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Dossier : 2003-4149(IT)I

ENTRE :

ARTHUR HERZIG,

appelant,

Et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 26 avril 2004 à Toronto (Ontario)

Devant : Le juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Brent E. Cuddy

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JUGEMENT

          Il est ordonné que l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2004.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef adjoint Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2004.

Daniel E. Renaud, traducteur


Référence : 2004CCI344

Date : 20040506

Dossier : 2003-4149(IT)I

ENTRE :

ARTHUR HERZIG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      Le présent appel est interjeté à l'encontre de la cotisation établie pour l'année d'imposition 2001 de l'appelant.

[2]      L'appelant cherche à déduire un montant de 32 762,02 $ à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux. Il avait engagé ces frais pour des médicaments et des éléments nutritifs homéopathiques, ainsi que pour des suppléments à base d'herbes médicinales prescrits par des médecins en titre, les Drs Paul Jaconello et George Zabrecky, dans le cadre du traitement de son épouse, Tali, qui était atteinte d'un cancer du sein métastatique. Mme Herzig a succombé à sa maladie en 1993.

[3]      La déduction totale présentée en vertu de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année 2001 était de 46 266 $. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a fait droit à la somme de 16 749,41 $ mais a refusé la déduction de la somme de 30 963,77 $. Lors du procès, l'appelant a réévalué à 32 762,02 $ le montant de la déduction demandée, afin de refléter l'achat de certains produits aux États-Unis en monnaie américaine.

[4]      Il s'agit en l'espèce de décider si le coût des éléments nutritifs, des produits vitaminés et des suppléments à base d'herbes médicinales peut être inclus dans le calcul du crédit d'impôt pour frais médicaux conformément au paragraphe 118.2(1).

[5]      Le paragraphe 118.2(1) permet de déduire, dans le calcul de l'impôt, un montant calculé selon une formule dont l'une des composantes est la somme des frais médicaux du particulier concerné. Les frais médicaux sont définis de manière à englober un certain nombre d'articles et notamment, selon l'alinéa 118.2(2)n) :

n) pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances - sauf s'ils sont déjà visés à l'alinéa k) - qui sont, d'une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie, d'une affection, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d'autre part, achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

[6]      L'appelant fonde également sa demande sur l'alinéa 118.2(2)(l.9), lequel se lit comme suit :

l.9) à titre de rémunération pour le traitement administré au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l'alinéa a) en raison de sa déficience grave et prolongée, si les conditions suivantes sont réunies :

(i) en raison de la déficience du particulier, de l'époux ou conjoint de fait ou de la personne à charge, un montant peut être déduit en application de l'article 118.3 dans le calcul de l'impôt payable en vertu de la présente partie par un particulier pour l'année d'imposition au cours de laquelle la rémunération est payée,

(ii) le traitement est prescrit par l'une des personnes suivantes et est administré sous sa surveillance générale

(A) un médecin en titre ou un psychologue, dans le cas d'une déficience mentale,

(B) un médecin en titre ou un ergothérapeute, dans le cas d'une déficience physique,

(iii) au moment où la rémunération est payée, le bénéficiaire du paiement n'est ni l'époux ou conjoint de fait du particulier, ni âgé de moins de 18 ans,

(iv) chacun des reçus présentés au ministre comme attestation du paiement de la rémunération a été délivré par le bénéficiaire de la rémunération et comporte, si celui-ci est un particulier, son numéro d'assurance sociale;

[7]      Il s'agit, en l'espèce, d'une affaire des plus méritantes. Selon le témoignage de M. Herzig, l'oncologue a estimé, au moment de diagnostiquer le cancer de Mme Herzig, qu'il ne restait plus à celle-ci que six mois à vivre. En faisant appel à la médecine homéopathique et aux suppléments, son épouse est parvenue à prolonger sa vie d'environ quatre années.

[8]      Malheureusement, la Cour d'appel fédérale a jugé que l'alinéa 118.2(2)n) doit être interprété de façon restrictive. Dans l'arrêt La Reine c. Ray, C.A.F., no A-593-02, 5 janvier 2004 (2004 DTC 6028), la Cour d'appel fédérale a indiqué ce qui suit à la page 6031 :

À mon avis, il est raisonnable d'inférer que l'exigence relative à l'enregistrement figurant à l'alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu'un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu'un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d'ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n'est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

Je ne puis retenir la prétention selon laquelle, dans le cas d'un médicament qui est prescrit par un médecin, mais qui est acheté dans une pharmacie en vente libre, un reçu de caisse ou une facture du pharmacien constituerait un « enregistrement » suffisant pour satisfaire à l'exigence légale. Un document se présentant sous cette forme ne peut pas remplir la fonction apparente de l'exigence relative à l'enregistrement. Le pharmacien doit rédiger un document en sa qualité de pharmacien. Cela exclut nécessairement les substances, aussi utiles ou bénéfiques soient-elles, qui sont achetées en vente libre.

[9]      Autrement dit, seul les médicaments sur ordonnance peuvent être inclus dans le calcul des frais médicaux.

[10]     Ce serait de rendre un mauvais service à l'appelant que d'adopter une approche davantage fondée sur la compassion, comme l'a fait la Cour dans d'autres litiges, et d'étendre la portée du syntagme « enregistrés par un pharmacien » aux médicaments qui, bien qu'ils soient prescrits par un médecin et vendus dans une pharmacie, sont comptabilisés par le pharmacien à titre de simples articles de vente et non comme médicaments vendus sur ordonnance. Une telle décision serait tout simplement infirmée par la Cour d'appel fédérale.

[11]     L'appelant fait également valoir que la disposition qui limite le type de médicaments à ceux dispensés sur ordonnance est discriminatoire et contrevient à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, les procureurs généraux des gouvernements provinciaux n'ont pas été avertis de cet argument, comme l'exige l'article 19.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. La pratique de cette Cour consiste à entendre l'argument constitutionnel et à en faire un examen préliminaire; si celui-ci semble fondé, l'affaire peut être ajournée afin que les avis requis soient signifiés : l'affaire Lewis v. Canada, [2004] T.C.J. 145; l'affaire Cavalier c. La Reine, C.C.I., no 2001-1627(IT)I, 26 octobre 2001 ([2002] 1 C.T.C. 2001); et l'affaire Whalen c. La Reine, C.C.I., no 2000-2231(IT)I, 7 février 2001 (2001 DTC 190).

[12]     Le juge Bowie a procédé à l'examen approfondi de la question dans l'affaire Cavalier. Je souscris respectueusement à son observation, à savoir que la procédure suivie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Langlois c. R., C.A.F., no A-780-95, 27 mai 1999 ([1999] 4 C.T.C. 258), devrait être suivie plutôt que la remarque incidente formulée dans l'arrêt Nelson c. R., C.A.F., no A-457-99, 3 octobre 2000 (2000 DTC 6556). L'article 19.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt a pour effet de ne limiter que les mesures de redressement que la cour peut prendre en présence de certains arguments constitutionnels attaquant un texte législatif. Cet article ne limite surtout pas la nature des arguments sur lesquels la cour peut se pencher; il limite seulement l'effet que la cour peut donner à de tels arguments.

[13]     Je regrette de ne pas partager l'argument avancé par l'appelant selon lequel la formulation « enregistrés par un pharmacien » est discriminatoire au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. Je souscris à l'opinion du juge Paris dans l'affaire Lewis, précitée. Que je sois d'accord ou non avec la politique législative ayant motivé l'exigence selon laquelle les médicaments prescrits doivent être enregistrés par un pharmacien, je ne crois pas que cette exigence est discriminatoire envers l'appelant ou qui que ce soit d'autre pour l'un des motifs énumérés au paragraphe 15(1).

[14]     L'appelant avance comme troisième argument que, si le coût des substances homéopathiques n'est pas visé par l'alinéa 118.2(2)n), il l'est certes par l'alinéa 118.2(2)(l.9) « à titre de rémunération pour le traitement administré au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à charge visée à l'alinéa a) [...] » .

[15]     Comme le coût des médicaments homéopathiques et des suppléments à base d'herbes médicinales ne constitue pas, à mon avis, une « rémunération pour le traitement [...] » , je ne citerai pas l'alinéa de façon intégrale. Étant donné la précision remarquable de la disposition, il serait étrange que la portée de ce syntagme s'étende au coût des éléments nutritifs vendus sans ordonnance, des produits vitaminés et des sels minéraux de complément, alors que la portée d'un crédit pour médicaments sur ordonnance avait été limitée de façon marquée quelques alinéas auparavant.

[16]     Une interprétation de ce syntagme plus conforme à l'esprit d'ensemble de l'article 118.2 consiste à dire qu'il réfère aux montants payés à une personne pour la prestation de services de thérapie, notamment la physiothérapie, la massothérapie ou la consultation psychologique.

[17]     Bien que la « rémunération » puisse s'étendre, dans un sens large, au paiement de biens, le sens courant du terme sert à dénoter un paiement de services.

[18]     Le Oxford Canadian Dictionary définit le verbe « remunerate » comme suit :

1 reward; pay for services rendered. 2 serve as or provide recompense for (toil etc.) or to (a person).

[traduction]

1 récompense; paiement des services rendus. 2 servir de ou donner comme récompense pour (travail, etc.) ou à (une personne).

De la même manière, la thérapie peut s'étendre, dans son sens large, aux médicaments; cependant, si le législateur veut entendre qu'il s'agit de médicaments, il semble capable de le préciser, comme il l'a fait dans l'alinéa 118.2(2)n).

[19]     L'emploi du mot « thérapie » au paragraphe 118.2(2) vise un sens différent, et si le législateur emploie un terme différent, il entend sans doute un sens différent; dans ce contexte, il s'agit de la thérapie physique ou psychologique.

[20]     Je dois donc, à regret, rejeter l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2004.

« D. G. H. Bowman »

Juge en chef adjoint Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2004.

Daniel E. Renaud, traducteur

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