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Dossier : 2001-4597(IT)I

ENTRE :

SERGE ROBERGE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Jean Bédard (2001-4598(IT)I) et Jacques Roberge (2001-4599(IT)I)

le 21 février 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Dossier : 2001-4598(IT)I

ENTRE :

JEAN BÉDARD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Serge Roberge (2001-4597(IT)I) et Jacques Roberge (2001-4599(IT)I)

le 21 février 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Serge Roberge

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Dossier : 2001-4599(IT)I

ENTRE :

JACQUES ROBERGE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Serge Roberge (2001-4597(IT)I) et de Jean Bédard (2001-4598(IT)I)

le 21 février 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Serge Roberge

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI300

Date : 20030508

Dossiers : 2001-4597(IT)I

2001-4598(IT)I

2001-4599(IT)I

ENTRE :

SERGE ROBERGE,

JEAN BÉDARD,

JACQUES ROBERGE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers, C.C.I.

[1]      Il s'agit de trois appels visant l'année d'imposition 1998 pour chacun des appelants. Ils ont été entendus sur preuve commune et le point en litige est le même, à savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre » ) est fondé de refuser aux appelants des montants de 6 967 $ dans le cas des appels de Serge et Jacques Roberge et de 6 615 $ dans le cas de l'appel de Jean Bédard à titre de pertes nettes de location pour l'année en litige.

[2]      Toute cette affaire a commencé en 1988. L'appelant Jean Bédard et son épouse étaient propriétaires d'un immeuble situé au 271, rue des Érables, à Grand-Mère (Québec) où ils résidaient avec leurs deux enfants. À la fin de 1988, l'appelant Jean Bédard a quitté Grand-Mère pour aller occuper un emploi à Fermont (Québec). Il a donc pris la décision, avec sa conjointe, de louer son immeuble à sa belle-mère, Madame Rita Côté-Roberge. Cette dernière a donc occupé l'immeuble en question à titre de locataire en 1989 et pendant une partie de 1990 au loyer mensuel de 325 $. La locataire était responsable du chauffage et de l'électricité.

[3]      À la fin de 1990, l'appelant a accepté un nouvel emploi à Maniwaki et ne voyait alors aucun intérêt à garder sa maison. Il a donc discuté de cet état de choses avec ses deux beaux-frères, soit les deux autres appelants, et, d'un commun accord, ils sont chacun devenus, le 9 décembre 1990, propriétaires indivis d'un tiers de l'immeuble en question. Le tiers de l'appelant Jean Bédard étant détenu en parts égales avec sa conjointe. Il faut noter que l'acte de transfert précise que cette vente est intervenue afin de permettre aux membres de la famille Roberge de trouver un logement adéquat pour leur mère. L'immeuble a été acheté au coût de 60 000 $. Les appelants Serge et Jacques Roberge ont chacun payé 20 000 $. Ils ont payé comptant la somme de 1 435,49 $ et ont obtenu la somme de 38 564,51 $ par voie d'hypothèque.

[4]      Le loyer après cette opération était de 330 $ par mois et n'incluait pas l'électricité et le chauffage. Les appelants demeuraient tous à l'extérieur de Grand-Mère. Leur mère (belle-mère) devait donc assumer les responsabilités de l'entretien et des réparations et s'occuper de la gestion de l'immeuble au complet. L'appelant Jean Bédard a décrit leur association comme étant la création d'un projet de famille d'accueil. L'immeuble offrait un certain potentiel et la présence de leur mère allait sûrement attirer d'autres locataires.

[5]      Le logement que Mme Côté-Roberge occupait avant de déménager dans l'immeuble en question avait un quatre pièces et demie. Quant à l'immeuble, il comprenait quatre chambres à coucher, dont une au sous-sol, un salon, une cuisine, un garage, un patio et un grand corridor, le tout situé sur un grand terrain.

[6]      Monsieur Bédard a témoigné qu'ils n'ont pas fait de publicité afin d'inciter d'autres personnes à venir s'installer dans l'immeuble en question. Ils préféraient que le message se transmette de bouche à oreille. Madame Côté-Roberge est donc demeurée seule dans cet immeuble à titre de locataire jusqu'à son décès le 11 septembre 1997.

[7]      L'appelant Jacques Roberge a témoigné que son épouse et lui sont revenus d'Afrique en 1990. À cette époque, ils songeaient à mettre sur pied une résidence pour accueillir des personnées âgées. Ce n'est toutefois qu'en 1991 que son épouse et lui ont fait l'acquisition d'un immeuble à Shawinigan, près de Grand-Mère. Le 27 mai 1991, ils recevaient l'accréditation nécessaire afin d'être désignés comme famille d'accueil et ils pouvaient donc accueillir jusqu'à neuf bénéficiaires dans leur immeuble. Une telle accréditation ne fut toutefois jamais accordée pour l'immeuble où demeurait sa mère.

[8]      Leurs attentes visant le foyer d'accueil ne se sont jamais réalisées et l'année suivante, l'appelant Jacques Roberge et son épouse ont vendu l'immeuble de Shawinigan. Pour ce qui est de l'immeuble en question, l'appelant Jacques Roberge confirme que sa mère est toujours demeurée seule. Il souligne que sa mère a fait certains contacts pour trouver des personnes qui viendraient demeurer avec elle, mais que le tout ne s'est jamais réalisé. Leur mère n'a pas fait de publicité. L'appelant Jacques Roberge est retourné en Afrique en 1994 pour environ deux ans. Il est à la retraite depuis 1998.

[9]      L'appelant Serge Roberge est avocat de profession. Il a cependant occupé divers postes administratifs et, selon son témoignage, il était très occupé et n'a pas pu s'occuper de l'immeuble en question comme il l'aurait voulu. Il voyait sa participation dans l'achat de l'immeuble en question comme un placement. Il croyait que le projet de son frère Jacques de créer une maison d'accueil offrait la possibilité que l'excédent des bénéficiaires soit référé à l'immeuble en question et assure ainsi sa rentabilité. Il reconnaît lui aussi que seule leur mère y est demeurée jusqu'à son décès.

[10]     L'appelant Serge Roberge a témoigné qu'ils ont entretenu l'immeuble en question. À cette fin, il a produit un relevé de toutes les dépenses pour chacune des années où ils ont été propriétaires. Après le décès de leur mère en septembre 1997, l'immeuble en question fut mis en vente par l'entremise d'un agent d'immeuble. La maison fut vendue au prix de 42 000 $ à la fin d'avril 1998 selon les recommandations de l'agent d'immeuble.

[11]     Le loyer de Madame Côté-Roberge est demeuré le même durant toute la période d'occupation. Quant aux dépenses courantes, elles ont été plus élevées que les revenus. Les appelants Serge et Jacques Roberge devaient en plus assumer le remboursement des intérêts sur l'hypothèque contractée lors de l'achat de l'immeuble en question. La location dans son ensemble n'a jamais généré de profits durant son existence.

[12]     Les questions en litige consistent à déterminer s'il y avait une expectative raisonnable de tirer un profit de location pour l'année d'imposition 1998 des trois appelants et si le ministre était fondé de refuser la perte nette que chacun a réclamé pour l'année en question.

[13]     Dans l'arrêt Stewart c. Canada, [2002] A.C.S. no 46, la Cour suprême du Canada s'est récemment penchée sur le critère de l'expectative raisonnable de profit et il suffit de reproduire ici le résumé qu'elle en a fait aux paragraphes 60 et 61 :

60.     En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Toutefois, refuser la déduction de pertes pour le seul motif que les pertes indiquent l'inexistence d'une entreprise (ou d'un bien) comme source de revenu va à l'encontre du texte et de l'économie de la Loi. La question de savoir s'il existe une entreprise est distincte de celle de la déductibilité des dépenses. Comme l'a laissé entendre l'appelant, refuser des déductions en fonction d'une analyse de l'expectative raisonnable de profit équivaudrait à une règle jurisprudentielle sur la minimisation des pertes, qui serait contraire aux principes d'interprétation établis susmentionnés qui s'appliquent à la Loi. De même, à la différence de nombreuses règles législatives sur la minimisation des pertes, dès que des déductions sont refusées à la suite de l'application du critère de l'ERP, le contribuable ne peut reporter ces pertes sur un revenu futur si jamais l'activité devient rentable. Comme l'a affirmé le juge Bowman, dans la décision Bélec, précitée, p. 123 : « Ce serait [...] inacceptable de permettre au ministre [de dire] au contribuable : « Le fait que tu as perdu de l'argent [...] prouve que tu n'avais pas d'espoir raisonnable de profit, mais dès que tu gagnes de l'argent, ça prouve que maintenant, tu en as » . »

B.          Application à la présente affaire du critère permettant de déterminer l'existence d'une source

61.     Comme nous l'avons vu, la question de savoir si l'activité exercée par un contribuable constitue une source de revenu est tranchée en se demandant si le contribuable a l'intention d'exercer cette activité en vue de réaliser un profit et s'il existe des éléments de preuve étayant cette intention. De même, lorsqu'une activité est nettement commerciale et ne comporte aucun aspect personnel, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. De telles activités sont des sources de revenu.

[14]     En l'espèce, il faut se demander si les activités des appelants comportent un aspect personnel et, si c'est le cas, il faut alors déterminer si cette activité est exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. L'avocate de l'intimée soutient qu'en l'espèce, il s'agit d'une activité personnelle pour les trois appelants. Elle soutient que l'achat de l'immeuble en question a été fait avec l'intention expresse de trouver un logement adéquat pour leur mère tel que stipulé dans l'acte de vente notarié du 9 décembre 1990. Même si le coût du logement était semblable à celui du logement qu'occupait leur mère avant de déménager, elle soutient que le logement était plus spacieux. Leur intention de convertir l'immeuble en résidence pour famille d'accueil ne s'est jamais réalisée et il n'y a aucun lien possible avec l'entreprise que l'appelant Jacques Bédard a exploitée à Shawinigan (Québec). En appliquant les critères permettant de déterminer si l'activité en cause est de nature commerciale ou personnelle, elle soutient que les pertes ont été constantes que les trois appelants n'avaient aucune formation pour exploiter une entreprise de famille d'accueil pour personnes âgées, qu'ils n'ont jamais vraiment exploité de telles activités de façon active et, par conséquent, qu'ils n'ont jamais réalisé de profits. Il s'agit donc, selon l'avocate, de dépenses personnelles tel que défini dans la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), laquelle définition est applicable aux dépenses en l'espèce.

[15]     De leur côté, les appelants soutiennent qu'ils ont posé des gestes qui dénotent leur intention de réaliser des profits. Le loyer était conforme à la norme dans la région de Grand-Mère et le prix de vente de l'immeuble était comparable à celui d'autres immeubles vendus dans les environs. Quoiqu'ils avouent leur manque d'expérience, ils soutiennent que, selon l'arrêt Stewart, précité, il faut que la Cour regarde l'ensemble de la preuve et que cet exercice ne peut que permettre à cette cour de conclure qu'il s'agit ici d'une activité où les trois appelants ont démontré leur intention de réaliser un profit.

[16]     La définition des termes « frais personnels ou de subsistance » que l'on retrouve au paragraphe 248(1) de la Loi comprend notamment « les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l'usage ou l'avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage, de l'union de fait ou de l'adoption, et non entretenus dans le but ou avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise » . En l'espèce, le fait que les appelants ont acheté l'immeuble en question pour offrir un logement adéquat à leur mère indique dès le départ qu'il y avait un élément personnel dans leur décision de créer une entreprise pouvant générer un profit et devenir une source de revenu. Cette activité est, à mon avis, une activité personnelle. Il me faut alors déterminer si cette activité a été exercée ou non d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Dans l'arrêt Stewart,précité, la Cour suprême du Canada a exposé certains critères disponibles pour trancher la question de l'existence d'une source. Je reproduis ici les paragraphes 50, 51, 52, 53, 54 et 55 :

50.      Il est manifeste que, pour que l'art. 9 s'applique, le contribuable doit d'abord déterminer s'il a une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien. Comme nous l'avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d'un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d'un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l'existence d'une source :

(i)

L'activité du contribuable est-elle exercée

en vue de réaliser un profit, ou s'agit-il d'une démarche personnelle?

(ii)

S'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s'il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d'entreprise ou de bien.

51.      Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [TRADUCTION] « tout ce qui occupe le temps, l'attention et les efforts d'un homme et qui a pour objet la réalisation d'un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d'une entreprise et le revenu tiré d'un bien repose généralement sur le fait qu'une entreprise exige un niveau d'activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240. Il est donc logique de conclure qu'une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d'activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d'une entreprise, soit d'un bien.

52.      Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l'avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l'origine l'intention du juge Dickson lorsqu'il a mentionné l' « expectative raisonnable de profit » dans l'arrêt Moldowan. Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l'activité en cause est de nature commerciale ou personnelle. Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d' « indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, p. 1218. Ainsi, lorsque la nature de l'entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu'elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l'entreprise est exploitée d'une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins de la Loi.

53.      Nous soulignons que ce critère de l'existence d'une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l'objet d'une analyse que dans les situations où l'activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l'ERP à des activités comme l'exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. La Reine, 94 D.T.C. 6280 (C.F.). Lorsqu'une activité est clairement de nature commerciale, il n'est pas nécessaire d'analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d'un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin.

54.      Il y a également lieu de souligner que la détermination de l'existence d'une source de revenu n'est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu'une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l'intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l'arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l'intention d'exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux.

55.      Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l'état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s'engager, et (4) la capacité de l'entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n'est pas nécessaire aux fins du présent pourvoi d'ajouter d'autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l'importance de l'entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l'expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n'est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l'activité d'une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. C'est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires.

[17]     En l'espèce, l'activité des appelants renferme à première vue tous les éléments nécessaires à une source de revenu provenant d'un bien. Cette activité, pour l'appelant Jean Bédard, a débuté en 1988 à l'occasion d'un changement d'emploi qui l'a amené à déménager avec sa famille à Fermont (Québec). Ne sachant pas trop la durée de leur séjour à Fermont, il a loué sa résidence (l'immeuble en question) à sa belle-mère au loyer de 325 $ par mois. Il accepte par la suite un nouvel emploi et ne voit plus, à ce moment, d'intérêt à garder sa résidence. C'est à ce moment précis que les deux autres appelants décident d'acheter une part dans l'immeuble. À mon avis, et selon ce que l'acte de vente stipule, ce geste a été posé dans le but principal de permettre à Mme Côté-Roberge de demeurer dans l'immeuble en question. L'intention de convertir l'immeuble en famille d'accueil a peut-être fait surface à l'époque, mais un seul des appelants a démontré un intérêt pour ce genre d'activité et ce n'est qu'environ un an plus tard qu'il s'est porté acquéreur d'un immeuble accrédité à cette fin et ce, uniquement pour une très courte période. L'idée de recruter les bénéficiaires qui ne pouvaient habiter dans la famille d'accueil de l'appelant Jacques Roberge ne s'est jamais réalisée. Les trois appelants ont également laissé à leur mère (belle-mère) le soin de se trouver d'autres locataires dont un seul, selon les appelants, aurait suffi à rentabiliser le projet. Aucun autre locataire n'a toutefois occupé l'immeuble avec Mme Côté-Roberge. Cette inaction de la part des appelants soulève un doute relativement au critère du comportement que doivent avoir des gens d'affaires sérieux.

[18]     Ce même doute est soulevé lorsque l'on considère que, durant les années d'occupation, soit depuis 1990, le prix du loyer n'a pas connu d'augmentation, tout comme on ne semble pas avoir fait de démarches pour louer l'immeuble de septembre 1997 jusqu'à la date de la vente. Aucun des appelants, sauf Jacques Roberge, n'avait une connaissance particulière de l'exploitation d'un foyer d'accueil et, en l'espèce, sa conjointe était celle qui s'est occupée de leur projet à temps plein car l'appelant travaillait pour le Canadien National.

[19]     Il me paraît évident que ce projet avait la possibilité de réaliser des profits. Toutefois, la présence de leur mère (belle-mère) comme locataire de l'immeuble en question a sûrement joué un rôle plus important que celui d'exercer une telle activité d'une manière commerciale.

[20]     Pour ces motifs, je maintiens les cotisations établies par le ministre. Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI300

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2001-4597(IT)I;

2001-4598(IT)I;

2001-4599(IT)I

INTITULÉ DES CAUSES :

SERGE ROBERGE,

JEAN BÉDARD,

JACQUES ROBERGE

et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

21 février 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

8 mai 2003

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

Me Serge Roberge

Pour l'intimée :

Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour les appelants :

Nom :

Me Serge Roberge

Étude :

Cap-Rouge (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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