet.

[62]     L'investissement de temps par un danseur qui poursuit une carrière de danseur professionnel est exceptionnel. Comme il a été indiqué précédemment, il y a aussi un investissement économique pour ce qui est de l'entraînement et de l'entretien. Bien qu'il soit important, cet investissement ne constitue pas un investissement en capital qui distingue un employé d'un entrepreneur indépendant.

Qui fournit les outils de travail des danseurs?

[63]     Ce facteur économique n'est pas vraiment utile parce que j'ai écarté de l'analyse la fourniture du corps du danseur en tant qu'[TRADUCTION] « outil de travail » pour les motifs exposés ci-dessus. M. Wright et Mme Birtwhistle ont tous deux parlé dans leur témoignage de la variété d'accessoires dont ils assumaient eux-mêmes le coût : vêtements d'entraînement, vêtements de répétition, corset lombaire, ceinture herniaire, maquillage, bandages, aiguilles et rubans. Quant à l'un des outils les plus fondamentaux d'un danseur - les chaussons - l'obligation était partagée, le Royal Winnipeg Ballet et les danseurs les fournissant. Le Royal Winnipeg Ballet décidait, en conformité avec la convention collective, à quel moment les chaussons qu'il fournissait étaient suffisamment usés pour être remplacés. La compagnie fournissait également d'autres outils, comme les rubans, les élastiques, les collants, les perruques, les épingles à cheveux, les sacs à chaussons et les T-shirts.

[64]     En résumé, les éléments suivants semblent témoigner du statut d'entrepreneur indépendant des danseurs à l'égard du Royal Winnipeg Ballet :

(i)       les danseurs ont engagé des frais pour l'entraînement, l'entretien et des [TRADUCTION] « outils » accessoires;

(ii)       les danseurs pouvaient négocier un salaire supérieur à l'échelle prévue;

          (iii)      les contrats ne visaient qu'une saison;

(iv)      les risques financiers, ou le risque sur la carrière au-delà d'un contrat d'une saison, étaient susceptibles d'être gérés par un danseur expérimenté.

[65]     Les éléments suivants semblent par contre indiquer que les danseurs étaient des employés :

(i)       la rémunération versée aux danseurs dépendait principalement d'une échelle fondée sur l'ancienneté contenue dans la convention collective; il n'y avait dans les faits aucun risque de perte;

(ii)       il y avait peu d'écarts entre les salaires versés et l'échelle;

(iii)      les dépenses à la charge des danseurs semblaient peu élevées comparativement à celles supportées par le Royal Winnipeg Ballet[10];

(iv)      un [TRADUCTION] « risque pour la carrière » - la non-obtention d'un nouveau contrat - existe, peu importe la nature de la relation;

(v)      il n'y avait aucune possibilité de maximiser les profits en vertu du contrat conclu avec le Royal Winnipeg Ballet;

(vi)      les danseurs semblaient n'avoir aucune des responsabilités d'un entrepreneur indépendant en matière de gestion à l'égard du Royal Winnipeg Ballet;

(vii)     les danseurs ont investi peu de capitaux dans une [TRADUCTION] « entreprise » ;

(viii)    c'est le Royal Winnipeg Ballet qui décidait du remplacement des chaussons;

(ix)      des outils de travail étaient fournis par le Royal Winnipeg Ballet.

Tout bien pesé, ces facteurs économiques indiquent que les danseurs sont des employés.

[66]     J'examinerai maintenant l'autre facteur qui, d'après les parties, distingue les employés des entrepreneurs indépendants, à savoir la convention collective conclue entre le Royal Winnipeg Ballet et la CAEA, en tenant compte de la Loi sur le statut de l'artiste, précitée[11].

Canadian Ballet Agreement

[67]     L'existence de la Canadian Ballet Agreement ne permet pas, en soi, de conclure à une relation employeur-employé ou au statut d'entrepreneur indépendant. L'intimé fait valoir que la convention renferme des [TRADUCTION] « caractéristiques propres à un emploi » , mais il ne s'agit pas de facteurs qui sont déterminants dans le contexte d'une convention collective visant des artistes puisque la convention découle elle-même des droits des artistes inscrits dans la Loi sur le statut de l'artiste. Les dispositions suivantes de cette loi présentent un intérêt :

3.         La politique sur le statut professionnel des artistes au Canada, que met en oeuvre le ministre des Communications, se fonde sur les droits suivants :

a)         le droit des artistes et des producteurs de s'exprimer et de s'associer librement;

b)          le droit des associations représentant les artistes d'être reconnues sur le plan juridique et d'oeuvrer au bien-être professionnel et socio-économique de leurs membres;

[...]

5.          Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

            « accord-cadre » Accord écrit conclu entre un producteur et une association d'artistes et comportant des dispositions relatives aux conditions minimales pour les prestations de services des artistes et à des questions connexes.

« artiste » Entrepreneur indépendant visé à l'alinéa 6(2)b).

6(2)       La présente partie s'applique :

            [...]

b)         aux entrepreneurs indépendants professionnels - déterminés conformément à l'alinéa 18b) :

            [...]

(ii)         qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes,

[...]

9(3)       La présente partie ne s'applique pas, pour les activités qui relèvent de leurs fonctions :

            [...]

b)          aux employés - au sens de la partie I du Code canadien du travail - notamment déterminés par le Conseil canadien des relations de travail ou faisant partie d'une unité de négociation accréditée par celui-ci.

[68]     Le gouvernement du Canada a approuvé la conclusion du type même de convention qui est en cause en l'espèce. En fait, il encourage la coexistence d'une convention collective d'artistes professionnels et d'entrepreneurs indépendants. La loi ne permet pas cependant de savoir si un artiste est un employé ou un entrepreneur indépendant, mais elle semble indiquer que les artistes peuvent, en tant qu'entrepreneurs indépendants, régir collectivement des questions économiques. Ils ne devraient donc pas être considérés comme des employés simplement parce que ces questions semblent être des [TRADUCTION] « caractéristiques » propres à un emploi.

[69]     Le temps supplémentaire, les paies de vacances, la rémunération hebdomadaire, l'assurance-maladie supplémentaire, l'assurance-invalidité de longue durée, l'assurance-soins dentaires ainsi que les congés de maternité, de paternité et de décès constituent probablement certains des éléments socioéconomiques que la CAEA doit négocier au bénéfice de ses membres sous le régime de la Loi sur le statut de l'artiste. Par conséquent, je ne pense pas que ces avantages négociés soient des caractéristiques propres à un emploi. Ils ne signifient pas qu'un artiste a renoncé à son statut d'entrepreneur indépendant ou qu'il se considère comme un entrepreneur indépendant. Il s'agit en fait de facteurs neutres.

[70]     Peut-on alors considérer que toutes les conditions figurant dans la Canadian Ballet Agreement sont neutres? Non. Je fais référence seulement aux conditions qui sont qualifiées de [TRADUCTION] « caractéristiques propres à un emploi » , c'est-à-dire les conditions qui figurent généralement dans un contrat de travail, même si elles ne permettent pas réellement de faire la différence entre l'artiste professionnel employé et l'artiste professionnel travaillant à son compte.

[71]     Les appelants laissent entendre que certaines conditions figurant dans la Canadian Ballet Agreement ne devraient tout simplement pas se trouver dans un contrat de travail. Selon eux, les conditions suivantes sont incompatibles avec un tel contrat :

(i)       la négociation de meilleures conditions par chaque artiste (article 10);

(ii)       le droit du Royal Winnipeg Ballet de céder le contrat des danseurs (article 8);

(iii)      l'obligation du Royal Winnipeg Ballet de déposer un cautionnement garantissant l'exécution de ses obligations contractuelles (article 15);

(iv)      l'autorisation consentie par les danseurs au Royal Winnipeg Ballet concernant l'utilisation de leur image à certaines fins (article 33);

(v)      la possibilité d'accepter d'autres engagements (article 9);

(vi)      le fait qu'une rétribution distincte doit être prévue pour les rôles parlés ou chantés (article 24).

Examinons maintenant de plus près chacune de ces conditions.

(i)       Négociation de meilleures conditions

[72]     Un danseur qui vient frapper à la porte du Royal Winnipeg Ballet doit être un membre de la CAEA et il sera régi par la Canadian Ballet Agreement. Les modalités sont déjà établies. La Canadian Ballet Agreement stipule que les conditions qu'elle prévoit sont des conditions minimales et que le danseur peut en négocier de meilleures. Selon les appelants, cela ne signifie pas qu'ils sont des employés. Pourquoi? Un employé ne peut-il pas négocier une hausse de salaire? Cet exemple illustre bien le problème qui se pose lorsque l'on tente de caractériser le statut d'artistes du domaine du spectacle. Le travailleur - le danseur en l'espèce - a une association qui négocie presque toutes les conditions de son contrat. L'association le fait en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, étant entendu que les danseurs sont des entrepreneurs indépendants. Les protections qu'elle cherche à obtenir pour les travailleurs sont cependant les mêmes que celles dont un employé aimerait bénéficier en vertu d'un contrat de travail. Ce n'est pas uniquement dans le cas d'un entrepreneur indépendant qu'une rémunération minimale ou de base est établie et qu'il peut être possible de l'augmenter. Une telle latitude peut aussi exister dans le cadre d'un contrat de travail (elle est cependant très limitée).

(ii)       Droit de céder le contrat

[73]     Cette stipulation est rédigée à la forme négative : le Royal Winnipeg Ballet ne peut céder le contrat d'un artiste sans le consentement de ce dernier et celui de la CAEA. La preuve n'indiquait pas que cette clause avait déjà été appliquée. Elle ne permettait pas non plus de savoir comment le Royal Winnipeg Ballet ou les danseurs l'interprétaient. Le contrat d'engagement entre Tara Birtwhistle et le Royal Winnipeg Ballet est rédigé sur un formulaire où seulement trois espaces concernaient précisément Mme Birtwhistle : le fait qu'elle est une danseuse principale, sa rémunération et la durée du contrat - du début d'août à la fin de juin. Mme Birtwhistle conservera ce statut pour cette période et à ce salaire, à moins que les parties n'en conviennent autrement. Le fait que les parties peuvent modifier le contrat, en le cédant ou autrement, ne permet pas de conclure que Mme Birtwhistle est un entrepreneur indépendant. Les parties à un contrat peuvent, peu importe la nature de celui-ci, s'entendre pour en modifier les modalités.

(iii)      Dépôt d'un cautionnement

[74]     Compte tenu du contexte, l'obligation de déposer un cautionnement a pour but de garantir que les danseurs ne seront pas envoyés loin de Winnipeg sans avoir les ressources nécessaires pour revenir chez eux. Pourquoi cette condition pourrait-elle être négociée seulement pour le compte d'entrepreneurs indépendants? Il s'agit d'une condition qu'une association d'artistes ou un syndicat de travailleurs peut imposer à un payeur.

(iv)      Autorisation donnée par les danseurs quant à leur image

[75]     Un danseur doit donner son approbation avant de figurer sur une photo de trois danseurs ou moins. Les appelants prétendent que le consentement d'un employé n'a pas à être obtenu. Ils n'ont cependant invoqué aucune disposition législative au soutien de leur prétention.

(v)      Possibilité d'accepter d'autres engagements

[76]     Il a été indiqué précédemment que cette possibilité est contrôlée par le Royal Winnipeg Ballet, à la fois en ce qui concerne les dates des engagements que la mention de l'appartenance du danseur à la compagnie.

(vi)      Rôles parlés ou chantés

[77]     Comme c'est le cas de nombreuses autres conditions, cette stipulation n'est incompatible ni avec le statut d'employé ni avec celui d'entrepreneur indépendant.

[78]     L'existence de la Canadian Ballet Agreement n'est pas déterminante pour les motifs exposés précédemment. Je ne considère pas que les conditions qui, d'après les appelants, sont incompatibles avec le statut d'employé le sont. Ces conditions ne permettent de conclure ni que les danseurs sont des employés, ni qu'ils sont des entrepreneurs indépendants. Il s'agit de conditions négociées qui conviendraient dans les deux cas.

[79]     Ayant déterminé que ni les caractéristiques propres à un emploi ni les conditions prétendument incompatibles avec une relation employeur-employé indiquent que les danseurs sont des employés ou des entrepreneurs indépendants, que peut-on tirer d'utile de la Canadian Ballet Agreement? À mon avis, il y a deux éléments de la convention qui sont importants et dont j'ai parlé lorsque j'ai traité des facteurs relatifs au contrôle et des facteurs économiques :

(i)       la possibilité d'accepter d'autres engagements, sous réserve cependant des conditions imposées par le Royal Winnipeg Ballet;

          (ii)       une échelle de rémunération fondée sur l'ancienneté.

Ces clauses contractuelles confirment le contrôle exercé par le Royal Winnipeg Ballet ainsi que le faible risque de perte ou la mince possibilité de profit des danseurs. L'examen du contrat, l'[TRADUCTION] « autre facteur » à prendre en compte, a confirmé que les facteurs relatifs au contrôle et les facteurs économiques portaient plutôt à croire que les danseurs étaient des employés.

Conclusion

[80]     Les facteurs relatifs au contrôle et les facteurs économiques traditionnels peuvent être appliqués au secteur des arts du spectacle pour déterminer la véritable nature de la relation. Cette nature devrait cependant être déterminée du point de vue des danseurs puisque c'est leur statut qui est en cause. Les danseurs exploitaient-ils une entreprise de danse? Dansaient-ils à leur compte? Le Royal Winnipeg Ballet était-il leur principal client? Compte tenu de l'arrangement dans l'ensemble, j'estime que les danseurs étaient davantage des subalternes que des collaborateurs au sein du Royal Winnipeg Ballet. Je considère que leur situation est différente à cet égard de celle dont il était question dans Les Productions Petit Bonhomme Inc. c. M.R.N.[12]. J'estime également que les danseurs ne courent aucun risque de perte et n'ont qu'une mince possibilité de profits dans le cadre de leur arrangement avec le Royal Winnipeg Ballet. Cet arrangement assurait aux danseurs un revenu stable et leur permettait d'accepter d'autres engagements peut-être plus lucratifs, mais seulement avec la permission du Royal Winnipeg Ballet. Ces autres engagements peuvent peut-être constituer l'entreprise des danseurs, mais leur relation avec le Royal Winnipeg Ballet reposait sur un contrat de louage de services - il s'agissait d'un emploi.

[81]     Au cours du processus qui m'a mené à cette conclusion, il est devenu évident que la ligne de démarcation entre un employé et un entrepreneur indépendant dans le domaine des arts du spectacle est floue - c'est le moins qu'on puisse dire -, en particulier dans le cas d'une danseuse principale comme Mme Birtwhistle. Une telle ligne doit pourtant être tracée. Comme je l'ai mentionné au début, l'intimé n'a jamais laissé entendre qu'un artiste du spectacle ne peut être qu'un employé et les appelants n'ont pas prétendu qu'un artiste du spectacle ne peut être qu'un entrepreneur indépendant. Il doit y avoir une ligne de démarcation entre les deux. Cette ligne aurait peut-être été plus facile à tirer dans le cas des membres du corps de ballet. Je reconnais également qu'il peut arriver qu'un artiste invité engagé pour une seule représentation et tout de même régi par la Canadian Ballet Agreement travaille davantage dans un esprit de collaboration que comme un subalterne avec l'employeur et négocie des conditions beaucoup plus favorables que celles prévues ou une part des profits de la maison. Je n'ai aucune difficulté à considérer qu'une telle personne est un entrepreneur indépendant. Or, la situation est différente en l'espèce. La présente affaire concerne trois danseurs qui ont des contrats pour une saison complète comportant plusieurs spectacles, qui sont assujettis à diverses mesures de contrôle appliquées par le Royal Winnipeg Ballet pendant la durée de leurs contrats, qui ne courent aucun des risques financiers normalement associés à une entreprise et qui n'assument qu'une responsabilité limitée en ce qui concerne les mises de fonds et la gestion en vertu de leur contrat avec le Royal Winnipeg Ballet.

[82]     Ayant conclu que, tout bien pesé, la relation en est une d'employeur-employé, il n'est pas nécessaire que j'examine l'intention des parties puisque l'affaire est réglée[13].

[83]     Je suis conscient des conséquences financières de cette décision. On entend souvent dire que la participation des artistes au régime d'assurance-emploi est un facteur de la viabilité économique des compagnies du domaine des arts du spectacle car elle permet aux artistes de bénéficier du filet de sécurité offert à tous les employés. Il ne faut cependant pas conférer aux danseurs un statut qu'ils n'ont pas en l'espèce.

[84]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, le 3e jour de juin 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


RÉFÉRENCE :

2004CCI390

NUMÉROS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-2569(EI), 2003-2580(CPP),

2003-2570(EI), 2003-2571(CPP), 2003-2572(EI), 2003-2573(CPP),

2003-2574(EI), 2003-2575(CPP)

INTITULÉ :

Le Royal Winnipeg Ballet, Kerrie Souster, John Wright, Tara Birtwhistle

et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 18 et 19 février 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 juin 2004

COMPARUTIONS :

Avocat du Royal Winnipeg Ballet :

Me Robert A. Watchman

Avocats de Kerrie Souster,

John Wright et Tara Birtwhistle :

Me Douglas H. Mathew

Me Sergio Rodriguez

Avocate de l'intimé :

Me Tracey Telford

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le Royal Winnipeg Ballet :

Nom :

Me Robert A. Watchman

Cabinet :

PITBLADO

Pour Kerrie Souster, John Wright, Tara Birtwhistle :

Nom :

Me Douglas H. Mathew

Cabinet :

Thorsteinssons

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Pièce A-5.

[2]           [2001] 2 R.C.S. 983.

[3]           [2002] 4 C.F. 396 (C.A.F.).

[4]           [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.).

[5]           Il convient de noter que le danseur de ballet, l'acteur ou le chanteur d'opéra d'une troupe importante est dans une position quelque peu différente de celle du musicien d'un orchestre d'un plus petit centre; par exemple, voir l'affaire Fathers of Confederation Buildings Trust v. Canada, [2002] A.C.I. no 505, où une musicienne d'un orchestre de Charlottetown pouvait choisir elle-même son remplaçant.

[6]           L.C. 1992, ch. 33.

[7]           [2002] A.C.I. no 595.

[8]           Voir précisément l'article 9 de la Canadian Ballet Agreement concernant les présences à la radio et à la télévision.

[9]           114 D.L.R. (4th) 85 (C.A.C.-B.), page 93.

[10]          Les danseurs n'ont produit aucun renseignement financier étayant leurs dépenses.

[11]          1992, ch. 33.

[12]          Supra.

[13]          Dans le cas contraire, il aurait fallu examiner l'intention des parties dans le contexte de la Canadian Ballet Agreement. Je me demande si, dans ce contexte, cette intention est évidente.

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