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Dossier : 2000-1641(IT)G

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU CLÉOPHAS SAINT-AUBIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 15 mai 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Jacques Renaud

Avocate de l'intimée :

Me Nathalie Labbé

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1993 est accueilli, avec adjudication des dépens à l'intimée, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la succession a réalisé un gain en capital de 753 500 $, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 4e jour de septembre 2003.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2003CCI608

Date : 20030904

Dossier : 2000-1641(IT)G

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU CLÉOPHAS SAINT-AUBIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault,

[1]      La succession de feu Cléophas Saint-Aubin (succession) conteste une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) relativement à l'année d'imposition 1993. Le ministre a établi sa nouvelle cotisation en appliquant la règle (règle des 21 ans ) édictée au sous-alinéa 104(4)b)(i) et au paragraphe 104(5) de la Loi[1]. En vertu de cette règle, la succession a été réputée avoir disposé de tous ses biens en immobilisation le 1er janvier 1993 et le ministre a ajouté au revenu de la succession pour l'année d'imposition 1993 un gain en capital imposable totalisant 640 200 $.

[2]      N'ayant inclus aucun gain en capital imposable dans son revenu, la succession invoque essentiellement trois moyens à l'encontre de la nouvelle cotisation. Tout d'abord, selon la succession, il n'était pas loisible au ministre d'établir sa nouvelle cotisation puisqu'il l'a fait au-delà de la période normale de nouvelle cotisation et que la succession n'a fait aucune présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant sa déclaration pour l'année d'imposition 1993. Deuxièmement, même si le ministre pouvait établir sa nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation, la succession ne constitue pas une fiducie au sens du paragraphe 104(1) de la Loi et, par conséquent, la règle des 21 ans ne s'applique pas à elle. Les exécuteurs testamentaires ne seraient que de simples mandataires des grevés d'une substitution créée par le testament de feu Cléophas Saint-Aubin.

[3]      Finalement, même si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de la nouvelle cotisation et que la succession était bien une fiducie, la nouvelle cotisation devrait être annulée en raison de la prescription en vertu de l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif (LRCÉCA), prescription appliquée par la Cour suprême du Canada dans son récent arrêt Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, [2003] A.C.S. no 8 (QL).

FAITS

[4]      Monsieur Cléophas Saint-Aubin, un plombier, est décédé le 25 septembre 1931[2]. Ses dernières volontés sont énoncées dans un testament olographe signé le 20 novembre 1929 et dûment vérifié par la Cour supérieure du Québec le 15 octobre 1931. Comme la deuxième question en litige porte en grande partie sur la nature de l'institution créée par ce testament - s'agit-il vraiment d'une substitution ou d'une fiducie, ou s'agit-il plutôt d'une succession non encore liquidée? - il est utile de reproduire ici la plupart des dispositions de ce testament[3] :

Je soussigné déclare ce qui suit être mon seul et dernier Testament :

1.        [...]

2.        [...]

3.        Je veux que mes dettes soient payer le plustôt passible sans que ce soit cependant au désavantage pour ma succession.

4.        [...]

5.        Je donne et lègue tous ce que je possederai a mon décès aux enfants que j'aurai a cette date mais en usufruit et jouissance et a titre de grevés de substitution seulement; qu'ils les conservent leur vie durant telque expliquer dans la suite; Je veux que le partage de ma succession se fasse à la mort du dernier de mes petits enfants de la troisième génération par part égale par souche partant de mes enfants ce qui sera le partage final.

6.        Je veux et entend c'est une condition expresse de mes dispositions testamentaires que les biens laissé par moi à mon décès de même que ceux aquis par mes executeurs testamentaires et leurs successeurs ne soient et ne puissent en aucune manière affecter ou hypothèquer a aucun douaire soit coutumier ou prefix en faveur des femmes ou des enfants ou de leurs descendants ou chacun d'eux.

7.        Tous les revenus des biens de ma succession percus par mes exécuteurs testamentaires ou leurs remplaçant dont une partie sera capitaliser, l'autre partie qui sera alloué à mes enfants et petits enfants sera incessible par eux et insaisissable par leurs créanciers pas même pour pension alimentaire et ceci aussi longtemps que durera cette substitution par par mon présent testament.

8.        Ma fille et mes petites filles et arrieres petites filles toucheront et percevront elle-mêmes leur part sur le simple reçu indépendament et sans l'autorisation de leur mari les revenus, rentes, loyers etc. auqu'elles elles auront droit en vertu de ce testament et ce tant que durera cette substitution.

9.        Les immeubles de ma succession et ceux qui seront aquis seront entretenu de toutes réparations nécessaire et assurer pour environ les deux tierre de leur valeur (batisses), en cas d'incendie on repara ou rebatira avec le produit des assurances; au cas où il n'en aurait pas assez on prendra sur les revenus ou sur le capital s'il n'en avait pas assez.

10.      Les exécuteurs testamentaires auront droit à cinq dollars ($5.00) pour chaque assemblée pour traiter des affaires de ma succession; elles auront lieux lorsqu'il aura des affaires importentes à traiter et au moins une fois par année.

11.      Mes exécuteurs testamentaires pouront nommer un agent lequ'el pourra être revoquer quant ils leur plaira en tout temps; a commission mais ne jamais dépasser 5% sur revenus net si parmis mes enfants ou petits enfant: il y en avait de competant, et qui desirait être agent il devra avoir la préference.

12.      Pour faciliter les dispositions testamentaires et pour garantir la revision des revenus de mes biens à mes dits enfants et descendants suivant mes désirs Je choisis et nomme pour mes exécuteurs testamentaires mon fils Cléophas ma fille Consuelo; le Docteurs Arthur Trudeau mon ancien confrère de Collège; Mr. Oscar Pierre Dorais avocat.

          Je demande à mes exécuteurs d'initier le plus possible mes enfants aux affaires aucune autre femme que ma fille ne poura être executrice dans ma succession ma femme Antonia M. C. Robillard ni aucun autre membre de sa famille ne pourra avoir affaire directement ou indirectement dans les affaires de ma succession ni être nommer tutrice c'est ma volonté formelle. La majorité de mes executeurs qui seront parent avec moi pouront nommer des remplaçants aux exécuteurs décédés ou démis pour toutes raisons ces nomination seront ratiffier par un Juge de la cour superieur celà tant et aussi longtemps que durera ma succession; Je veux que ces executeurs remplaçant soient choisis autant que possible parmis mes descendants mâles qui seront jugé capable de remplir cette charge pour élir un étranger il faudra le consentement des deux tiers de mes enfants et de leurs descendants alors en age de majorité; Je veux que les pouvoirs que je donne à mes executeurs durent et soient exercer par eux aussi longtemps que durera la dite substitution.

13.      Les enfants que je l'aisserai à mon décès majeures ou mineures formeront souche auront part égale des revenus net tel que suit pour jusqu'au paiement total de mes dettes il ne leur sera alloué que le montant stric nécessaire qui ne devra pas cependant dépasser quinze cent dollars ($1,500.00) par année après tous mes dettes payées il leur sera allouer la moitiée de tous les revenus net cela par souche, le reste des revenus sera capitalise après trente ans de mon décès ils auront droit au deux tiers des revenus nets au lieux de la moitiée. Je veux que les argents accumulés soient placer sur propriété sur rues commerciales ou prêter sur hypotheques mais ne pas prêter plus des deux tiers de l'évaluation munisipale; bons du gouvernement depentures s'il était Juger avantageux par mes executeurs. Si l'on trouvait des prix avantageux pour mes proprietees on pourra les vendre; mais en ce cas les deux tiers de mes enfants et descendants mâles alors en âge leur consentement sera nécessaire.

14.      Au cas ou un ou plusieurs de mes petits enfants et descendant mouraient sans laisser d'enfants légitimes leur part sera partager entre leurs frères et soeurs par souche, par part égale. Si un ou plusieurs de mes executeurs testamentaires ne travaillait pas dans l'intérêt de ma succession il pourra être revoquer par un Juge de la cour superieure.

15.      Si un ou plusieurs de mes enfants ou descendant se fesait religieux ou religieuse il ou elle sera desheriter et leur part sera partager en part égale par souche entre leurs frères et soeurs a moins qu'il ou qu'elle en sortirait dans l'espace de cinq ans; après cette date cette première clause prendra effet; il ou elle n'aura cependant pas droit aux revenus de sa part pendant le temps qu'il ou qu'elle sera en religion ses revenus seront accumuler au capital de toute la succession.

16.      [...]

17.      Je veux que dans le cas ou il serait nécessaire pour mettre a execution mes presentes dispositions de faire nommer en justice un tuteur ou des tuteurs à la substitution ou aux substitutions crées par mon présent Testament les personnes par moi nommés ci-dessus pour mes executeurs testamentaires et leurs remplacants soient en autant que faire se pourra nommer aussi tuteurs à la dites substitution ou aux dites successions autant qu'il en sera nécessaire.

18.      Au cas d'absence de l'un de mes enfants ou déscendants, étant executeurs testamentaires soit pour l'Europe ou ailleurs pour longtemps; il pourra donner une procuration a une personne compétante pour le representer; toutefois il faudra avoir l'abrobation de mes enfants ou descendant étant alors executeurs testamentaires il n'aura pas besoins de ratification d'un juge de la Cour superieur attendu que c'est pour le temps de son absance seulement.

19.      [...]

                                                          [Je souligne.]

[5]      Au moment de son décès, Cléophas Saint-Aubin a laissé trois enfants : Georges, son fils aîné qui souffrait de schizophrénie (ce fait étant connu de Cléophas au moment de la rédaction de son testament); Cléophas, fils, âgé de 21 ans; et Consuelo, fille mineure. Georges est décédé en 1983 ou 1984; Cléophas, fils, en 1986; et Consuelo, en 1992. Comme Georges est décédé sans descendant, sa part est accrue à son frère et sa soeur et à leurs descendants. Cléophas fils a eu six enfants dont, notamment, Louis Saint-Aubin. Ce dernier était l'un des exécuteurs testamentaires en 1993. C'est lui qui a produit les déclarations de revenus de la succession pour les années 1993 à 1996 et il a été le seul témoin de la succession. Louis Saint-Aubin est un avocat oeuvrant dans le domaine du droit du travail et a été dans le passé membre d'un tribunal administratif du Québec. Il a eu un fils et une fille; cette dernière est maintenant grand-mère. Consuelo, la tante de Me Louis Saint-Aubin, a eu deux filles dont l'une a deux enfants et est aussi grand-mère. Par conséquent, les petits-enfants de la fille de Me Saintt-Aubin et de la fille de sa cousine représentent donc les enfants du quatrième degré par rapport à Cléophas Saint-Aubin, père et sont les bénéficiaires ultimes visés par le testament de ce dernier.

[6]      En raison de l'existence de contraintes stipulées dans ce testament et à cause de l'imprécision de certaines de ses dispositions, les exécuteurs testamentaires de la succession ont dû à plusieurs reprises faire adopter une loi privée par l'Assemblée législative du Québec. Cela s'est fait notamment en 1940 afin d'autoriser les exécuteurs testamentaires à emprunter par voie d'hypothèque une somme n'excédant pas 25 000 $ pour payer certaines dettes de la succession et pour la construction de maisons d'habitation[4]. En 1967, l'Assemblée législative du Québec a adopté une nouvelle loi[5] par laquelle elle a accordé notamment, aux exécuteurs testamentaires le droit de recevoir 15 $ par assemblée plutôt que 5 $, et les a autorisés à emprunter les sommes nécessaires pour réparer ou améliorer les immeubles ou pour remplacer ceux qui avaient été expropriés et à hypothéquer les immeubles de la succession à cette fin. Finalement, l'Assemblée législative a reconnu également que certains actes de vente n'étaient pas invalides du fait soit que les ventes n'avaient pas été effectuées en justice ou que seulement trois des quatre exécuteurs testamentaires avaient signé les actes ou que le curateur à la substitution n'avait pas comparu pour donner son consentement.

[7]      En 1968, la succession a fait l'acquisition de deux immeubles à Montréal, situés sur le boulevard Édouard-Montpetit. Dans les contrats d'acquisition de ces immeubles, on décrit essentiellement les quatre exécuteurs testamentaires de la succession de la façon suivante :

TOUS QUATRE [y compris Louis Saint-Aubin] agissant ensemble aux présentes en leur qualité de seuls exécuteurs-testamentaires [sic] en fonctions de la SUCCESSION CLÉOPHAS SAINT-AUBIN SR., pour avoir été dûment nommés à cette fonction, tel qu'il appert d'une liste de jugements de nominations et de démissions [...]

TOUS QUATRE, ès-dite [sic] qualité, à ce présents [sic] et acceptant ACQUEREURS, l'immeuble suivant, savoir ... .

                                                                        [Je souligne.]

[8]      De 1984 à 1992, la succession n'a pas produit de déclaration de revenus. Les déclarations pour les années 1985 à 1992 n'ont été produites que le 6 décembre 1993 à la suite de la visite, au cours de l'année 1993, d'un vérificateur du ministre. Me Saint-Aubin a expliqué le retard dans la production des déclarations pour les années 1990, 1991 et 1992 en raison de circonstances personnelles pénibles, notamment le décès de son fils. Toutefois, aucune explication n'a été fournie pour le défaut de production pour les années 1984 à 1989. Me Saint-Aubin n'a pas expliqué non plus pourquoi un des autres exécuteurs n'aurait pas pu produire la déclaration de revenus de la succession pour les années 1990 à 1992[6].

[9]      La déclaration de revenus et de renseignements des fiducies (formulaire T3) (déclaration de 1993) pour l'année d'imposition 1993 a été produite le 2 mai 1994. À la ligne 1 de cette déclaration, où sont à déclarer les gains en capital imposables, Me Saint-Aubin a indiqué « 0 » . Par contre, le revenu avant attributions et désignations au profit des bénéficiaires s'élève à 135 036,52 $. Comme le total des « revenus attribués ou désignés aux bénéficiaires » s'élève à 103 800 $, le revenu net de la succession après attribution se chiffre donc à 31 236,52 $.

[10]     Sur la première page de la déclaration de 1993 apparaissent plusieurs questions dont, notamment, la suivante question no 4 : « La fiducie a-t-elle résidé au Canada depuis sa création (ou depuis le 18 juin 1971 si elle a été créée avant cette date)? » . Me Saint-Aubin a répondu oui à cette question. À la question no 8, « Les clauses du testament, de l'acte de fiducie ou de l'ordonnance du tribunal, prévoient-elles que le revenu de la fiducie doit être versé aux bénéficiaires? » , Me St-Aubin a répondu non[7].

[11]     À la page 3 de la déclaration de 1993, on trouve 17 questions additionnelles. À la première question, « La fiducie a-t-elle disposé de biens en immobilisation au cours de l'année? (Incluez les dispositions réelles et réputées.) Utilisez la formule T1055 pour déclarer les dispositions réputées découlant de l'application de la Règle des 21 ans » , Me Saint-Aubin a répondu non. Par contre, il n'a pas répondu à la question no 14, « La fiducie était-elle assujettie, dans l'année, à la règle de la disposition réputée à la 21e année? » ; il a tout simplement indiqué « à venir? » . À la question no 7, « La fiducie a-t-elle des revenus de placements ? » , Me Saint-Aubin a répondu oui.

[12]     Interrogé à l'audience sur la signification de l'expression « à venir ? » , Me Saint-Aubin a affirmé qu'il voulait indiquer ainsi au ministère du Revenu national (ministère) que « si ce dernier croyait cette information importante, il pourrait la lui envoyer » . Comme le ministère ne lui a rien demandé, il n'a rien fait. Me Saint-Aubin a reconnu n'avoir consulté ni le ministère ni aucun fiscaliste pour l'aider à remplir la déclaration de revenus la succession. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait consulté le guide d'impôt (guide d'impôt) s'y rapportant, il a répondu qu'il ne s'en souvenait pas.

[13]     Il est important de noter que dans les déclarations de revenus de la succession pour les années 1994, 1995 et 1996, on retrouve essentiellement les mêmes questions et les mêmes réponses que celles déjà indiquées plus haut, sauf pour l'année 1996. Dans le cas de 1996, au lieu d'indiquer « à venir? » comme réponse à la question no 13 (qui correspond à la question no 14 précitée), il a écrit « info à venir » . Contrairement aux autres déclarations de revenus de la succession, celle de 1996 n'était pas signée par Me Saint-Aubin, même si son nom y apparaît avec la mention qu'il est un des exécuteurs testamentaires. Pour l'année 1996, il dit avoir consulté un avocat, car il s'était posé des questions, mais il ne se rappelle ni le contexte ni la nature de ces questions.

[14]     Dans le guide d'impôt pour 1993, on trouve les renseignements suivants. Tout d'abord, à la page 7, on définit une « fiducie testamentaire » comme « une fiducie ou une succession établie à la suite du décès d'un particulier » . À la même page, on trouve ce qui suit sous la rubrique « Résidence d'une fiducie » .

Une fiducie peut être résidante ou non résidante du Canada, et résidante d'une province ou d'un territoire particulier du Canada. La résidence est une question de fait qui doit être déterminée selon les particularités de chaque cas. Toutefois, on considère généralement qu'une fiducie réside au même endroit que le fiduciaire, l'exécuteur testamentaire, l'administrateur ou tout autre représentant légal qui gère la fiducie ou qui en contrôle les biens.

[15]     À la page 34 du guide d'impôt, on trouve sous la rubrique « Formule T1055 Sommaire des dispositions réputées » la sous-rubrique « la Disposition réputée - Règle des 21 ans » . Le premier paragraphe se lit comme suit :

À des moments précis au cours de son existence, une fiducie est réputée avoir disposé de ses biens en immobilisation, de ses fonds de terre en inventaire et de ses avoirs miniers canadiens et étrangers. Vous êtes tenu de déclarer tous les revenus, gains ou pertes découlant de ces dispositions réputées dans la déclaration T3 de l'année d'imposition où la disposition est réputée avoir eu lieu. Pour plus de renseignements sur ces dates précises, veuillez vous reporter à la prochaine rubrique « Jour de disposition réputée » .

                                                [Je souligne.]

Voici ce qui apparaît sous la rubrique « Jour de disposition réputée » :

Le jour de disposition réputé est le jour où la fiducie est réputée avoir disposé de ses biens en immobilisation, fonds de terre en inventaire et avoirs miniers canadiens et étrangers. Reportez-vous au tableau ci-dessous pour déterminer la situation qui s'applique à votre fiducie.

Dans ce tableau, on décrit trois scénarios différents : la fiducie testamentaire au profit du conjoint, la fiducie non testamentaire au profit du conjoint et les autres fiducies. Pour les « autres fiducies » , on trouve la mention suivante : « La plus éloignée des dates suivantes: le 1er janvier 1993 ou 21 ans après la date de création de la fiducie. »

[16]     Me Saint-Aubin a affirmé ne pas se rappeler s'il avait été question de la règle des 21 ans, applicable en 1993, lors de sa rencontre avec le vérificateur en 1993.

[17]     En mai 1997, le ministère a demandé à une de ses vérificatrices d'effectuer une vérification de la succession pour les années 1994 et 1995. Comme la succession avait répondu « à venir ? » à la question 14 ou 13, selon le cas, de sa déclaration de revenus pour chacune de ces années, c'est-à-dire à la question de savoir si la fiducie était assujettie « à la règle de disposition réputée à la 21e année ? » , la vérificatrice a consulté la déclaration de 1993. Ayant constaté que la succession possédait des immobilisations, elle a demandé à Me Saint-Aubin de lui fournir la juste valeur marchande des immobilisations de la succession au 1er janvier 1993 ainsi qu'au jour d'évaluation, soit le 31 décembre 1971. Un fiscaliste, monsieur Yvan Brodeur, a communiqué cette information dans une lettre en date du 17 novembre 1997. Les chiffres de monsieur Brodeur révèlent un gain en capital de 658 600 $. La vérificatrice a alors demandé au service d'évaluation du ministère de lui fournir une évaluation des immobilisations en question. La dernière de quatre évaluations lui a été remise le 1er mai 1998.

[18]     Dans son analyse du dossier de la succession, la vérificatrice a fait une erreur dans la détermination de la période normale de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1993. La cotisation initiale[8] de la succession pour cette année d'imposition n'ayant été établie que le 30 mars 1995, la période normale de nouvelle cotisation se terminait le 30 mars 1998. Ayant plutôt tenu pour acquis que la cotisation initiale avait été établie au cours du mois de mai 1994, la vérificatrice s'est crue hors délai. Quand elle a reçu en novembre 1997, la lettre du fiscaliste de la succession révélant un important gain en capital, la vérificatrice aurait encore pu établir sa cotisation au cours de la période normale de nouvelle cotisation. Son erreur était due en partie au fait qu'elle n'avait pu trouver dans le dossier du ministre concernant la succession l'avis initial de cotisation pour 1993.

[19]     La vérificatrice a conclu qu'il y avait eu présentation erronée des faits dans la déclaration de 1993 et qu'elle pouvait établir une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation. Cette présentation erronée, selon elle, se manifestait d'une part dans l'indication de la date de la création de la fiducie testamentaire car on avait indiqué « IX » pour le mois pertinent. Or, elle a reconnu à l'audience qu'elle n'avait pas réalisé que le chiffre romain « IX » représentait « 9 » en chiffres arabes. La présentation erronée se manifestait d'autre part, a-t-elle conclu, dans le fait que Me Saint-Aubin avait donné comme réponse à la question 14 la mention « à venir? » et qu'aucun choix n'avait été fait ni aucune autre information fournie par la suite par la succession. De plus, un montant important de revenu avait été omis de la déclaration de 1993.

[20]     Lorsqu'il a établi sa nouvelle cotisation le 30 décembre 1998, le ministre a calculé un gain capital de 853 600 $ et a inclus dans le revenu de la succession un gain en capital imposable de 640 200 $. Avant le début de l'audition de l'appel de la succession, les parties se sont entendues sur une nouvelle valeur pour les immobilisations et le gain en capital a été réduit à 753 500 $ (pièce A-2).

[21]     Même si elle croyait que le contribuable avait fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, la vérificatrice n'a pas recommandé qu'une pénalité soit imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Seule une pénalité pour production tardive l'a été : la pénalité initiale de 283 $ a été augmentée à 10 408 $ dans la nouvelle cotisation.

Analyse

Présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire

[22]     Il a été clairement démontré que la nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1993 a été établie par le ministre au-delà de la période normale de nouvelle cotisation. Il revient alors à l'intimée d'établir que le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi. Le passage pertinent de l'alinéa 152(4)a) de la Loi se lisait comme suit :

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation. Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

a)          le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i)          soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)         soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

[...]

                                                                                    [Je souligne.]

[23]     De plus, il est utile de rappeler les passages pertinents du paragraphe 152(4.01) de la Loi puisque ce paragraphe a été invoqué par le procureur de la succession à l'appui de sa position. Les passages en question se lisent comme suit :

(4.01)    Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'appliquent les alinéas (4)a) ou b) relativement à un contribuable pour une année d'imposition ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à l'un des éléments suivants:

a)    en cas d'application de l'alinéa (4)a) :

(i)          une présentation erronée des faits par le contribuable ou par la personne ayant produit la déclaration de revenu de celui-ci pour l'année, effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire ou attribuable à quelque fraude commise par le contribuable ou cette personne lors de la production de la déclaration ou de la communication de quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii)         une question précisée dans une renonciation présentée au ministre pour l'année.

[24]     Dans son avis d'appel modifié, la succession soutient que le ministre avait toutes les informations nécessaires à l'application de la règle des 21 ans parce que ces informations lui avaient été fournies « lors de sa vérification en profondeur effectuée en 1993 » . De plus, la succession soutient que les informations pertinentes - comme la date d'ouverture de la succession et l'existence de biens - avaient été fournies par les exécuteurs testamentaires et que ces derniers n'avaient « jamais tenté, directement ou indirectement, de cacher ces faits à l'Intimée, ni en 1993, ni avant, non plus que depuis 1993 » . Finalement, la succession soutient « [qu]'il n'est pas raisonnable de considérer que la nouvelle cotisation sous appel se rapporte à une présentation erronée des faits par le contribuable [...] les faits et renseignements utiles et nécessaires pour l'établissement de la nouvelle cotisation sous appel ayant toujours été correctement et complètement rapportés à tous les représentants de l'Intimée » .

[25]     La procureure de l'intimée a cité deux décisions du juge Strayer se rapportant au pouvoir du ministre d'établir des nouvelles cotisations au-delà de la période normale de nouvelle cotisation. Tout d'abord, elle s'est référée à la décision classique en la matière, Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL). Dans cette décision rendue, alors qu'il était juge de la Division de la première instance de la Cour fédérale du Canada, le juge Strayer affirme à la page 6 :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme « négligence » impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle.

                                                                   [Je souligne.]

[26]     Dans l'affaire Nesbitt c. Canada, [1996] A.C.F. no 1470 (QL), le juge Strayer, devenu alors juge de la Cour d'appel fédérale, a écrit ce qui suit au paragraphe 8 :

Même en supposant que l'on puisse considérer que la lettre du 6 août 1986 prouve que le ministre était au courant à cette date-là (deux mois avant l'expiration du délai de prescription de quatre ans) des faits véridiques et qu'il y avait eu présentation erronée des faits, je ne crois pas que cela soit utile à l'appelant. Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentationerronée des faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

[Je souligne.]

[27]     Le procureur de la succession a raison de mentionner que l'erreur indiquée quant à la date du décès de Cléophas Saint-Aubin père n'en est pas une. Toutefois, il a tort lorsqu'il affirme que Me Saint-Aubin n'a fait aucune présentation erronée des faits dans la déclaration de revenus de 1993. À mon avis, il y a présentation erronée à deux endroits distincts de la déclaration. Tout d'abord, le fait qu'aucun montant n'est indiqué comme gain en capital imposable à la ligne 1 de la déclaration constitue une telle présentation. Ensuite, à la page 3 de la déclaration, Me Saint-Aubin a fait une présentation erronée des faits en répondant non à la question suivante : « La fiducie a-t-elle disposé de biens en immobilisation au cours de l'année? (Incluez les dispositions réelles et réputées). Utilisez la formule T1055 pour déclarer des dispositions réputées découlant de l'application de la Règle des 21 ans » . Or, il aurait fallu répondre oui puisque la fiducie était assujettie à la règle des 21 ans et possédait des immobilisations.

[28]     À mon avis, trop d'importance a été accordée à la réponse (qui n'en est pas une puisqu'il n'a répondu ni oui ni non) fournie par Me Saint-Aubin à la question 14, celle de savoir si la fiducie était assujettie, dans l'année, à la règle des 21 ans. Il s'est contenté d'indiquer « à venir? » . Cette mention représente certainement une réponse très évasive surtout avec le point d'interrogation.

[29]     À mon avis, le fait que la vérificatrice n'ait pas fait référence dans son témoignage aux deux éléments que j'ai évoqués plus haut n'est d'aucune importance. Comme l'indiquait le juge Strayer dans Nesbitt, c'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée des faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. De plus, même si le ministre aurait pu relever la présentation erronée dans la déclaration de 1993 en procédant à une analyse attentive des documents fournis par la succession, cela ne constitue pas un moyen de défense pour celle-ci. Je partage entièrement le point de vue du juge Strayer lorsqu'il affirme que « le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur [...] [9] »

[30]     À mon avis, si Me Saint-Aubin avait fait preuve de diligence raisonnable en remplissant la déclaration de 1993, il aurait répondu oui aux questions 1 et 14 à la page 3 de celle-ci. Cette conclusion s'impose d'autant plus quand on considère qu'il était juriste, ayant même eu l'honneur d'être membre d'un tribunal administratif[10]. Il était donc en mesure de comprendre la portée de la règle énoncée au guide d'impôt. Ce guide indique clairement qu'une fiducie est réputée avoir disposé de ses biens en immobilisation à un moment précis au cours de son existence. Ce moment précis est spécifié dans les termes suivants au tableau figurant à la page 35 : « la plus éloignée des dates suivantes : le 1er janvier 1993 ou 21 ans après la date de création de la fiducie » . Comme la fiducie a été créée en 1931, il est clair que le 1er janvier 1993 constituait la date la plus éloignée des deux.

[31]     Dans le guide d'impôt de 1993, on définit « fiducie testamentaire » comme une « fiducie ou une succession établie à la suite d'un décès d'un particulier » . Me Saint-Aubin savait fort pertinemment que la succession était une « fiducie testamentaire » , comme l'attestent plusieurs indices. Il a utilisé le formulaire de déclaration T3, intitulé « Déclaration et de renseignements de revenus des fiducies » , pour déclarer les revenus de la succession non seulement pour l'année 1993, mais aussi pour les années 1985 à 1993. Dans la déclaration de 1993, il a signé son nom à l'endroit où l'on demande la « signature du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire ou de l'administrateur » . Dans la déclaration de 1995, il se décrit d'ailleurs lui-même comme « un des exécuteurs testamentaires » puisque, à la ligne où il devait signer, le formulaire indique simplement « signature de la personne autorisée » . Me Saint-Aubin qualifie lui-même la succession comme la « succession Cleophas Saint Aubin » à la première page de la déclaration de 1993, sous la rubrique « Identification » , à « Nom de la fiducie » . Dans cette déclaration, il met également la succession dans la catégorie « Fiducie testamentaire - Autre » [11]. Il indique en outre dans la déclaration que la succession était une fiducie résidant au Canada et que cette « fiducie » avait des revenus de placements.

[32]     Tous ces éléments m'amènent à une conclusion inéluctable : Me Saint-Aubin savait que la succession était une fiducie au sens de la Loi. De plus, compte tenu de la clarté de la question no 1 à la page 3, je ne peux que conclure que Me Saint-Aubin en remplissant la déclaration de 1993, a fait à tout le moins une présentation erronée des faits par négligence ou inattention. Dans son témoignage, il a affirmé ne pas se rappeler s'il avait consulté le guide. Ou bien, il ne l'a pas fait et il a alors été négligent en répondant non à la question no 1 sans s'être référé au guide pour bien en comprendre la portée. En pareil cas, il n'a pas fait preuve de diligence raisonnable, comme il devait le faire selon le juge Strayer dans l'affaire Venne. Ou bien il a consulté le guide et lu les passages ayant trait à la règle des 21 ans, auquel cas il a volontairement omis de déclarer le gain en capital réalisé lors de la disposition réputée avoir été faite en vertu des paragraphes 104(4) et 104(5) de la Loi.

[33]     J'ajouterai qu'il n'était pas possible pour la succession d'effectuer le choix, prévu à l'article 104(5.3) de la Loi, de reporter le jour de la disposition réputée puisqu'aucun des bénéficiaires vivants de la fiducie ne satisfaisait aux conditions de la définition d'un « bénéficiaire exempté » le jour au cours duquel la disposition réputée devait avoir lieu. On trouve d'ailleurs un énoncé de cette définition dans le guide d'impôt. À la page 37, on définit le « bénéficiaire exempté » de la façon suivante :

Un bénéficiaire exempté doit être un bénéficiaire vivant de la fiducie. Il doit aussi être l'un des individus suivants :

·                le « disposant désigné » de la fiducie;

·                le conjoint ou l'ex-conjoint, le grand-père ou la grand-mère, le père ou la mère, le frère, la soeur, l'enfant, la nièce ou le neveu du disposant désigné;

·                le grand-père ou la grand-mère, le père ou la mère, le frère, la soeur, l'enfant, la nièce ou le neveu du conjoint ou de l'ex-conjoint du disposant désigné.

[Je souligne.]

Parmi les bénéficiaires du testament de feu Cléophas Saint-Aubin, il n'y avait que ses enfants qui auraient pu être des bénéficiaires exemptés. Or, tous ces enfants étaient décédés avant 1993.

Nature de l'institution créée par le testament

[34]     Dans sa plaidoirie, le procureur de la succession a tenté d'établir que celle-ci n'était pas une succession au sens de la Loi et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être une fiducie visée par la règle des 21 ans. La succession, selon le procureur, n'était pas une succession et les exécuteurs testamentaires n'étaient que de simples mandataires des grevés d'une substitution créée par le testament de Cléophas Saint-Aubin. Le paragraphe 248(3)[12] de la Loi n'avait pas comme effet, à l'égard de la succession, en 1993 d'assimiler la substitution à une fiducie comme le fait le nouveau libellé du paragraphe 248(3)[13] édicté par L.C. 1991, ch. 49, applicable après 1990 aux biens dont la propriété a été acquise après 1990 ou aux biens qui sont devenus sujets à une substitution après 1990.

[35]     Les dispositions pertinentes concernant la notion de fiducie aux fins de la Loi sont les suivantes :

248(1) Définitions. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

« fiducie » S'entend au sens du paragraphe 104(1).

104(1) Dans la présente loi, fiducie ou succession, (appelées toutes deux « fiducies » dans la présente sous-section), signifie également le fiduciaire ou l'exécuteur testamentaire, l'administrateur successoral, l'héritier ou tous autres représentants légaux ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie.

                                                          [Je souligne.]

[36]     À mon avis, la position du procureur de la succession sur cette question est mal fondée pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il n'y a pas de doute que le testament rédigé par feu Cléophas Saint-Aubin laisse beaucoup à désirer et plusieurs de ses dispositions sont confuses, imprécises ou incomplètes : Cléophas Saint-Aubin n'était pas juriste. Toutefois, si l'on tient compte de l'ensemble des dispositions de son testament, une conclusion s'impose aisément : sans l'écrire expressément, Cléophas Saint-Aubin a créé une fiducie au sens de l'article 981a du Code civil du Bas-Canada (Code civil ou C.c.). Cet article édicte :

Art. 981a. Toute personne capable de disposer librement de ses biens, peut transporter des propriétés mobilières ou immobilières à des fiduciaires par donation ou par testament, pour le bénéfice des personnes en faveur de qui elle peut faire valablement des donations ou des legs.

[37]     La définition fournie par P.-B. Mignault dans Le droit civil canadien, tome 4, 1899, Montréal, C. Théoret, à la page 154 est plus éclairante :

1. Nature de la fiducie.- La fiducie, telle qu'elle est envisagée par ce chapitre, peut se définir une disposition de l'homme par laquelle on confie l'administration de certains biens à une ou plusieurs personnes, nommées fiduciaires, lesquelles reçoivent ces biens à titre de dépôt et sont chargées de les administrer, jusqu'au moment où elles devront les remettre à ceux que le disposant voulait gratifier, et dans l'intérêt de qui il a établi la fiducie.

[38]     Même s'il affirme donner et léguer tous ses biens à ses enfants « en usufruit et jouissance et a titre de grevés de substitution seulement » , cela ne signifie pas nécessairement que Cléophas Saint-Aubin a créé une substitution. La professeure Madeleine Cantin Cumyn traite de cette question dans « Les droits des bénéficiaires d'un usufruit, d'une substitution et d'une fiducie » , McGill Legal Studies, No.o4,. Wilson & Lafleur Ltée, 1980. À la page 29, par. 40 de cette excellente étude des institutions que sont l'usufruit, la substitution et la fiducie, la professeure Cantin Cumyn rappelle à bon droit deux principes d'interprétation que l'on trouve au Code civil. Elle écrit notamment :

[...] L'article 928 C.C. énonce, d'une part, qu'une substitution peut exister nonobstant des dispositions rédigées en termes d'usufruit lorsqu'effectivement c'est celle-là seulement qui découle de l'ensemble de l'acte et de l'intention manifestée par le disposant.

[39]     Elle ajoute, à la même page, que « l'article 964 C.C. prévoit, d'autre part, que la personne qui est qualifiée de grevé de substitution ne peut se prévaloir des avantages qui résultent de cette situation si, en réalité, l'acte ne l'a chargée que d'administrer les biens de la succession » . De plus, elle y constate :

Nulle mention expresse n'est faite dans ces articles de la fiducie des articles 981a et s. C.C., vu son introduction postérieure à la rédaction du Code civil. Il n'en reste pas moins que ces règles interprétatives valent également quant à ce qui pourrait être désigné comme usufruit ou substitution et qui, à l'analyse, se révèlerait [sic] être une fiducie.

                                                                   [Je souligne.]

[40]     Elle reconnaît, toujours à la page 29 de son ouvrage, que :

[...] La jurisprudence offre d'ailleurs des exemples de situations où des juges n'ont pas hésité à conclure à la constitution d'une fiducie là où le disposant ne le disait pas formellement ou bien s'était exprimé en termes de substitution ou d'usufruit.[14]

                                                                             [Je souligne.]

[41]     Le professeur Germain Brière, dans Donations, substitutions et fiducie, Montréal, Wilson et Lafleur Ltée, 1988, à la page 225, fournit la définition suivante de la substitution :

La formule suivante paraît cependant plus expressive : une double libéralité, dont le premier bénéficiaire a pour mission de conserver l'objet en en profitant lui-même, pour le transmettre, soit à sa mort soit à un terme fixé par la libéralité, à un autre bénéficiaire désigné par le disposant.

                                                          [Je souligne.]

[42]     On décrit ainsi à l'article 944 C.c. les droits et les obligations de ce premier bénéficiaire qu'on appelle un grevé : « Le grevé possède pour lui-même à titre de propriétaire, à la charge de rendre et sans préjudice aux droits de l'appelé. » Posséder « pour lui-même à titre de propriétaire » est un des éléments essentiels à l'existence d'une substitution. La professeure Cantin Cumyn est du même avis, et elle l'exprime notamment à la page 12, par. 17, de son ouvrage précité lorsqu'elle écrit :

[...] Pendant la substitution, nul autre que le grevé peut se prévaloir des avantages de la propriété. Il n'existe aucune autre personne avec laquelle le grevé partage les attributs de la propriété.

Elle ajoute plus loin, à la page 15, par. 21 :

Le grevé jouit exclusivement de l'usus, du fructus et de l'abusus. L'obligation de rendre n'affecte pas l'exercice des deux premières prérogatives. [...]

                                                          [Je souligne.]

Encore à la page 57, par. 82, la professeure Cantin Cumyn écrit :

82 - Le grevé de substitution est considéré par la loi comme le propriétaire de la chose substituée. Il est, par conséquent, titulaire d'un droit réel qui lui permet de tirer lui-même de la chose tous les avantages et l'utilité qu'elle est susceptible de procurer, sous réserve de l'effet limité attaché, en principe, à ses actes de disposition.

                                                          [Je souligne.]

Elle complète cette analyse à la page 90, par. 131 :

131 - De sa nature, le droit réel confère à son titulaire un accès immédiat à la chose sur laquelle il porte, de façon à lui permettre d'en tirer lui-même directement toute ou partie de l'utilité. Le droit réel n'admet pas l'intervention d'un tiers qui procure l'avantage que le droit réel donne à son titulaire. L'usufruitier et le grevé ont un droit réel dans les choses qui leur sont données ou léguées. Comme ce droit réel confère l'usage et les fruits, il en découle nécessairement que l'un et l'autre doivent pouvoir prendre possession de l'objet de leur droit et l'administrer.

[...]

Même si les auteurs québécois n'affirment pas toujours expressément qu'il découle du mode de jouissance de l'usufruitier et du grevé que ceux-ci aient la possession et l'administration de l'objet de leur droit, pareille conséquence résulte de l'analyse qu'ils font de leur situation juridique. Marler [fait notamment observer que le] mode de jouissance de l'usufruitier ressemble à celui du grevé, ce qui explique du moins partiellement l'usage impropre qui est souvent fait du mot « usufruitier » . En effet, selon les expressions employées dans le Code civil même, l'usufruitier exerce son droit comme le propriétaire alors que le grevé est propriétaire. Or, on ne peut nier au propriétaire la possession et l'administration de sa chose.

                                                          [Je souligne.]

[43]     Cette analyse correspond à celle que fait Mignault dans l'ouvrage déjà cité, à la page 68 :

Le grevé est propriétaire jusqu'à l'ouverture de la substitution, et il jouit, pendant ce temps, de tous les droits attachés à la qualité de propriétaire, sauf que ces droits, dans sa personne, sont affectés de la même condition qui grève son titre de propriétaire. Il jouira donc de la chose substituée, en percevra les fruits et l'administrera comme un propriétaire, mais comme un propriétaire chargé de restituer cette chose si la condition s'accomplit.

                                                                        [Je souligne.]

[44]     Cette analyse des droits du grevé doit être comparée avec celle du droit du bénéficiaire du revenu d'une fiducie. Voici les commentaires que fait la professeure Cantin Cumyn aux paragraphes 132 et 133 de son ouvrage précité :

132 - Par opposition à l'usufruit et à la substitution, une caractéristique essentielle de la fiducie réside en ce qu'elle organise la gestion des biens indépendamment des personnes auxquelles la jouissance est attribuée. La possession et l'administration sont dissociées de la jouissance et sont attribuées au fiduciaire. Le bénéficiaire du revenu, titulaire d'un droit personnel contre la fiducie, n'est pas légalement autorisé à réclamer la possession des biens. Le bénéficiaire du capital ne l'est pas davantage pendant la fiducie, son droit à la propriété des biens n'étant acquis qu'à l'extinction de la fiducie.

133 - La distinction qui existe entre le mode d'exercice du droit du grevé et de l'usufruitier, d'une part, et celui du bénéficiaire d'une fiducie, d'autre part, constitue un moyen utile, voire déterminant, d'interprétation. Deux arrêts de la Cour suprême vont l'illustrer. Dans Guaranty Trust Company of New York v. The King, ([1948] S.C.R. 183), on demandait de déterminer si un legs de revenus pouvait être interprété comme créant un usufruit en faveur du légataire. Le testateur léguait, par ailleurs, l'ensemble de ses biens et, en particulier, la somme qui devait servir au paiement du legs de revenus, à des fiduciaires chargés de les administrer et d'en remettre les revenus aux bénéficiaires désignés. M. le juge Taschereau analyse le droit de l'usufruitier comme devant toujours lui conférer la possession et l'administration de la chose. Il en conclut que l'absence du droit à la possession et à l'administration oblige à qualifier autrement le droit aux fruits du légataire qui était, en l'occurrence, bénéficiaire du revenu d'une fiducie.

Dans Masson v. Masson ((1912) 47 S.C.R. 42), il fallait établir si le droit d'un premier groupe de légataires était celui de grevés de substitution ou de bénéficiaires des revenus d'une fiducie. Notant que le testateur avait manifesté le désir de conserver ses biens dans la famille aussi longtemps que la loi l'y autorisait, M. le juge en Chef Fitzpatrick rappelle qu'il existe en droit québécois deux moyens de réaliser cet objectif : la substitution et la fiducie. Le testateur choisit la première lorsqu'il transporte la propriété des biens à ses enfants qui sont les personnes d'abord avantagées par la disposition. Il a recours au second mode lorsqu'il indique que la possession et l'administration de ses biens doivent se faire indépendamment des personnes avantagées. On a donc jugé que le testateur avait, dans l'espèce, constitué une fiducie par la remise qu'il a faite de tous ses biens à des fiduciaires afin qu'ils les administrent et les détiennent aussi longtemps que la loi les y autorise[15].                                           [Je souligne.]

[45]     À mon avis, on ne peut prétendre que les enfants de feu Cléophas Saint-Aubin étaient des grevés puisqu'ils n'ont jamais reçu la possession de ses biens à titre de propriétaires. Ils ne l'avaient pas lors de la production de la déclaration de fiducie en 1994 (puisque c'est Me Saint-Aubin qui l'a produite à titre de l'un des exécuteurs testamentaires) et ne l'avaient pas lors de l'audition de l'appel interjeté par la succession. Ce sont plutôt les quatre exécuteurs testamentaires qui avaient la possession de ces biens et qui en avaient l'administration, et ceci jusqu'au partage prévu à la mort du dernier des petits-enfants de la troisième[16] génération. (Voir notamment les clauses 5 et 12 du testament.)

[46]     Tout d'abord, Cléophas Saint-Aubin ne désirait pas que son fils aîné Georges ait la possession de ses biens à titre de propriétaire puisqu'il souffrait de schizophrénie. C'est pour cette raison que Georges n'avait pas été désigné comme un des exécuteurs testamentaires de la succession. Cléophas Saint-Aubin désirait plutôt que les biens de sa succession soient administrés par les quatre exécuteurs testamentaires (et leurs successeurs ou remplaçants, tel qu'il est prévu aux clauses 6, 7, 12 et 17 du testament), parmi lesquels il y avait au départ deux personnes étrangères qui n'étaient pas bénéficiaires du testament. De plus, il est évident que Cléophas Saint-Aubin désirait transmettre sa succession à ses descendants aussi loin que possible[17]. Comme on l'a vu plus haut, il y avait deux moyens pour atteindre ce but : la substitution et la fiducie. À mon avis, il a choisi le deuxième : les exécuteurs testamentaires étaient de véritables fiduciaires à qui Cléophas a confié l'administration des biens au bénéfice de ses trois enfants et de leurs descendants.

[47]     Le procureur de la succession soutient qu'aucune fiducie n'a été créée, puisque le testateur ne stipule pas dans son testament que ses biens doivent être transférés à ses exécuteurs testamentaires. À mon avis, cet argument est également mal fondé. Quoique le transfert n'ait pas été expressément prévu par le testament, il faut conclure qu'il l'a été implicitement, tel que le révèle la lecture de nombreuses clauses du testament et notamment de la clause 6, qui traite des biens laissés par le testateur à son décès de même que de ceux « acquis » par ses exécuteurs testamentaires et leurs successeurs. La clause 9 traite de l'entretien des « immeubles de [l]a succession et [de] ceux qui seront acquis » . Selon les termes de la clause 7, ce sont les exécuteurs testamentaires (et leurs remplaçants) qui devaient « percevoir tous les revenus des biens de [l]a succession » pour en capitaliser une partie et remettre l'autre partie à ses enfants et à ses petits-enfants. Le testateur tient pour acquis que ce sont ses exécuteurs testamentaires qui posséderont ses biens. De plus, comment les exécuteurs testamentaires auraient-ils pu percevoir tous ces revenus et les remettre en partie non seulement à ses enfants mais aussi à ses petits-enfants, s'ils n'avaient pas eu le contrôle des biens de la succession? Il faut se rappeler que le testateur a nommé les exécuteurs testamentaires « pour garantir la revision[18] des revenus de [s]es biens à [s]es dits enfants et descendants suivant [s]es désirs » et que les pouvoirs qu'il leur donne doivent durer et être exercés par eux « aussi longtemps que durera la dite substitution » . Finalement, ajoutons que, selon les termes mêmes du testament, le partage final « de [l]a succession » ne devait avoir lieu qu'au décès du dernier de ses petits-enfants de la troisième génération. Quel partage pouvait-il y avoir à ce moment-là si les exécuteurs testamentaires n'avaient pas toujours le contrôle des biens de la succession? S'ils devaient avoir le contrôle des biens de la succession au moment du partage final, c'est que le testateur désirait que ses biens leur soient transférés à son décès.

[48]     Ce sont aussi les exécuteurs testamentaires qui pouvaient disposer des propriétés de la succession selon la stipulation de la clause 13: « Si l'on trouvait des prix avantageux pour mes propriétés on pourra les vendre; mais en ce cas les deux tiers de mes enfants et descendants mâles alors en âge leur consentement sera nécessaire. [19] » Il est clair que si les grevés avaient eu la propriété des immeubles, il n'aurait pas été nécessaire d'obtenir le consentement de qui que ce soit. Or, les exécuteurs testamentaires devaient obtenir le consentement des deux tiers des enfants et descendants mâles. Toutes les descendantes et même un tiers des enfants mâles ne pouvaient empêcher la disposition de ces immeubles.

[49]     Faut-il ajouter que c'est aux exécuteurs testamentaires que des lois privées adoptées par l'Assemblée législative du Québec ont accordé des pouvoirs de vendre et d'hypothéquer les immeubles de la succession? En outre, ce sont les exécuteurs testamentaires qui sont indiqués comme les acquéreurs des deux immeubles acquis en 1968. Ce sont eux et non pas les prétendus grevés qui exercent toujours en 2003 -72 ans après la mort du testateur - le contrôle sur les biens de la succession.

[50]     Un autre indice que l'institution créée par le testament de Cléophas Saint-Aubin n'était pas une substitution est le fait que les prétendus grevés n'avaient pas le droit de toucher plus de 50 pour 100 des revenus de la succession durant les trente premières années suivant le décès de Cléophas Saint-Aubin et que, par la suite, ils n'avaient droit qu'aux deux tiers de ces revenus, le solde devant être capitalisé. De plus, si « un ou plusieurs de [s]es enfants ou descendant se fesait religieux ou religieuse » , il ou elle n'aurait « pas droit aux revenus de sa part pendant le temps qu'il ou qu'elle serait en religion ses revenus seraient accumuler au capital de toute la succession » (clause 15 du testament). Leur droit au revenu n'est ainsi qu'un droit personnel et non réel. Ces dispositions, à mon avis, vont à l'encontre d'un des éléments essentiels de la substitution, à savoir celui voulant qu'un grevé doive posséder les biens du testateur à titre de propriétaire. Si on possède à titre de propriétaire, on a le droit de jouir de tous les revenus sans aucune restriction et sans l'interposition d'un administrateur.

[51]     De plus, les personnes chargées de rendre les biens du testateur aux prétendus appelés (en fait les bénéficiaires du capital) sont les exécuteurs testamentaires et non pas les grevés. Rappelons que parmi les premiers exécuteurs testamentaires figuraient seulement deux des trois prétendus grevés, les deux autres exécuteurs étant des étrangers. Dans ses observations écrites en date du 10 juillet 2003, le procureur de la succession s'exprime ainsi :

26. Au moment où s'écrivent ces lignes, M. Louis St-Aubin et son frère Michel se décrivent comme exécuteurs et leurs deux cousines Yolande et Anne-Marie Sabetta, filles de Consuello St-Aubin y agissent également au même titre. Or, ces quatre petits-enfants au 2o degré de Cléophas père, sont d'abord et avant tout des grevés à la substitution et sont donc tous à ce titre, propriétaires indivis des biens légués. Il est donc tout à fait superflu de les qualifier d'exécuteur puisqu'ils ont la pleine propriété des biens.[20]

Cela aurait pu être soutenu plus facilement si ces quatre exécuteurs avaient été les seuls prétendus grevés de ce degré; or, la preuve ne révèle pas qu'ils l'étaient. Au contraire, il est plus vraisemblable qu'il y en avait d'autres puisque la preuve montre que Me Saint-Aubin avait cinq frères ou soeurs. De toute façon, même si ces quatre exécuteurs avaient été les seuls prétendus grevés, cela n'aurait rien changé au problème du procureur de la succession. En effet, on ne peut qualifier ces prétendus grevés de personnes « poss[édant] pour [elles]-même[s] à titre de propriétaire[s] » puisqu'ils ne pouvaient pas toucher plus que les deux tiers des revenus de la succession. Le reste devait être capitalisé au bénéfice des bénéficiaires du capital. Même si les quatre exécuteurs de la succession étaient des bénéficiaires du revenu en 1993, cela ne signifie pas qu'ils ne pouvaient pas porter en quelque sorte deux chapeaux différents : celui d'exécuteur testamentaire et celui de bénéficiaire du revenu.

[52]     À mon avis, toutes les dispositions susmentionnées du testament sont incompatibles avec l'existence d'une substitution mais elles sont tout à fait conciliables avec l'existence d'une fiducie. Et même s'il ne s'agissait pas d'une fiducie au sens de l'article 981a C.c. comme telle, il s'agirait à tout le moins d'une succession non encore liquidée[21], clairement visée par le paragraphe 104(1) de la Loi. Selon les termes mêmes du testament, le partage final « de [l]a succession » ne devait avoir lieu qu'au décès du dernier des petits-enfants de la troisième génération. De plus, le testateur exprimait expressément la volonté que « les pouvoirs qu'[il] donn[ait] à [s]es exécuteurs durent et soient exercer par eux aussi longtemps que durera[it] la dite substitution » . Ce sont eux qui devaient exercer le contrôle sur les biens de cette succession aussi longtemps que durerait la prétendue substitution. Or, la succession n'est toujours pas réglée en 2003, puisqu'aucun partage n'a encore eu lieu : des enfants du deuxième degré sont toujours vivants. Ce qui est énoncé plus haut correspond d'ailleurs à la compréhension qu'ont les exécuteurs testamentaires eux-mêmes de ces dispositions du testament puisqu'ils se décrivent comme des exécuteurs dans les deux contrats d'acquisition d'immeubles intervenus en 1968[22] et dans leurs actes de procédures déposés en devant cette cour. Nulle part ne sont-ils décrits comme de simples mandataires de grevés!

[53]     À mon avis, l'argument avancé par le procureur de la succession selon lequel les exécuteurs testamentaires n'agissaient que comme simples administrateurs ou mandataires pour les grevés et selon lequel ces derniers pouvaient mettre fin à tout moment à leur administration n'a aucun fondement. Si tel avait été le cas, il n'aurait pas été nécessaire de faire adopter des lois privées de l'Assemblée législative du Québec pour confirmer la validité de la vente de certains de ces immeubles et pour obtenir le pouvoir d'hypothéquer ces immeubles. De plus, ce sont les prétendus grevés qui auraient alors déclaré les revenus capitalisés de la succession.

[54]     Comme je suis convaincu que le testament de Cléophas Saint-Aubin a créé une fiducie - ou que, à tout le moins, nous avons ici une succession non réglée sur les biens de laquelle des exécuteurs testamentaires exercent toujours le contrôle - il s'agit bien d'une fiducie visée au paragraphe 104(1) de la Loi. Il n'est donc pas nécessaire de considérer l'argument subsidiaire du procureur de la succession fondé sur le paragraphe 248(3) de la Loi.

Prescription de la dette fiscale

[55]     Le dernier argument avancée pour contester le bien-fondé de la cotisation du ministre est la prescription du recouvrement de la dette fiscale par le ministre. Cet argument est fondé sur l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Markevich (précitée). Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a décidé que l'article 32 LRCÉCA s'appliquait au recouvrement d'une dette fiscale. Cette article dispose comme suit :

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent lors des poursuites auxquelles l'État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

[56]     Le procureur de la succession soutient que le moment où est née la dette fiscale est le moment où a été gagné le revenu imposable, soit en 1993, et comme il s'est écoulé plus de six ans depuis cette date, il n'y aurait aucun intérêt à confirmer le bien-fondé de la cotisation du ministre. À mon avis, cet argument doit aussi être rejeté, et ce, pour les deux motifs mentionnés par la procureure de l'intimée dans ses observations écrites en date du 29 mai 2003.

[57]     Tout d'abord, il s'agit d'une question qui ne relève pas de la compétence de cette cour. Lorsque la succession fait un appel à cette cour à l'encontre de la cotisation du ministre, la seule question qui pouvait être l'objet de l'appel était le bien-fondé de la cotisation. Cette cour n'a pas à déterminer si le ministre pourra recouvrer de la succession la dette fiscale. (Voir notamment Perley c. Canada [1999] A.C.F. no 461 (CAF) (QL), [1999] 3 C.T.C. 180, 99 DTC 5176, Mazo c. Canada, [1997] A.C.I. no 63 (QL), [1997] 2 C.T.C 2433 et Guillemette c. Canada, [1997] A.C.I. no 589 (QL), [1997] 3 C.T.C 2797, 97 DTC 1347.) La Loi prévoit un régime détaillé de prescription relativement au pouvoir du ministre d'établir des cotisations. Notamment, le paragraphe 152(4) de la Loi édicte que le ministre a le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation lorsque le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Comme l'a mentionné la procureure de l'intimée, il ne faut pas confondre prescription de la cotisation et prescription des mesures de recouvrement à l'égard de la cotisation.

[58]     Le deuxième motif est que le procureur de la succession interprète mal la portée de l'arrêt Markevich. Ayant décidé que le fait générateur d'une dette fiscale fédérale survient « ailleurs que dans une province » (par. 39 de l'arrêt), le juge Major a conclu ainsi au par. 41 de ses motifs :

41 Je conclus que les mesures de recouvrement prises en vertu de la LIR sont prescrites six ans après la survenance du fait générateur. La dette fiscale de l'intimé et l'expiration du délai de 90 jours suivant la mise à la poste de l'avis de cotisation daté du 17 juin 1986 constituent le fait générateur en l'espèce.

[59]     Pour bien saisir la portée de cette conclusion, il faut citer le paragraphe 225.1(1) de la Loi :

225.1(1) Restrictions au recouvrement. Dans le cas où un contribuable est redevable du montant d'une cotisation établie en vertu de la présente loi, exception faite des paragraphes 152(4.2), 169(3) et 220(3.1), le ministre, pour recouvrer le montant impayé, ne peut, avant le lendemain du 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation :

a)          entamer une poursuite devant un tribunal;

b           attester le montant, conformément à l'article 223;

c)          obliger une personne à faire un paiement, conformément au paragraphe 224(1);

d)          obliger une institution ou une personne visée au paragraphe 224(1.1) à faire un paiement, conformément à ce paragraphe;

e)          exiger la retenue du montant par déduction ou compensation, conformément à l'article 224.1;

f)           obliger une personne à remettre des fonds, conformément au paragraphe 224.3(1);

g)          donner un avis, délivrer un certificat ou donner un ordre, conformément au paragraphe 225(1).

                                                            [Je souligne.]

[60]     Le délai de six ans ne doit pas être calculé à partir du moment où la dette fiscale est née mais court plutôt à compter de la date du fait générateur qui, ici, sera la date de mise à la poste, à l'intention de la succession, d'une copie de la décision de cette cour en l'espèce, tel que l'exige le paragraphe 225.1(3) de la Loi qui est ainsi rédigé :

225.1(3) Idem - Dans le cas où un contribuable en appelle d'une cotisation pour un montant payable en vertu de la présente loi, auprès de la Cour canadienne de l'impôt, le ministre, pour recouvrer la somme en litige, ne peut prendre aucune des mesures visées aux alinéas (1)a) à g) avant la date de mise à la poste au contribuable d'une copie de la décision de la cour ou la date où le contribuable se désiste de l'appel si celle-ci est antérieure.

                                                                        [Je souligne.]

[61]     Finalement, la récente décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire MacKinnon c. La Reine, 2003 CAF 158, 2003 DTC 5271, dont les motifs sont de la plume du juge Noël, rejette expressément le bien-fondé d'une position comme celle du procureur de la succession :

[3] Plus particulièrement, on ne peut plus prétendre que le délai de prescription applicable au recouvrement des impôts ainsi que des intérêts et pénalités qui s'y rapportent commence à courir au moment où le revenu est gagné. Comme l'a statué le juge des requêtes, ce qu'a confirmé la Cour suprême dans Markevich (paragraphes 27 et 28), cette période commence à courir à compter du moment où une dette fiscale prend naissance et le délai prescrit par l'article 225.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) expire (c'est-à-dire 90 jours après l'envoi par la poste de l'avis de cotisation).                                                    [Je souligne.]

Conclusion

[62]     Vu ma conclusion que le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation hors de la période normale de nouvelle cotisation et que la succession était une fiducie, il reste à déterminer si le ministre pouvait inclure dans le revenu de la succession un gain en capital imposable résultant de la disposition réputée des immobilisations de la succession. Les parties ayant convenu de la juste valeur marchande de ces immobilisations au jour de l'évaluation et au 1er janvier 1993, le montant du gain total réalisé par la succession ne fait plus l'objet de contestation. Ce montant se chiffre à 753 500 $. De plus, rien n'a été avancé qui puisse permettre de conclure que la disposition réputée de ces immobilisations ne s'est pas réalisée le 1er janvier 1993. La preuve révèle clairement que la succession a été ouverte en 1931. Qu'elle soit une simple succession ou bien une fiducie au sens du Code civil, la succession en l'espèce est une fiducie visée par la règle des 21 ans. Par conséquent, le ministre pouvait inclure dans le revenu de la succession un gain en capital imposable résultant de la disposition réputée des immobilisations.

[63]     Pour tous ces motifs, l'appel de la succession à l'égard de l'année d'imposition 1993 est accueilli, avec adjudication des dépens à l'intimée, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la succession a réalisé un gain en capital de 753 500 $.

Signé à Montréal (Québec), ce 4e jour de septembre 2003.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


RÉFÉRENCE :

2003CCI608

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2000-1641(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Succession de feu Cléophas St-Aubin

et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 15 mai 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

le 4 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Jacques Renaud

Pour l'intimée :

Me Nathalie Labbé

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Jacques Renaud

Étude :

Renaud Brodeur

Montréal (Québec)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Les paragraphes 104(4) et 104(5) se lisaient en partie comme suit :

104(4) Disposition réputée faite par une fiducie. Toute fiducie est réputée, à la fin de chacun des jours suivants, avoir disposé de chacun de ses biens qui constituait une immobilisation (sauf un bien exclu ou un bien amortissable) ou un fonds de terre compris dans les biens à porter à son inventaire, pour un produit égal à la juste valeur marchande du bien à la fin de ce jour, et avoir acquis le bien de nouveau immédiatement après pour un montant égal à cette valeur. Pour l'application de la présente loi, ces jours sont :

a)          le jour du décès du conjoint, lorsque la fiducie est :

[...]

a.1)     lorsque la fiducie est, le 1er janvier 1993, une fiducie au profit du conjoint antérieure à 1972 et que [...]

b)        le jour qui tombe 21 ans après le dernier en date des jours suivants :

(i)          le 1er janvier 1972,

(ii)         le jour où la fiducie a été établie,

(iii)        le cas échéant, le jour déterminé selon les alinéas a) ou a.1) dans leurs versions applicables après 1971;

c)        le jour qui tombe 21 ans après le jour (sauf celui déterminé selon les alinéas a) ou a.1)) qui est, par l'effet du présent paragraphe, un jour où la fiducie est réputée avoir disposé de chacun de ces biens.

104(5) Toute fiducie est réputée, à la fin de chaque jour déterminé selon le paragraphe (4) à son égard, avoir disposé de chacun de ses biens qui constituait un bien amortissable d'une catégorie prescrite, pour un produit égal à la juste valeur marchande du bien à la fin de ce jour, et avoir acquis le bien de nouveau immédiatement après pour un coût en capital présumé égal à cette valeur. Toutefois :

[...]

[2] Voir la note 5.

[3] Je reproduis ici la graphie et la ponctuation utilisées par le testateur et apparaissant dans la version dactylographiée et vérifiée du testament.

[4] Loi concernant la succession de feu Cléophas Saint-Aubin, ch. 134, 4 Geo. VI, sanctionnée le 17 mai 1940.

[5] Bill 202 (Privé), Loi concernant la succession de Cléophas Saint-Aubin, sanctionné le 12 août 1967. Il est indiqué dans cette loi que monsieur Saint-Aubin était décédé le 24 septembre 1931.

[6] Parmi les quatre exécuteurs mentionnés dans les actes de procédure déposés en cette cour, on trouve le nom de Me Michel Saint-Aubin.

[7] Selon toute vraisemblance, il voulait indiquer que « tous » les revenus de la succession n'étaient pas payables aux bénéficiaires.

[8] Cette cotisation imposait une pénalité pour production tardive de 283 $. En effet, la déclaration de revenus avait été produite « de main à main » le 2 mai 1994.

[9] Voir la décision Nesbitt (citée plus haut), paragraphe 8.

[10] Rappelons qu'un des autres exécuteurs testamentaires était également juriste, si on se fie à l'intitulé de la cause dans les actes de procédure rédigés par le procureur de la succession.

[11] Et non dans la catégorie une fiducie testamentaire au profit du conjoint.

[12] 248(3) « Droit de jouissance » application dans la province de Québec. Aux fins de l'application de la présente loi dans la province de Québec, l'expression « droit de jouissance » à l'égard d'un bien signifie le droit de la personne qui a ou avait la pleine propriété d'un bien, même si ce bien est grevé d'une servitude, le droit détenu par un usufruitier, un preneur dans un bail emphytéotique, un grevé dans une substitution ou un bénéficiaire dans une fiducie.

[13] 248(3)Application dans la province de Québec. La présente loi s'applique dans la province de Québec en conformité avec les règles suivantes :

[...]

c)          une substitution est réputée être une fiducie - créée par testament lorsque la substitution a ainsi été créée - et les biens sujets à la substitution sont réputés avoir été transférés à la fiducie - par suite du décès du testateur le cas échéant - et être détenus en fiducie et non autrement; [...]

[14] À la note 138, elle cite notamment l'arrêt Masson v. Masson (1912), 47 S.C.R. 42 et la décision de la Cour supérieure dans Taschereau v. Masson (1891), 7 M.L.R. (CS) 207. Il y a lieu de mentionner en particulier ce passage du juge en chef Fitzpatrick dans l'arrêt Masson v. Masson, à la page 77 :

It is quite true that the word substitution is used in many places in the will, but the rule is that :

In general, the whole tenor of the act and the intention which it sufficiently expresses are considered, rather than the ordinary acceptation of particular words in order to determine whether there is substitution or not. Art. 928 C.C.

Plus loin dans son ouvrage, la professeure Cantin Cumyn cite aussi un arrêt plus récent allant dans le même sens, soit celui de la Cour du Banc de la Reine dans l'affaire Dame Cogné et autres v. Trust général du Canada, [1969] B.R. 591. Finalement, la procureure de l'intimée a cité un arrêt encore plus récent, toujours dans le même sens, rendu par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Todd c. Todd, [1989] R.J.Q. 1176.

[15] Dans cet arrêt, le juge en chef Fitzpatrick écrit à la page 77 :

In his comment on art. 964 C.C., Sir François Langelier gives very clearly the distinction between substitution and fiduciary legateeship. He says :

Pour qu'il y ait une vraie substitution, il faut donc que les biens soient donnés en propriété à quelqu'un pour lui-même, avec charge de les restituer à un autre, et il n'y a pas de substitution lorsqu'il est évident que le testateur n'a pas légué les biens à son légataire pour celui-ci, mais ne s'est servi de lui que comme d'un instrument, ou d'un intermédiaire, pour faire parvenir ces biens à une autre personne.

[16] Selon l'article 932 C.c., la substitution créée par un testament ou par une donation entre vifs ne peut s'étendre à plus de deux degrés outre l'institué. Selon cette règle d'ordre publique, le partage de la succession devrait donc se faire plutôt à la mort du dernier des enfants de la deuxième génération, soit les petits-enfants de Cléophas Saint-Aubin, la génération de Me Saint-Aubin. Par analogie, cette règle s'applique également à la fiducie. Voir notamment l'énoncé du juge Anglin à la page 84 et celui du juge en chef Fitzpatrick à la page 78 de l'arrêt Masson (précité).

[17] En fait, plus loin que la loi le permet. Voir la note précédente.

[18] Il est intéressant de noter que dans l'affaire Masson (précitée), à la page 74, le testateur (décédé    en 1847) a inclus une clause semblable dans son testament : « Pour [...] garantir la réversion des revenus de mes biens à mes dits enfants et descendants suivant mes désirs [...] je choisis [...] pour mes exécuteurs testamentaires [...] »

[19] Le « on » renvoie aux exécuteurs testamentaires. Il faut rappeler que dans la phrase précédente, le testateur parlait des pouvoirs de placement des exécuteurs testamentaires, et qu'il est plus que probable que le pouvoir de vendre les propriétés revenait à eux - et non aux bénéficiaires. Je reproduis ici la phrase en question: « Je veux que les argents accumulés soient placer sur propriété sur rues commerciales ou prêter sur hypotheques mais ne pas prêter plus des deux tiers de l'évaluation munisipale; bons du gouvernement depentures s'il était Juger avantageux par mes executeurs. »

[20] Pourtant, le procureur de la succession les décrit ainsi dans l'intitulé de la cause dans ses actes de procédure déposés en cette cour : « tous agissant en leurs qualités respectives d'exécuteurs testamentaires à la Succession [...] » .

[21] Le fait que la succession ne soit pas encore liquidée en 2003 constitue un argument de plus pour conclure que la succession est une fiducie au sens de l'article 981a. du Code civil. Voir l'ouvrage de la professeure Cantin Cumyn (déjà cité) aux pages 94 à 98.

[22] Je reproduis à nouveau cette description :

Tous quatre agissant ensembles [sic] aux présentes en leur qualité de seuls exécuteurs-testamentaires [sic] en fonction de la succession Cléophas Saint-Aubin SR., pour avoir été dûment nommés à cette fonction, tel qu'il appert d'une liste de jugements, de nominations [...]

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