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Dossier : 2000-1469(IT)G

ENTRE :

PRODUITS FORESTIERS ST-ARMAND INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 10 juin 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Serge Fournier

Avocats de l'intimée :

Me Johanne Boudreau

Me Claude Lamoureux

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1995 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

          Aucun frais n'est accordé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'octobre 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2003CCI696

Date : 20031002

Dossier : 2000-1469(IT)G

ENTRE :

PRODUITS FORESTIERS ST-ARMAND INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'un appel concernant l'année d'imposition 1995.

[2]      La première question en litige dans cette affaire est de savoir si l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, en produisant sa déclaration d'impôt pour l'année d'imposition 1995, au sens de l'alinéa 152(4)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      La deuxième question est de déterminer si des dépenses variées au montant total de 146 205 $ sont des dépenses de nature courante ou de nature capitale.

[4]      Monsieur Henri Alder a témoigné pour la partie appelante. Il est le président de l'appelante. Il a expliqué que depuis 1991, l'appelante exploite une entreprise dans le domaine du bois oeuvré. L'entreprise a commencé par l'achat d'un séchoir et d'un moulin à scie en faillite.

[5]      En 1995, monsieur Alder avait un associé, monsieur Pierre Compagna. C'était ce dernier qui s'occupait de la comptabilité avec un commis comptable, un monsieur Massé. Ce dernier n'avait pas de diplôme en comptabilité mais il en avait la formation. Monsieur Compagna s'occupait surtout des achats, des ventes et de la comptabilité alors que lui, monsieur Alder, s'occupait surtout de la production et de l'entretien des lieux de production. Monsieur Alder avait comme métier celui d'entrepreneur en électricité et il connaît assez bien la mécanique.

[6]      Au début, l'entreprise avait une quinzaine d'employés. Maintenant, elle en environ 80. En 1995, l'époque en litige, il y en avait probablement 50. En 1995, l'appelante avait un chiffre d'affaire de 8 millions de dollars.

[7]      À cette époque, le moulin fonctionnait sur deux quarts de travail. L'appelante produisait près de 40 000 pieds de bois par jour. Dix camions, genre semi-remorques de 40 pieds de long, apportaient chaque jour leur chargement de billots ou de rondins. Les billots étaient déchargés, mesurés et classés par espèce et par grade dans la cour. Par la suite, ces billots étaient transformés en planches au moulin. Ces planches étaient transportées au séchoir.

[8]      L'appelante avait acheté la terre qui était adjacente au moulin pour avoir l'espace suffisant pour entreposer son bois et creuser un lac artificiel en cas d'incendie.

[9]      L'appelante a construit une maison pour monsieur Alder pour permettre à ce dernier d'habiter non loin de l'entreprise. Quand il y avait des problèmes, il était sur place. La maison a été construite par une société externe sauf la finition intérieure. Le témoin explique qu'il a vendu sa demeure à St-Eustache et a prêté l'argent sans intérêt à l'appelante qui a construit la maison.

[10]     Monsieur Alder explique qu'en ce qui concerne les dépenses de gravier et d'asphalte, elles ont été requises pour permettre aux camions de circuler aisément. Il s'agit de charges lourdes et les chemins doivent être refaits fréquemment.

[11]     Les deux parties sont d'accord pour dire que toute la facturation concernant la maison aurait dû être capitalisée et comptabilisée dans un compte à part. L'avocat de l'appelante ajoute toutefois immédiatement qu'il s'agit là d'une erreur minime qui ne donne pas lieu à l'application de l'alinéa 152(4)a) de la Loi.

[12]     Les documents ont été produits de consentement par l'intimée comme pièce I-1. Les factures en cause se trouvent à partir de l'onglet A. La description des factures en cause qui a été jointe à la Réponse a aussi été produite à l'onglet 4 de la pièce I-1. Les montants des factures sont ceux avant taxe.

[13]     À l'onglet A, se trouve la facture de la Société Danarc Inc. au montant de 760 $. Elle concerne la demande d'autorisation à la Commission de protection du territoire agricole du Québec pour modifier le zonage de la terre agricole, pour permettre l'entreposage du bois ainsi que le creusage d'un lac artificiel.

[14]     Les deux factures paraissant à l'onglet B concernent le pavage d'une cour neuve. La première est au montant de 13 928,83 $ et concerne l'asphaltage et la deuxième au montant de 418,03 $ concerne des voyages de gravier. Elles sont sujettes aux commentaires généraux de monsieur Alder concernant l'usage exigeant du transport et de la manutention des charges de bois.

[15]     À l'onglet C se trouve la facture de Akhurst Machinerie Limitée au montant de 9 415 $. Il s'agissait d'une pièce d'équipement nécessaire à un nouveau convoyeur.

[16]     À l'onglet D, il s'agit d'une facture au montant de 1 000 $ pour un réservoir de 3 000 gallons.

[17]     À l'onglet E, il y a la facture au montant de 612 $ du notaire ayant préparé les documents pour l'achat de la terre adjacente au moulin.

[18]     À l'onglet F, une facture au montant de 900 $ concernant l'achat de deux soudeuses électriques usagées. Selon monsieur Alder, ces soudeuses peuvent durer un an comme elles peuvent durer cinq ans.

[19]     La facture à l'onglet G, au montant de 2 260 $ concerne l'achat d'une presse hydraulique dont l'appelante se sert, selon le témoin, pour l'entretien ou la maintenance.

[20]     À l'onglet H, il y a cinq factures du même fournisseur. La première est au montant de 2 700 $ et concerne l'installation d'une fosse septique et d'un champ d'épuration pour la résidence. Monsieur Alder explique que cette facture s'est retrouvée dans les dépenses de nature courante probablement par une erreur du comptable car ce fournisseur de services avait fait plusieurs travaux chez l'appelante. Cela pourrait expliquer l'erreur. Trois factures concernent des travaux majeurs pour la cour. Une facture au montant de 4 615 $ pour la location d'un compresseur et celle d'une pépine pour poser un drain. Deux factures aux montants respectifs de 42 758,42 $ et de 12 683,38 $ pour du gravier et des pierres. Le vérificateur indique dans la description des dépenses jointe à la Réponse que 60 p. 100 des dépenses ont été accordées pour fins de règlement. La note explicative du vérificateur se lit ainsi :

Des travaux d'améliorations à la cour ont été apportés à la fin de 1994. Ces travaux ont consisté à mettre une couche de sable de fond, du calcaire et ensuite une couche de gravier par dessus. Notre analyse du dossier nous révèle que des dépenses régulières sont nécessaires pour l'entretien de la cour, mais que les dépenses pré-citées sont exceptionnelles et produisent un avantage durable pour la société.

[21]     Toujours au même onglet, une dernière facture du même fournisseur au montant de 4 500 $ pour un camion de déneigement. Selon le témoin, monsieur Alder, ce camion n'a été utilisé qu'un seul hiver et cela explique pourquoi son coût d'achat a été inclus dans les dépenses courantes.

[22]     Les deux factures de l'onglet I aux montants respectifs de 534,06 $ et 7 892,50 $ concernent des matériaux pour la résidence achetés chez Goodfellow Inc.

[23]     À l'onglet J, il s'agit d'achat de quelques pièces d'équipement aux montants respectifs de 3 237 $ et 7 008 $ pour un nouveau convoyeur au séchoir.

[24]     À l'onglet K, une facture au montant de 14 350 $ pour la réparation et la modification d'un écorceur.

[25]     À l'onglet L, une facture concernant une pompe électrique pour pistolet ou pulvérisateur à peinture au montant de 864 $. Selon le témoin, il s'agit d'un outil qui ne dure pas longtemps.

[26]     À l'onglet M, il y a cinq factures provenant du même atelier d'usinage pour la construction et l'assemblage d'une machine ou d'un équipement pour manutentionner le bois dans le séchoir aux montants respectifs de 2 583,54 $, 1 342,95 $, 5 279,90 $, 917,35 $ et 10 455,92 $.

[27]     À l'onglet N, une facture d'achat de motocyclette à trois roues au montant de 1 000 $. Selon monsieur Alder, c'était pour faciliter le travail du mesureur de bois.

[28]     À l'onglet O, il s'agit d'une facture concernant des composantes électriques pour la résidence au montant de 755,10 $.

[29]     À l'onglet P, une facture au montant de 2 806,70 $. Selon monsieur Alder, il s'agit du déménagement d'une tour d'éclairage. Selon le vérificateur, il s'agit d'une dépense concernant la résidence. Il dit que lors de la vérification sur place, ce n'est pas l'explication qu'on lui a donnée. De plus, il croit se souvenir qu'il y avait une autre facture pour ce point précis.

[30]     À l'onglet Q, il y a deux factures aux montants respectifs de 2 402,46 $ et 663,32 $. Bien que les factures incluent du gypse et mentionne que c'était pour la maison en arrière de la cour, monsieur Alder suggère que c'était pour le bureau situé au-dessus du garage du moulin. Il affirme que la résidence était complétée en avril 1995. Ces factures sont de mars et avril 1995.

[31]     Il y a deux factures à l'onglet R pour des voiturettes de golf usagées aux montants respectifs de 1 350 $ et 1 500 $. Ils avaient été achetés pour faciliter les déplacements et les visites sur le grand terrain.

[32]     À l'onglet S, l'achat d'une balance pour camion au montant de 7 598 $. Le témoin dit qu'elle n'a pas été utilisée plus d'un an parce que cela ne valait rien.

[33]     À l'onglet 6, quatre factures concernant la décoration de la résidence aux montants respectifs de 2 930,68 $, 3 408,07 $, 685,27 $ et 2 000,03 $ qui auraient dû être capitalisées.

[34]     Monsieur Gilles Bergeron, comptable agréé, a témoigné pour la partie appelante. Il connaît monsieur Alder depuis les années 69 ou 70. C'est lui qui a été le vérificateur de l'appelante depuis sa formation en 1991. Son rôle était de vérifier les états financiers à la fin de l'année. Toutefois, durant l'année, monsieur Compagna et monsieur Massé l'appelaient peut être une ou deux fois par mois pour lui demander son opinion sur différents problèmes qu'ils pouvaient avoir avec la comptabilité. Il y avait des discussions spécifiques sur la nature des dépenses. Il était entendu que toutes les dépenses reliées à la résidence devaient être comptabilisées dans le compte de résidence et capitalisées.

[35]     A l'onglet 1 de la pièce I-1, il y a la déclaration de revenu de l'appelante pour l'année en cause à laquelle sont joints les états financiers de l'appelante au 30 avril 95. Le témoin y lit que les ventes pour l'année 1995 sont au montant de 8 176 535 $, qu'il y a eu un montant d'environ 708 000 $ mis au compte des immobilisations et que les dépenses de nature courante sont au montant d'environ 575 000 $.

[36]     Étrangement, le témoin semble confirmer qu'il aurait accepté d'inscrire dans les dépenses de nature courante un bien qui aurait autrement dû être capitalisé comme le camion pour déneiger et la balance de camions, parce que leur usage aurait été de courte durée. Il ne se souvenait pas toutefois de toutes ces conversations.

[37]     Monsieur Claude Charpentier, vérificateur à l'Agence des douanes et revenu du Canada a témoigné pour la partie intimée. Il a fait la vérification de l'appelante pour les années 1995 à 1998. Sa vérification a débuté en mai 1998 et s'est faite sur place. Il a rencontré monsieur Massé et monsieur Alder. Monsieur Massé lui aurait dit que quand il ne s'agissait pas de montants substantiels, il les incluait dans les dépenses courantes. Donc, les registres de l'appelante, il n'a vu aucune écriture de rectification faite par le comptable externe, ce qui indiquerait que le comptable externe acceptait les inscriptions telles que faites par le comptable interne.

[38]     Il relate que le camion de 4 500 $ dont il est question à l'onglet H, avait été inclus dans le compte petits outils. En ce qui concerne les dépenses concernant le pavage, les dépenses qu'il a capitalisées sont celles qui ont conféré un avantage durable à l'appelante. En plus du 60 p. 100 des dépenses de pavage qu'il a allouées tel que mentionné précédemment, il y en a eu beaucoup d'autres qui ont été accordées pour les réparations des chemins d'accès.

[39]     En ce qui concerne la résidence, il dit qu'il est impossible que les travaux concernant la résidence aient été terminés en avril 1995 parce que pour l'année 1996, il y avait encore au moins 51 000 $ de factures. En ce qui concerne le montant de produits de vente de la résidence de St-Eustache, le vérificateur a vu une avance sans intérêt par monsieur Alder, d'un montant de 110 000 $ mais la résidence a coûté 280 000 $.

[40]     Il a mentionné avoir rencontré monsieur Compagna peut-être à l'occasion de la présentation du projet de cotisation. Ce projet a été produit à l'onglet 7 de la pièce I-1. Les dépenses capitalisées étaient alors au montant de 232 441,77 $. Après discussion et représentations de l'avocat de l'appelante, ce total a été réduit au total présentement en litige.

[41]     Ce projet de cotisation est en date du 23 juin 1998. L'année 1995 devenait prescrite le 7 septembre 1998. En contre-interrogatoire, l'avocat de l'appelante lui demande s'il a mis une note dans son dossier à cet égard. Le vérificateur répond dans la négative. Il n'a pas non plus demandé au contribuable de renoncer au délai de prescription. Il dit que d'une part il n'y a pas pensé et que d'autre part à cause du genre de dépenses capitalisées, il n'y avait pas selon lui de problème à réouvrir l'année prescrite.

[42]     À la demande de l'avocat, il lit la partie de son rapport T20 qui justifie la cotisation en dehors de la période normale de cotisation. Je le cite aux pages 178 et 179 des notes sténographiques :

Réouverture de l'année 1995 en vertu de 152(4). L'année 1995 a été cotisée initialement le 7 septembre 1995, donc la période normale de nouvelle cotisation se termine le 7 septembre 1998. Nous avons réouvert l'année 1995 en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le paragraphe 152(4) nous mentionne que nous pouvons ignorer la période normale de nouvelle cotisation lorsque le contribuable fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Selon les faits recueillis, la société passe à la dépense un montant de 146 205 $. Ces dépenses auraient dû être capitalisées. L'analyse du revenu imposable de la société nous démontre qu'elle est toujours à environ 200 000 $ de revenus imposables déclarés. Donc, elle a intérêt à passer le plus de dépenses possibles afin de réduire son revenu imposable en bas de 200 000 $. Le contrôleur de la société, M. Massé, m'a admis que plusieurs dépenses étaient passées à la dépense étant donné le fait qu'elles n'étaient pas matérielles. Cet argument est illogique étant donné que la matérialité est un concept qui n'existe pas en fiscalité. Il y a plusieurs illogismes à la façon de capitaliser. Il y a des situations où plusieurs montants importants étaient passés à la dépense alors qu'on aurait clairement dû les capitaliser. La façon de procéder de la part du contribuable peut être qualifiée de négligence ou d'inattention.

Les plaidoiries

[43]     L'avocate de l'intimée se réfère à l'alinéa 152(4)a) de la Loi qui se lit comme suit :

152(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

a)          le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i)          soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)         soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

[44]     Elle fait valoir que les multiples dépenses au montant relativement élevé de 15 351,63 $ concernant la maison qui ont été incluses dans les dépenses de nature courante sont fortement indicatives d'une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Ces dépenses se retrouvent aux onglets H, I, O, Q et 6. Elle se réfère à d'autres dépenses qui sont à leur face même de nature capitale comme celles concernant les achats d'un camion, d'une presse hydraulique et d'un réservoir de trois mille gallons ainsi que les dépenses concernant le nouveau pavage d'une cour, dépenses qui ont été inscrites comme des dépenses de nature courante.

[45]     L'avocate de l'intimée se réfère à la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (Q.L.), une décision de la cour fédérale de première instance, qui veut que le fardeau de preuve de l'intimée soit beaucoup moins élevé que celui pour la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi . Il s'agit d'établir que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée.    Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable.    C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme « négligence » impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle.    Voir Jet Metal Products Limited c. le ministre du Revenu national (1979) 79 DTC 624, pp. 636-37 (C.R.I.).

[46]     Elle se réfère aussi à la décision de la cour d'appel fédérale dans Nesbitt c. Canada, [1996] A.C.F. no 1470 (Q.L.) et notamment au paragraphe 8 de cette décision :

Même en supposant que l'on puisse considérer que la lettre du 6 août 1986 prouve que le ministre était au courant à cette date-là (deux mois avant l'expiration du délai de prescription de quatre ans) des faits véridiques et qu'il y avait eu présentation erronée de faits, je ne crois pas que cela soit utile à l'appelant. Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

[47]     En ce qui concerne la caractérisation d'une dépense au titre du capital ou au titre du revenu, elle se réfère à la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada c. Johns-Manville Canada Inc., [1985] 2 R.C.S. 46.

[48]     Elle fait valoir que les circonstances dont il faut tenir compte est de savoir si la dépense a été faite dans le but de conférer un avantage durable à l'entreprise et que le qualificatif durable ne signifie pas nécessairement permanent ni même perpétuel. Quant à la dépense d'entretien ou de réparation, elle est celle qui a pour but de maintenir un bien à son état initial.

[49]     Pour sa part, l'avocat de l'appelante s'est référé à la décision M.D. Glazier Ltd. c. Ministre du Revenu National, 83 DTC 48 et notamment aux passages suivants :

Je mets l'accent sur l'expression « contribuable normalement averti et prudent » . Autant que je sache, ce bout de phrase est extrait directement, en essence sinon textuellement, de la décision Bisson (72 DTC 6374, (1972) C.T.C. 446) ...

En fin de compte, j'estime qu'on ne devrait pas qualifier ce qui est arrivé en l'espèce de présentation erronée des faits. Il s'agit peut-être d'une erreur, mais, à ce stade de l'évolution du droit sur le paragraphe 152(4), je suis disposé à croire qu'une erreur est différente de la présentation erronée des faits, telle qu'elle s'applique aux faits en l'espèce. La preuve produite ne me permet pas de conclure qu'il y a eu négligence ou inattention au degré qu'on ne pourrait s'attendre à trouver dans le travail d'un contribuable normalement prudent et averti.

[50]     L'avocat de l'appelante fait valoir que l'appelante a, pour les fins d'exploitation de son entreprise, toujours maintenu une comptabilité conforme à la loi et aux règlements applicables et a eu recours aux services de professionnels pour les fins de la tenue de ses livres et de la préparation de ses états financiers et déclarations de revenus.

[51]     Il fait valoir que des instructions très strictes avaient été données à l'appelante en ce qui concerne les dépenses reliées à la résidence et que le comptable interne ne s'était pas trompé sur plus de quatre factures.

[52]     Il s'est aussi référé à la décision du juge Brûlé de cette Cour dans Marklib Investments II-A Limited v. The Queen, 2000 DTC 1413 et notamment aux passages suivants :

35         C'est l'objet d'une dépense plutôt que son résultat qui détermine si elle sera qualifiée de dépense en capital ou de dépense courante; le critère a pour but de déterminer si la dépense crée un bien de valeur durable, non pas d'en établir la fréquence ou le caractère répétitif. Les décisions semblent promouvoir l'idée que, tant que les réparations ont été effectuées pour préserver ou conserver le bien et non pour créer un nouveau bien, elles seront considérées comme des dépenses courantes.

36         Une dépense engagée simplement dans le but d'entretenir un bien ou de le ramener à son état original est une dépense courante déductible. ...

[53]     L'avocat soutient que les décisions de qualification des dépenses relativement aux notions de capital et de revenu ont été prises de façon juste et raisonnable en fonction des connaissances et croyances de l'appelante et de ses principaux conseillers. C'est pourquoi des dépenses reliées à l'asphaltage du terrain où se déplacent d'énormes fardiers ont été considérés comme des dépenses de nature courante.

[54]     Pour l'avocat de l'appelante, dans le cas de la facture à l'onglet K, il s'agissait de réparation d'une pièce d'équipement existante. Pour lui, il s'agit donc clairement d'un cas de dépense de nature courante. Même chose en ce qui a trait aux dépenses relatives à la modification du zonage.

Conclusion

[55]     Le point principal de l'appelante est que la cotisation de l'année 1995 a été faite en dehors de la période normale de cotisation. Le sens à donner aux termes de l'alinéa 152(4)a) de la Loi a été analysé à plusieurs reprises par la jurisprudence. En plus des décisions déjà citées dans ces motifs je désire me référer à la décision du juge Pratte alors à la Cour fédérale de première instance dans Canada c. Bisson, [1972] C.F. 719, et plus particulièrement aux paragraphes 18 à 20 de cette décision :

18         La conclusion à laquelle je viens d'en venir ne suffit pas à disposer du litige qui soulève, en outre, deux autres problèmes.    Le premier est celui de savoir si, malgré l'expiration du délai de 4 ans prévu à l'art. 46(4)b), l'appelant pouvait procéder à de nouvelles cotisations pour les années 1955 à 1962; le second, consiste à déterminer si l'intimé doit les pénalités qu'on lui réclame en vertu de l'art. 56(2).

19         En l'espèce, l'appelant ne pouvait procéder à de nouvelles cotisations pour les années 1955 à 1962 que si l'intimé avait, suivant les termes de l'art. 46(4)a)(i) « fait une présentation erronée ou ... commis quelque fraude en produisant » sa déclaration.    Il est clair que l'intimé, lorsqu'il a déclaré son revenu pour les années qui nous intéressent, a, de bonne foi, commis une erreur:    il ne savait pas que les sommes payées à Thorn par Transport Urbain de Hull Ltée faisaient partie de son revenu.    Il a été jugé à plusieurs reprises qu'une « présentation erronée » , même si elle est faite de bonne foi par le contribuable, autorise le Ministre à procéder à une nouvelle cotisation en n'importe quel temps (voir M.R.N. c. Taylor, 61 DTC 1139; M.R.N. c. Appleby, 64 DTC 5199; M.R.N. c. Foot, 66 DTC 5072). Cependant dans tous les cas où les tribunaux ont ainsi prononcé, le contribuable, s'il avait agi de bonne foi, avait été clairement négligent.    La question reste donc entière de savoir si le Ministre peut procéder à une nouvelle cotisation après le délai de 4 ans lorsque le contribuable a fait de bonne foi une fausse représentation qui n'implique de sa part aucune négligence. Si, comme l'a soutenu l'avocat de l'appelant, les erreurs même non fautives commises par un contribuable permettaient au Ministre de procéder à de nouvelles cotisations en n'importe quel temps, l'art. 46(4) accorderait une protection bien illusoire au contribuable puisque le seul cas où il en bénéficierait serait celui, assurément très rare, où la nouvelle cotisation serait destinée à corriger une erreur imputable uniquement au ministère lui-même. Si tel avait été l'objet que le législateur avait en vue en édictant l'art. 46(4)a)(i), on ne voit pas pourquoi il y aurait spécifié que le Ministre peut procéder à de nouvelles cotisations en n'importe quel temps si le contribuable « a fait une présentation erronée ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration » . En effet, toute fraude suppose nécessairement une « présentation erronée » et si cette dernière expression désignait toutes espèces de fausses représentations, la mention de la fraude dans cette disposition serait complètement inutile. À mon avis, le fait que le législateur ait référé non seulement à la « présentation erronée » mais à la « fraude » indique que, par la première expression, il voulait signifier les fausses représentations qui, sans être frauduleuses, sont néanmoins coupables en ce sens qu'elles n'auraient pas été faites si leur auteur n'avait pas été négligent. J'en viens donc à la conclusion que, le contribuable qui, sans aucune faute de sa part, commet une erreur en déclarant son revenu, ne fait pas une présentation erronée au sens de l'art. 46(4)a)(i). Lorsque le Ministre veut se prévaloir de cette disposition pour procéder à une nouvelle cotisation après l'expiration de 4 ans, il doit donc établir non seulement que le contribuable a commis une erreur en déclarant son revenu, mais aussi que cette erreur est attribuable à une faute de sa part.

20         En l'espèce, l'appelant a établi, je l'ai déjà dit, que l'intimé avait commis une erreur en déclarant son revenu pour les années qui nous intéressent. Je ne suis cependant pas convaincu que cette erreur soit fautive. La situation ayant donné lieu aux paiements qu'on reproche à l'intimé de n'avoir pas inclus dans son revenu était si confuse que la Commission d'appel en est venue à la conclusion que l'intimé avait eu raison d'agir comme il avait fait. Dans ces circonstances, même si je diffère d'opinion avec la Commission, je dois dire que l'erreur qu'a commise l'intimé en est une qu'aurait pu commettre le contribuable normalement averti et prudent.    Pour ces motifs je crois que les cotisations relatives aux années 1952 à 1962 inclusivement doivent être annulées.

[56]     Ces différents arrêts jurisprudentiels nous enseignent que le Ministre doit démontrer que le contribuable n'a pas agi avec diligence raisonnable, qui est la diligence d'un contribuable normalement averti et prudent ou encore il s'agit de vérifier s'il y a eu établissement soigné de la déclaration.

[57]     Je suis d'avis que la preuve a révélé une certaine insouciance dans l'inscription des dépenses. L'avocat de l'appelante parle de quatre factures concernant la résidence. En fait, elles sont regroupées dans quatre onglets mais il y en a beaucoup plus que quatre. De plus, leur montant total est élevé. Également, la caractérisation de certaines dépenses comme étant des dépenses de nature courante relève aussi d'une certaine indifférence à l'exactitude de sa déclaration. Il est aussi à noter que les deux personnes qui s'occupent de la tenue de livres et de la comptabilité de l'appelante, soit messieurs Massé et Compagna, n'ont pas témoigné. Leur absence n'a pas été expliquée.

[58]     Par ailleurs, il est dommage que le vérificateur ne se soit pas fait de note quant à la date de prescription de l'année 1995. Il avait amplement le temps d'agir ou de demander au contribuable la signature d'une renonciation.

[59]     L'établissement des délais de prescription a comme but la sécurité des relations juridiques et la paix juridique. Je tiens comme exemple le fait que l'appelante n'a pas contesté les deux années qui n'étaient pas prescrites. Ces délais de prescription ne doivent pas être pris à la légère. Ils ne le sont habituellement pas. Je ne veux pas donner l'impression de faire le procès du vérificateur qui a autrement fait son travail très correctement. Mais comme il ne s'est pas préoccupé du délai de prescription qui a comme un des buts d'éviter les litiges inutiles, je suis d'avis que les frais de cet appel ne peuvent pas être accordés à l'intimée bien que cette dernière sera la partie gagnante. Aucun frais ne sera accordé dans cette affaire.

[60]     En ce qui concerne la caractérisation des différentes dépenses en litige, je suis d'avis qu'elles sont toutes de nature capitale. Je suis d'accord avec les passages de la décision Marklib Investments auxquels s'est référé l'avocat de l'appelante mais je suis d'avis que les principes qui y sont exprimés confirment la cotisation. Je prends pour exemple la première affirmation qui est que le but de l'acquisition d'un bien est déterminant.

[61]     Je me réfère aussi à quelques passages aux pages 192 et 193 du livre intitulé « Les principes de l'imposition au Canada » (13e édition), 2002, qui se lisent comme suit :

Le test classique pour déterminer si une dépense est de nature capitale ou de nature courante peut être formulé de la façon suivante : la dépense a-t-elle été faite dans le but de conférer un avantage durable à l'entreprise du contribuable? Dans l'affirmative, elle est de nature capitale.

Ce test a d'abord été élaboré par les tribunaux britanniques et plus particulièrement par le Vicomte Cave dans l'arrêt British Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Atherton, [1926] A.C. 205 (H.L.). Il a été repris par la suite par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Montreal Light Heat and Power Consolidated c. M.N.R. [1942] R.C.S. 89, 105. Il fut confirmé à nouveau par la Cour suprême dans l'arrêt British Columbia Electric Railway Co. c. M.N.R. [1958] CTC 21 (C.S.C.) et encore par la suite dans l'arrêt M.N.R. c. Algoma Central Railway [1968] CTC 161 (C.S.C.).

. . .

Un deuxième critère consiste à déterminer si une dépense a été faite une fois pour toute (once and for all) par opposition à celle qui aurait un caractère répétitif. . . .

[62]     Je suis d'avis que la preuve a clairement révélé que les dépenses en litige avaient comme but de conférer un avantage durable à l'entreprise. Telles étaient les dépenses relatives à l'acquisition de la terre adjacente et à la modification du zonage. Telles étaient aussi les dépenses d'acquisition des véhicules et de certains équipements. Ce n'est pas parce qu'un bien se révèle de peu d'utilité à la fin de l'année que son coût d'acquisition devient une dépense de nature courante. Je ne puis croire que le comptable externe de l'appelante ait parlé sérieusement quand il a tenu ce genre de propos. Il y a d'autres dispositions de la Loi qui s'appliquent pour régir ces circonstances. Telles étaient aussi les dépenses relatives à la fabrication et à l'amélioration de certains équipements. Les dépenses refusées n'étaient pas de simples dépenses d'entretien ou de réparation. Ces dernières ont été accordées par le Ministre.

[63]     L'appel est rejeté. Aucun frais n'est accordé pour les raisons mentionnés au paragraphe 59 de ces motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'octobbre 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2003CCI696

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2000-1469(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Produits Forestiers St-Armand Inc. et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 10 juin 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 2 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Serge Fournier

Pour l'intimée :

Me Johanne Boudreau

MeCClaude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Serge Fournier

Étude :

Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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