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Dossier : 2001-2584(IT)G

ENTRE :

CHARLES S. SHAVER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 12 mai 2003 à Ottawa (Ontario)

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Emilio S. Binavince

Avocate de l'intimée :

Me Natalie Goulard

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de janvier 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d'avril 2004.

Liette Girard, traductrice


Référence : 2004CCI10

Date : 20040106

Dossier : 2001-2584(IT)G

ENTRE :

CHARLES S. SHAVER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      Les présents appels sont interjetés à l'encontre des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1996 et 1997 de l'appelant. Ce dernier est un professionnel autonome, pratiquant la médecine interne dans la ville d'Ottawa. L'appelant est également un propriétaire de commerce indépendant ( « PCI » ) auprès d'Amway du Canada Limitée ( « Amway » ).

[2]      Dans le calcul de son revenu d'entreprise pour les années en litige, l'appelant a déduit les montants de 10 403,33 $ et de 21 121,11 $, respectivement, à titre de dépenses d'entreprise pour l'exploitation d'une franchise de distribution de produits Amway. Ces dépenses d'entreprise comprenaient des frais de déplacement de 4 568,64 $ en 1996 et de 6 411,19 $ en 1997, ainsi qu'un montant de 5 562,19 $ à titre de frais de promotion spéciale touchant un voyage à Las Vegas, au Nevada, États-Unis, en 1997. Les frais de déplacement déclarés sont détaillés à la pièce    R-1, onglet 8, et visent l'hébergement à l'hôtel, la nourriture, l'essence, l'assurance contre les accidents, le stationnement et un billet d'avion à destination de Tampa, en Floride. Toutes ces dépenses ont été engagées dans le but d'assister à des réunions organisées par Amway au Canada et aux États-Unis.

[3]      En établissant les nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre a rejeté les dépenses suivantes qui font l'objet des présents appels :

Pour 1996 :

Revenu d'entreprise

Déclaré*

Rejeté**

Accordé**

Frais de déplacement

4 568,64 $

3 606,72 $

   961,92 $

Pour 1997 :

Revenu d'entreprise

Déclaré *

Rejeté **

Accordé **

Frais de déplacement

6 411,19 $

4 669,29 $

1 742,00 $

Cours (417,74 $); promotion spéciale (5 562,19 $)

5 979,23 $

5 562,19 $

   417,74 $

* Voir l'État des résultats des activités d'une entreprise à la pièce R-1, onglets 1 et 2.

** Voir le paragraphe 9 de la Réponse à l'avis d'appel modifiée.

[4]      En établissant ainsi la nouvelle cotisation, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 11 de la Réponse à l'avis d'appel modifiée :

          [traduction]

a)      durant les années d'imposition 1996 et 1997, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise d'une entreprise individuelle faisant la distribution de produits Amway (l' « entreprise » );

b)      pour ce qui est de l'entreprise, durant les années d'imposition 1996 et 1997, l'appelant a déclaré les frais de déplacement susmentionnés;

c)      durant les années d'imposition 1996 et 1997, l'appelant a voyagé en moyenne une fois par mois pour assister à des congrès relatifs à l'entreprise;

d)      lesdits congrès relatifs à l'entreprise représentaient des réunions de membres au sens de la définition et des règles ayant trait à des « congrès » ;

e)      on ne peut déclarer des dépenses relatives à un congrès que deux fois par année d'imposition;

f)       pour ce qui est de l'entreprise, durant l'année d'imposition 1997, l'appelant a également déclaré des frais de promotion spéciale comme il est indiqué ci-dessus;

g)      ces frais de promotion spéciale représentaient, pour l'appelant, sa conjointe et trois autres personnes, le coût du vol à destination de Las Vegas, au Nevada, États-Unis, et pendant la durée de leur séjour (du 30 octobre 1997 au 2 novembre 1997), le coût de la location d'une voiture, l'hébergement et quelques repas;

h)      les dépenses ont été engagées pour des réunions de motivation avec des membres prospères d'Amway aux Etats-Unis d'Amérique;

i)       une fois encore, la réunion de motivation était visée par la définition et les règles ayant trait aux « congrès » ;

j)       comme on ne peut déclarer des dépenses relatives à un congrès que deux fois par année et que ces dernières ont déjà été déduites à titre de frais de déplacement pour la même année d'imposition, les frais de promotion spéciale susmentionnés ont été refusés;

k)      en outre, l'appelant n'a pas engagé de frais de promotion spéciale en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[5]      Le ministre a examiné les congrès relatifs à l'entreprise ou les [traduction] « colloques sur la gestion d'entreprise » que l'appelant appelle des congrès dans son Avis d'appel au sens du paragraphe 20(10) de la Loi. Cette disposition est ainsi rédigée :

ARTICLE 20 : Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien.

420(10)3

          (10) Dépenses relatives à un congrès. Malgré l'alinéa 18(1)b), est déductible dans le calcul du revenu qu'un contribuable tire d'une entreprise pour une année d'imposition une somme payée par le contribuable au cours de l'année au titre des dépenses qu'il a supportées pour assister à deux congrès au plus afférents à l'entreprise et tenus pendant l'année par une organisation commerciale ou professionnelle, en un lieu qu'il est raisonnable de considérer comme étant en rapport avec l'organisation en question, eu égard au territoire sur lequel elle exerce son activité.

[6]      Conformément à cette disposition de la Loi, on ne peut déclarer les dépenses relatives à un congrès que deux fois par année d'imposition, et c'est pour cette raison que les montants de 961,92 $ et de 1 742,00 $ ont été accordés en 1996 et en 1997, respectivement, à l'égard des frais de déplacement engagés par l'appelant pour assister à deux des réunions en question. Le reste des frais de déplacement a été rejeté.

[7]      Pour ce qui est des frais de promotion spéciale pour le voyage à Las Vegas en 1997, le ministre soutient également qu'ils n'ont pas été engagés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Les alinéas 18(1)a) et b) sont ainsi rédigés :

Déductions

ARTICLE 18 : Exceptions d'ordre général.

          (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) Restriction générale - les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

418(1)b)3

b) Dépense ou perte en capital - une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

[8]      Subsidiairement, l'intimée soutient que les frais de déplacement et les frais de promotion spéciale déclarés par l'appelant qui étaient supérieurs aux montants accordés par le ministre étaient déraisonnables dans les circonstances et non déductibles en vertu de l'article 67 de la Loi, qui est ainsi rédigé :

ARTICLE 67 : Restriction générale relative aux dépenses.

           Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l'égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

Question en litige

[9]      L'appelant conteste la position adoptée par le ministre. Selon lui, les frais de déplacement pour assister à des colloques sur la gestion d'entreprise et les frais de promotion spéciale relatifs à un voyage à Las Vegas constituaient des dépenses courantes raisonnables engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise et sont déductibles en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. À son avis, les colloques sur la gestion d'entreprise ne sont pas des congrès au sens du paragraphe 20(10) de la Loi. Il soutient que ce paragraphe ne s'applique que pour permettre la déductibilité d'une dépense en capital qui ne serait par ailleurs pas déductible en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi. C'est pour cette raison qu'une distinction devait être établie entre un congrès et les colloques d'affaires auxquels il a assisté. Selon l'appelant, bien que les dépenses engagées pour assister à un congrès aient traditionnellement été traitées comme des dépenses en capital par la jurisprudence, les dépenses engagées pour assister à des colloques mensuels sur la gestion d'entreprise représentent davantage des dépenses courantes. En conséquence, le paragraphe 20(10) ne devrait pas s'appliquer pour restreindre la déductibilité de ces dépenses à un maximum de deux colloques.

[10]     Par conséquent, il s'agit de savoir si le ministre a commis une erreur en traitant les frais de déplacement et les frais de promotion spéciale engagés par l'appelant durant les années d'imposition 1996 et 1997 comme des dépenses engagées pour assister à un « congrès » au sens du paragraphe 20(10) de la Loi et en limitant donc ces dépenses à deux congrès par année d'imposition. La Cour devra également déterminer si les frais de promotion spéciale liés au voyage à Las Vegas en 1997 ont été engagés en vue de tirer un revenu d'une entreprise en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Enfin, si le ministre a commis une erreur quant aux deux premières questions, on doit décider si les frais de déplacement et les frais de promotion spéciale déclarés par l'appelant supérieurs aux montants accordés par le ministre étaient déraisonnables et donc non déductibles en vertu de l'article 67 de la Loi.

Faits

[11]     Le Dr Shaver, l'appelant, a indiqué dans son témoignage qu'il s'est joint à Amway (qui est devenue Quixtar en 1999) en 1995. Il était parrainé à l'époque par le Dr S. Gardee, également un PCI et un médecin pratiquant dans la région d'Ottawa. L'appelant et le Dr Gardee appartiennent à l'organisation [traduction] « en amont » (comme on l'appelle au sein de l'organisation Amway) de M. Roy Bulmer, un agent de police à la retraite et un PCI résidant à Windsor, en Ontario. Le Dr Gardee et M. Bulmer ont également témoigné.

[12]     Au paragraphe 3 de la section C de son Avis d'appel, l'appelant a indiqué qu'un PCI avait du succès auprès d'Amway si, en plus de faire de la vente directe, il tente d'interagir avec d'autres et amène ces personnes à devenir des distributeurs de produits Amway, qui deviennent alors des distributeurs [traduction] « en aval » . L'appelant prétend qu'une telle interaction est facilitée par les différents [traduction] « colloques sur la gestion d'entreprise » qui sont offerts aux distributeurs Amway. En 1996 et en 1997, les réunions d'affaires et de ventes auxquelles a assisté l'appelant étaient organisées et parrainées par l'organisation de M. Bulmer. Elles ont eu lieu à Windsor, à Hamilton, à London et à Toronto, en Ontario, ainsi qu'aux États-Unis (à savoir Cleveland, en Ohio; Florence, au Kentucky; Pittsburgh, en Pennsylvanie; Ada et Grand Rapids, au Michigan. Il y en a également eu une à Tampa, en Floride. Voir la pièce R-1, onglet 8.). À l'exception de celui qui s'est tenue à Tampa, l'appelant s'est rendu en voiture à tous les colloques.

[13]     M. Bulmer, qui se trouve au niveau supérieur de la hiérarchie de la franchise de distribution de produits Amway, étant un PCI de niveau diamant, comme on appelle ce niveau au sein de l'organisation Amway, a indiqué dans son témoignage que ces réunions d'affaires et de ventes avaient pour but d'enseigner aux personnes présentes la façon d'utiliser personnellement les produits devant être vendus, de promouvoir la vente de ces produits et de parrainer et d'encourager les nouvelles personnes se joignant à l'organisation pour accroître le volume des ventes. Ainsi, selon les besoins du moment, l'accent lors de ces réunions est placé sur la connaissance des produits, les techniques de vente et le parrainage, le tout en vue de favoriser en bout de ligne la croissance de ventes grâce au parrainage. Selon ce que j'en comprends, l'ensemble du concept du système de franchise de distribution de produits Amway a pour but d'accorder des rabais et des points aux membres au moment de l'achat d'un certain nombre de produits auprès de l'organisation; en même temps, les parrains de l'acheteur obtiennent des points pour ces achats. Les points obtenus par un PCI d'un niveau inférieur aident à maximiser le revenu des PCI de niveau supérieur. En effet, lorsqu'un nombre suffisant de points sont accumulés, Amway verse des primes aux PCI d'après la valeur globale des ventes.

[14]     En l'espèce, je comprends que les réunions étaient organisées par le PCI de niveau diamant une fois par mois et que le programme de ces réunions était très chargé. Différents intervenants provenant de l'extérieur ou de l'intérieur de l'organisation étaient invités à faire des présentations portant sur des produits spécialisés, des techniques de vente, la façon de mettre sur pied ce type d'entreprise et la façon dont les intervenants avaient eux-mêmes obtenu du succès dans ce domaine. La durée des présentations des intervenants était limitée, et les réunions pouvaient se terminer à 2 ou à 3 h.

[15]     Selon M. Bulmer, les PCI ont avantage à assister à ces réunions s'ils souhaitent voir leur entreprise croître. En effet, l'un des objectifs de la réunion est de favoriser la croissance de façon à ce que la personne assistant à la réunion puisse progresser vers des niveaux supérieurs de l'organisation en encourageant les personnes recrutées pour vendre des produits, ce qui permettra en bout de ligne aux personnes présentes à accroître leur revenu. Les réunions sont organisées par Amway pour les PCI associés à Amway uniquement. Il n'y a pas d'activités sociales ni d'agrément lors de ces réunions, et les personnes qui y assistent paient leurs propres repas (habituellement des repas-minutes à des comptoirs, sans boissons alcoolisées). Des ouvrages et des enregistrements de formation sont également mis en vente lors des réunions. On présentait des vidéos portant sur la promotion de produits clés ou de sujets de motivation entre les présentations des intervenants. On ne vendait pas de produits lors de ces réunions.

[16]     M. Bulmer a indiqué dans son témoignage que même si aucun profit direct n'était réalisé de ces réunions, on observait qu'une augmentation du nombre de ventes se produisait habituellement immédiatement après un tel événement.

[17]     M. Bulmer a déclaré qu'il organisait trois ou quatre réunions importantes (comptant 30 000 participants) et environ huit événements locaux (comptant de 5 000 à 6 000 participants) tout au long de l'année à différents endroits, habituellement en Ohio ou au Canada. Il a souligné le fait que tous les événements (les événements importants et les événements locaux) sont organisés dans le même but, soit promouvoir les ventes et enseigner la façon de parrainer des personnes afin de produire un revenu. Il a indiqué qu'un événement important donnait [traduction] « un portrait plus grand de ce qui pouvait être réalisé » , mais à un coût pour l'organisation qui est beaucoup plus élevé que pour un événement de petite taille qui [traduction] « aide en quelque sorte à garder l'entreprise unie » (voir la transcription à la page 84).

[18]     Le Dr Gardee, qui est également médecin et qui travaille avec l'appelant, a indiqué dans son témoignage qu'il s'est joint à Amway en 1994 et que depuis, il a atteint le niveau émeraude au sein de l'organisation Amway (qui est un niveau inférieur à celui de M. Bulmer). C'est lui qui a recruté l'appelant au sein de l'organisation. Il a expliqué que le concept de l'entreprise vise à former des organisations de distribution et à vendre des produits en grand nombre à une organisation de distribution de très grande taille. Il a indiqué que sa commission sur les ventes de produits augmentait de façon considérable à mesure qu'il mettait sur pied une organisation de distribution plus grande. Les connaissances requises pour réaliser cela étaient acquises au moyen d'un système de formation nécessitant que l'on assiste à des colloques d'affaires une fois par mois. Il a indiqué que ces colloques étaient des séances [traduction] « d'apprentissage des produits » très intensives au cours desquelles se tenaient des promotions des nouveaux produits mis sur le marché et se donnaient des directives sur les techniques de vente de ces produits dans l'organisation et les groupes à viser pour chaque produit. Il a déclaré qu'une réunion mensuelle était nécessaire puisque l'entreprise était en croissance, ayant de nouveaux produits et de nouvelles techniques à mettre en marché en tout temps. De plus, de nouvelles personnes se joignaient à l'entreprise régulièrement et souhaitaient assister aux réunions pour apprendre au sujet de l'entreprise le plus tôt possible. Un parrain doit accompagner les recrues aux réunions. Il a également confirmé le témoignage de M. Bulmer selon lequel la promotion d'un produit d'une manière précise présentée lors de ces réunions entraînait une augmentation importante du volume des ventes dans une courte période. Il a également indiqué que le taux d'inscription des nouvelles personnes par les parrains s'élevaient après ces réunions. Il a conclu son témoignage en déclarant que seules les personnes qui assistaient aux colloques avaient du succès avec cette entreprise. C'est un dur travail auquel il faut se consacrer, a-t-il déclaré.

[19]     Pour ce qui est de l'appelant, il ne semble pas qu'il était aussi prospère que le Dr Gardee ou M. Bulmer. Bien qu'il ait atteint le niveau platine (qui se situe à deux niveaux sous le niveau émeraude atteint par le Dr Gardee), il subissait toujours des pertes de l'entreprise. Pour 1996, il a déclaré un profit brut de 5 580 $ et une perte nette de 4 823 $ (en tenant compte des frais de déplacement de 4 568 $ qu'il a déclarés). Pour 1997, il a déclaré un profit brut de 16 574 $ et une perte nette de 4 546 $ (en tenant compte des frais de déplacement de 6 411 $ et des frais de promotion spéciale de 5 562 $). Il a indiqué que son épouse travaillait avec lui dans l'entreprise, mais que l'ensemble des pertes d'entreprise ont été déduites, dans sa déclaration de revenus, de son revenu de profession libérale. Il a déclaré qu'il parrainait neuf PCI en 1996 et six en 1997 (pièce R-2). Il n'y a pas eu de nouveau parrainage depuis. Selon lui, une des raisons expliquant sa stagnation était qu'il se trouvait désavantagé au Canada parce qu'il était limité à déclarer deux congrès par année.

[20]     Pour ce qui est du voyage à Las Vegas en 1997, l'appelant a indiqué dans son témoignage qu'il a invité cinq PCI pour les récompenser de leur travail et il croyait que cela aiderait à améliorer leur rendement ainsi que le sien. Ils ont été reçus à Las Vegas par des personnes se trouvant à des échelons très élevés de la hiérarchie d'Amway (PCI « double diamant » ). L'appelant était accompagné par son épouse, et il a déclaré des frais de déplacement pour eux ainsi que pour les cinq PCI qu'il avait invités. L'appelant a indiqué dans son témoignage qu'il s'agissait d'un événement uniquement consacré à la création de relations sociales et qu'ils n'assistaient pas à des conférences. Il a expliqué que deux des PCI invités étaient parrainés par lui et qu'ils approchaient d'un certain niveau dans la hiérarchie d'Amway. L'invitation aurait eu pour but de les motiver et de les convaincre à atteindre un niveau supérieur.

[21]     M. Robert Cardinal, le comptable de l'appelant, a indiqué dans son témoignage qu'il considérait que ces dépenses étaient des frais de promotion, puisqu'il comprenait qu'elles avaient pour but de récompenser les tout nouveaux PCI parrainés par l'appelant pour le travail réalisé ou qui sera réalisé dans l'intention de parvenir à des chiffres de production accrus. L'appelant lui avait dit que cette récompense améliorerait sa capacité à tirer un revenu de l'entreprise.

[22]     Pour ce qui est des réunions mensuelles, M. Cardinal considérait qu'elles avaient un but de formation et que les coûts qui y étaient liés ont été déclarés à titre de dépenses courantes d'entreprise.

Analyse

Frais de déplacement

[23]     La question soulevée est celle de savoir si les frais de déplacement engagés par l'appelant pour assister à des colloques d'affaires mensuels pouvaient être déduits dans leur intégralité à titre de dépenses courantes d'entreprise ou si leur déduction est limitée par l'application du paragraphe 20(10) de la Loi.

[24]     De toute évidence, l'intimée ne conteste pas le fait que les frais de déplacement ont été engagés par l'appelant en relation avec son entreprise Amway. En effet, le ministre a accepté la déduction des frais de déplacement engagés pour assister à deux des réunions pour chacune des années d'imposition en litige. La seule raison pour laquelle les frais de déplacement pour assister à d'autres réunions ont été refusés est que le ministre était d'avis que la déduction de ces frais était limitée par l'application du paragraphe 20(10) de la Loi.

[25]     Le paragraphe 20(10) a été ajouté à la Loi pour annuler la décision de la Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire H. Griffith v. M.N.R., [1956] C.T.C. 47, une affaire dans laquelle on a décidé que les dépenses relatives à un congrès engagées par un professionnel ne pouvait être considérées engagées pour tirer un revenu (voir Canada Tax Service, Thomson Carswell, volume 4, page 20-2451).

[26]     Dans l'affaire Griffith, précitée, le contribuable était un médecin spécialisé dans le domaine de l'anesthésie et il était l'un des meilleurs spécialistes dans ce domaine. Il avait déduit des dépenses engagées pour assister à des congrès lors desquels il avait prononcé des conférences. La déduction a été rejetée au motif que les dépenses n'ont pas été engagées pour tirer un revenu. L'appelant a prétendu qu'il avait assisté à des congrès, non pas pour parfaire ses études, mais pour faire en sorte que son nom soit connu du public, ce qui constituait une forme de publicité, et que les dépenses relatives avaient été engagées pour produire un revenu.

[27]     La Cour de l'Échiquier du Canada a confirmé la décision de la Commission d'appel de l'impôt (publiée à 54 DTC 470) et a totalement souscrit aux conclusions de fait et de droit de la Commission. La Commission d'appel de l'impôt avait ainsi énoncé la question en litige à la page 473 :

          [traduction]

          Les dépenses engagées par un contribuable pour assister à des congrès sont-elles visées par l'exception établie à l'alinéa 12(1)a) [maintenant l'alinéa 18(1)a)] de la Loi?

          Qu'est-ce qu'un congrès et quel est son but? Il s'agit de la réunion de personnes partageant le même métier, la même profession ou le même secteur d'activité qui se rencontrent pour discuter de questions d'intérêt commun et échanger des opinions sur des découvertes récentes susceptibles d'avoir un effet sur leur domaine d'action et songer aux problèmes soulevés par l'évolution constante de la science et les exigences de la vie moderne. Ces congrès permettent aux personnes qui suivent les discussions d'acquérir de nouvelles connaissances ou, du moins, d'accroître celles qu'elles possèdent déjà, ce qui les place dans une meilleure position pour respecter les besoins des personnes qu'elles ont choisi de servir dans leurs domaines respectifs. Un congrès donne donc à la personne qui y assiste la possibilité d'accroître ses connaissances, et je suis d'accord avec l'intimée pour dire que cela équivaut à un cours de niveau supérieur puisque les personnes qui y assistent accroissent leurs connaissances et que les dépenses engagées par ces personnes ont un caractère de capital. Ce résultat semble reconnu par l'appelant lui-même qui a admis que même si le fait d'assister à des congrès n'avait pas principalement pour but d'accroître ses connaissances, néanmoins il pouvait accessoirement le faire et il a reconnu que les congrès sont les moyens grâce auxquels une personne peut se tenir au courant des progrès réalisés dans son domaine de spécialité.

La Commission d'appel de l'impôt a conclu ce qui suit à la page 474 :

[traduction]

          Après un examen très attentif de la question en litige, j'en suis venu à la conclusion que la dépense engagée par l'appelant pour assister à des congrès ne constitue pas une dépense engagée pour tirer un revenu de sa profession, mais plutôt une dépense en capital et, à ce titre, elle n'est pas déductible aux termes des dispositions de l'alinéa 12(1)b) [maintenant l'alinéa 18(1)b)] de la Loi.

[28]      La Cour de l'Échiquier était également d'avis que les dépenses relatives à un congrès n'avaient pas été engagées dans le but d'obtenir un gain ou un profit immédiat. La Cour a conclu que le fait d'affirmer qu'assister aux réunions en question entraînerait en bout de ligne un profit pour l'avenir était trop éloigné pour être pris en compte. Ainsi, selon la Cour, les dépenses avaient un caractère de capital et elles n'étaient donc pas déductibles en vertu de l'ancien alinéa 12(1)b) (maintenant l'alinéa 18(1)b)) de la Loi. En outre, aucun profit immédiat direct n'a découlé de la dépense, et cette dernière n'était donc pas déductible en vertu de l'ancien alinéa 12(1)a) (maintenant l'alinéa 18(1)a)) de la Loi.

[29]      Cependant, l'approche restrictive adoptée par la Cour de l'Échiquier en ce qui concerne l'alinéa 18(1)a) de la Loi a depuis été écartée par les tribunaux. Ainsi, une dépense peut être engagée en vue de tirer un revenu d'une source mentionnée à l'alinéa 18(1)a) de la Loi, même si elle n'a pas été engagée pour obtenir un gain ou un profit réel ou immédiat. Tant qu'une activité est entreprise par un contribuable en vue de réaliser un profit et qu'il ne s'agit pas d'une démarche personnelle, il y a une source de revenu et la rentabilité de l'activité à laquelle se rapporte la dépense n'influe pas sur la déductibilité de la dépense si cette dernière est raisonnable dans les circonstances (voir l'affaire Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, aux paragraphes 51 à 58).

[30]      Il s'agit donc maintenant de se demander si les dépenses engagées par l'appelant pour assister à ces colloques d'affaires ont un caractère de capital. Dans l'affaire Griffith, précitée, il a été décidé que les congrès auxquels a assisté le contribuable équivalaient à un cours de niveau supérieur puisque les personnes qui y assistent accroissent leurs connaissances et que les dépenses engagées par elles avaient donc un caractère de capital.

[31]      En l'espèce, je suis d'avis que même si les colloques auxquels assistaient les PCI n'équivalaient pas à des cours de niveau supérieur, ils possédaient néanmoins les caractéristiques des congrès définies par la jurisprudence. Dans l'affaire Griffith, précitée, les congrès ont été décrits comme la [TRADUCTION] « réunion de personnes partageant le même métier, la même profession ou le même secteur d'activité qui se rencontrent pour discuter de questions d'intérêt commun sur des découvertes récentes susceptibles d'avoir un effet sur leur domaine d'action et songer aux problèmes soulevés par l'évolution constante de la science et les exigences de la vie moderne. Ces congrès permettent aux personnes qui suivent les discussions d'acquérir de nouvelles connaissances ou, du moins, d'accroître celles qu'elles possèdent déjà, ce qui les place dans une meilleure position pour respecter les besoins des personnes qu'elles ont choisi de servir dans leurs domaines respectifs » .

[32]      Cela, à mon avis, est très semblable à la présente situation, à l'exception du fait qu'au lieu d'acquérir une expertise dans le domaine médical, l'appelant a obtenu une expertise dans le domaine de la vente de produits Amway. L'appelant a admis qu'il ne possédait pas de connaissances de cette entreprise au moment où il s'est joint à elle en 1995 et qu'il a acquis les habiletés liées à l'entreprise grâce aux réunions mensuelles. Le Dr Gardee a donné un témoignage semblable. Il a indiqué que les connaissances requises pour bâtir une importante organisation de distribution étaient acquises au moyen d'un système de formation, en assistant aux colloques d'affaires mensuels.

[33]      Le Dr Gardee a indiqué que ces colloques étaient des séances [traduction] « d'apprentissage des produits » très intensives et que les réunions mensuelles étaient nécessaires parce que l'entreprise était en constante évolution et que de nouveaux produits et de nouvelles techniques étaient mis en marché en tout temps. De même, M. Bulmer a indiqué dans son témoignage que ces réunions avaient pour but d'enseigner aux participants la façon de promouvoir la vente des produits, de recruter de nouveaux membres et de mettre sur pied une entreprise. Les PCI assistaient à tous les colloques et discutaient de questions d'intérêt commun dans le même domaine d'activité. Tous les colloques portaient sur des questions soulevées par l'évolution constante des produits et des techniques de vente ainsi que, d'une certaine façon, des exigences de la vie moderne.

[34]      Une situation très semblable s'est présentée dans l'affaire Graves (G.) c. Canada, C.F. 1re inst., no T-45-84, 30 mars 1990 ([1990] 1 C.T.C. 357), une affaire où les demandeurs exploitaient leur propre entreprise, achetant et vendant des produits Amway pour leur propre compte et parrainant d'autres distributeurs dont les ventes contribuaient en bout de ligne à leur propre succès. Les demandeurs avaient soutenu essentiellement que leur participation à l'organisation Amway comportait deux aspects, la vente de produits Amway et l'expansion, grâce au recrutement d'autres distributeurs, du réseau Amway (voir l'affaire Graves, précitée, à la page 365). Les demandeurs avaient soutenu que la raison pour laquelle ils assistaient à des réunions organisées par leur groupe de franchise de distribution de produits visait à améliorer leur capacité à vendre l'entreprise à d'autres. Ces réunions ont été décrites de la façon suivante aux pages 365 et 366 de la décision :

          Les demandeurs ont décrit de façon assez détaillée le déroulement des réunions aux États-Unis. D'après eux, les déplacements aux États-Unis n'étaient pas des vacances qu'ils tentaient de faire passer pour des réunions d'affaires. Les séances, qui avaient surtout lieu la fin de semaine, étaient intensives, comportaient des plénières nombreuses, de petits colloques, des séances de formation et un nombre plutôt limité de réunions mondaines. Elles occupaient presque toute la journée et, sauf pour les pauses-repas, enchaînaient avec des colloques et des réunions qui se déroulaient en soirée et souvent passé minuit. [...] Les demandeurs ont déclaré qu'un élément essentiel de ces voyages était la possibilité de discuter avec d'autres membres de l'organisation qui avaient gravi les échelons de la hiérarchie et qui avaient prospéré en recrutant davantage de distributeurs.

          Les Graves ont été moins précis quant aux avantages réels que leur procurait l'assistance à ces manifestations. Ils ont parlé, dans l'abstrait, de motivation, d'enthousiasme et de vision; ils n'ont pas pu décrire clairement l'application de ces thèmes à leur entreprise sauf dans le sens le plus général.

[35]      En rendant sa décision, la Cour a analysé la situation de la façon suivante à la page 366 :

          L'insistance, à ces réunions, sur la motivation et le leadership ne revêtait pas, à mon avis, une importance strictement personnelle pour les participants. En effet, elle était liée à l'acquisition de compétences qui allaient en définitive influer sur la croissance de l'entreprise; à long terme, celle-ci dépend dans une large mesure de l'élargissement de réseaux de distributeurs habiles. Il n'est pas facile de mesurer la valeur de ces compétences pour l'entreprise et il n'est pas aisé non plus de déterminer la mesure dans laquelle la participation à ces séances a effectivement avantagé l'entreprise des demandeurs. J'accepte toutefois que ces compétences ont été considérées comme des facteurs importants pour permettre à une personne d'avancer dans l'organisation, surtout durant les années visées par cet appel, lorsque les demandeurs étaient plus ou moins des nouveaux venus à l'entreprise et voulaient manifestement contribuer à son développement. À mon avis, les déplacements effectuée aux États-Unis étaient, en l'espèce, liée à l'entreprise.

[36]      Cela étant dit, la cour en est venue à la conclusion que les connaissances acquises par les participants aux réunions en question constituaient des immobilisations et que la déductibilité des dépenses engagées pour assister à ces réunions était limitée par l'application du paragraphe 20(10) de la Loi. À cet égard, la cour a déclaré ce qui suit à la page 367 :

          [...] Je ne doute aucunement de la conviction des demandeurs d'avoir appris les moyens de réussite d'autres personnes et même d'avoir acquis des techniques utiles pour inciter d'autres personnes à se joindre au réseau Amway et à prospérer dans celui-ci. Mais ces connaissances et leur aptitude à les transformer en des compétences utiles à leur entreprise, consistant dans des ventes directes et dans le maintien et l'élargissement de leur partie du réseau, peuvent au mieux être considérées comme des biens à long terme, des immobilisations au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, non déductibles en tant que dépenses sauf dans les limites du paragraphe 20(10). [...]

          Le mot « congrès » n'est pas défini dans la Loi. Généralement, un congrès est défini comme « une réunion » , [traduction] « une assemblée officielle » (Concise Oxford Dictionary) ou comme [traduction] « une assemblée ou une réunion de membres ou de représentants d'organisations politiques, législatives, fraternelles, etc. » , (Black's Law Dictionary, 5e édition 1979). En l'espèce, les demandeurs ont assisté à des réunions organisées par leur groupe de distributeurs auxquelles participaient ou étaient invités des membres de ce groupe. Il ne s'agissait pas d'un rassemblement non structuré de personnes. Les réunions étaient organisées pour permettre aux membres du groupe de distributeurs et d'autres intéressés de se rencontrer par affaires. À mon avis, ces assemblées peuvent au mieux être considérées, d'après la Loi de l'impôt sur le revenu, comme des congrès.

[37]      L'existence d'un élément important de création de relations sociales, un élément absent lors des réunions dans l'affaire Graves, n'a pas été considérée nécessaire pour qualifier ces réunions de congrès au sens du paragraphe 20(10) de la Loi (voir l'affaire Graves, précitée, page 367).

[38]      Dans l'affaire Michayluk v. Canada, [1988] T.C.J. No. 733 (Q.L.), la cour a conclu que les dépenses engagées par les contribuables, qui étaient des distributeurs de produits Amway, pour assister à des réunions à l'extérieur du Canada pour tenter de faire avancer leur propre entreprise de ventes directes dans le vaste domaine plus lucratif d'un réseau d'entraide et de soutien, étaient déductibles en vertu du paragraphe 20(10) de la Loi. La cour a conclu que ces réunions étaient des congrès au sens de la Loi. Fait assez intéressant, la cour n'a pas considéré les réunions tenues au Canada de la même façon : elle n'a pas [traduction] « considéré que les circonstances entourant [ces] dépenses particulières au Canada comme étant visées par le paragraphe 20(10) de la Loi - comme certaines formes de dépenses relatives à un congrès » (page 9).

[39]      En l'espèce, je ne peux établir une telle distinction. En effet, la preuve démontre clairement que toutes les réunions auxquelles ont assisté les PCI, au Canada ou aux États-Unis, avaient plus ou moins le même objectif.

[40]      De même, dans les affaires Wees c. Canada, [1994] A.C.I. no 1192 (Q.L.), et Roche v. Canada, [1989] T.C.J. No. 105 (Q.L.), les frais de déplacement engagés par les distributeurs de produits Amway pour assister à plusieurs réunions Amway étaient considérés par la cour comme ayant été engagés pour créer des biens à long terme et donc comme des dépenses en capital. En conséquence, seules les dépenses engagées pour deux congrès ont été accordées conformément au paragraphe 20(10) de la Loi.

[41]      En outre, le Bulletin d'interprétation IT-357R2 établit une distinction entre les frais de formation et les frais engagés en rapport avec le fait d'assister à un congrès. Dans ce bulletin, on explique que certains frais de formation sont déductibles comme frais courants s'ils ne constituent pas des dépenses en capital. On considère qu'il s'agit de dépenses en capital lorsque la formation procure un avantage durable pour le contribuable, c'est-à-dire lorsqu'une nouvelle compétence ou un nouveau titre est acquis. Par contre, on ne considère pas que les frais de formation sont des dépenses en immobilisations lorsqu'ils n'ont été engagés que pour conserver, mettre à jour ou améliorer une compétence ou un titre existant. Les distinctions entre une formation et un congrès et entre un cours de formation et des réunions d'affaires sont établies aux paragraphes 9 et 10 du bulletin IT-357R2 de la façon suivante :

9.        Il convient de faire la distinction entre un cours et un congrès qui peut être défini comme une réunion officielle de membres, à des fins professionnelles ou pour affaires. Contrairement à la formation, qui se donne généralement sous forme de cours théoriques et qui vise l'apprentissage d'un sujet suivant un programme bien établi, un congrès ne prend pas normalement la forme d'un cours et les participants n'ont pas à étudier de manuels, à préparer de travaux ni à subir d'examens. Un congrès ne devient pas un cours de formation lorsque certaines activités prennent la forme d'ateliers. Un « séminaire » peut être considéré comme un congrès ou comme un cours selon les faits pertinents. Bien que les congrès fournissent aux participants l'occasion d'acquérir des connaissances, la déduction des dépenses ainsi engagées est visée expressément au paragraphe 20(10) et est sujette aux limites qui y sont prévues. (Veuillez consulter la dernière version du IT-131.)

10.      Il convient aussi d'établir une distinction entre un cours et une réunion à laquelle assiste un groupe d'employés ou de propriétaires d'entreprise, où il n'y a pas de formation proprement dite. Les frais engagés par un employeur pour les réunions d'employés de ce genre sont habituellement entièrement déductibles, comme le sont aussi les frais pour des réunions semblables de propriétaires d'une entreprise, pourvu qu'ils soient raisonnables et que les réunions aient pour but la bonne marche de l'entreprise.

[42]      Bien que les définitions du bulletin d'interprétation ne puissent annuler la signification juridique d'un mot ou d'une expression utilisé dans la Loi, en l'espèce je conclus néanmoins que les colloques mensuels auxquels a assisté l'appelant correspondaient davantage à la définition de congrès du bulletin IT-357R2 qu'à celles de cours ou de réunion de propriétaires d'entreprise, où il n'y a pas de formation proprement dite, également contenues dans ce bulletin d'interprétation. Selon la preuve présentée au procès, les colloques en question en l'espèce peuvent très bien être définis comme des réunions officielles de membres (organisation Amway), pour affaires et qui entraînent l'acquisition de connaissances par les participants. En conséquence, à mon avis, ces colloques sont des congrès au sens de la Loi, comme les a définis la jurisprudence et, de façon accessoire, le Bulletin d'interprétation.

[43]      Enfin, selon mon interprétation de la preuve selon laquelle il y avait un élément générateur de profit dans la participation aux colloques en question, l'acquisition des nouvelles habiletés et des connaissances accrues par les participants fait partie intégrante de ces colloques. Le fait que certains membres puissent déjà posséder certaines de ces habiletés n'empêche pas la classification des dépenses engagées par eux comme ayant un caractère de capital. À cet égard, je répète ce que la Commission d'appel de l'impôtsur le revenu a déclaré (déclaration par la suite confirmée par la Cour de l'Échiquier du Canada) dans l'affaire Griffith, précitée, à la page 473, avant de conclure que les frais en litige étaient des dépenses en immobilisations :

           [traduction]

[...] Ce résultat semble reconnu par l'appelant lui-même qui a admis que même si le fait d'assister à des congrès n'avait pas principalement pour but d'accroître ses connaissances, néanmoins il pouvait accessoirement le faire et il a reconnu que les congrès sont les moyens grâce auxquels une personne peut se tenir au courant des progrès réalisés dans son domaine de spécialité.

[44]      Je conclus donc quant à la première question touchant les frais de déplacement que le ministre n'a pas commis d'erreur en les traitant comme des dépenses engagées dans le cadre d'un « congrès » au sens du paragraphe 20(10) de la Loi et en limitant en conséquence la déclaration de ces dépenses à deux congrès par année d'imposition.

Voyage à Las Vegas

[45]      L'appelant a reconnu que ce voyage était un événement purement social. Il n'y a pas eu de conférences ni de colloques. Il ne s'agissait pas d'un congrès. Il s'agit donc de se demander si les dépenses déclarées par l'appelant à l'égard de ce voyage ont été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise.

[46]      Les dépenses étaient composées de sept billets d'avion à destination de Las Vegas, de l'hébergement de quatre chambres, de la location d'une voiture et de l'essence pour un séjour de trois jours (voir la pièce R-1, onglet 9). L'appelant a indiqué dans son témoignage que deux de ses invités étaient parrainés par lui dans l'organisation Amway. L'appelant était lui-même accompagné par son épouse.

[47]      Dans l'affaire Rovan v. M.N.R., 86 DTC 1791 (C.C.I.), on a déclaré que les dépenses relatives à un congrès n'étaient déductibles dans le calcul du revenu que si le contribuable assistait au congrès que pour améliorer son entreprise en tant que source de revenu. La Cour a déclaré ce qui suit aux pages 1794-1795 :

           [traduction]

[...] Les dépenses entraînées par des vacances prises sous le couvert d'une convention ne sont pas déductibles dans le calcul du revenu. Si cela était, certains contribuables pourraient en fait faire partager aux autres le coût de leurs vacances. On ne saurait prêter cette intention au législateur. Il va sans dire qu'une certaine indulgence manifestée à l'égard d'activités normalement associées aux vacances ne fait pas obstacle à la déduction des dépenses engagées à l'occasion d'une convention si ces activités sont nettement subordonnées aux objectifs professionnels prépondérants de la réunion.

[48]      À mon avis, le même raisonnement s'applique aux dépenses déclarées pour avoir assisté à une activité sociale dans un lieu touristique comme Las Vegas. Le fait que l'appelant ait prétendu promouvoir son entreprise au moyen d'un voyage à Las Vegas organisé pour récompenser des PCI qui pouvaient aider à améliorer sa rentabilité est, à mon avis, trop éloigné pour justifier la déduction des dépenses déclarées en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Les montants payés uniquement pour le divertissement et peut-être à titre de contribution pour encourager la fierté à l'égard de certaines réalisations ne constituent pas des dépenses déductibles en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Cela est particulièrement le cas puisque la preuve déposée est très peu concluante quant à la question de savoir si les dépenses engagées l'ont réellement été pour tirer un revenu de l'entreprise (voir les affaires H.A. Brown Limited v. M.N.R., 61 DTC 177 (C.A.I.); Leffler v. M.N.R., [1971] Tax A.B.C. 717). On doit se rappeler en l'espèce que seuls deux des cinq PCI invités ont été parrainés par l'appelant et que la participation de l'épouse de l'appelant à l'entreprise est loin d'être claire. De plus, la preuve présentée est silencieuse quant au rôle que les invités de l'appelant ont joué pour permettre à ce dernier de tirer un revenu de l'entreprise. Je conclus donc que l'appelant n'a pas prouvé que l'objectif principal pour lequel il a engagé les dépenses liées au voyage à Las Vegas visait l'amélioration de son entreprise en soi. Les dépenses ne sont donc pas déductibles en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

[49]      En outre, la Commission d'appel de l'impôt a déclaré, dans l'affaire Brown, précitée, à la page 181, ceci :

           [traduction]

          Dans les cas de ce genre, il faut se rappeler la règle voulant que lorsqu'un contribuable prétend assumer le coût personnellement, la façon dont il dépense l'argent n'importe pas, bien entendu, mais il importe de savoir à quel moment il se propose de déduire le coût de son revenu imposable et à quel moment il le fait véritablement, puis le caractère raisonnable de la dépense est scruté. (Voir l'affaire Roebuck v. Minister of National Revenue, 26 Tax A.B.C. 11, à la page 19, 61 DTC 72, à la page 77.) Sur ce point également, il y aura une conclusion défavorable à l'égard de l'appelant.

[50]      À mon avis, il s'agit d'un cas où, même si j'ai conclu que la dépense demandée est déductible en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi, cette dépense est tellement excessive qu'elle en est déraisonnable et dont non déductible en vertu de l'article 67. (Voir Mohammad c. La Reine, [1998] 1 C.F. 165 (97 DTC 5503) (C.A.F.); Cipollone c. Canada, [1994] A.C.I. no 862 (Q.L.).) La dépense engagée pour le voyage à Las Vegas en 1997 représente un tiers du revenu brut pour cette année-là. Cela, à mon avis, est excessif et déraisonnable dans les circonstances. Comme le juge Cattanach l'a déclaré dans l'affaire Gabco Ltd. v. M.N.R., 68 DTC 5210 (C. de l'É.) à la page 5216 :

           [traduction]

Il ne s'agit pas de savoir si le ministre ou [l]a Cour a substitué son jugement pour ce qui constitue un montant raisonnable à payer, mais il s'agit plutôt d'un cas où le ministre ou la Cour en vient à la conclusion qu'aucun homme d'affaires raisonnable n'aurait conclu un contrat pour payer un tel montant s'il n'avait que l'entreprise de l'appelant en tête.

[51]      Je conclus donc que les frais de promotion spéciale demandés en rapport avec le voyage à Las Vegas pour l'année d'imposition 1997 ne constituent pas une dépense déductible.

[52]      Les appels sont rejetés avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de janvier 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d'avril 2004.

Liette Girard, traductrice

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