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Référence : 2005CCI460

Date : 20050906

Dossier : 2004-3493(IT)I

ENTRE :

LA SUCCESSION DE FEU ANNE GOLDBERG,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Prononcés oralement à l’audience le 20 mai 2005 à Montréal (Québec).)

 

Le juge Paris

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l’encontre de la cotisation datée du 23 juin 2003, établie pour l’année d’imposition 2001 de l’appelante. Le Ministre du Revenu national a inclus 5 000 $ au revenu de l’appelante.

 

[2]     Lors du calcul de la nouvelle cotisation de l’appelante, le Ministre a avancé l’hypothèse que l’appelante avait reçu une prestation de décès de 5 000 $ en vertu du Régime de rentes du Québec, laquelle fait l’objet de l’alinéa 56(1)a.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[3]     Au cours de l’audience, l’avocat de l’intimée a admis que la valeur de la prestation de décès s’élevait à 2 500 $ au lieu de 5 000 $, et il a concédé qu’on devrait comptabiliser ce montant en faveur de l’appelante.

 

[4]     L’appelante a interjeté appel à l’encontre de la nouvelle cotisation, au motif que la prestation de décès en cause a été versée directement aux héritiers de l’appelante, plutôt qu’à l’appelante. L’appelante fait valoir que l’alinéa 56(1)a.1) de la Loi n’est pas applicable et qu’on ne devrait incorporer à son revenu aucune somme provenant de la prestation.

 

Faits

 

[5]     Aucune des parties ne conteste les faits en l’espèce.

 

 

[6]     La prestation de décès a été versée en vertu de l’article 168 du Régime des rentes du Québec relativement au décès de Mme Anne Goldberg (connue également sous le nom de Mme Anne Wise).

 

[7]     Le fils de la défunte, M. Jerry Wise, était le liquidateur de la succession. Il a demandé la prestation de décès en vertu de l’article 169 du Régime de rentes du Québec pour le compte des héritiers de la défunte et la prestation a été payée par la voie d’un chèque payable aux « héritiers d’Anne Wise ».

 

Disposition législative contestée

 

[8]     Voici l’extrait pertinent de l’alinéa 56(1)a.1) de la Loi :

 

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

 

a.1) dans le cas où le contribuable est une succession qui a commencé a exister au décès d'un particulier ou par suite de ce décès, chaque prestation reçue en vertu de l'article 71 du Régime de pensions du Canada, ou d'une disposition semblable d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi [...]

 

Position des parties

 

[9]     L’appelante admet que la prestation de décès en cause était telle qu’elle aurait dû être incluse au revenu de la succession en application de l’alinéa 56(1)a.1), si elle avait été versée à la succession de l’appelante. Cependant, puisque la prestation n’a pas été reçue par l’appelante, mais directement par les héritiers, alors l’alinéa 56(1)a.1) n’est pas applicable.

 

[10]    De son côté, l’intimée fait valoir que le versement de la prestation de décès aux héritiers de l’appelante équivaut à la réception de la prestation de la part de la succession de l’appelante et qu’elle doit être inclus au revenu de la succession en vertu de l’alinéa 56(1)a.1).

 

[11]    On a demandé à l’avocat de l’intimée de présenter des observations écrites à l’appui de sa position, en faisant référence au Code civil du Québec. Selon les observations en cause, le terme « héritier » est défini dans l’article 619 du Code civil lequel est libellé de la manière suivante :

 

619. Est héritier depuis l'ouverture de la succession, pour autant qu'il l'accepte, le successible à qui est dévolue la succession ab intestat et celui qui reçoit, par testament, un legs universel ou à titre universel [...]

 

[12]    Bien que ni le terme « succession », ni son équivalent en anglais « estate » ne soient définis dans le Code civil, la définition suivante du terme « succession » prévue dans le manuel Le nouveau droit des successions de Germain Brière (2e édition, Wilson & Lafleur, 1987, p. 1) :

 

Au sens propre, il [succession] désigne la transmission à une ou plusieurs personnes vivantes des droits et obligations transmissibles d'une personne décédée.

 

[...]

 

Dans un sens dérivé, le mot succession désigne l'ensemble des biens et dettes qui font l'objet de cette transmission, c'est-à-dire le patrimoine successoral.

 

[...]

 

Une troisième acception du mot succession s'ajoute parfois aux autres; il arrive en effet que, dans le langage courant, on dise la succession lorsque l'on parle de l'ensemble des personnes qui reçoivent les biens du défunt.

 

[13]    L’avocat de l’intimée fait valoir également ce qui suit dans ses observations écrites :

 

[TRADUCTION]

 

Outre les explications susmentionnées, il semble que, sauf exception de l’usage commun, les termes « héritier » et « succession » ne soient pas synonymes.

 

Analyse

 

[14]    D’après ces observations, il est clair qu’en droit civil, les héritiers d’une succession sont des entités séparées de la succession et qu’il faut accorder préférence à la première définition de « succession » figurant ci‑dessus. Par conséquent, je statue que la position de l’intimée, à savoir que le paiement d’un montant aux héritiers d’une personne constitue un paiement versé à la succession, est mal fondée en droit. Je conviens avec le représentant de l’appelante que la prestation de décès en question n’a jamais fait partie du patrimoine de l’appelante et que le versement appartenait en tout temps aux héritiers de feu Mme Goldberg, plutôt qu’à sa succession.

 

[15]    Pour conclure, je statue que l’appelante n’a pas reçu la prestation de décès prévue à l’alinéa 56(1)a.1) de la Loi. Par conséquent, l’appel est accueilli avec dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique) ce 6e jour de septembre 2005.

 

 

 

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de janvier 2006.

 

 

Ingrid Miranda, traductrice

 

 

 

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