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Dossiers : 2002-3770(IT)I

2002-3773(IT)I

ENTRE :

SOLOMON ISAAC et ALINA ISAAC,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune le 26 mars 2003, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge A.A. Sarchuk

Comparutions

Représentant des appelants :

Cary N. Selby

Avocate de l'intimée :

Me Meghan Castle

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JUGEMENT

          Les appels à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000 sont rejetés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2003.

« A.A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce

24e jour de février 2004.

Ginette Côté, trad. a.


Référence : 2003CCI303

Date : 20030430

Dossiers : 2002-3770(IT)I

2002-3773(IT)I

ENTRE :

SOLOMON ISAAC et ALINA ISAAC,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Les appels de Solomon Isaac et de son épouse, Alina Isaac, sont à l'encontre de cotisations d'impôt établies à leur égard pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Dans le calcul de leur revenu pour les années en cause, les appelants ont demandé la déduction de montants de 6 409,51 $, 6 409,51 $ et 6 409,51 $ respectivement[1] en frais d'intérêt hypothécaire. En établissant une nouvelle cotisation pour les années d'imposition en litige, le ministre du Revenu national a refusé la déduction de montants de 1 598 $, 1 816 $ et 2 630 $ respectivement en frais d'intérêt hypothécaire.

[2]      Les faits essentiels de l'affaire ne sont pas contestés. En 1991, les appelants ont consenti une hypothèque de 200 000 $ à la Banque Royale du Canada sur leur résidence principale située au 7, croissant Esther ( « Esther » ) afin de financer l'achat d'actions de Connectric Systems Inc. De 1991 à 1996, ils ont effectué des versements sur le principal jusqu'à ce que le solde s'établisse à 162 487,66 $. Cette année-là, ils ont vendu Esther et acheté une nouvelle résidence située au 63, chemin Flamingo. Le solde impayé du prêt garanti par l'hypothèque sur Esther s'établissait à 162 488 $ à la libération de l'hypothèque le 29 mai 1996. Pour financer l'achat de la nouvelle résidence le 28 mai 1996, les appelants ont consenti une nouvelle hypothèque de 300 000 $ à la Banque Royale. Il est un fait établi que cette hypothèque englobe le montant requis pour conclure l'achat de la nouvelle maison, soit 137 512,34 $, et le solde du montant dû à la Banque Royale relativement à l'hypothèque consentie sur Esther, soit $162,487.66.

[3]      L'appelant Solomon Isaac a témoigné que, même s'il n'y avait qu'une seule hypothèque, on devait considérer qu'il y avait en fait deux prêts. Le premier, de 162 487,66 $, représentait l'emprunt contracté pour gagner un revenu et le second, de 137 512,34 $, les fonds requis pour l'achat de la nouvelle maison située au 63, chemin Flamingo. Il s'ensuit, aux dires des appelants, que les paiements effectués après le 28 mai 1996 visaient uniquement à rembourser le principal de ce qu'ils ont appelé le « prêt personnel » de 137 512 $ et non pas celui du « prêt » de 162 488 $ représentant le solde impayé de ce qu'ils ont appelé le « prêt pour l'achat d'actions » . M. Isaac a également affirmé qu'ils ne prévoyaient pas faire de versement en vue de rembourser le « prêt pour l'achat d'actions » tant que le « prêt personnel » ne serait pas complètement payé. Ils ont dès lors déterminé que l'intérêt déductible relativement au « prêt pour l'achat d'actions » correspondait à 7,3 % de 162,488 $, soit 11 861,62 $, et chacun a déduit la moitié de ce montant. M. Isaac a aussi indiqué que, comme les frais d'intérêt étaient demeurés inchangés de 1998 à 2000 parce qu'aucun versement n'avait été effectué en vue de réduire le principal du « prêt pour l'achat d'actions » , ils avaient déduit le même montant dans toutes les années en litige.

Thèse des appelants

[4]      Les appelants soutiennent qu'il existe deux prêts totalement distincts, à savoir le prêt pour l'achat d'actions et le prêt pour l'achat de la maison. Le seul point commun entre ces deux « prêts » c'est qu'ils ont été obtenus en vertu d'une hypothèque consentie à la Banque Royale. Les appelants sont d'avis que le fait que les deux « prêts » ont été obtenus en vertu d'une même hypothèque ne change rien au fait que ce sont des prêts totalement distincts, qui ont été accordés à des dates différentes, à des fins différentes. Les appelants soutiennent dès lors qu'ils peuvent répartir comme bon leur semble les paiements effectués à la Banque Royale en vue du remboursement du solde du principal. C'est pourquoi ils ont décidé de rembourser d'abord la portion du principal correspondant au « prêt personnel » et de réduire par le fait même les intérêts s'y rapportant. Une fois ce prêt remboursé, ils prévoyaient appliquer tous les paiements subséquents au « solde du prêt pour l'achat d'actions » . En outre, comme les intérêts sont payés chaque mois, il n'y a pas d'intérêt composé sur le « prêt pour l'achat d'actions » . Par conséquent, la portion du prêt hypothécaire réservée à l'achat d'actions porte un intérêt constant de 7,3 % par année jusqu'à ce que la portion dite du prêt personnel soit remboursée, après quoi le principal du « prêt pour l'achat d'actions » commencera à diminuer. Les appelants estimaient donc qu'ils avaient le droit de déduire des frais d'intérêt de 5 930,80 $ dans chacune des années d'imposition en litige et qu'ils n'auraient pas dû faire l'objet d'une nouvelle cotisation du ministre.

Conclusion

[5]      Je suis convaincu que la thèse des appelants, selon laquelle le « prêt hypothécaire » a été obtenu pour deux motifs différents et peut donc être considéré comme deux prêts différents aux fins du calcul de l'impôt, n'a aucun fondement rationnel. Il n'existe en l'espèce qu'un seul accord de « prêt » entre la banque et les appelants et les paiements effectués par ces derniers de même que les intérêts accumulés dans chaque année d'imposition se rapportaient à ce prêt unique.

[6]      Le sous-alinéa 20(1)c)(i) de la Loi est libellé comme suit :

20(1)     Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

a)          [...]

c)          la moins élevée d'une somme payée au cours de l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) et d'une somme raisonnable à cet égard, en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i)          de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien [...]

[7]      C'est là un fait accepté, comme en témoigne l'arrêt Tonn c. Canada (C.A.)[2] :

Le sous-alinéa 20(1)c)(i) énonce donc un autre critère « des affaires » dont l'application est plus restreinte, mais qui ressemble par ailleurs aux critères prévus au paragraphe 9(1) et à l'alinéa 18(1)a). Dans certaines circonstances, compte tenu des exigences formulées dans l'arrêt Bronfman, il sera peut-être nécessaire de répartir les frais d'intérêt entre les utilisations admissibles et non admissibles, dans la mesure du possible. Cette répartition est envisagée dans la disposition législative et n'est pas inhabituelle dans la jurisprudence.

[8]      Comme il n'y a qu'un seul prêt, j'en suis venu à la conclusion qu'il est nécessaire de répartir les frais d'intérêt sur toutes les années d'imposition pour que les contribuables se conforment aux dispositions de l'alinéa 20(1)c) de la Loi. Dans l'arrêt Friedberg c. Canada (C.A.F.)[3], le juge Linden fait observer ce qui suit :

En droit fiscal, la forme a de l'importance. Une simple intention subjective, en l'espèce comme dans d'autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d'une opération aux fins de l'impôt. Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d'éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil 91 DTC 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés. S'il n'en était pas ainsi, Revenu Canada et les tribunaux se livreraient à des exercices interminables pour établir les intentions véritables derrière certaines opérations. Les contribuables et la Couronne chercheraient à restructurer des opérations après coup afin de profiter de la législation fiscale ou d'amener les contribuables à payer des impôts qu'ils pourraient autrement ne pas avoir à payer. Bien que la preuve de l'intention puisse parfois aider les tribunaux à clarifier des marchés, elle est rarement déterminante. En résumé, la preuve d'une intention subjective ne peut pas servir à « rectifier » des documents qui s'orientent clairement vers une direction précise.


[9]      Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2003.

« A.A. Sarchuk »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de février 2004.

Ginette Côté, trad. a.


RÉFÉRENCE :

2003TCC303

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3770(IT)I et 2002-3773(IT)I

INTITULÉ DE L'AFFAIRE :

Solomon Isaac et Alina Isaac et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

26 mars 2003

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge A.A. Sarchuk

DATE DU JUGEMENT :

30 avril 2003

COMPARUTIONS :

Représentant des appelants :

Cary N. Selby

Avocate de l'intimée :

Me Meghan Castle

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

S.O.

Cabinet :

S.O.

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Les appelants admettent désormais que, à cause d'une erreur, les montants dont ils ont demandé la déduction dans leurs déclarations de revenu étaient trop élevés et qu'ils auraient dû être de 5 930,80 $ dans chaque année.

[2]           [1996] 2 C.F. 73, à la page 89 (96 DTC 6001, à la page 6006).

[3]           No A-65-89, 5 décembre 1991, (C.A.F.), à la page 3 (92 DTC 6031, à la page 6032).

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