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Dossier : 1999-3963(IT)G

ENTRE :

SCOTT IRWIN SIMSER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu du 12 au 15 novembre 2002 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Ena Chadha

Me William Holder

Avocate de l'intimée :

Me Tracey Harwood-Jones

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 22e jour de mai 2003.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juin 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI366

Date : 20030522

Dossier : 1999-3963(IT)G

ENTRE :

SCOTT IRWIN SIMSER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]      L'appelant interjette appel à l'encontre d'une cotisation fiscale établie à son égard pour l'année d'imposition 1997. Dans le calcul du revenu de l'appelant pour cette année d'imposition, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a inclus dans le revenu la somme de 1 500 $ (soit 2 000 $ moins l'exonération de 500 $) se rapportant à une bourse de la province de l'Ontario que l'appelant a reçue, mais qu'il n'a pas déclarée à titre de revenu dans sa déclaration. L'inclusion de cette bourse a donné lieu à une cotisation supplémentaire d'impôt fédéral.

[2]      Tout d'abord, l'appelant, prétend que les fonds obtenus dans le cadre de subventions canadiennes pour études (SCE) sous forme d'une bourse d'études pour personnes handicapées (BEPH) lui ont seulement servi à acheter des services d'adaptation, notamment l'interprétation du langage gestuel et le sous-titrage en temps réel, nécessaires afin de compenser son invalidité : une surdité profonde. Et bien que ces fonds aient été décrits comme une « bourse aux étudiants ayant une invalidité » dans le feuillet T4A délivré à l'appelant, ils correspondaient en fait à une forme de subvention canadienne pour études qu'octroie la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants et qui est désignée en vertu du Règlement sous la rubrique des « Subventions pour initiatives spéciales pour les étudiants ayant une invalidité permanente » . Conséquemment, l'appelant soutient que cette somme qu'il a perçue ne devrait pas être incluse dans son revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) parce qu'elle ne correspond pas à la définition d'une « bourse » , d'une « bourse d'études » , d'une « bourse de perfectionnement » ou d'une « récompense » , comme le prévoit cette disposition législative.

[3]      Par la suite, l'appelant a interjeté appel pour le motif que si la SCE est visée par ledit alinéa, l'inclusion dans son revenu de la somme que lui a octroyée la province de l'Ontario contrevient à l'article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ), qu'il s'agit à son égard d'une discrimination fondée sur une invalidité physique et qu'une telle contravention ne peut être justifiée en faisant valoir qu'elle est raisonnable en vertu de l'article 1 de la Charte.

[4]      Après avoir obtenu le consentement des avocats, les pièces suivantes ont été déposées en preuve :

Pièce A-1 - Recueil de documents pour Scott Simser - onglets 1 à 21, inclus.

Pièce A-2 - Recueil de documents - Groupe de travail fédéral sur les personnes handicapées, onglets 1 à 3, inclus.

Pièce A-3 - Recueil de documents - Aide financière pour les étudiants ayant une invalidité - onglets 1 à 6, inclus.

Pièce A-4 - Relieur contenant des feuilles de calcul intitulées « Résumé des scénarios » .

Pièce A-5 - Rapport de l'expertise de la professeure Lisa Philipps.

Pièce A-6 - Rapport de l'expertise de la Dre Carol Musselman.

Pièce A-7 - Relieur contenant la transcription du témoignage de M. Frank Thomas Smith, tel qu'enregistré le 26 septembre 2000, dans l'affaire de la plainte déposée par Scott Wignall devant la Commission canadienne des droits de la personne.

Pièce A-8 - Un relieur de documents qui avait été déposé mais qui a par la suite été retiré.

Pièce A-9 - Recueil de documents - « À l'unisson : Une approche canadienne concernant les personnes handicapées » .

[5]      Les avocats ont convenu que la transcription du témoignage de M. Frank Thomas Smith lors de l'audition de l'affaire Wignall soit admise tout l'espèce comme si ce témoignage avait été fait de vive voix en l'instance.

[6]      Au cours de l'audition du présent appel, l'appelant, Scott Simser (M. Simser), a utilisé le sous-titrage en temps réel qui lui a permis de lire les mots sur un écran presque en même temps qu'ils étaient prononcés. Il a également fait appel aux services d'un interprète du langage gestuel.

[7]      Au cours de son témoignage de vive voix, M. Simser a déclaré qu'il est un avocat qui vit et travaille à Toronto. Il est marié, il a un fils âgé de 3 ans et il a été admis au Barreau de l'Ontario en février 1999 après avoir terminé ses études à la Osgoode Hall Law School, qui relève de la direction de l'Université York. Après son admission au barreau, il a travaillé comme avocat fiscaliste pour le compte du ministère de la Justice. M. Simser a déclaré qu'il souffre d'une anesthésie bilatérale et qu'il est devenu sourd dès l'âge de 7 mois. Les examens médicaux ont révélé qu'il a subi une perte auditive de 105 décibels (dB) dans chaque oreille et qu'il a été classé étant atteint de surdité profonde. Son état ne s'est pas amélioré et ne peut le faire. M. Simser a déclaré qu'il ne peut avoir aucune conversation téléphonique, sauf avec des membres de sa famille immédiate, et qu'il ne peut comprendre les émissions radiophoniques ou télévisées sans sous-titrage. Au début, il a porté un appareil auditif mais, à l'âge de 30 ans, il a contracté un virus qui a tellement affecté ses tympans que, pendant presque trois ans, il n'a pu utiliser ces appareils la plupart du temps. À l'âge de 33 ans, il a subi une opération chirurgicale pour qu'on lui installe un implant cochléaire, c'est-à-dire un appareil qui contourne le tympan et saisit les sons sous forme de signaux électroniques. Avant cette opération, l'appelant avait suivi des séances d'orthophonie, un long processus pendant lequel il a appris un par un les sons de la langue anglaise. Il a également appris à lire sur les lèvres et il attribue 80 p. 100 de sa compréhension globale à cette aptitude qu'il a acquise. Le reliquat de 20 p. 100 de sa capacité à comprendre la parole découle d'une combinaison d'audition des mots prononcés et d'interprétation du langage corporel. Toutefois, M. Simser a déclaré qu'il serait complètement perdu dans une salle de classe sans l'aide du sous-titrage en temps réel. À l'époque de son diagnostic précoce, sa famille vivait à Kanata, en Ontario, où il a fréquenté une école élémentaire publique parce que ses parents avaient refusé de suivre le conseil de trois médecins de l'inscrire dans une école spécialisée pour les sourds. La mère de l'appelant a plutôt consulté le directeur de l'école locale, qui a autorisé M. Simser à utiliser en classe un système émetteur de modulation de fréquences lui permettant d'augmenter le volume sonore, et qui a accepté que l'appelant suive des séances d'orthophonie trois fois par semaine pendant l'heure du déjeuner. Pendant toute sa scolarité, ni l'appelant, ni ses parents, n'ont eu à engager des frais supplémentaires parce que tout l'encadrement pédagogique nécessaire pour s'adapter à son invalidité était payé par la commission scolaire de la région. À Montréal, alors qu'il était d'âge préscolaire, il a suivi des séances d'orthophonie à McGill. Au fil du temps, il a pu expliquer à ses parents les méthodes au moyen desquelles ils pourraient lui enseigner et, plus tard, sa mère a suivi un programme d'études qui l'a amenée à devenir professeur pour les sourds, une carrière qu'elle poursuit actuellement au plan international. M. Simser a déclaré qu'il n'avait appris l'American Sign Language (langage ASL) qu'à l'âge de 20 ans et il a décrit ses années d'études au collège comme une période d'isolement extrême en raison de la nature de son invalidité. Après ses études collégiales, l'appelant s'est inscrit à l'Université d'Ottawa et, en 1988, il a obtenu son baccalauréat en administration. Pendant ses trois années d'études, il a fait appel aux services d'un preneur de notes que lui a fournis sans frais le bureau des étudiants ayant un handicap de l'université. Il a travaillé pendant un an pour le compte d'une firme comptable à Toronto, puis il a fréquenté l'Université York en 1989 et en 1990 en vue d'obtenir sa maîtrise en administration des affaires (MBA). Pendant qu'il poursuivait cet objectif universitaire, il a bénéficié des services de preneurs de notes ainsi que d'interprètes du langage gestuel. Toute l'aide aux étudiants handicapés était fournie sans frais par l'université, dans le cadre d'un Programme de services de réadaptation professionnelle financé par le gouvernement provincial et conçu pour aider ces étudiants et leur permettre, dans toute la mesure du possible, d'être sur un pied d'égalité avec les autres étudiants. Après avoir obtenu sa maîtrise en administration des affaires, l'appelant a occupé un emploi auprès d'IBM Canada jusqu'en février 1992, puis il a été engagé par le ministère de l'Environnement de l'Ontario où il est resté jusqu'en 1995. Pendant cette période, il s'est inscrit à un programme pour devenir comptable en management accrédité (CMA) et il a obtenu son accréditation en octobre 1994. L'appelant suivait ces cours par correspondance et participait à des séminaires qui avaient lieu pendant les fins de semaine et durant lesquels il faisait appel aux services d'interprètes de l'ASL. C'est son employeur qui payait directement ces interprètes. Vers la fin de 1995, l'appelant a accepté une indemnité de départ offerte dans le cadre d'un programme de compression des effectifs mis en oeuvre par le gouvernement provincial. Plus tôt, soit en 1994, il avait décidé de s'inscrire à la Osgoode Hall Law School. M. Simser a déclaré qu'il voulait devenir le premier avocat sourd en Ontario et mettre ensuite ses compétences professionnelles aux services d'autres personnes atteintes de surdité. Pendant sa première année d'étude en droit, il a fait appel aux services d'un interprète de l'ASL ainsi qu'à des preneurs de notes qui étaient des étudiants et amis. En 1996 et en 1997, il a bénéficié des services de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel, mais pas en même temps. M. Simser a déclaré qu'il ne voulait pas s'endetter pendant ses études en droit et qu'il avait donc continué d'occuper son emploi auprès du ministère de l'Environnement jusqu'au 1er février 1996. La faculté de droit a payé pour les services de prise de notes, d'interprétation et de sous-titrage en temps réel et l'appelant n'a jamais eu à payer d'impôt pour avoir bénéficié de ces services. Pendant qu'il était à l'emploi du ministère de l'Environnement, des interprètes du langage gestuel étaient fournis et payés par le gouvernement provincial. Après avoir obtenu son diplôme de la faculté de droit, la phase 1 du cours obligatoire de formation professionnelle du barreau a commencé en mai 1997 et s'est poursuivie pendant un mois. Pendant les cours en matinée, M. Simser pouvait suivre les exposés grâce au sous-titrage en temps réel, mais pendant les cours plus interactifs qui avaient lieu dans l'après-midi, il devait se fier à l'interprétation du langage gestuel pour être en mesure de participer aux procédures. À cette étape de ses études et de sa carrière professionnelle, M. Simser a déclaré qu'il avait l'habitude de lire des livres et des manuscrits, de sorte qu'il lui était beaucoup plus facile d'utiliser le sous-titrage en temps réel pour comprendre la documentation de cours. Cependant, cette technologie n'est pas suffisamment mobile dans le cadre d'interaction en groupe et de jeux de rôles où le langage parlé est rapide, fluide et dynamique. Avant de commencer le cours de formation professionnelle du barreau, le Barreau du Haut-Canada (le Barreau) avait informé M. Simser qu'on ne lui fournirait pas les services de sous-titrage en temps réels qui lui étaient nécessaires. Conséquemment, il a décidé de présenter une demande de bourse pour les étudiants ayant une invalidité. M. Simser a renvoyé la Cour au relieur (pièce A-1) ainsi qu'à la brochure (onglet 1) qui décrivent les divers aspects d'un programme de prêts aux étudiants visant les étudiants ayant une invalidité permanente, y compris les SCE, (à la page 8), qui à cette époque étaient limités à 3 000 $ (sauf indication contraire, les renvois éventuels aux onglets au cours du témoignage de M. Simser indiqueront les documents figurant dans la pièce A-1). M. Simser a déclaré qu'il savait que cette subvention lui permettrait de couvrir les coûts des services d'interprètes et de preneurs de notes, et il a présumé qu'elles s'étendrait aux services de sous-titrage en temps réel. Le 22 janvier 1997, l'appelant a déposé une demande d'aide financière (onglet 2) de 3 625 $ justifiée par les dépenses nécessaires pour répondre à ses besoins en vue de terminer le cours de formation professionnelle du barreau. Il a reçu une réponse (onglet 3) dans laquelle on indiquait qu'il était admissible à une aide financière dans le cadre du programme BEPH, mais que le montant maximal disponible était de 2 000 $. M. Simser a déclaré qu'étant donné que sa demande d'aide financière visait à lui permettre de bénéficier de services d'interprétation du langage gestuel et de sous-titrage en temps réel, il avait dû signer une déclaration attestant que les fonds avaient été dépensés aux fins prévues et qu'il était tenu de fournir des reçus totalisant un montant maximal de 2 000 $ dans un délai de 30 jours suivant l'encaissement de son chèque. Selon l'onglet 4, l'appelant a écrit au bureau de financement et, bien qu'il ait engagé des sommes supplémentaires totalisant 850,65 $ (onglet 5), il a joint à sa correspondance des reçus totalisant 1 978,50 $ (onglet 4), de manière à ne pas dépasser la limite de 2 000 $. Les dépenses totales pour les services d'interprétation et de sous-titrage en temps réel dont l'appelant a bénéficié pendant le cours de formation professionnelle du barreau d'une durée de un mois s'élevaient à 4 341,65 $. M. Simser a déclaré qu'il avait présumé que la somme de 2 000 $ aurait, en temps normal, été incluse dans le revenu du bénéficiaire d'une subvention en ce qui concerne la production d'une déclaration de revenus, mais qu'il avait informé la source de financement qu'il était prêt à interjeter appel à l'encontre de toute cotisation d'impôt subséquente établie en fonction desdites inclusions, et ce, pour plusieurs motifs, y compris s'il y avait lieu, la Charte. Pour ce qui est de la troisième session du cours de formation professionnelle du barreau, d'une durée de plus de trois mois, la Société du Barreau a accepté de fournir à l'appelant des services d'interprétation et de sous-titrage. M. Simser a coté sa capacité à entendre les mots prononcés en classe à 1 ou 2 sur une échelle de 0 à 10. À son avis, la prestation de services de sous-titrage ou d'interprétation du langage gestuel lui était tout simplement nécessaire pour lui permettre de comprendre la documentation pédagogique au même niveau que les autres étudiants en classe qui n'étaient pas atteints de surdité profonde. Certaines factures (onglet 5) délivrées pour des services d'interprétation et de sous-titrage en temps réel ont été payées directement par le ministère de la Justice au nom de l'appelant parce qu'à l'époque ce dernier y faisait un stage d'avocat. La valeur de ces services, soit 2 363,15 $, n'a pas été considérée comme un avantage imposable ou par ailleurs incluse dans son revenu. M. Simser a expliqué qu'un preneur de notes était un autre étudiant qui suivait le même cours et notait les parties essentielles des exposés pour qu'il puisse ensuite les lire. Cependant, l'école de droit est beaucoup plus complexe que les études de premier ou de deuxième cycle, et M. Simser a déclaré qu'il préférait utiliser le sous-titrage en temps réel plutôt que des services d'interprétation du langage gestuel. Selon lui, il n'aurait jamais été capable de se qualifier comme avocat s'il n'avait pas eu accès à de tels services. Le 6 août 1997, l'appelant a rédigé une lettre (onglet 6) au Comité des décisions de Revenu Canada dans laquelle il a indiqué qu'il produirait avant le 30 avril 1998 une déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997, mais qu'il adopterait la position selon laquelle la somme de 2 000 $ que le gouvernement provincial de l'Ontario lui avait versée sous la forme d'une SCE n'était pas imposable pour les motifs invoqués dans la lettre, lesquels sont d'ailleurs cohérents avec ceux du présent appel interjeté à l'encontre d'une cotisation que le ministre a établie par la suite. En fait, l'appelant tentait d'obtenir une décision anticipée concernant ces fonds qu'il avait perçus dans le cadre du programme de SCE parce que ce programme visait les étudiants handicapés. Il a poursuivi les procédures en envoyant d'autres lettres (onglet 7) et obtenu une réponse datée du 26 septembre 1997 (onglet 8) l'informant qu'aucune décision anticipée ne serait rendue et que ses lettres avaient été expédiées au ministère des Finances, qui était responsable des modifications législatives. M. Louis Lévesque, directeur de la Division de l'impôt des particuliers au ministère des Finances, a répondu à l'appelant par une lettre (onglet 9) datée du 28 octobre 1997 dans laquelle il informe ce dernier que le gouvernement a annoncé que la liste de dépenses admissibles au crédit d'impôt pour frais médicaux serait étendue de manière à inclure les honoraires d'interprètes du langage des signes. De plus, M. Lévesque émet l'opinion selon laquelle [traduction] « [D]ans de nombreux cas, l'allégement fiscal que procure le crédit d'impôt pour frais médicaux compense totalement l'impôt sur la subvention. » L'appelant a déclaré que, pour son année d'imposition 2000, il avait demandé un crédit de 9 000 $ pour les coûts liés à l'achat d'un implant cochléaire, aux dépenses courantes pour l'achat de piles et à l'achat de certains appareils lui permettant d'accomplir des activités courantes de la vie quotidienne, tels que des sonnettes qui clignotent et un appareil téléscripteur (ATS) qui lui permet de communiquer par téléphone mais nécessite un papier spécial et dispendieux. Il a également engagé des dépenses pour suivre des séances d'orthophonie que le fournisseur de ce service particulier facturait à 55 $ l'heure. Par contre, M. Simser a déclaré que, selon lui, les dépenses engagées simplement pour avoir accès à une salle de classe devaient relever d'une catégorie différente, en partie en raison de l'obligation que ces dépenses excèdent 3 p. 100 du revenu net pour être déductibles. Il a fait valoir sa position dans une lettre qu'il a fait parvenir à M. Lévesque (onglet 10). Le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario a délivré à l'appelant un feuillet T4A (onglet 11) sur lequel la somme de 2 000 $ qui lui a été versée figure à titre de « bourse aux étudiants ayant une invalidité » . L'appelant a reçu une autre lettre, datée du 30 mars 1998 (onglet 12), de M. Louis Lévesque dans laquelle ce dernier lui explique en détail les répercussions sur l'impôt des particuliers d'une demande de crédit d'impôt pour personnes handicapées lorsqu'on est admissible à des frais médicaux. M. Simser a déclaré qu'il avait demandé le crédit d'impôt pour personnes handicapées chaque année depuis 1985 parce qu'il répondait aux critères légaux en raison de l'incapacité dans laquelle son handicap auditif le plaçait pour accomplir certaines activités courantes de la vie quotidienne. Le 30 mars 1998, l'appelant a produit sa déclaration de revenus (onglet 13) pour son année d'imposition 1997, à laquelle il a joint le feuillet T4A que lui avait délivré le gouvernement provincial de l'Ontario. Cependant, il a délibérément choisi de ne pas inclure la somme de 2 000 $, à la ligne 130, dans la catégorie des autres revenus. Il a envoyé une lettre (onglet 14) datée du 7 avril 1998 à Revenu Canada, avec copie à M. Louis Lévesque, dans laquelle sont exposés ses calculs pour expliquer les répercussions fiscales de l'inclusion dans son revenu de la somme de 1 500 $ qu'il a perçue sous forme de bourse (soit 2 000 $ moins l'exonération de 500 $), même s'il avait choisi de réclamer les coûts liés aux services d'interprétation et de sous-titrage à titre de dépenses admissibles pour frais médicaux. Le 30 avril 1998, le ministre a établi une cotisation (onglet 15) acceptant la déclaration d'impôt produite par l'appelant. Le 18 janvier 1999, une autre cotisation (onglet 16) a été établie à l'égard de l'appelant, dans laquelle la totalité de la somme de 2 000 $ qu'il avait obtenue du gouvernement de l'Ontario était incluse dans son revenu. Le 26 janvier 1999, l'appelant a fait parvenir à Revenu Canada une lettre (onglet 17) dans laquelle il fait remarquer que la première tranche de 500 $ de la bourse était exonérée d'impôt; et le 7 avril 1999, il a déposé un Avis d'opposition (onglet 18) à l'encontre de cette cotisation. Le 3 mai 1999, le ministre a émis un Avis de nouvelle cotisation (onglet 19) dans laquelle la somme de 500 $ avait été déduite du montant de la bourse avant que cette dernière soit ajoutée au revenu de l'appelant mais qui, par ailleurs, confirmait que le solde, soit 1 500 $, était un montant imposable. Le 21 juin 1999, une autre nouvelle cotisation a été établie (onglet 21), mais seulement pour corriger une erreur de calcul commise par l'appelant en produisant sa déclaration de revenus. L'appelant a déclaré qu'il a fait valoir sa position à Revenu Canada et au ministère des Finances parce qu'il était d'avis qu'il n'avait pas à supplier qu'on lui fournisse des services d'adaptation pour lui permettre de suivre ses cours. En ce sens, M. Simser a déclaré qu'il était injuste qu'il doive payer de l'impôt sur un montant qui lui a simplement permis de participer pleinement à des cours donnés en classe pour acquérir des connaissances. Il a dépensé pour obtenir des services d'adaptation la totalité de la somme qui lui a été versée à titre de SCE, mais il a été tenu de payer aux gouvernements fédéral et provincial un impôt supplémentaire sur le revenu d'environ 600 $ parce que le montant de la SCE avait été inclus dans le revenu. Par conséquent, M. Simser a déclaré qu'il avait eu l'impression d'avoir été victime de discrimination en raison de sa surdité, et qu'il considérait ces services de simple adaptation à son invalidité comme un droit corrélatif à sa formation. En fait valoir cette position, M. Simser a déclaré reconnaissait qu'il devait payer à bien des égards en raison de son invalidité, notamment l'achat de certains appareils et accessoires nécessaires pour lui permettre d'accomplir des activités courantes de la vie quotidienne comme des piles coûteuses qui souvent ne durent même pas une journée. Il est également d'avis que sa surdité constitue un obstacle au gain d'un revenu annuel associé généralement à la possession de plusieurs diplômes ou certificats en administration, en droit ou en comptabilité.

[8]      L'avocate de l'intimée n'a pas contre-interrogé le témoin.

[9]      Me William Holder, le second avocat de l'appelant, a procédé à l'interrogatoire principal de Mme Rosaria Zompanti. Celle-ci a témoigné qu'elle est comptable agréée et qu'elle détient une maîtrise en comptabilité dans le domaine de la fiscalité. Elle occupe actuellement un poste à Toronto comme cadre comptable supérieur aux services fiscaux du cabinet comptable BDO Dunwoody; et au cours de sa carrière, elle a préparé plusieurs centaines de déclarations de revenus. On lui a transmis la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1997, ainsi que la cotisation et les nouvelles cotisations connexes. L'appelant n'avait demandé aucun crédit d'impôt pour frais médicaux (CIFM). Conformément aux directives que lui a transmises l'avocat de l'appelant, elle a produit un rapport (pièce A-4) dans lequel divers scénarios sont présentés pour illustrer divers traitements fiscaux en application de la Loi. À la page 3 de son rapport, Mme Zompanti expose sous forme d'annexe les calculs se rapportant à quatre scénarios détaillés qui figurent dans la partie supérieure de la première page dudit rapport. Dans chaque scénario, le crédit d'impôt pour personnes handicapées (CIPH) est demandé. Le premier scénario s'appuie sur la déclaration originale de M. Simser (moins les erreurs de calcul); le deuxième scénario inclut le montant de la bourse, soit 1 500 $, et considère la somme de 530,27 $ comme la partie déductible des frais médicaux; le troisième scénario se fonde sur la situation, telle qu'elle est exposée dans la troisième cotisation qu'a établie le ministre et dans laquelle le montant de 1 500 $ est inclus sans accorder un crédit pour frais médicaux, puisque l'appelant n'en a demandé aucun dans sa déclaration de revenus. L'écart entre les impôts fédéral et provincial totaux payables, dans ce cas, contrairement à la déclaration de revenus produite à l'origine que représente le premier scénario, est de 588,90 $ (l'écart dans l'impôt fédéral est de 390 $ plus 11,70 $ en surtaxe des particuliers). Dans le deuxième scénario, si M. Simser avait inclus le montant de la bourse dans son revenu, mais demandé à concurrence du montant admissible pour frais médicaux en ce qui concerne des services d'interprétation du langage gestuel, l'impôt fédéral aurait été de 299,85 $ de plus que dans le premier scénario, si l'on s'appuie sur la déclaration originale produite par l'appelant. Pour illustrer et comparer, Mme Zompanti a structuré le quatrième scénario en présumant que la somme de 1 500 $ avait été perçue à titre de subvention de recherche; dans un tel cas, le montant aurait été réduit à zéro après déduction des dépenses engagées pour les services de sous-titrage en temps réel et l'interprétation du langage gestuel. À la page 5 de la pièce A-4, Mme Zompanti expose trois scénarios. Au scénario 5(a)(1), l'utilisation de la somme de 10 000 $ à titre de revenu d'emploi sans demander de CIFM donne un impôt fédéral total, surtaxe comprise, de 620,55 $. Dans le scénario 5(b)(1), le même revenu est utilisé, mais on ajoute 1 500 $ de revenu de bourse et l'on demande la somme de 1 155 $ à titre de partie déductible des frais médicaux pour le crédit d'impôt. Dans ce cas, le total de l'impôt fédéral payable est de 680,96 $. Dans le scénario 5(c)(1), la somme de 10 000 $ est considérée comme un revenu d'emploi et le montant de la bourse est ajouté au revenu, ce qui donne pour résultat un revenu total de 11 500 $. Aucun frais médicaux ne sont demandés et l'impôt fédéral total payable est de 883,20 $. Dans son rapport, Mme Zompanti expose d'autres scénarios, notamment celui à la page 15 qui se fonde sur un revenu d'emploi de 29 000 $. C'est pendant cette période que l'on a modifié les tranches d'imposition et que le taux d'imposition fédéral a été augmenté à 26 p. 100 pour les revenus supérieurs à 29 590 $. Dans le scénario 7(a)(2), la somme de 29 000 $ représentait le revenu et on a demandé le CIPH. Dans le scénario 7(b)(2), la somme de 1 500 $ provenant de la bourse est incluse dans le revenu et la partie déductible des frais médicaux, qui est de 585 $, est demandée ainsi que le CIPH. L'écart entre l'impôt fédéral dans les deux situations est de 244,26 $. Dans le scénario 7(c)(2), la subvention pour les étudiants handicapés est incluse dans le revenu et, bien que le CIPH soit demandé, aucune dépense à titre de frais médicaux n'est demandée. Mme Zompanti a indiqué qu'il fallait conclure que l'inclusion dans le revenu de fonds provenant d'une bourse pour les étudiants handicapés donne lieu à une augmentation de l'impôt sur le revenu payable, et que l'écart en matière d'impôt grandit à mesure que le revenu atteint les niveaux qui sont imposables à des taux plus élevés.

[10]     En contre-interrogatoire, on a renvoyé Mme Zompanti à un relieur (pièce R-2) préparé à la demande de l'avocate de l'intimée et qui contient plusieurs scénarios pour illustrer les résultats obtenus en utilisant différentes méthodes de déclaration de revenu. Dans le deuxième scénario (pièce A-4), Mme Zompanti a reconnu qu'elle avait considéré la somme de 1 500 $ comme le montant total des frais médicaux, même si les dépenses réelles de M. Simser s'élevaient à 2 825 $, ce qui aurait eu pour effet d'augmenter le montant du crédit d'impôt. Mme Zompanti a également reconnu que dès que le seuil est atteint, soit au-delà de 3 p. 100 du revenu net, le montant des frais médicaux excédentaires est multiplié par 16 p. 100 et que la somme ainsi obtenue est utilisée en vue de réduire l'impôt qui, autrement, serait payable. Mme Zompanti a admis que, s'il y a droit, le contribuable moyen demande des frais médicaux, mais que l'appelant avait préféré ne pas les demander. Mme Zompanti a aussi admis que, dans l'exemple qu'elle fournit dans le quatrième scénario (pièce A-4), elle a présumé que le contribuable abstrait avait reçu une subvention de recherche réduite à zéro en compensant les dépenses, tout en demandant des frais de scolarité et du montant pour études applicables à un étudiant. Mme Zompanti a admis l'observation qu'a faite l'avocate selon laquelle la majorité des étudiants ont un revenu qui se situe dans les tranches d'imposition inférieures. Faisant état du troisième scénario dans la pièce A-4, et après l'avoir comparé au scénario 8(a) dans la pièce R-2 selon lequel la somme de 1 500 $ provenait d'une SCE pour les femmes qui poursuivent des études de doctorat plutôt que d'une subvention pour les étudiants handicapés, Mme Zompanti a reconnu que le résultat net était identique en ce qui concerne l'impôt payable. Elle a également reconnu qu'en 1997, si le montant de 1 500 $ provenant de la bourse avait été inclus dans le revenu et la somme de 2 000 $ avait été dépensée en frais médicaux admissibles, le taux d'imposition pour la tranche de revenu la plus basse et le taux utilisé pour calculer le crédit d'impôt pour frais médicaux étaient identiques.

[11]     En ré-interrogatoire, Mme Zompanti a déclaré qu'il pouvait y avoir un écart si un particulier est admissible à un supplément remboursable pour frais médicaux prévu à la ligne 452 de la déclaration de revenu pour 1997. De plus, si les dépenses ont été engagées pour obtenir des services de prise de notes ou de sous-titrage en temps réel, le montant de ces dépenses n'était pas admissible dans la catégorie des frais médicaux, même si celles-ci avaient été engagées, et il ne pouvait servir à compenser l'ajout au revenu d'une subvention pour les étudiants ayant une invalidité. En ce qui concerne les exemples fournis dans la pièce R-2, Mme Zompanti a été incapable d'émettre une opinion quant à savoir si les modalités relatives à d'autres SCE étaient aussi rigoureuses que celles imposées à l'appelant en ce qui concerne le montant en litige dans le présent appel.

[12]     Mme Lisa Philipps a été qualifiée d'experte en matière d'égalité sociale et de politique fiscale. Elle est professeure agrégée à la Osgoode Hall Law School, où elle enseigne le droit fiscal depuis 1996. Auparavant, elle avait été professeure à la faculté de droit à la University of Victoria et à la University of British Columbia. Mme Philipps a également exercé le droit fiscal au sein d'un cabinet juridique à Toronto. Son rapport d'expertise a été déposé en preuve sous la cote A-5 (son curriculum vitae figure aux pages 12 et 13). Un recueil de documents qui accompagne le rapport a aussi été déposé sous la cote A-12. Mme Philipps a rédigé de nombreux articles et documents qui sont parus dans divers journaux et revues universitaires, notamment un article récent publié en 2001 intitulé Disability, Poverty, and the Income Tax: The Case for Refundable Credits (pièce A-12, onglet 7). Mme Philipps a déclaré que son domaine d'expertise consiste à examiner les répercussions du régime fiscal sur différents groupes sociaux et les rapports de celles-ci avec la Charte. À son avis, il est évident que le régime fiscal sert d'instrument de politique sociale et qu'il s'agit d'un mécanisme pratique pour atteindre des objectifs sociaux au-delà de la simple collecte de revenu. Pour accomplir son travail, elle met en pratique une méthode interdisciplinaire d'analyse qui utilise des statistiques et des études sociales. Certaines questions soulevées récemment consistent à savoir si l'on doit reconnaître que les soins fournis gratuitement par les membres d'une famille à l'un des leurs ayant une invalidité doivent être reconnus sous la forme d'un crédit d'impôt pour fournisseurs de soins. D'autres discussions portent sur les « frais liés à une incapacité » , c'est-à-dire les coûts supplémentaires associés à l'adaptation à une invalidité de manière à vivre une vie plus normale. Mme Philipps a indiqué que les frais liés à une incapacité comprennent tant les coûts directs qu'indirects, notamment les coûts liés à un traitement médical, à des produits pharmaceutiques, à des appareils, à de l'équipement et à des fournitures qui sont considérés comme des frais médicaux admissibles pour demander le crédit d'impôt correspondant. D'autres frais de subsistance directs, qui ne sont pas requis en l'absence d'une invalidité particulière, sont souvent engagés mais ne peuvent pas être inclus à titre de frais médicaux donnant droit à un crédit d'impôt. À titre d'exemples Mme Philipps a mentionné les coûts associés à l'achat de produits d'alimentation spéciaux, ou la nécessité de payer quelqu'un pour livrer à domicile. À son avis, ces dépenses supplémentaires entraînent une incapacité d'acheter d'autres articles nécessaires et, par conséquent, contribuent à une réduction générale du train de vie. Les coûts indirects découlent de l'incapacité de générer un revenu adéquat que provoque une invalidité. Mme Philipps a déclaré qu'il est difficile de catégoriser ou de détailler les frais liés à une incapacité dans le cadre d'un régime fiscal, ou de préciser les dépenses associées à une invalidité. À son avis, deux groupes sont susceptibles de subir des conséquences négatives; l'un est formé de personnes devant engager des coûts considérables associés à une invalidité et l'autre consiste en ces particuliers qui terminent un programme d'études et s'apprêtent à générer un revenu en milieu de travail. Selon elle, le CIFM est inadéquat pour les personnes qui souffrent d'une invalidité grave, de sorte que l'imposition du revenu provenant de versements perçus uniquement à titre de financement d'aménagements spéciaux ou de mesures d'adaptation donnera lieu à d'autres désavantages. Si l'octroi d'un financement d'aménagements spéciaux ou de mesures d'adaptation a pour effet de placer le bénéficiaire handicapé dans une tranche de revenu plus élevée, le CIFM est alors inadéquat pour compenser les coûts induits par l'invalidité. Mme Philipps a déclaré que le rapport du Groupe de travail sur les personnes handicapées (pièce A-2, onglet 1) lui était familier. En 1996, ce groupe a été investi du mandat d'examiner le rôle qui devrait être imparti au gouvernement fédéral en ce qui concerne les questions que soulèvent les invalidités. Au chapitre 7 dudit rapport, à partir de la page 85, le Groupe de travail que présidait le député Andy Scott a examiné la question des coûts liés à une incapacité. La recommandation no 41 du Groupe de travail, à la page 86, précise que le gouvernement fédéral « [devrait faire] la distinction entre les mesures liées aux coûts des incapacités, d'une part, et les mesures qui permettent aux personnes handicapées d'obtenir des revenus » . Dans sa recommandation suivante, le Groupe de travail demande que le gouvernement fédéral reçoive [sic] un traitement fiscal équitable et non pas une subvention fondée sur la [traduction] « compassion ou la charité » , pour leur permettre de composer avec leurs incapacités. Ce passage comprend des déclarations reconnaissant que les frais associés à une incapacité sont plus onéreux lorsqu'ils sont assumés par des particuliers ayant un faible revenu, et que ces mêmes frais ne se limitent pas à ceux qui ont un revenu imposable. Le Groupe de travail s'est également rendu compte que certains coûts étaient généraux et intangibles, tandis que d'autres pouvaient être justifiés par des reçus de dépenses. Il a également émis l'opinion selon laquelle une reconnaissance fiscale des frais liés à une incapacité devrait favoriser, et non défavoriser, l'emploi de personnes handicapées. Selon Mme Philipp, le rapport reconnaissait que le financement d'aménagements spéciaux ou de mesures d'adaptation consiste à déployer tous les efforts correctifs nécessaires pour éliminer l'effet négatif des obstacles que suscite une incapacité. À la page 96, la recommandation no 50 du rapport se lisait comme suit : « Le gouvernement du Canada ne devrait pas considérer les « Subventions pour initiatives spéciales pour étudiants ayant une invalidité permanente » sous le Programme canadien de prêts aux étudiants, comme un revenu imposable » . Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette recommandation ni instauré d'autre crédit d'impôt pour compenser l'effet de l'imposition des SCE. En 1988, le crédit d'impôt pour personnes handicapées a été créé en vue de remplacer l'ancienne déduction introduite en 1944, et il est depuis lors demeuré sous cette forme. Mme Philipps a déclaré que le CIPH vise à compenser le coût de certains articles associés aux activités courantes de la vie quotidienne d'une personne handicapée, qui ne peuvent être détaillés et ne sont pas couverts par le CIFM. Par ailleurs, au cours de son travail, elle n'a vu aucun document ni aucune publication qui laissait sous-entendre que le CIPH avait pour but de compenser les coûts liés à la poursuite d'études par des handicapés. Mme Philipps a qualifié le crédit d'impôt pour personnes handicapées d'extrêmement restrictif, parce que l'invalidité doit correspondre aux critères légaux et le crédit est calculé en multipliant un montant fixe par un certain pourcentage, soit 16 p. 100 en 1997. En conséquence, la réduction d'impôt disponible plafonne à 720 $ et ne peut s'appliquer qu'à l'impôt dû par un particulier ou par un tiers à la suite d'un transfert à une personne admissible en conformité avec les dispositions de la Loi. Cependant, le CIPH allége rarement les coûts associés aux handicaps mentaux, à des problèmes d'apprentissage ou à des déficiences épisodiques cycliques - telles qu'un trouble bipolaire, la fibromyalgie ou la sclérose en plaques - se produisant à certains stades de la maladie et qui ne sont pas des troubles médicaux qui durent pendant une certaine période continue stipulée par les dispositions législatives. À la page 5 de son rapport (pièce A-5), Mme Philipps a analysé la situation d'un étudiant tenu de payer une somme supplémentaire de 10 000 $ pour bénéficier de services de soins auxiliaires pendant ses études postsecondaires, qui demande le CIFM à l'égard desdits services. En conséquence, l'étudiant n'a pas le droit de demander le CIPH pour compenser l'impôt découlant d'une subvention en vue de financer d'autres types de services d'adaptation. Mme Philipps a indiqué que le gouvernement fédéral avait proposé d'apporter des modifications afin de restreindre encore davantage l'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées et l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) est en plein milieu d'une campagne visant à obliger les contribuables à prouver qu'ils sont toujours admissibles à ce crédit. Au cours de la rédaction de son rapport, Mme Philipps mentionne un article (pièce A-12, onglet 2) écrit par David G. Duff et intitulé Disability and the Income Tax. Dans cet article, M. Duff fait l'historique du CIPH et de son expansion depuis son entrée en vigueur en 1942, alors qu'il ne s'appliquait qu'à certains frais médicaux, à concurrence de 400 $ pour une personne célibataire et seulement dans la mesure où ce montant excédait 5 p. 100 du revenu net du contribuable. En 1961, le plafond des frais médicaux admissibles a été supprimé et des modifications successives ont abaissé le seuil des dépenses déductibles à 4 p. 100 puis à 3 p. 100 du revenu net, tout en augmentant les dépenses admissibles. Par exemple, en 1998 les services d'interprétation du langage gestuel ont été reconnus comme dépense admissible; mais le libellé employé de la nouvelle disposition qualifie encore le particulier de « patient » et stipule que le paiement doit avoir été versé à une personne dont l'entreprise consiste à fournir des services d'interprétation du langage gestuel. En 2001, le seuil était le moindre de, soit 3 p. 100 du revenu net, soit 1 678 $. En 1997, ce seuil était de 1 614 $ et le montant du crédit réel était 16 % du total des dépenses admissibles. Les dispositions pertinentes qualifient la personne qui engage ces dépenses, ou au nom de laquelle les fonds sont dépensés, de « patient » . Toutes les dépenses engagées doivent être justifiées par des reçus et être admissibles selon la définition précise qui est employée dans les dispositions. Les sommes dépensées pour l'achat d'aliments santé, de vitamines et de suppléments, au même titre que les réparations sur un fauteuil roulant, ne sont pas considérées comme des frais médicaux admissibles. Mme Philipps a déclaré que l'alinéa 56(1)n) de la Loi est une disposition habilitante conçue pour inclure dans le revenu des éléments qui ne s'y trouveraient pas autrement. Bien que la partie non imposable d'une bourse fut de 500 $ en 1997, cette exonération a été ultérieurement portée à 2 000 $, mais le mot « bourse » n'est pas défini dans la disposition d'assujettissement et l'ADRC emploie le sens ordinaire du dictionnaire. Mme Philipps a fait mention des différents traitements fiscaux des bourses de recherche, applicables à de nombreux étudiants diplômés, pour expliquer que certaines dépenses peuvent être déduites conformément à l'alinéa 56(1)o) de la Loi. De l'avis de Mme Philipps, même si un étudiant est atteint d'une invalidité, de nombreux handicaps ne répondent pas aux critères prévus pour être admissibles à un crédit d'impôt pour personnes handicapées. Les services que fournissent des preneurs de notes ou des sténographes de sous-titrage en temps réel ne sont pas compris dans la catégorie des frais médicaux admissibles donnant droit au CIFM. Une dépense engagée pour payer des tuteurs n'est pas comprise dans cette catégorie lorsqu'il s'agit d'études postsecondaires. Puisque le CIPH vise de manière générale à compenser le coût de la vie lié à un handicap, une personne pourrait obtenir une SCE tout en demeurant inadmissible au CIPH. La SCE peut très bien être assujettie à l'impôt à un taux plus élevé, alors que le CIPH est calculé selon un taux de 16 p. 100. Selon Mme Philipps, le CIPM ne compensera probablement pas l'effet de l'inclusion dans le revenu d'une somme provenant d'une SCE, parce que des dépenses comme les services de sous-titrage en temps réel ne sont pas incluses et que le seuil de 3 p. 100 du revenu net doit être encore atteint avant que l'on soit admissible à un crédit quelconque se rapportant aux sommes excédentaires. Mme Philipps a déclaré qu'à son avis, tout paiement ou subvention visant à permettre à une personne handicapée de suivre des cours en classe approximativement à égalité avec les autres étudiants, ne devrait pas être perçu comme un avantage. Selon elle, l'inclusion dans le revenu de la somme provenant d'une SCE a pour effet d'augmenter ce revenu artificiellement et peut avoir une répercussion sur l'admissibilité d'un contribuable à un crédit pour taxe sur les produits et services (TPS), ou bien à un crédit d'impôt pour enfants. L'inclusion de ce type de paiement peut également donner lieu à l'accroissement du fardeau fiscal d'un particulier assumant les frais d'entretien, selon la définition de la Loi. Mme Philipps a déclaré que les étudiants qui doivent défrayer des coûts élevés associés à leur invalidité permanente sont un groupe vulnérable de personnes en transition qui ont terminé leurs études et s'apprêtent à gagner un revenu tiré d'une entreprise ou d'un emploi. Dès qu'elles sont engagées, certains avantages au titre d'un emploi accordés à une personne handicapée sont exclus du revenu aux termes du paragraphe 6(16) de la Loi. En vertu de l'alinéa 56(1)u) de la Loi,les prestations d'assistance sociale sont inclues dans le revenu et une disposition correspondante, soit l'alinéa 110(1)f), les en soustrait. Mme Philipps a indiqué que jusqu'à la fin des années 1980, Revenu Canada, le prédécesseur de l'ADRC, se conformait à une série de décisions et de règles d'interprétation technique anciennes selon lesquelles les fonds provenant d'une subvention telle que la SCE étaient considérés comme non imposables et traités au même titre que des prestations d'assistance sociale. Mme Philipps a expliqué qu'à la suite d'une interprétation technique de l'ADRC en 1998 se rapportant au Alberta Skills Development Program (programme d'acquisition de compétences de l'Alberta), les versements effectues dans le cadre de ce programme ont été considérés comme non imposables. À son avis, les versements effectués à des étudiants handicapés pour bénéficier de services d'adaptation devraient être qualifiés de « prestation d'assistance sociale payée après examen des ressources, des besoins et du revenu » aux termes de l'alinéa 56(1)u), étant donné que l'expression technique « assistance sociale » n'est pas définie par renvoi aux programmes provinciaux, visés habituellement de cette manière. Si les coûts engagés en vue de permettre à l'appelant d'assister à ses cours en classe - et de suivre le cours de formation professionnelle du barreau - équivalent au montant de la SCE, Mme Philipps a demandé si l'on peut dire que l'appelant a réellement généré un revenu dans ces circonstances parce qu'un examen de certaines ressources ou du revenu était une condition préalable à l'obtention de la subvention. Selon son expérience, il existe plusieurs cas où la simple réception de fonds ne donne pas lieu à l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, notamment les sommes perçues à titre d'indemnité pour préjudice personnel ou d'indemnité de grève, et les tribunaux ont été réticents à inclure d'autres paiements inhabituels qui ne sont pas visés par le libellé de dispositions précises et numérotées de la Loi. En ce qui concerne la question des fonds qu'a perçus l'appelant dans le présent appel, Mme Philipps a déclaré que M. Simser avait engagé des dépenses de près de 2 000 $ pour obtenir des services d'interprétation du langage gestuel et que, conformément aux modalités strictes de la SCE, il ne pouvait pas dépenser à sa discrétion une partie de cette somme à d'autres fins. Selon l'expérience de Mme Philipps, une bourse ou une bourse d'études ne serait pas ordinairement aussi restrictive et, en règle générale, exigerait l'inscription à un programme d'études ou dans un établissement d'enseignement particulier sans condition additionnelles. Mme Philipps a examiné les critères énoncés dans des manuels concernant le guide sur les politiques et les procédures du Programme canadien de prêts aux étudiants (pièce A-3, onglet 1A) et elle a constaté que dans le cadre du programme de SCE, conçu de manière à compenser les coûts exceptionnels liés à la formation, la plupart des financements sont calculés en fonction d'un montant hebdomadaire fixe, sans restriction quant à la dépense des fonds ni obligation de produire des reçus. À l'onglet 2, la SCE pour les femmes poursuivant des études de doctorat ne prévoyait aucune restriction particulière quant à la dépense du montant versé, sinon qu'il devait servir aux fins visées dans le cadre du programme d'études. Toujours selon Mme Philipps, le versement de fonds à M. Simser était différent et avait été accordé précisément en fonction de ses besoins afin de lui permettre de compenser son invalidité et les coûts exceptionnels associés à ses études.

[13]     Lorsque l'avocate de l'intimée l'a contre-interrogée, la professeure Philipps a déclaré que, même sans savoir si les programmes - exposés ci-dessus - offerts pendant les années 1980 étaient identiques aux SCE dont il est question dans le présent appel, ils étaient - semble-t-il - semblables par leur nature comme l'indiquait le libellé des règles qu'elle avait étudiées. Mme Philipps a admis que certaines subventions peuvent faire l'objet d'obligations précises, quant à la dépense des fonds, et elle a convenu qu'une bourse ordinaire reçue par un étudiant ayant une invalidité serait imposable. Mme Philipps a aussi reconnu que les personnes handicapées sont précisément visées à l'article 15 de la Charte, mais elle a ajouté que par le passé et encore aujourd'hui, les groupes vulnérables ont été confrontés à des difficultés différentes que l'on pourrait considérer comme des obstacles immatériels à la poursuite d'études supérieures. Un revenu insuffisant, ou la nécessité d'engager des dépenses exceptionnelles, peut réduire des ressources qui pourraient autrement être consacrées à des études. On a cité à Mme Philipps son propre article (pièce A-12, onglet 7) et cette dernière a reconnu que même si le paiement de la SCE était considéré comme prestation d'assistance sociale, il aurait pour effet de supprimer l'impôt fédéral, mais pourrait toujours être considéré au comme un revenu à d'autres fins par une ou plusieurs provinces, ou bien par des organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux. Mme Philipps a de nouveau émis l'opinion selon laquelle un paiement que l'on peut clairement qualifier de subvention pour des services d'adaptation, selon le contexte dans lequel ce terme est employé, ne devrait pas être inclus dans le revenu au même titre que des bourses ordinaires, des bourses d'études ou des bourses de perfectionnement, comme le stipule l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Elle a reconnu que la liste des frais médicaux admissibles est modifiée à l'occasion, afin de demeurer courante, mais elle a fait remarquer qu'il subsiste tout de même certaines anomalies.

[14]     La Dre Carol Musselman a été appelé à témoigner à titre d'experte concernant les obstacles aux études avec lesquels composent les étudiants handicapés, et concernant l'importance des services d'adaptation dans un milieu éducatif. Mme Musselman est une psychologue agréée de l'Ordre des psychologues de l'Ontario depuis 1996. Elle est également professeure (émérite) au département du développement humain et de psychologie appliquée de l'Institut d'études pédagogiques de l'Ontario de la University of Toronto (OISE/UT). Elle a obtenu son doctorat en psychologie sociale en 1970 à la University of Michigan. Elle a travaillé comme adjointe à la recherche au sein du Conseil scolaire de Toronto jusqu'en 1974, alors qu'elle est devenue professeure adjointe au département d'enseignement spécialisé à la University of Toronto. Entre 1979 et 1994, elle a été professeure agrégée à la OISE de l'UT et, après avoir obtenu un poste de professeure à temps plein en 1994, elle a exercé à ce titre jusqu'en 2001. Pendant plus de 25 ans, Mme Musselman a étudié et enseigné dans le domaine du développement et des besoins en matière d'éducation des étudiants malentendants ou atteints de surdité, et elle a publié divers articles et documents de recherche qui sont énumérés en détail dans son curriculum vitae joint à l'annexe A de son rapport d'expertise déposé en preuve sous la cote A-6. Les documents joints à son rapport d'expertise sont divisés en trois volumes : le volume I, pièce A-13; le volume II, pièce A-14 et le volume III, pièce A-15. Mme Musselman a déclaré qu'au cours de sa carrière elle avait étudié les besoins en matière d'éducation des étudiants atteints de surdité ou malentendants, des enfants ayant des difficultés à communiquer - notamment des difficultés d'apprentissage - et des enfants autistes ou handicapés par un retard de développement. Elle a enseigné en maîtrise et en doctorat, et étudié les diverses mesures d'intervention en matière d'éducation afin de déterminer les meilleures méthodes pour aider les enfants atteints de surdité ou malentendants à suivre un programme d'études. Elle a notamment participé à des études sur des enfants sourds âgés de 3 à 15 ans et elle a pu ainsi assurer le suivi de nombreux développements pendant plusieurs années dans le cadre d'une étude financée par la University of Toronto et d'autres institutions, à laquelle un nombre assez important d'enfants ont participé. Cette étude, qui avait débuté en 1978, a été terminée en 1992 et elle est bien connue dans cette discipline particulière. Mme Musselman a déclaré que M. Simser n'aurait pas pu participer à l'étude en 1978 en raison de son âge. L'étude en question a révélé que les enfants atteints de surdité éprouvent d'énormes difficultés à acquérir des capacités langagières, même pour utiliser ces capacités dans un milieu social, à plus forte raison dans une classe. Conséquemment, l'alphabétisation est difficile en raison de l'absence d'aptitudes à la lecture et à l'écriture. Le langage gestuel est devenu le choix de nombreux enfants atteints de surdité, pour communiquer des concepts plus complexes. Mme Musselman a expliqué que pendant leurs premières années, les enfants atteints de surdité sont en mesure de se débrouiller plus facilement parce que la parole n'est pas aussi importante lorsque, par exemple, ils jouent à la plage, et parce que la plupart d'entre eux ont une certaine compétence auditive et commencent leur apprentissage en suivant un programme axé sur l'audition ou sur la parole. Cependant, au niveau collégial, la communication parlée chez les membres de se groupe tombe à 25 p. 100. Plus tard, la plupart des adultes atteints de surdité possèdent suffisamment d'aptitudes en langage parlé pour demander et payer de simples articles au magasin du coin, mais ils ne pourraient pas communiquer à un médecin les symptômes d'un mal. Mme Musselman a décrit l'American Sign Language, l'ASL, comme un langage visuel qui possède son vocabulaire et ses règles de grammaire particuliers. Il existe plusieurs systèmes de langage gestuel fondés sur l'anglais, et certains signes servent à représenter le pluriel, le passé, un verbe ou un participe présent. Parmi les personnes atteintes de surdité, l'ASL est probablement le système le plus populaire parce qu'il est beaucoup plus complet que les autres. Lorsqu'on lui a demandé de définir une mesure d'adaptation dans un milieu éducatif, Mme Musselman a expliqué qu'il est plus probable que celle-ci soit liée à une invalidité en particulier. Les services que fournit un tuteur seraient inclus en ce sens, alors que le mot « intervention » est considéré comme un terme général utilisé pour définir un service ou un programme employé par un éducateur, par exemple les techniques de phonétique et de reconnaissance visuelle servant à enseigner la lecture. Au fur et à mesure de la progression d'un étudiant dans ce système, a expliqué Mme Musselman, un lien s'établit clairement entre son incapacité et la réalisation d'objectifs éducatifs. À son avis, les étudiants atteints de surdité ou malentendants doivent surmonter des obstacles systémiques qui les empêchent d'accéder à une formation sur un pied d'égalité, et plusieurs études ont démontré que le nombre d'étudiants handicapés qui obtiennent un diplôme universitaire est moitié moins élevé que les autres étudiants, et seulement 1,7 p. 100 des étudiants atteints de surdité profonde sont capables d'atteindre ce niveau d'instruction, comparativement à 14 p. 100 de la population générale. Un rapport (pièce A-13, onglet 6) produit pour le compte de la Société canadienne de l'ouïe indique que les personnes atteintes de surdité sont davantage susceptibles d'être sans emploi, sous-employées ou d'occuper un emploi à temps partiel. Bien que les étudiants atteints de surdité puissent avoir accès à une formation dans un collège communautaire, la plupart choisissent d'étudier aux États-Unis à la Gallaudet University à Washington, (D.C.), ou au Rochester Institute dans l'État de New York, parce qu'il n'existe au Canada aucun programme universitaire pour les personnes atteintes de surdité. Dans le rapport préparé à l'intention de la Société canadienne de l'ouïe, on discute des obstacles divers que doivent surmonter les étudiants qui veulent fréquenter une université, y compris les obstacles physiques pour les fauteuils roulants, la mauvaise acoustique dans les salles de classe et le manque de systèmes de modulation de fréquences ou d'ATS pour faciliter la compréhension et la communication. Le rapport fait également mention des attitudes des professeurs et des autres étudiants à l'endroit des personnes handicapées, qu'il associe à une réticence, ou à un refus, de la part de certains éducateurs de collaborer et d'accepter la présence de services d'adaptation requis. Fréquemment, on évalue les gens en fonction de leurs aptitudes à communiquer et cette capacité est associée à l'intelligence. Mme Musselman a fait remarquer que la plupart des personnes atteintes de surdité qui parlent très bien conserveront tout de même un « accent de sourd » . En termes financiers, il y a des coûts directs et indirects. Les coûts directs comprennent la paiement de services d'adaptation qui ne sont pas fournis par l'université ou l'établissement d'enseignement, tels que les dépenses engagées pour les documents à enregistrer, ou bien les coûts liés aux services d'enregistrement ou à un transport spécialisé. Quant aux coûts indirects, il peut s'agir de l'incapacité de travailler à temps partiel pendant les études ou d'obtenir un emploi d'été au même salaire que perçoivent les autres étudiants parce que la formation initiale au travail prend davantage de temps. Parmi les autres coûts directs, il y a ceux qui sont liés à des services d'interprète du langage gestuel, à la prise de notes, au sous-titrage en temps réel, à l'enregistrement magnétique, à la photocopie, au tutorat et à l'aide à la rédaction en vue d'améliorer la grammaire écrite, et à l'orthophonie permanente, ainsi que les coûts liés aux appareils d'aide à l'audition, aux ATS dans les bureaux ou à l'achat de logiciels spécialisés. Les honoraires que perçoit habituellement un interprète du langage gestuel sont de 50 $ l'heure pour un minimum de deux heures de service. Habituellement, les services de deux interprètes seront requis pendant une période prolongée, parce que l'interprétation gestuelle est une activité extrêmement intense et si épuisante mentalement que la plupart des interprètes doivent être relevés après 30 à 45 minutes d'interprétation. Selon Mme Musselman, il est pratiquement inutile qu'une personne atteinte de surdité profonde assiste aux cours en classe sans interprète ou sans sous-titrage en temps réel et, même avec cette aide intelligente, celle-ci ne reçoit que 85 p. 100 des informations transmises. À cela s'ajoutent les dépenses liées à des séances de conseils professionnels et personnels en raison de la frustration que causent les obstacles à la communication, non seulement dans une salle de cours, mais aussi dans d'autres genres d'interactions avec les autres étudiants. L'invalidité en soi cause un stress et pratiquement toutes les dépenses découlent de problèmes de communication et sont engagées en vue de surmonter ces obstacles. La lecture est une activité difficile pour les enfants atteints de surdité, parce que les mots imprimés sont liés à des sons et la difficulté d'apprentissage de la parole est très grande, en raison du degré de perte de l'ouïe. Mme Musselman a expliqué que la plupart des personnes atteintes de surdité ont une perte neurale sensitive bilatérale et que la perte auditive de 105 dB subie par l'appelant est considérée comme très profonde. Elle a constaté qu'il est très rare que les personnes atteintes d'une surdité profonde soient capables de développer l'aptitude à parler à un niveau aussi élevé. En conséquence, il est généralement difficile pour les personnes atteintes de surdité d'accéder à des renseignements, de s'exprimer pour démontrer des compétences, ou de s'intégrer dans le milieu intellectuel. Par exemple, Mme Musselman a indiqué qu'il est difficile pour les étudiants atteints de surdité de créer des liens avec les autres en vue de participer à des groupes d'étude. Ordinairement, la parole est entendue à 60 dB; un son à 120 dB procurerait à la plupart des gens une sensation extrêmement inconfortable, probablement au seuil de la douleur. Mme Musselman a expliqué que la langue anglaise est comparable aux perles d'un collier et qu'il est donc nécessaire d'inventer des signes pour indiquer les articles et le temps. L'utilisation de l'espace et de signaux visuels permet d'afficher plus rapidement le contenu des mots prononcés. Mme Musselman a noté que l'appelant avait obtenu un baccalauréat et une maîtrise en administration des affaires, ainsi qu'un diplôme en droit et un titre professionnel comptable et, compte tenu de ces faits, il devrait être évident qu'il avait besoin de services d'adaptation pour lui permettre de comprendre le contenu complexe des cours qui lui ont été donnés au cours de sa carrière universitaire, y compris les études requises pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau. À son avis, des études intenses nécessiteraient les services d'un sous-titreur en temps réel simultanément avec d'autres services d'interprétation. Elle considère que les services d'adaptation ont pour but de fournir un accès et de résoudre les obstacles particuliers, en ce sens qu'une rampe conçue de façon adéquate permet de surmonter l'obstacle que constituent les marches ordinaires. Sur le plan du langage parlé, un interprète du langage gestuel ou un sous-titreur en temps réel permettent d'obtenir le même résultat.

[15]     L'avocate de l'intimée n'a pas contre-interrogé le témoin.

[16]     L'avocate de l'intimée a appelé M. Donald Wilson à la barre des témoins. Celui-ci occupe depuis 2001 le poste de chef intérimaire du service de l'emploi et de l'éducation à la Division de l'impôt des particuliers du ministère des Finances. Avant d'occuper ce poste, il a été analyste principal de la politique au ministère des Finances et il avait auparavant travaillé comme analyste de politiques dans plusieurs ministères du gouvernement fédéral. M. Wilson a expliqué que le ministère des Finances est responsable de la préparation du texte et de la politique concernant la Loi, tandis que l'ADRC est responsable de la perception des fonds conformément aux dispositions législatives. Le but explicite de l'alinéa 56(1)n) de la Loi est de s'assurer que toutes les sommes perçues énumérées sont incluses dans le revenu dans la catégorie « autres sources de revenu » . À son avis, cette inclusion est compatible avec le principe fondamental selon lequel le revenu provenant de toutes les sources devrait être pris en compte. La proportion du revenu payée en impôt augmente en raison directe du niveau de revenu et les gros revenus versent davantage d'impôt sur le revenu. Bien que la Loi prévoie certaines mesures pour compenser les effets préjudiciables des dépenses liées à une incapacité, M. Wilson a reconnu que ces mesures ne procurent pas à tous un allègement complet. Dans un même sens, les dispositions associées à l'état parental ou à la vieillesse ne dédommagent pas non plus entièrement de leurs dépenses particulières les contribuables de l'une ou l'autre de ces catégories. Selon le ministère des Finances, une subvention est non remboursable et constitue un gain pour le bénéficiaire. La responsabilité de gérer les subventions canadiennes pour études, ou SCE, relève du ministère du Développement des ressources humaines Canada (DRHC) pour le gouvernement fédéral, ainsi que et des provinces. La subvention maximale accordée à un étudiant à temps plein atteint d'une invalidité permanente a été augmentée de 3 000 $, en 1997, à 5 000 $ et depuis, à 8 000 $. En 2002, la fraction non imposable de la subvention a été augmentée à 3 000 $, alors qu'elle n'était que de 500 $ en 1997. Les subventions accordées aux femmes qui poursuivent des études de doctorat ont été augmentées également et M. Wilson a déclaré que selon sa connaissance de la position de l'ADRC, une aide financière de cette nature offerte aux étudiants est visée par l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Pour illustrer, M. Wilson a renvoyé la Cour au programme de Bourses d'études canadiennes du millénaire, dans le cadre duquel chaque année sont accordées, en fonction des besoins individuels, 100 000 bourses s'élevant chacune en moyenne à 3 000 $, lesquelles bourses sont toutes imposables en vertu de ladite disposition. Les programmes qui fournissent une aide à l'employabilité, qui sont destinés à l'éducation, ou qui permettent la fourniture d'appareils à des personnes handicapées dans le contexte de leurs études, de même que les bourses et bourses d'études octroyées par les établissements privés, sont tous considérés comme imposables dans la catégorie « autres revenus » . Selon M. Wilson, d'autres bourses et bourses d'études, comme le Programme de bourses d'études destinées aux autochtones, ainsi que la bourse William et Jane Sewell destinée aux étudiants atteints d'une invalidité à la Simon Fraser University, correspondent à la définition figurant au dictionnaire des mots employés dans l'alinéa 56(1)n) de la Loi, et tous les montants perçus de ces sources ont été inclus dans le revenu du bénéficiaire. La Loi prévoit également un système de crédits pour frais de scolarité, au taux de 16 p. 100 sur les frais de scolarité, ainsi qu'un crédit pour études calculé selon un montant mensuel fixe, selon que l'étudiant fréquente l'un des établissements d'enseignement désignés à temps partiel ou à temps plein, que ce soit au Canada ou à l'étranger. Ces crédits sont transférables à un parent et il est maintenant possible de reporter les crédits inutilisés. Un étudiant handicapé qui n'a pas pu fréquenter un établissement d'enseignement à temps plein demeure admissible au crédit pour études à temps plein de 400 $ par mois. D'autres dispositions de la Loi, telles que celles qui régissent le CIPH et le CIFM, et qui admettent certaines dépenses en fonction de seuils imposés, permettent également de compenser les coûts liés à une incapacité. En 1997, le taux minimal d'imposition du gouvernement fédéral était à 16 p. 100. M. Wilson a déclaré qu'il était au courant que le Groupe de travail présidé par le député Andy Scott avait recommandé en 1997 que les versements de SCE aux étudiants atteints d'une invalidité permanente ne soient plus assujettis à l'impôt. M. Wilson a renvoyé la Cour à la pièce R-1, onglet 2, qui consiste en un extrait de la recommandation no 50 du rapport du Groupe de travail. Le comité a conclu que la proposition d'ajouter au budget fédéral de 1997, dans la liste des dépenses admissibles pour obtenir le CIFM, les frais d'interprétation du langage gestuel avait été en partie motivée par la recommandation d'exonérer les SCE d'impôt parce que cette dépense particulière était l'élément le plus important reconnu dans le cadre du programme des SCE mais non en vertu des dispositions régissant le CIFM. M. Wilson a déclaré qu'en décidant de ne pas adopter la recommandation du Groupe de travail, le ministère des Finances était d'avis qu'il était préférable de travailler dans le cadre du système actuel de dispositions compensatoires, plutôt que de créer une exonération d'impôt spéciale. Actuellement, les frais de sous-titrage en temps réel ne figurent pas sur la liste des frais médicaux admissibles en vertu de la Loi. Avant que le ministre des Finances ne recommande au législateur la qualification d'une dépense particulière au titre de frais médicaux admissibles pour le CIFM, le personnel ministériel procède à une certaine analyse. D'autres formes de subventions, telles que les subventions de recherche, sont analysées; ces dernières prévoient souvent des modalités qui exigent qu'une recherche soit menée dans un domaine particulier. De manière générale, l'ADRC est d'avis que ce type de subvention doit faire avancer la connaissance et ne pas être limité à un projet de recherche général. Des subventions de recherche sont accordées à certains étudiants, mais le plus souvent elles sont octroyées à des professeurs et à des candidats au doctorat et sont imposables en vertu de l'alinéa 56(1)o) de la Loi. Par contre, M. Wilson a indiqué que la plupart des bourses et bourses d'études n'obligent pas le bénéficiaire à adopter une ligne de conduite particulière. Les subventions de recherche et celles qui sont accordées à des artistes peuvent permettre certaines déductions limitées de dépenses. De l'avis de M. Wilson, le point de vue du ministère des Finances était qu'il serait difficile de recommander au ministre une légère modification d'approche de l'imposition des SCE accordées aux étudiants handicapés par opposition aux autres bénéficiaires d'autres catégories. Selon lui, une telle politique aurait pour effet de créer une disparité et toutes les formes similaires d'aide financière devraient alors être incluses dans la catégorie des revenus exonérés d'impôt. Étant donné que la grande majorité des étudiants n'ont pas de revenu imposable, le prêt maximal pour étudiant se monte à 11 000 $ par année - contributions fédérale et provinciale comprises - sur la base d'une évaluation du patrimoine plutôt que des flux de revenus.

[17]     En contre-interrogatoire par l'avocat de l'appelant, M. Donald Wilson a déclaré qu'il avait occupé huit emplois différents dans la fonction publique fédérale au cours des huit dernières années. Il a déclaré que, depuis son arrivée au ministère des Finances en 2001, il était au courant du problème juridique posé par l'imposition de certaines subventions, qu'il était au courant de la nature de l'appel qu'avait interjeté M. Simser depuis l'été 2002. M. Wilson a déclaré qu'il travaille au sein de la Division de la politique sociale au ministère des Finances, et que le mandat de celle-ci consiste à conseiller le ministre en ce qui concerne les programmes de dépenses, notamment en matière d'invalidité et de pauvreté. Son groupe sait très bien qu'il existe une corrélation entre l'invalidité et la faiblesse du revenu personnel. Il est également au courant des données statistiques sur la place qu'occupent les personnes handicapées sur le marché du travail et il reconnaît qu'il y a disparité. Les questions visées à l'alinéa 56(1)n) de la Loi relèvent de la responsabilité de M. Wilson, qui s'est entretenu avec des fonctionnaires provinciaux au sujet de questions pertinentes à cette disposition. M. Wilson a indiqué que seulement 6 p. 100 du pourcent de la population que représentant les étudiants à temps plein paient de l'impôt sur le revenu. De plus, il existe des crédits remboursables, tels que celui pour la TPS, qui permettent aux particuliers de recevoir un paiement du gouvernement fédéral même si aucun impôt n'est payable; ces transferts peuvent totaliser 200 $ par année pour une personne célibataire et augmenter si le bénéficiaire a des personnes à sa charge. M. Wilson a reconnu que l'inclusion d'un paiement provenant d'une SCE dans le revenu imposable, conformément à l'alinéa 56(1)n), aurait pour effet d'augmenter le revenu et pourrait réduire le montant d'un crédit pour TPS. M. Wilson a reconnu aussi que la fraction admissible d'un CIFM est également calculée en fonction de l'excédent d'un certain pourcentage du revenu net, et que les prestations pour enfants sont calculées en fonction du nombre d'enfants, à raison de 1 000 $ par année par enfant environ, mais que ces prestations diminuent lorsque le revenu familial atteint un certain niveau, de sorte qu'à partir d'un revenu annuel de 70 000 $ - pour une famille de deux enfants - le crédit d'impôt pour enfants est réduit à néant. M. Wilson a convenu que dans certaines circonstances, l'inclusion dans le revenu d'un montant perçu sous forme d'une subvention relative à l'invalidité pourrait avoir un effet préjudiciable sur l'admissibilité à certaines autres prestations et une incidence sur le calcul de l'impôt sur le revenu du conjoint, en donnant lieu à une augmentation de son revenu, et sur le crédit équivalent du montant pour conjoint applicable à un parent, à un enfant ou à un proche à charge, y compris l'étudiant vivant ailleurs qu'à la maison. En outre, l'ajout d'une subvention ou d'une bourse dans le revenu d'un étudiant handicapé pourrait avoir une incidence sur le crédit pour personne à charge atteinte d'incapacité, à la ligne 306 de la déclaration de revenus pour l'année 1997, ainsi que sur tout autre crédit d'impôt fondé sur le revenu, y compris le supplément remboursable pour frais médicaux assujetti à une évaluation du revenu (jusqu'à 30 000 $), à la ligne 452 de la déclaration, lequel est calculé en fonction du moindre des deux montants, soit 525 $ ou bien 25 p. 100 du CIFM admissible. M. Wilson a reconnu que cette disposition prend effet au niveau d'un revenu familial de 2 000 $ par année et qu'elle vise les familles ayant un faible revenu de travail mais des frais médicaux élevés. Il a également admis l'observation selon laquelle les crédits d'impôt provinciaux accordés aux particuliers sont probablement touchés par l'augmentation du revenu et, bien qu'il ne soit pas particulièrement au courant du Programme de médicaments Trillium de la province de l'Ontario dont la base est le revenu fédéral net, il a reconnu que l'augmentation du revenu résultant de l'inclusion d'une bourse destinée aux étudiants handicapés pourrait avoir une incidence en l'espèce. M. Wilson a expliqué que son actuel rôle au ministère des Finances consiste à formuler des recommandations visant des révisions de la Loi pour ce qui est des questions relatives à l'éducation et à l'emploi, et que dans l'exécution de cette fonction, il s'est familiarisé avec les questions concernant l'accès à un programme d'études postsecondaires, y compris le financement aux étudiants. Il a déclaré qu'il est reconnu que les étudiants handicapés ont des besoins financiers plus importants et que le ministère des Finances, en particulier, et le gouvernement fédéral, en général, savent que la politique consistant à traiter les subventions aux étudiants handicapés comme un revenu imposable a fait l'objet de plaintes de la part des étudiants handicapés. M. Wilson a déclaré qu'il était au courant de certaines observations dont M. Kent Hehr, président de l'Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau postsecondaire (NEADS), avait fait part, par une lettre (pièce A-10) à M. Pierre Pettigrew, ministre du DRHC concernant l'absence de réponse du gouvernement fédéral à la recommandation no 50 du Groupe de travail selon laquelle « [L]e gouvernement du Canada ne devrait pas considérer les « Subventions pour initiatives spéciales pour étudiants ayant une invalidité permanente [...] comme un revenu imposable » . M. Paul Martin, ministre des Finances, a fait parvenir à M. Hehr une réponse (pièce A-11) dans laquelle il l'informe qu'en vertu des règles en vigueur, les subventions destinées aux étudiants handicapés recevaient le même traitement fiscal que les autres bourses d'études ou bourses. Le ministre ajoute que, bien que ces sommes aient été imposables, [traduction] « d'autres dispositions en matière d'impôt sur le revenu viseront en général à s'assurer que peu d'impôt, sinon aucun impôt, ne soit payable sur les subventions canadiennes pour études » . M. Wilson a déclaré que certains financements pour des services d'adaptation accordés dans le cadre du programme d'Aide à l'emploi pour les personnes handicapées qu'ont mis en oeuvre le gouvernement fédéral et certaines provinces, sont imposables en application de l'alinéa 56(1)n) de la Loi, et il a fait remarquer que les services d'interprétation du langage gestuel fournis par l'Université York à l'appelant sans aucun frais n'étaient pas davantage imposables que les services d'adaptation dans le cadre d'un emploi assujetti à l'impôt, alors que l'avantage avait été favorable essentiellement à l'employeur. M. Wilson a reconnu que si l'Université York avait simplement fourni à l'appelant des fonds pour qu'il puisse acheter des services d'adaptation, ce montant aurait été imposable conformément audit alinéa en raison du fait que le gouvernement fédéral tente d'imposer toutes les formes de revenu plutôt que les sommes reçues à titre de dons. M. Wilson a déclaré qu'il reconnaissait que M. Simser était tenu de remplir certaines conditions prévues par la SCE, mais qu'à son avis, l'appelant se trouvait mieux que s'il n'avait pas reçu la subvention de 2 000 $, parce qu'il avait obtenu une prestation financière dont il s'était servi pour acheter un service. M. Wilson a convenu qu'il savait que les trois autres catégories de SCE n'étaient pas aussi restrictives en ce qui concerne la dépense des fonds. Bien que le document intitulé À l'unisson : Une approche canadienne concernant les personnes handicapées (pièce A-9), un rapport produit à la suite d'une étude à laquelle ont participé le ministère du DRHC et toutes les provinces (sauf le Québec) lui soit familier, M. Wilson a déclaré qu'il n'avait pas lu tout le document. Il a aussi déclaré qu'il savait que les personnes atteintes d'une invalidité fréquentent les universités en moins grand nombre que les personnes sans handicap.

[18]     Lorsque l'avocate de l'intimée l'a ré-interrogé, M. Donald Wilson a déclaré que tous les montants qui entrent dans le revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi peuvent avoir une incidence sur un crédit qui dépend du niveau de revenu, et il a admis que les provinces peuvent faire certaines distinctions lorsqu'il s'agit de calculer les crédits d'impôts applicables à la fraction provinciale de l'impôt qui est perçue par le gouvernement fédéral.

[19]     Mme Ena Chadha, co-avocate de l'appelant, ainsi que Me Harwood-Jones, avocate de l'intimée en l'instance, ont participé toutes deux à l'audition de M. Scott Wignall devant la Commission canadienne des droits de la personne. Au début du présent appel, elles ont accepté que le témoignage de M. Frank Smith, coordonnateur national de l'Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau postsecondaire (NEADS), soit utilisé de la même manière que s'il avait été déposé en l'instance. Lors de son interrogatoire principal qu'a mené Me Chadha, M. Smith a décrit la NEADS comme un organisme de défense des consommateurs qui représente les étudiants handicapés diplômes et au niveau postsecondaire, qui mène des recherches approfondies sur des questions touchant ce groupe. Le mandat de l'association consiste à défendre la cause de l'amélioration de l'accès à l'un enseignement postsecondaire au Canada pour les étudiants atteints de toutes sortes de handicaps reconnus. M. Smith a indiqué que la NEADS collabore avec près de 160 collèges et universités un peu partout au Canada, ainsi qu'avec diverses organisations étudiantes, y compris la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants. Pour remplir son mandat, la NEADS se penche sur des questions relatives aux mesures d'adaptation, concernant l'équipement et le soutien technique nécessaire, l'accès à des moyens de transport fiables pour conduire l'étudiant à l'établissement d'enseignement et le ramener à son domicile, ainsi que les services de soins auxiliaires. Les renseignements recueillis dans le cadre des recherches sont mis à la disposition des étudiants afin de les aider à prendre certaines décisions lorsqu'ils choisissent de s'inscrire à un établissement d'enseignement postsecondaire en particulier. La NEADS tient également à jour des renseignements détaillés sur les bourses d'études, subventions, prêts et autres sources de financement. Un répertoire complet a été compilé en 2000, dont une version figure sur le site Web de l'association. M. Smith a déclaré qu'en 1993, il avait dirigé le projet de recherche visant à connaître la situation financière des étudiants handicapés qui poursuivent des études au niveau postsecondaire. Cette étude a été financée par l'ancien Programme de participation des personnes handicapées du Secrétariat d'État qui, à l'époque, s'occupait du Programme canadien de prêts aux étudiants et de la participation du gouvernement fédéral aux programmes concernant les personnes handicapées. L'étude s'est conclue par la publication d'un rapport dans lequel divers sujets ont été discutés. L'une des principales difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants handicapés est l'allongement de la durée nécessaire pour terminer un programme d'étude, étant donné qu'il est plus probable qu'ils étudieront à temps partiel qu'à temps plein en raison de leur invalidité. Dans le cadre de ce projet, on a également examiné les frais liés à des handicaps, y compris ceux liés aux aides techniques ainsi qu'aux services d'interprétation, de lecture, de prise de notes et de tutorat. L'étude a examiné aussi les dépenses liées à l'achat de logiciels coûteux, tels que les programmes de reconnaissance de la voix pour les étudiants atteints de surdité ou malentendants, ou encore les aides techniques comme les prothèses auditives. Les résultats de cette étude ont révélé que 44 p. 100 des étudiants handicapés qui y ont participé ont indiqué que leur revenu total de toutes sources était insuffisant pour couvrir les coûts liés aux services en matière d'éducation et à l'achat d'équipement. En conséquence, le rapport, qui a été soumis au ministère fédéral chargé du financement, a recommandé l'augmentation du financement destiné aux étudiants handicapés de manière à permettre à ceux-ci de poursuivre leurs études, mais aussi à apaiser leur inquiétude de s'endetter fortement de manière à être obligés de rembourser durant une période prolongée suivant l'obtention du diplôme. Dans le groupe de 44 p. 100 des étudiants qui ont besoin d'une aide financière supplémentaire, 29 p. 100 d'entre eux ont indiqué qu'ils avaient besoin d'une aide financière supérieure à 3 000 $ par année; 35 p. 100 cherchaient une aide allant de 1 000 $ à 3 000 $; et 23 p. 100 ont indiqué que 1 000 $ ou moins leur suffiraient. Le rapport a recommandé une augmentation de l'aide financière aux étudiants handicapés et le versement de cette aide sous forme de subventions plutôt que sous forme de prêts. M. Smith a déclaré qu'en 1993, le Programme canadien de prêts aux étudiants ne comportait aucune subvention, mais qu'en 1995 on avait instauré les subventions canadiennes pour études afin de payer les dépenses exceptionnelles de certains groupes ayant besoin d'une aide supplémentaire, y compris les étudiants atteints d'une invalidité permanente, les étudiants à temps partiel dans le besoin et les femmes qui poursuivent des études de doctorat. On a, par la suite, instauré une nouvelle subvention pour les étudiants ayant des personnes à charge. Le plafond initial d'une subvention accordée à un étudiant handicapé de façon permanente était de 3 000 $. M. Smith a déclaré que le rapport avait été présenté aussi au Groupe consultatif national sur l'aide financière aux étudiants, créé en 1989 ou en 1990 pour conseiller le gouvernement fédéral sur les programmes d'aide financière, c'est-à-dire principalement le Programme canadien de prêts aux étudiants. Les dépenses admissibles à l'égard de la SCE applicable spécifiquement aux étudiants handicapés comprenaient les services ou les appareils techniques indiqués précédemment, ainsi que les services liés à la production de documents en formats alternatifs comme l'impression en gros caractères et le braille. Pour se qualifier pour recevoir cette subvention, l'étudiant devait documenter son invalidité permanente et prouver ses besoins financiers. De plus, le demandeur devait confirmer par écrit les services et les mesures de soutien qui faisaient l'objet de la demande de subvention demandée. M. Smith a déclaré qu'habituellement ces faits seraient confirmés par un coordonnateur des besoins spéciaux, par un coordonnateur des services aux étudiants handicapés ou par un conseiller d'orientation de l'établissement d'enseignement auquel le demandeur avait prouvé qu'il était inscrit. L'étudiant devait soumettre deux devis estimatifs et, si des fonds d'un montant maximal de 3 000 $ avaient été accordés, le bénéficiaire était tenu de signer une déclaration attestant que l'argent avait été dépensé de la manière indiquée et que des justificatifs seraient fournis dans un certain délai. En ce qui concerne le financement accordé en l'instance par le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario, le délai était de 30 jours suivant la réception du chèque de bourse. M. Smith a expliqué que les conditions d'attribution des SCE destinées aux deux autres catégories d'étudiants, soit les femmes qui poursuivent des études de doctorat et les étudiants à temps partiel dans le besoin, n'exigeaient pas que le bénéficiaire fournisse un devis estimatif ou des justificatifs des dépenses, bien qu'il ait été tenu de satisfaire certains critères d'admissibilité pour obtenir une subvention. Une autre catégorie a ultérieurement été ajoutée, celle des étudiants ayant des personnes à charge, mais les bénéficiaires de cette subvention particulière n'étaient pas tenus de fournir de devis estimatifs ni de justificatifs des dépenses, les étudiants handicapés devenant ainsi le seul groupe tenu par cette obligation. M. Smith a renvoyé la Cour au Manuel des politiques et procédures - Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPE) dans lequel l'aide financière est décrite comme devant servir à couvrir les coûts liés à l'éducation qui découlent d'une invalidité, y compris les dépenses considérées comme exceptionnelles de par leur nature. Ce manuel contient également des directives concernant obligation faite aux étudiants handicapés qui présentent une demande de subvention, de produire deux devis estimatifs et de fournir des justificatifs. Pour les années de prêt 1997-1998, 2 500 étudiants handicapés ont reçu une SCE. Plusieurs bénéficiaires se sont inquiétés au sujet de la nature imposable de cette subvention et la NEADS a présenté des observations au ministre responsable de DRHC concernant cette question (pièce A-10). Le ministre des Finances a fait parvenir une réponse (pièce A-11). M. Smith a indiqué que la NEADS avait continué à mener d'autres études, y compris celle menée en 1999. Selon la NEADS, le financement alloué sous forme d'une SCE est une aide destinée aux étudiants handicapés qui leur permet de supporter seulement les dépenses exceptionnelles liées à l'éducation qu'ils ont engagées pour poursuivre des études postsecondaires, et non pas les frais généraux de participation à un établissement d'enseignement.

[20]     Lorsque Me Harwood-Jones l'a contre-interrogé, M. Frank Smith a déclaré que les SCE allouées aux étudiants handicapés étaient calculées en fonction des besoins financiers visés par le PCPE. Un étudiant inadmissible à une SCE peut être admissible à d'autres programmes de financement. Sinon, l'étudiant ou sa famille doit acheter les services nécessaires à même ses propres ressources.

[21]     L'avocat de l'appelant a lu à la Cour le dialogue suivant tiré de l'interrogatoire préalable de M. Louis Lévesque (pièce A-16, onglet 1D, intitulée Recueil de documents : Engagements de l'intimée et interrogatoires préalables.

[traduction]

Q.         M. Lévesque, encore une fois, supposons sans l'admettre qu'il y a eu contravention à la Charte, mais quant à la question de savoir si cette contravention cause des préjudices minimes aux droits que garantit la Charte, la position du gouvernement est la suivante. Étant donné que d'autres dispositions de la Loi prévoient un allègement pour les personnes handicapées afin de reconnaître les dépenses extraordinaires liées à une incapacité, et ce tant pour les étudiants que pour ceux qui ne le sont pas, la disposition contestée porte minimalement atteinte aux droits que garantit la Charte.

            Est-ce là dans son ensemble la position du gouvernement quant à savoir si l'atteinte aux droits garantis a été minimale?

Me HARWOOD-JONES : Au nom de mon témoin, je peux répondre par l'affirmative. Il s'agit bien là de la position du gouvernement dans son ensemble. Et vous acceptez cette réponse?

LE DÉPOSANT :         Oui.

[22]     L'avocat de l'appelant a lu à la Cour la question suivante et certaines réponses qu'a fournies M. Louis Lévesque (pièce A-16, à l'onglet 1C).

[traduction]

Q.         Quelle est la réponse en ce qui concerne les personnes qui ne peuvent se prévaloir du crédit d'impôt pour frais médicaux?

R.          Et bien, il y a deux raisons pour lesquelles on ne peut se prévaloir du crédit d'impôt pour frais médicaux.

            D'abord, parce que les dépenses peuvent ne pas être reconnues comme faisant partie d'une subvention allouée à titre de subventions canadiennes pour études ou, disons, d'une SCE, tout en n'étant pas reconnues à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux. Il y aurait un genre d'admissibilité à une subvention à titre de bourse mais non à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux.

            Ensuite, on peut se trouver dans une situation où on fait l'objet d'un « assujettissement à l'impôt net » , pour citer l'expression, et où le crédit ne peut compenser entièrement l'impôt sur la subvention parce que, selon la façon dont ce crédit s'applique, un seuil est établi. Un certain montant est réputé être... Eh bien, par exemple, vous avez engagé des dépenses, mais celles-ci représentent moins de 3 p. 100 du revenu. Nous présumons que tous les particuliers ou, du moins, la plupart d'entre eux, engagent certaines dépenses qui, de par leur nature, sont principalement des dépenses de consommation personnelle. Il y a bien sûr l'élément du 3 p. 100 du revenu qui, pour la plupart des étudiants, est très minime étant donné qu'ils ont un faible revenu.

[23]     En réponse, l'avocate de l'intimée a lu à la Cour le reste de la réponse qui est ainsi formulée :

[traduction]

            Par principe, je dirais que j'aimerais voir des exemples de cette situation où cela arriverait, et ce pourrait être de petits montants, mais également des exemples plus significatifs. C'est d'ailleurs ce qui a motivé la décision portant sur les honoraires d'interprète du langage gestuel.

            S'il y avait eu des articles importants, comme des choses principales ou significatives dans un sens particulier qui auraient donné lieu à une subvention parce que, de toute évidence, elles sont liées à une invalidité, qui avaient été attestées par une certaine association, un médecin ou autre, et qu'ils n'avaient pas été reconnues à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux, alors je dirais qu'il y a un problème. J'aimerais savoir quelle est la question en litige. Ce serait... si j'étais encore le directeur de la Division de l'impôt des particuliers, je demanderais à ce qu'on me fournisse un exemple, parce que, par principe, nous voudrions établir autant de corrélation possible entre les deux.

            Cela, parce que, de toute évidence, si une subvention est accordée par une certaine autorité quelque part, quelqu'un a attesté que cette subvention est utile et nécessaire pour les personnes atteintes d'une invalidité. Si tel est le cas, selon une perspective politique, je ne vois pas pourquoi nous refuserions de couvrir les frais à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux.

            Ainsi, essentiellement, et je suis presque certain, que si des dépenses ont été engagées et qualifiées, que de toute évidence elles répondent à ces critères, notamment qu'elles sont nécessaires à l'étudiant handicapé, et qu'elles ne seront pas couvertes, je dirais qu'il ne serait pas difficile de convaincre le ministère ou le gouvernement de procéder. Et je suis sûr que les coûts ne seraient pas élevés. Nous aurions une discussion en nous appuyant sur les faits et se demander, par exemple, si le particulier doit engager une dépense à l'égard de laquelle une subvention est accordée et qui n'est pas présentement couverte.

            Selon ce que je comprends, s'il y a eu une telle dépense, et il est possible que l'on ait apporté une amélioration technique et que certains trucs nouveaux soient maintenant disponibles, le ministère, c'est-à-dire le gouvernement dans son ensemble, serait tout à fait disposé à écouter et à dire « oui, nous devrions inclure cette somme » ainsi qu'à fournir des garanties adéquates pour que cette somme ne soit pas considérée comme une dépense de consommation personnelle qui a un faible lien avec une invalidité, mais plutôt comme une dépense nécessaire que doit engager une personne handicapée. Je ne vois donc pas pourquoi le gouvernement refuserait de faire cela. Il s'agit, bien sûr, d'une situation très générale.

[24]     L'avocat de l'appelant a lu à la Cour le dialogue suivant :

[traduction]

Q.         Quel est l'objectif du crédit d'impôt pour personnes handicapées?

R.          En règle générale, comme il est mentionné ici, il vise à reconnaître des coûts qui sont difficiles à détailler, l'hypothèse fondamentale étant, et il ne s'agit que d'une hypothèse, que dès que vous êtes atteint d'une invalidité à un certain degré, vous devez assumer des frais, que plusieurs d'entre eux sont considérables et peuvent être détaillés, tandis que plusieurs autres ne sont pas identifiables facilement.

[25]     L'avocate de l'intimée a lu à la Cour le reste de la réponse :

[traduction]

Cette disposition est quelque peu semblable au soutien du revenu, parce qu'elle n'est pas liée à une dépense en particulier. Si vous lisez les recommandations du Groupe de travail présidé par M. Scott, vous constaterez que la portée des recommandations du Groupe de travail visait à faire abstraction des mesures semblables au soutien du revenu et à mettre davantage l'accent sur l'octroi d'une indemnité pour permettre au contribuable de couvrir les dépenses liées à son invalidité.

            Donc, en ce qui a trait à l'arsenal des recommandations qui aurait pour effet de vous rendre admissible, nous devrions faire davantage en ce qui concerne les frais médicaux, peut-être en faisant en sorte qu'ils soient remboursables, ce qui a été fait en partie, et en augmentant le taux de remboursement en fonction du pourcentage des dépenses tout en accordant une somme moindre, toute chose étant égale par ailleurs, à l'égard de certaines choses, tel le crédit d'impôt pour personnes handicapées, qui ne sont actuellement liées à aucune dépense en particulier. Tel était en général l'essentiel de cette proposition.

            À cet égard, j'aimerais ajouter qu'ici encore, le gouvernement est dans l'obligation de tenir compte d'un certain nombre de facteurs, notamment le fait que nous vivons manifestement dans un État fédéral où le rôle du gouvernement fédéral concernant les invalidités est limité parce que de nombreux programmes sont mis en oeuvre à l'échelle provinciale et qu'ils concernent les accords de perception de l'impôt, et ce que nous faisons en vertu de ces accords donne lieu à un levier financier parce que les nombreuses mesures que nous prenons reflètent les dispositions législatives provinciales en matière d'impôt.   

[26]     L'avocat de l'appelant a lu à la Cour le dialogue suivant :

[traduction]

Q.         Ma question suivante concernait la correspondance que vous avez échangée avec Andy Scott, mais comme j'ai déjà abordé cette question, je veux simplement savoir où en sont les choses maintenant.

            Voici donc pour vous une question générale. Si le fait d'imposer la bourse pour étudiants handicapés qui a été accordée à M. Simser donne lieu à une augmentation de ses dépenses d'études, alors pourquoi l'avez-vous fait?

R.          Et bien, dans une perspective simplement politique, le gouvernement a un bras gauche et un bras droit. On ne peut pas analyser une mesure que prend le gouvernement sans tenir compte que de l'autre aspect et affirmer ensuite que c'est cette mesure qui donne lieu à une telle augmentation.

[27]     L'avocate de l'intimée a lu à la Cour le reste de cette réponse :

[traduction]

La mesure qu'a prise le gouvernement vise à accorder à M. Simser une aide financière importante sous forme de bourse. Sur le plan fiscal, le gouvernement considère cette aide comme un revenu. Je dirai donc qu'il m'est quelque peu difficile d'admettre sur une base politique que l'imposition de cette bourse donne lieu à une augmentation de ses frais d'études alors qu'en même temps, tant les programmes publics en fonction de la disponibilité de ces programmes d'éducation en général que les programmes particuliers destinés aux personnes handicapées, donnent lieu eux aussi à une augmentation de ses dépenses.

[28]     L'avocat de l'appelant a également lu à la Cour certaines questions et réponses qu'a fournies Mme Patti Cooper, une employée de l'ADRC, concernant les raisons justifiant l'établissement de la cotisation, mais j'ai choisi de ne pas les reproduire ici parce que l'avocate de l'intimée a reconnu dans son argument que la cotisation établie par le ministre était fondée uniquement sur la prémisse selon laquelle le financement accordé dans le cadre de la SCE avait été versé sous forme de bourse et, par conséquent, la somme ainsi versée devait être incluse dans le revenu imposable de l'appelant en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi.

[29]     L'avocat de l'appelant a reformulé les questions en litige dans le présent appel. Tout d'abord, selon l'appelant, la SCE n'était pas un revenu aux termes de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Deuxièmement, si la SCE obtenue par l'appelant est visée par cet alinéa, alors l'appelant soutient que la décision de l'ADRC d'inclure le montant de la subvention dans son revenu contrevient à l'article 15(1) de la Charte parce qu'il s'agit d'une discrimination fondée sur une déficience physique et que cette contravention n'est pas une limite raisonnable visée à l'article 1.

[30]     Bien que les avocats aient fait valoir le bien-fondé des deux questions en litige au cours de leurs observations respectives, à cette étape-ci de l'audience je me pencherai sur la première question qui consiste à savoir si le montant de la SCE doit être inclus dans le revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi et je ferai référence aux parties pertinentes des arguments qui m'ont été présentés ainsi qu'à la jurisprudence applicable qui concerne cette question.

[31]     L'avocat a fait état du témoignage de la professeure Philipps, au cours duquel celle-ci a fait remarquer que la Loi ne contient aucune définition du terme « revenu » et qu'ordinairement un paiement doit être lié à une source qui produit un revenu continu. L'avocat a également renvoyé la Cour à la preuve produite, en vue de démontrer que la subvention qu'a obtenue l'appelant ne l'autorisait à dépenser les fonds que conformément aux fins précisées, contrairement à d'autres types de SCE accordées à des membres d'autres groupes. Une autre forme de financement pour les étudiants, c'est-à-dire une subvention de recherche à laquelle sont rattachées des modalités, permettait à un bénéficiaire de déduire certaines dépenses associées à la conduite du projet de recherche précisé. L'avocat a soutenu que l'aide financière dont l'appelant a bénéficié, sous forme d'une BEPH, n'était pas - en soi - un montant perçu pour lui permettre de poursuivre des études mais qu'il s'agissait plutôt d'un financement qui lui a été alloué précisément pour lui permettre de s'adapter à son invalidité, une surdité profonde. L'avocat a soutenu qu'en l'espèce, les restrictions que prévoyait la subvention accordée à M. Simser ont eu pour effet d'éliminer toute possibilité que celui-ci améliore sa situation financière de la même manière qu'une bourse ordinaire l'aurait fait normalement en accordant un avantage au bénéficiaire. Conformément aux explications fournies par la professeure Philipps, l'avocat a prétendu que le paiement de la SCE à l'appelant avait été calculé en fonction des besoins financiers et de l'invalidité de ce dernier, et qu'il pourrait très bien relever de la catégorie des prestations d'assistance sociale, de manière à ce que sa valeur puisse être ajoutée au revenu en vertu de l'alinéa 56(1)u) de la Loi puis soustraite en vertu de l'alinéa 110(1)f), de la même manière que Revenu Canada avait traité le financement accordé dans le cadre du Programme Éducation de base et compétences de la vie courante que la province de l'Alberta avait mis en oeuvre. L'avocat a soutenu qu'il ne suffit pas de présumer simplement que le financement alloué à l'appelant par l'entremise d'une SCE était une bourse au sens habituel. L'ADRC et le ministre auraient plutôt dû reconnaître que les fonds accordés à l'appelant visaient uniquement à couvrir les coûts liés à l'inscription à un programme d'études obligatoire offert en classe. À ce titre, il s'agit de toute évidence d'un versement destiné à supprimer un obstacle de manière à permettre à l'appelant de poursuivre ses études sur un pied d'égalité avec les autres étudiants. L'avocat a aussi soutenu qu'il est inapproprié d'imposer ce genre de financement de services d'adaptation, parce que cela a pour effet d'accroître artificiellement le revenu des personnes handicapées et donc une incidence sur certains crédits remboursables dépendant du revenu que prévoit la Loi. L'avocat a fait valoir que les règles contemporaines d'interprétation devraient être appliquées de manière à tenir compte du contexte et de l'intention d'une loi fiscale, plutôt que de son libellé littéral. Étant donné que la Loi ne définit aucun des quatre types de versements énumérés à l'alinéa 56(1)n), et que la subvention accordée à l'appelant n'est pas non plus définie dans les dispositions législatives qui régissent l'aide financière aux étudiants, l'avocat a fait valoir qu'il est évident que la SCE obtenue par l'appelant était différente des autres types de versements aux étudiants. Du point de vue du revenu, que la Loi ne définit pas, l'avocat a soutenu que, selon l'approche moderne reconnue par la jurisprudence, la rentrée de fonds n'est imposable au titre d'un avantage que si elle donne lieu à une augmentation de la valeur nette du contribuable et non pas lorsque son seul effet consiste à compenser une dépense. En ce qui concerne la somme de 2 000 $ qu'un étudiant handicapé perçoit sous forme d'une bourse, l'avocat a prétendu que l'appelant a simplement agi comme intermédiaire de manière à ce que l'argent provenant du programme de financement bénéficie aux interprètes de l'ASL et aux sous-titreurs en temps réel et que cet argent ne lui a pas permis d'améliorer sa situation financière générale en ce qui concerne son inscription au cours de formation professionnelle du barreau. L'avocat a soutenu que l'appelant a pu améliorer sa situation uniquement dans la mesure où il était plus ou moins sur le même pied d'égalité que les autres étudiants en ce qui concerne sa capacité de comprendre le contenu des exposés, des ateliers et des séminaires qui faisaient partie intégrante du cours. L'avocat a réitéré que, sans tenir compte de la Charte, la principale mesure réparatoire que l'appelant voulait obtenir consistait à ce que la Cour conclue que la BEPH accordée à M. Simser était un financement de services d'adaptation et que, par conséquent, celle-ci diffère considérablement d'une bourse d'études, d'une bourse de perfectionnement ou d'une récompense visée par l'alinéa 56(1)n) de la Loi. En conséquence, l'appelant a demandé à la Cour de déférer la cotisation au ministre pour nouvelle cotisation, au motif que le versement de la SCE destiné à fournir une mesure d'adaptation à une invalidité particulière dans le cadre d'un programme d'études, devrait être soustrait de son revenu.

[32]     L'avocate de l'intimée a soutenu que la somme de 2 000 $ versée à l'appelant était une bourse allouée dans le cadre du programme de versement de subventions à des particuliers faisant partie de l'un ou l'autre de trois groupes, dont l'un est composé d'étudiants handicapés qui poursuivent des études postsecondaires. Selon l'intimée, l'usage habituel du mot « bourse » et sa définition commune dans les dictionnaires, indiquent clairement que l'argent qu'a perçu l'appelant est visé par l'alinéa 56(1)n) de la Loi, même si le terme « subvention » ne figure pas explicitement dans cette disposition, étant donne que ces deux termes sont fondamentalement interchangeables. En ce qui concerne l'utilisation des fonds perçus par l'appelant, l'avocate a soutenu qu'il n'y a aucun fondement à l'assertion selon laquelle un aspect essentiel d'une bourse est l'attribution au bénéficiaire de la faculté d'user de ces fonds à discrétion. En réponse à l'allégation de l'appelant selon laquelle une subvention ou une bourse n'est pas une source réelle de revenu au sens ordinaire de la Loi, l'avocate a soutenu que l'intention réelle du législateur visait à inclure de telles sommes dans le revenu et que, de toute évidence, l'alinéa litigieux visait à réaliser cet objectif. L'avocate a soutenu également que l'appelant, en demandant à la Cour d'exclure de son revenu le montant de la bourse pour le motif que celle-ci différait des autres sources de financement accordé dans le cadre du programme de SCE parce que les exigences administratives afférentes sont différentes, tentait d'obtenir une mesure réparatoire en s'appuyant sur l'état peut-être souhaitable du droit, plutôt que sur les dispositions existantes de la Loi qui énoncent clairement l'intention des législateurs.

[33]     La partie pertinente de l'alinéa 56(1)n) est ainsi rédigée :

ARTICLE 56 : Sommes à inclure dans le revenu de l'année.

(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

n) Bourses d'études, de perfectionnement, etc. - l'excédent éventuel :

(i)                   du total des sommes [...] reçues au cours de l'année par le contribuable à titre de bourse d'études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une oeuvre remarquable réalisée dans son domaine d'activité habituel, à l'exclusion d'une récompense visée par règlement,

sur le plus élevé de 500 $ [...]

[34]     Selon l'appelant, cette disposition ne prévoit aucune définition d'une « bourse » . De plus, la somme reçue par l'appelant est qualifiée, tant dans la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants, L.C. 1994, ch. 28 et son Règlement, que dans des documents produits par la suite à l'intention des étudiants, de subvention canadienne pour études tout d'abord et plus tard de subvention canadienne aux étudiants.

[35]     Manifestement, le législateur n'a pas estimé nécessaire de définir le mot « bourse » , bien qu'il ait fourni des détails supplémentaires concernant le mot « récompense » dans la mesure où cette dernière ne peut être imposable que si elle a un lien avec la discipline habituelle du contribuable, sauf s'il s'agit d'une récompense visée par règlement. Une disposition distincte, l'alinéa 56(1)o), a été utilisée pour régir les subventions de recherche, qui comprend une méthode d'identification de ces dépenses déductibles du revenu reçu par le bénéficiaire. L'absence d'une disposition spécifique a empêché le ministre d'inclure une indemnité de grève dans le revenu du contribuable dans l'affaire Fries (W.) c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 1322 ([1990] 2 C.T.C. 439), une décision dans laquelle la Cour suprême du Canada a accueilli un pourvoi interjeté à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel fédérale. Dans son bref jugement, le juge Sopinka a déclaré ce qui suit ou nom de la Cour :

Nous ne sommes pas convaincus que les paiements sous forme d'allocation de grève constituent en l'espèce un « revenue [sic] [...] dont la source » au sens de l'art. 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu, [...]. Dans ces circonstances, ce doute doit profiter aux contribuables. [...]

[36]     Il existe de nombreuses décisions dans lesquelles les tribunaux ont jugé qu'une rentrée de fonds en particulier ne constituait pas un revenu imposable tiré d'une source non énumérée. Dans l'affaire Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, la Cour suprême du Canada a jugé que le sous-alinéa 56(1)a)(ii) de la Loi ne justifié pas l'imposition de l'indemnité touchée pour la perte d'un emploi projeté. Ainsi, le juge La Forest, a déclaré ceci à la page 257 :

[...] Bien que l'al. 3a) de la Loi prévoie la possibilité que les revenus tirés d'une autre source que celles énumérées à l'al. 3a) et à la sous-section d de la section B de la partie I de la Loi soient néanmoins imposables, conclure que les dommages-intérêts versés à l'appelant sont imposables en vertu de la disposition générale de l'al. 3a) ne tiendrait pas compte du fait que le législateur a choisi, en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu en 1983, de traiter de l'assujettissement de tels versements à l'impôt dans les dispositions relatives aux allocations de retraite. Un tel point de vue reviendrait à accorder la préséance à une disposition générale par rapport aux dispositions détaillées adoptées par le législateur.    Cela serait incompatible avec des principes d'interprétation fondamentaux.

Les dommages-intérêts versés à l'appelant ne peuvent être considérés comme une « allocation de retraite » au sens du par. 248(1) de la Loi - et ne sont donc pas imposables en application du sous-al. 56(1)a)(ii) - parce qu'ils n'ont pas été versés « à l'égard de la perte [...] d'un emploi » . Si l'on tient compte du sens ordinaire qu'il faut donner aux mots utilisés pour définir le terme « emploi » au par. 248(1), une distinction doit être établie entre le début du lien contractuel dont conviennent l'employeur et l'employé et le moment où, selon les dispositions du contrat, l'employé est tenu de commencer à fournir des services à l'employeur.    Le fait que, pour qu'une personne soit considérée comme un « employé » , la Loi exige qu'elle soit « au service » d'une autre personne exclut toute notion d'emploi éventuel ou projeté.    Un employé est donc « au service » de son employeur à partir du moment où il est tenu de fournir des services aux termes du contrat.    Partant, une « perte d'emploi » ne saurait se produire avant que l'employé ne soit tenu de fournir des services à son futur employeur, étant donné qu'il ne peut, avant ce moment, être « au service » de cet employeur.

[37]     L'appelant s'est également fondé sur un courant de jurisprudence qui appuie l'assertion selon laquelle une rentrée de fonds ne constitue un revenu en vertu de la Loi que si elle confère un avantage économique dans la mesure où elle a pour effet d'accroître la valeur nette du bénéficiaire. Dans l'affaire Krull c. Canada (Procureur général), [1996] 1 C.F. 322 ([1996] 1 C.T.C. 131), la Cour d'appel fédérale a examiné le paiement qu'ont reçu cinq contribuables mutés par leur employeur de Calgary à Toronto. Afin de compenser l'écart des coûts de logement entre ces deux villes, l'employeur a payé toutes les augmentations des frais d'intérêts sur les prêts hypothécaires pour les résidences plus coûteuses de Toronto, à concurrence d'un maximum calculé selon une formule préparée par des experts en immobilier. Le plan de subvention était destiné exclusivement à défrayer l'augmentation des coûts en intérêts, ne pouvait s'appliquer au capital, et prenait fin à la cessation d'emploi de tout employé qui y participait. La partie de cette décision qui se révèle pertinente à la présente espèce est celle que le juge d'appel Linden a prononcée en ce qui concerne l'imposabilité de l'aide au paiement de l'intérêt hypothécaire aux termes de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Aux pages 134 à 137 de son jugement, il a déclaré ce qui suit :

L'aide au paiement de l'intérêt hypothécaire est-elle imposable aux termes de l'alinéa 6(1)a)?

Voici le libellé de la disposition pertinente :

6(1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants :

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi, [...]

Quatre des cinq juges de la Cour canadienne de l'impôt [...] ont tranché que l'aide au paiement de l'intérêt ne constituait pas un avantage imposable aux fins de l'alinéa 6(1)a). Le débat a porté uniquement sur la question de savoir si l'aide reçue constituait un « avantage » au sens de cette disposition. Le fait qu'elle ait été ou non consentie « au titre » , « dans l'occupation » ou « en vertu » d'un emploi n'a pas occasionné de difficultés, toutes les parties reconnaissant qu'elle était suffisamment liée à l'emploi.

Ainsi, la Cour doit tout d'abord déterminer si un « avantage » a été accordé.

L'arrêt R. c. Savage de la Cour suprême du Canada [1983 2 R.C.S. 428; 83 D.T.C. 5409], est l'arrêt clé aux fins de déterminer ce qu'est un avantage imposable. Dans cette affaire, le juge Dickson [citant R. V. Poynton, [1972] 3 O.R. 727, à la p. 738], tel était alors son titre, explique clairement et simplement ce qui distingue une rentrée imposable d'une rentrée non imposable :

S'il s'agit d'une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l'objet d'une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive de l'art. 3.

Par conséquent, selon la Cour suprême, pour qu'elle soit imposable à titre d' « avantage » , une rentrée doit conférer un avantage économique. En d'autres termes, pour qu'elle soit imposable, la rentrée doit avoir pour effet d'augmenter la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire. À l'inverse, la rentrée qui n'augmente pas celle-ci n'est pas un avantage et n'est pas imposable. Le remboursement d'une dépense n'est donc pas imposable, car la valeur nette du patrimoine du bénéficiaire ne s'en trouve pas accrue.

Notre jurisprudence accepte depuis longtemps que l'accent soit mis sur le gain net pour déterminer si une rentrée constitue un « avantage » et si elle est, par conséquent, imposable. Dans une décision rendue en 1967 par la Cour de l'Échiquier du Canada, Ransom v. M.N.R. (1967), 67 DTC 5235], le juge Noël applique la notion de gain net à des circonstances qui sont assez semblables à celles de la présente affaire. Un employé muté par son employeur dans une autre ville avait été remboursé par ce dernier des pertes subies lors de la vente de sa maison. Pour conclure que les sommes remboursées ne constituaient pas un revenu, le juge Noël dit ce qui suit :

      [Traduction] Si, comme en l'espèce, l'employé risque d'être déplacé d'un endroit à un autre, les montants qu'il doit lui-même payer à cause de ces déplacements doivent être traités exactement comme des frais de déplacement ordinaires. L'employé est désavantagé au point de vue financier à cause de cet aspect particulier de son contrat de travail. Quand son employeur lui rembourse la perte ainsi subie, le montant versé ne peut être considéré comme une rémunération, car si l'employé ne recevait rien d'autre en vertu de son contrat de travail, il n'aurait rien reçu pour ses services. Au point de vue économique, il n'aurait reçu que le montant qu'il a dû payer à cause de son emploi.

Il s'agit simplement d'une autre façon de formuler la notion de gain net selon laquelle une rentrée n'est pas imposable si elle n'a pas pour effet d'améliorer la situation financière du contribuable. Le seul remboursement d'une somme que l'employé aurait dû autrement « lui-même payer » ne constitue pas un « avantage » . Le juge assimile les frais de réinstallation à des frais de déplacement ordinaires. Selon le juge Noël, le remboursement de dépenses engagées en raison d'un déplacement ne peut être considéré comme un avantage, car il n'a pas vraiment pour effet d'améliorer la situation financière du bénéficiaire. Il ajoute ce qui suit :

[Traduction] Il me semble bien clair que le remboursement d'une somme à un employé par un employeur au titre de dépenses engagées ou de pertes subies en raison de l'emploi (remboursement qui, comme l'a déclaré lord McNaughton dans l'affaire Tenant v. Smith, [1892] A.C. 150, n'enrichit pas le bénéficiaire, mais le compense tout simplement) n'est pas une rémunération comme telle ni un avantage « de quelque nature que ce soit » [...]

Les principes formulés dans Savage et dans Ransom ont été appliqués par la Cour dans Huffman c. Canada où la question en litige était de savoir si le remboursement d'une dépense vestimentaire à un policier en tenue civile constituait un avantage. Citant les propos tenus par le juge de la Cour canadienne de l'impôt et s'inspirant de l'analyse du juge Dickson dans Savage, le juge Heald, J.C.A. conclut que ce n'est pas le cas et énonce comme suit le critère applicable :

Il importe donc d'examiner les faits pour savoir si, en l'espèce, il y a eu acquisition importante ayant conféré au contribuable un avantage économique.

Puis, il ajoute [à la page 389] :

[...] il [le contribuable] avait simplement été rétabli dans la situation financière où il se trouvait avant que son employeur n'exige qu'il engage ces dépenses.

La Cour a de nouveau appliqué ce principe en confirmant la décision du juge Cullen dans Splane (R.O.J.) c. Canada [(1990, 90 D.T.C. 6442 (C.F. 1re inst., à la p. 6446; conf. dans : 92 DTC 6021 (C.A.F.)]. Dans cette affaire, l'employé déplacé avait été remboursé des frais découlant de l'augmentation du taux d'intérêt hypothécaire. Arrivant à la conclusion que le remboursement n'équivalait pas à un avantage, le juge Cullen dit ce qui suit :

Le contribuable n'a pas ainsi fait d'argent supplémentaire. En effet, les paiements lui ont simplement permis de maintenir la situation dans laquelle il se trouvait avant sa mutation et l'ont empêché d'essuyer une perte en acceptant la mutation latérale.

Par ailleurs, pour qualifier les effets de la rentrée sur le plan financier, le juge Cullen explique qu'on « a tout simplement rétabli le demandeur dans la situation économique dans laquelle il se trouvait avant d'accepter d'aider son employeur en déménageant [...] »

La Cour doit donc trancher la question de savoir si, dans chacune des présentes affaires, le contribuable a été rétabli dans la situation où il se trouvait auparavant ou s'il a réalisé un gain. Bien qu'un certain nombre d'expressions puissent être utilisées à cet égard - comme rembourser, restituer, indemniser, dédommager, rétablir, soustraire à une dépense - le principe sous-jacent demeure le même. Si, dans le cadre de l'opération globale, la situation financière de l'employé n'est pas améliorée, c'est-à-dire s'il s'agit d'une opération où les différents éléments s'annulent lorsqu'on les considère dans leur ensemble, la rentrée n'est pas un avantage et, par conséquent, elle n'est pas imposable en vertu de l'alinéa 6(1)a). Peu importe que la dépense soit engagée relativement à des frais occasionnés par l'accomplissement du travail, un déplacement lié à l'emploi ou l'emménagement dans un nouveau lieu de travail, tant que l'employeur ne paie pas les dépenses quotidiennes ordinaires de l'employé. [Les renvois aux notes en bas de page ont été supprimés]

[38]     Le Concise Oxford English Dictionary, 10e édition révisée, Oxford University Press, définit une bourse de la façon suivante :

1. a grant, especially one awarded to a student.

[39]     Quant au New Collegiate Dictionary, Thomas Allen & Son Limited, Toronto, il définit le terme « bourse » ainsi :

2. a monetary grant to a needy student.

[40]     Le Canadian Oxford Paperback Dictionary, Oxford University Press, pour sa part, contient la définition suivante du terme « bourse » :

a financial award to a university student made primarily on the basis of financial need or some other criterion in addition to academic merit.

[41]     Ce même dictionnaire définit le terme « subvention » de la façon suivante :

2a: a sum of money given by the state for any of various purposes, e.g. to finance education.

[42]     La version française de l'alinéa en question emploie l'expression « bourse d'études » et le mot « bourse » , susceptible par ailleurs d'autres définitions, est défini comme suit dans le Larousse - Dictionnaire Général édition de 1994 :

3. Pension accordée par l'État ou par une institution à un élève, à un étudiant ou à un chercheur pour l'aider à poursuivre ses études.

[43]     Dans l'affaire Ong (C.A.) c. Canada, C.C.I., no 94-1003(IT)I, 21 novembre 1994 (1994 CarswellNat 1350), l'honorable juge O'Connor de la Cour canadienne de l'impôt a examiné la chronologie de l'ajout d'une subvention au revenu du contribuable. Au paragraphe 7 de son jugement, il a déclaré ceci :

L'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu inclut dans le revenu toutes les sommes reçues au cours de l'année à titre de bourse d'études. Une bourse d'études équivaut à une subvention [...]

[44]     Dans l'affaire Ong, la nature de l'aide financière accordée à la contribuable pour lui permettre de défrayer sa scolarité a prêté à confusion parce que l'aide ainsi fournie aurait pu prendre la forme d'un prêt ou d'une subvention, le premier ayant été non-imposable. Bien que le montant ait été, à l'origine, perçu à titre de prêt, le ministère des Collèges et Universités avait décidé par la suite que ces fonds étaient une subvention parce que la contribuable avait été admissible à recevoir une aide financière à ce titre.

[45]     L'appelant a présenté sa demande d'aide financière (pièce A-1, onglet 2) au moyen d'un formulaire fourni par le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario. À plusieurs endroits, sont mentionnés des [traduction] « fonds provenant d'une bourse » , un « chèque de bourse » ainsi qu'un « programme de bourse » . Il appert tout aussi clairement que l'aide financière a été accordée pour permettre à l'appelant de défrayer les services de logement et d'adaptation éducatifs liés à son invalidité. Les services particuliers requis étaient le sous-titrage en temps réel et l'interprétation du langage gestuel. Dans la correspondance pertinente que se sont échangée M. Simser et les administrateurs du programme, référence est faite aux fonds comme à « l'aide boursière » en accordée en vertu d'un Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario, la bourse pour les étudiants handicapés (BEPH). Dans le contexte de la prestation de fonds accordée dans le cadre de ce programme particulier précisément dans le but de fournir à l'appelant les moyens de suivre le cours obligatoire de formation professionnelle du barreau, il est difficile d'envisager le paiement en question autrement que comme une rentrée de fonds visée, ordinairement et facilement, par la définition de « bourse » selon le libellé de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Je ne constate aucune ambiguïté inhérente qui doive être résolue en faveur du contribuable. L'usage de l'expression « services d'adaptation » , bien qu'il s'agisse d'une description appropriée de l'objet réel du financement selon le point de vue des sciences sociales, ne change en rien la nature du paiement qualifié de bourse et versé à l'appelant dans le cadre d'un programme destiné à aider financièrement les étudiants handicapés. La législation habilitante fédérale de portée générale sur l'aide financière aux étudiants ne comporte aucune définition du mot « subvention » . Si une définition avait existé et qu'elle avait été en contradiction avec celle du mot « bourse » que fournissent les dictionnaires, qui comprend l'octroi d'une aide financière à un étudiant dans le besoin, il est possible que cet écart aurait pu fournir à l'appelant un argument convaincant, étant donné que l'alinéa pertinent de la Loi ne définissait pas le mot « bourse » et ne faisait pas davantage mention d'une « subvention » sinon dans le contexte d'une subvention de recherche, dans les alinéas suivants du paragraphe 56(1).

[46]     La SCE accordée à l'appelant visait une fin précise et M. Simser a respecté les modalités strictes imposées en ce qui concerne les dépenses autorisées et la justification documentaire de celle-ci. Avant de percevoir la somme de 2 000 $, il aurait été obligé de défrayer la totalité des services de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel. La première tranche de 500 $ du paiement de la bourse n'était pas imposable. L'appelant a dépensé la totalité de la subvention de la manière prévue et, heureusement, son employeur a défrayé le reste des coûts liés à la prestation de ces services nécessaires pour lui permettre de terminer le cours de formation professionnelle du barreau. L'appelant a obtenu une subvention de 2 000 $ et le ministre, en établissant une cotisation à son égard, à inclus 1 500 $ de cette somme dans le revenu de l'appelant. S'il n'avait pas obtenu cette somme, il aurait été contraint de défrayer seul la totalité des services d'adaptation. Même aux niveaux de revenu les plus élevés, le taux marginal d'imposition n'est pas encore de 100 p. 100. Le paiement ne visait pas à permettre à l'appelant de rétablir une situation antérieure, ni à l'indemniser en son d'une forme ou d'une autre de mutation latérale dans le cadre d'un programme d'aide financière aux étudiants auquel il était inscrit et, conséquemment, duquel il était déjà en droit de recevoir certains avantages. En ce sens, la jurisprudence relative à la mutation d'employés et au versement d'une subvention pour couvrir certaines dépenses connexes n'est pas applicable en l'espèce. Ces décisions portent sur des cas d'espèce découlant d'une relation de travail, dans le cadre desquelles l'accent est mis sur le rétablissement du contribuable dans une situation financière correspondant plus ou moins à celle dont il jouissait avant d'être muté péremptoirement. Il appert que le législateur visait spécifiquement à inclure l'encaissement d'une bourse dans le revenu imposable en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi sans restreindre la portée générale de l'article 3. Ce faisant, ce type de paiement est devenu une source de revenu énumérée. À mon avis, il n'y a aucune raison de qualifier le paiement de la SCE à l'appelant autrement que comme une bourse visée par cette disposition. Ce paiement ne répond pas aux critères associés à une prestation d'assistance sociale selon la signification ordinaire de cette expression dans diverses dispositions législatives. Pour que cela soit le cas, il faudrait ignorer le contexte dans lequel le paiement de la SCE a été versé ainsi que le but visé par ce paiement, qui est inextricablement lié à un aspect de l'enseignement postsecondaire, et préférer plutôt une définition qui s'applique généralement à un programme gouvernemental de financement à grande échelle et généralisé associé plus justement à l'allégement des effets des bas revenus sur les particuliers et sur les familles dans le long terme. La présence, dans la subvention versée à l'appelant, d'un nombre de conditions supérieur à celui qu'on trouve dans les subventions accordés aux autres étudiants dans le cadre du programme de SCE, n'a pas pour effet d'exclure ce paiement du revenu de l'appelant, conformément à la définition d'une « bourse » . Il ne serait pas inhabituel d'accorder une bourse ou une bourse d'études de manière à donner simplement au bénéficiaire un crédit en vue de réduire ses frais de scolarité ou les coûts liés à ses études, ou bien les deux, sous la forme d'un paiement direct de la partie subventionnaire à l'établissement d'enseignement. Par ailleurs, si la bourse ou la bourse d'études avait été allouée par l'établissement lui-même, les écritures comptables pourraient consigner un paiement et une rentrée de fonds compensatoire fictifs. Tout paiement d'une bourse ou d'une bourse d'études a lieu dans le cadre de la poursuite ou de l'achèvement d'études. En fait, ces fonds sont alloués par un subventionneur, pour cet objectif général. Le nombre de conditions attachées au paiement peut varier au gré du payeur. L'étendue du pouvoir discrétionnaire concernant l'utilisation des fonds n'a aucun effet en ce qui concerne la nature du paiement. À mon avis, toutes les définitions pertinentes établissent un rapport entre le versement de fonds et un bénéficiaire qui poursuit un objectif éducatif quelconque. À titre d'exemple, un ordre du gouvernement ou un établissement d'enseignement peut accorder une somme à un bénéficiaire admissible dans le but précis de lui permettre de défrayer son transport entre l'établissement d'enseignement et son domicile habituel de manière à libérer ses fonds personnels pour l'achat de biens ou de services associés normalement à la poursuite d'un programme d'études qui nécessite la présence de l'étudiant en classe. Ainsi, du point de vue du bénéficiaire, le résultat final est une amélioration de sa situation financière générale, même si chaque sou de la bourse ou de la subvention est dépensé pour se rendre à l'établissement d'enseignement et pour en revenir. Dans une telle situation, tout comme en l'instance, la rentrée de fonds aide les bénéficiaires à poursuivre des études. Dans l'exemple fourni, l'aide financière permettait à l'étudiant d'arriver jusqu'à la porte de la classe. Dans le cas de l'appelant, cette aide lui a permis d'acquérir des services pour comprendre la documentation des cours et pour participer pleinement au cours de formation professionnelle du barreau dans le cadre normal de salles de classe.

[47]     La Cour suprême du Canada a recommandé aux tribunaux d'éviter d'entreprendre un processus d'interprétation des lois sans tenir compte d'abord de l'avis de Driedger dans l'ouvrage intitulé Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, à la page 87 :

[traduction]

Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi l'objet de la loi et l'intention du législateur [...]

[48]     À mon avis, puisque le législateur a prévu des catégories dans lesquelles on peut facilement classer diverses rentrées de fonds, il ne sert à rien d'invoquer toutes sortes d'outils conceptuels - ou d'arguments non pertinents - pour élargir ou rétrécir la portée desdites catégories prescrites.

[49]     Pour ce qui concerne la première question en litige en l'instance, je conclus que la subvention canadienne pour études accordée aux étudiants ayant une invalidité qui a été versée à l'appelant est une bourse selon l'alinéa 56(1)n) de la Loi.

[50]     Comme je l'ai indiqué précédemment, j'ai fait référence aux observations des avocats dans la mesure où elles sont liées à la question en litige que je viens de trancher. Je me pencherai donc maintenant sur leurs observations concernant les positions alternatives qu'a fait valoir l'appelant. Les plaidoiries des deux avocats ont été complétées par des observations écrites. De plus, à la fin de l'audition du présent appel, l'avocate de l'intimée a été autorisée à soumettre des observations écrites supplémentaires relativement aux arguments se rapportant à la Charte; et l'avocat de l'appelant a eu la possibilité de répondre par écrit à ces documents supplémentaires.

[51]     L'avocat de l'appelant a fait valoir que l'alinéa 56(1)n) de la Loi contrevient aux droits que le paragraphe 15(1) de la Charte garantit à M. Simser et il tente d'obtenir en redressement une « atténuation » des effets de cette disposition, conformément à l'article 52(1) de la Charte, de manière à ce que ledit alinéa de la Loi devienne inapplicable aux étudiants handicapés qui obtiennent une subvention dans le seul but d'obtenir des mesures d'adaptation visant à réduire ou à écarter un obstacle dressé par leur invalidité.   

[52]     Subsidiairement, l'appelant a demandé à la Cour de déclarer que l'alinéa 56(1)n) de la Loi est nul et de nul effet, en vertu du paragraphe 52(1) de la Charte, dans la mesure où il est appliqué à la subvention pour invalidité reçue par l'appelant en 1997 ou bien à tout autre membre de la catégorie de handicapés qui reçoivent une subvention dans le cadre du programme de subventions canadiennes pour études, uniquement dans le but d'obtenir des mesures d'adaptation à leur invalidité, et ce, en vue d'empêcher toute contravention au paragraphe 15(1) de la Charte.

[53]     Subsidiairement encore, l'appelant a soutenu qu'il a le droit de demander le CIFM à l'égard de tous les reçus pour la prestation de services d'interprétation du langage gestuel qu'il a fournis au ministère de l'Éducation de l'Ontario, conformément aux conditions de sa subvention et pour ce motif, il a demandé à la Cour de déférer au ministre, pour nouvelle cotisation, la cotisation établie à son égard.

[54]     L'avocat de l'appelant a fait valoir que la Cour suprême du Canada a confirmé que la Charte doit être interprétée de manière téléologique et de façon à donne effet à ses objets. En ce qui concerne la discrimination dont sont victimes les handicapés, l'avocat a soutenu qu'une loi d'application générale omet souvent de tenir compte des circonstances particulières dans lesquelles vivent ces personnes. L'avocat a fait valoir que, contrairement à ce qui est le cas pour les autres motifs illicites énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte, toute analyse de discrimination fondée sur le handicap exige l'adoption d'une approche personnalisée en raison de la variabilité du motif illicite en fonction de l'individu concerné et de la nature de son invalidité. Comme l'ont révélé les dépositions et les rapports d'expertise de la professeure Philipps et de la Dre Musselman cités par l'avocat, la discrimination oblige les personnes atteintes de surdité à composer avec la marginalisation et avec l'inégalité de traitement auxquelles elles sont confrontées dans le cadre de leurs activités courantes de la vie quotidienne. Les opinion de ces deux témoins experts ont servi à étayer la proposition selon laquelle les sourds sont traités de manière inégale au sein de la société canadienne, essentiellement en raison d'une carence à s'adapter à ces personnes et à leur fournir un accès à des moyens de communication orale. Cette carence est exacerbée dans le milieu de l'éducation, où la levée des obstacles est encore plus importante en raison de la conséquence historique d'une telle absence de services, c'est-à-dire l'impossibilité dans laquelle se sont trouvés les handicapés de recevoir une formation suffisante, ou l'obligation dans laquelle ceux-ci se sont trouvés de recevoir une formation dans un milieu séparé. L'avocat a fait valoir que l'appelant a le droit d'accéder à une formation sans être tenu de défrayer personnellement des coûts supplémentaires, peu importe que les dépenses imputables à la prestation de services d'adaptation nécessaires soient défrayées par l'établissement d'enseignement ou bien par des programmes financés par au moins un ordre de gouvernement. L'avocat a renvoyé la Cour à la page 11 (colonne inférieure gauche) du document intitulé À l'unisson : Une approche canadienne concernant les personnes handicapées (pièce A-9) où l'on reconnaît que « [L]es personnes handicapées sont plus susceptibles d'avoir des niveaux de scolarité inférieurs, d'être isolées sur le plan social, et d'être victimes de discrimination dans le milieu de travail. » ) L'avocat a cité un extrait tiré de ce rapport (page 13, colonne du milieu, à droite), dans lequel le groupe d'experts conjoint des gouvernements fédéral, provinciaux (à l'exception du Québec) et territoriaux reconnaît que « [à ] l'heure actuelle, les personnes handicapées se heurtent à de sérieux obstacles lorsqu'elles veulent travailler, car l'accès à des mesures de soutien est souvent lié à l'admissibilité à des programmes précis tels les programmes de soutien du revenu, de formation et d'emploi. » À la page 22 de ce même rapport, on reconnaît également que « [n]ombreux sont les étudiants handicapés, quel que soit leur niveau scolaire, qui affirment être dans une position désavantageuse. Beaucoup ont de la difficulté à obtenir les mesures de soutien dont ils ont besoin pour fréquenter les établissements scolaires ou y demeurer. » L'avocat a soutenu que ce rapport démontre clairement que les personnes handicapées font face à des obstacles systémiques, et que le groupe d'étude conjoint a reconnu que l'aide disponible pour compenser les coûts de la vie liés à une invalidité est assez limitée. L'avocat a également renvoyé la Cour au Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants, qui figure à l'onglet 15 du volume 111 du cahier de jurisprudence et de doctrine de l'appelant, dont le paragraphe 34 indique clairement qu'une subvention canadienne pour études est disponible pour un étudiant admissible qui « [...] a besoin, afin d'exercer les activités quotidiennes nécessaires à la poursuite d'études de niveau postsecondaire, d'un service ou d'un équipement exceptionnel [...] » .

[55]     L'avocat de l'appelant a prétendu par ailleurs que la politique fiscale actuelle du gouvernement fédéral a pour effet d'accroître les coûts liés à la formation que les personnes handicapées doivent assumer comparativement aux autres étudiants qui n'ont aucune invalidité. L'avocat a indiqué à la Cour la preuve qui démontre que l'ajout de la somme de 1 500 $ dans le revenu de l'appelant en 1997 a eu pour effet d'augmenter le relevé d'impôt total de ce dernier de 588,90 $, même si la totalité des fonds reçus sous forme d'une subvention aux étudiants handicapés dans le cadre du programme de SCE ont été utilisés pour obtenir des services d'adaptation, notamment de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel. L'avocat a fait valoir que cette forme de financement a eu pour résultat final d'imposer à l'appelant une forme de discrimination en l'obligent à utiliser sa subvention pour étudiant handicapé de manière à obtenir des services spécialisés lui permettant d'accéder à ses classes dans le but unique de suivre un programme d'études obligatoire. Par contre, selon l'avocat, un étudiant non handicapé qui a droit à une bourse peut dépenser celle-ci comme bon lui semble dans les limites générales acceptées et applicables à la catégorie particulière à laquelle cette bourse a été allouée. En ce sens, la politique fiscale qu'a appliquée le ministre a créé, selon l'avocat toujours, un écart injustifiable entre les ressources financières des personnes handicapées et celles des personnes n'ayant aucune invalidité. L'érection de cet obstacle a donné lieu à une contravention aux droits garantis aux handicapés en général et a en un effet défavorable sur l'appelant, un particulier atteint de surdité profonde depuis sa naissance. L'avocat a recommandé à la Cour d'adopter une approche « téléologique et contextuelle » pour l'interprétation du paragraphe 15(1) de la Charte, et de tenir compte de toutes les circonstances concernant une personne atteinte d'une invalidité particulière. Étant donné que seuls les handicapés sont admissibles à la BEPH, l'inclusion d'une rentrée de fonds dans leur revenu oblige ces personnes, y compris l'appelant, à payer davantage que ceux qui ne sont pas handicapés, pour poursuivre leurs études. Le fardeau fiscal additionnel qui incombe à ces bénéficiaires constitue un obstacle supplémentaire et devient un moyen de dissuasion contre la formation en empêchant l'égalité d'accès à celle-ci. Cet effet à deux volets a constitué un affront à la dignité humaine de l'appelant. Comme M. Simser l'a déclaré au cours de son témoignage, il ne pouvait pas comprendre pourquoi il devait être obligé de supplier pour obtenir l'accès à la classe sur le même pied d'égalité que les autres étudiants. L'avocat a soutenu qu'il n'était pas justifié d'imposer les versements aux étudiants handicapés qui relèvent clairement de la catégorie des financements de services d'adaptation destinés à éliminer un obstacle à l'accès juste et équitable à une formation. Cependant, la politique fiscale actuelle vise à imposer aux bénéficiaires d'une subvention pour les étudiants handicapés un fardeau supplémentaire qui n'incombe pas aux étudiants n'ayant aucune invalidité, qui peuvent dépenser leurs fonds à des fins plus générales dans le cadre d'un programme d'études postsecondaires plutôt qu'utiliser simplement tout l'argent dans le but restreint d'assister à des cours en classe ou d'être placés dans une situation qui leur permet de comprendre le contenu d'un programme d'études. L'avocat a soutenu également que la contravention évidente à la Charte n'est pas justifiée par l'article premier pour le motif que toute limite doit être raisonnable et justifiée dans une société libre et démocratique. En ce sens, a fait valoir l'avocat, l'intimée a omis de s'acquitter du fardeau qui lui incombait de démontrer la justification qu'il y avait à obliger M. Simser à payer davantage pour poursuivre ses études que les autres étudiants de sa classe n'ayant aucune invalidité. Comme l'ont révélé les engagements obtenus au cours de l'interrogatoire préalable de M. Louis Lévesque, le montant des revenus fiscaux qu'a générés l'imposition des SCE en 1997 s'élevait à environ 300 000 $, ce qui représente approximativement deux millionièmes de 1 p. 100 de la totalité des recettes fédérales qui, pour l'exercice 1996-1997, s'élevaient à environ 132,1 milliards de dollars et à 145,9 milliards de dollars pour l'exercice suivant. En 2000, le montant exonéré d'impôt provenant d'une bourse a été augmenté à 3 000 $. L'avocat a fait remarquer que si l'appelant avait perçu sa subvention de 2 000 $ cette année-là, plutôt qu'en 1997, il n'aurait pas eu à payer d'impôt sur ce montant. L'avocat soutient également que la modification apportée par la suite à la disposition pertinente de la Loi démontre clairement que le gouvernement fédéral avait la capacité, en 1997, de réduire la soi-disant « atteinte minimale » aux droits de l'appelant selon le paragraphe 15(1) de la Charte en reconnaissant que l'ajout du montant de la bourse à son revenu a eu un effet discriminatoire par rapport à l'aide financière pour études accordée aux étudiants n'ayant aucune invalidité. Puisqu'il est impossible que cette omission ait été motivée par un besoin financier immédiat du gouvernement qui aurait pu, par ailleurs, obliger ce dernier à percevoir le minuscule montant d'impôt sur le revenu obtenu par l'imposition des SCE, l'avocat a soutenu qu'aucune justification fondée sur cette prémisse n'est plausible.

[56]     L'avocate de l'intimée a soutenu par écrit qu'il existe un critère à trois volets pour établir s'il y a eu discrimination dans le contexte du paragraphe 15(1) de la Charte. En conséquence, il est nécessaire de répondre aux trois questions suivantes :

a)                  La loi contestée établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d'autres personnes en raison de une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou bien omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement entre celui-ci et d'autres personnes en raison de une ou de plusieurs caractéristiques personnelles?

b)       Si tel est le cas, la différence de traitement est-elle fondée sur un ou plusieurs motifs énumérés, ou bien sur des motifs analogues?

c)        La différence de traitement est-elle réellement discriminatoire, faisant ainsi intervenir l'objet du paragraphe 15(1) de la Charte pour remédier à des fléaux comme les préjugés, les stéréotypes et le désavantage historique?

[57]     L'avocate de l'intimée a soutenu également que la Cour doit comparer l'appelant à un groupe de comparaison approprié afin de juger s'il y a eu discrimination. Conséquemment, la comparaison doit être faite avec d'autres personnes auxquelles les dispositions contestées s'appliquent, et non avec d'autres groupes qui ne sont pas touchés par cette règle. Ainsi, l'avocate a soutenu que l'appelant était membre d'un groupe composé d'étudiants handicapés admissibles à une SCE particulière à cette catégorie. Les handicapés qui ont obtenu d'autres subventions que celle qui fait l'objet de l'appel et ont dépensé les fonds pour la même fin que la subvention pour étudiants handicapés utilisée par l'appelant, doivent inclure ces subventions dans leur revenu, en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. L'avocate a renvoyé la Cour à l'argument présenté au nom de l'appelant selon lequel celui-ci aurait été traité tout à fait différemment des autres bénéficiaires d'une SCE parce que sa subvention a servi à acheter des services d'interprétation du langage gestuel et de sous-titrage en temps réel sans lesquels il n'aurait pas pu suivre le cours de formation professionnelle du barreau. L'appelant a fait valoir aussi que pour obtenir la subvention, il avait été tenu de fournir des devis estimatifs justifiant ses besoins de financement et, par la suite, d'attester l'utilisation qu'il avait faite des fonds de la subvention. L'avocate de l'intimée a soutenu que c'est la nature de la dépense des fonds qu'il convient d'examiner afin de déterminer s'il y a eu une réelle différence de traitement. Par conséquent, la rentrée de fonds visant une fin particulière ne peut constituer une différence de traitement parce que deux particuliers qui reçoivent le même montant sont tenus l'un et l'autre d'inclure cette rentrée de fonds dans leur revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. De plus, les obligations en matière d'attestation concernant la dépense d'une subvention ne peuvent être distinguées de celles auxquelles sont tenus les autres bénéficiaires de subvention que si l'on peut prouver que ces derniers n'étaient pas tenus d'utiliser ces fonds pour acquérir des services ou des articles permettant aussi de surmonter des obstacles qui, autrement, les empêcheraient d'avoir accès à une formation. Le programme de SCE accordait également des subventions aux étudiants ayant des enfants à charge et certains critères d'admissibilité étaient associés à ce financement en particulier. De même, diverses autres règles s'appliquaient à d'autres SCE. Les subventions accordées aux étudiants ayant des personnes à charge visent à compenser la perte de revenu, par ailleurs disponible pour défrayer l'entretien des enfants, subie en raison de la fréquentation d'un établissement d'enseignement. En ce sens, l'avocate a soutenu ce type de SCE permettait à un bénéficiaire ayant des enfants à sa charge d'utiliser les fonds de la subvention pour l'achat de nourriture, de logement ou d'autres services, afin d'être en mesure d'assister à ses cours. Renvoyant la Cour à l'opinion d'expert de la professeure Philipps, l'avocate a fait remarquer qu'il existait d'autres exemples d'utilisation de bourses ou de subventions par des étudiants désavantagés pour faciliter la poursuite de leurs études. Bien que leur condition individuelle puisse différer, de nombreux étudiants sont touchés par la pauvreté et limités dans leur capacité de générer un revenu suffisant, mais ils utilisent tout de même une bourse, une subvention ou une bourse d'études pour avoir la possibilité de fréquenter un établissement d'enseignement. Dès qu'ils y sont inscrits, ils doivent tout de même défrayer l'achat de livres, des fournitures et d'autres dépenses connexes à une formation. Si chaque bénéficiaire d'une SCE utilisait celle-ci aux fins visées et, dans chaque cas, le processus d'admissibilité était fondé partiellement sur la preuve des besoins financiers, alors l'obligation faite à l'appelant de fournir des reçus pour justifier les dépenses agréées, contrairement à d'autres étudiants, ne constituait pas ou ne constitue pas une réelle différence de traitement entre les catégories d'étudiants. L'avocate a renvoyé la Cour au témoignage de M. Frank Smith dans l'affaire Wignall, précitée, qui a été entendue devant le Tribunal canadien des droits de la personne et au cours duquel M. Smith a déclaré qu'il existait pour les étudiants handicapés des centaines de sources de financement destinées à leur fournir les ressources nécessaires pour suivre une formation. L'avocate a reconnu, comme l'a dit la Dre Musselman lors de son témoignage et dans son rapport, que certaines personnes handicapées dépendent des mêmes services que ceux dont a bénéficié l'appelant dans la mesure où l'indisponibilité de ces services empêchera ces étudiants de poursuivre leurs études. L'avocate a soutenu également que les étudiants handicapés qui sont inadmissibles à une subvention offerte dans le cadre du programme de SCE peuvent obtenir une subvention d'une autre source afin d'acquérir les mêmes services, tandis que d'autres étudiants ne recevront aucune aide financière sous forme de bourse ou de financement semblable, mais acquerront tout de même ces services qui leur sont nécessaires. L'avocate a affirmé que dans ces scénarios, un étudiant paiera de l'impôt sur sa bourse parce que celle-ci relève de la catégorie visée à l'alinéa 56(1)n) de la Loi, alors que l'autre défraiera les services essentiels à même son revenu net d'impôt qui, si ces services peuvent être inclus à titre de frais médicaux, peut être utilisé pour calculer le CIFM. L'avocate a soutenu que l'appelant n'avait pas fait l'objet d'une différence de traitement fondée sur un motif énuméré, pour ce qui est de l'imposition des fonds provenant de sa SCE visant des services d'adaptation à sa déficience physique. L'appelant a plutôt été imposé sur sa source de revenu qu'il a choisi d'utiliser pour pouvoir surmonter un obstacle par ailleurs insurmontable qui l'aurait empêché de poursuivre ses études en droit. L'avocate a reconnu que l'appelant, en tant que personne atteinte de surdité profonde, est membre d'un groupe qui a subi un désavantage historique. Cependant, en ce qui concerne le critère dont on doit tenir compte pour déterminer s'il y a correspondance entre le motif fondé sur la déficience, d'une part, et les besoins réels, la capacité et les circonstances pertinentes à l'appelant, d'autre part, l'avocate a reconnu que l'alinéa 56(1)n) peut ne pas tenir compte précisément des besoins réels de l'appelant, mais, selon elle, l'économie générale de la Loi, les dépenses extraordinaires liées au coût de la vie avec une invalidité, au moyen des dispositions pertinentes à la demande d'un crédit d'impôt pour frais médicaux ou d'un crédit d'impôt pour personnes handicapées, et en permettant aux étudiants handicapés de demander le plein crédit pour études même s'ils ne fréquentent pas à temps plein un établissement d'enseignement. L'avocate a reconnu que la Loi n'était pas conçue, même avec ces dispositions, dans l'intention de compenser la totalité des dépenses d'une personne handicapée, en dépit de l'existence d'un effort concerté et régulier afin d'élargir la catégorie des frais médicaux admissibles pertinents au CIFM, en général, et notamment en ce qui concerne les personnes handicapées qui achètent des appareils ou aides nouveaux qui apparaissent grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la technologie. L'avocate a abordé la question que soulève la nature du droit visé par les dispositions législatives, et elle a soutenu que les tribunaux ont reconnu qu'il existe des distinctions intrinsèques à la politique fiscale qui reconnaissent des intérêts divergents ou opposés tout en cherchant à atteindre l'objectif principal de générer un revenu. L'avocate a soutenu que l'inclusion dans le revenu d'une subvention pour étudiants handicapés allouée dans le cadre du programme de SCE n'a pas pour effet de restreindre l'accès à un établissement d'enseignement, particulièrement à la lumière de la preuve selon laquelle la grande majorité des étudiants ont un revenu imposable faible ou nul. À un niveau de revenu faible, l'ajout, dans la catégorie des CIFM, des coûts liés à des services d'interprétation du langage gestuel aurait pour effet de compenser toute responsabilité fiscale découlant de l'inclusion d'un versement de SCE. Pour les motifs précités, l'avocate a soutenu que l'ajout de la subvention pour étudiants ayant une invalidité au revenu de l'appelant n'a pas constitué une différence de traitement réelle fondée sur un motif énuméré et que, de toute façon, l'alinéa 56(1)n) de la Loi ne constitue pas une forme de discrimination aux termes de l'article 15 de la Charte.

[58]     L'avocate de l'intimée a ensuite abordé la question de la justification de l'alinéa 56(1)n) de la Loi par l'article premier de la Charte, s'il est conclu que cette disposition contrevient aux droits garantis à l'appelant par l'article 15. En ce qui concerne le critère qui exige que la contravention soit rationnellement liée à l'objectif visé par les dispositions législatives, l'avocate a soutenu que la Loi a pour but de produire des recettes pour le gouvernement et que ce but est de toute évidence nécessaire et important. L'objectif de l'alinéa contesté vise à saisir le revenu, en application du principe fondamental selon lequel l'impossibilité du revenu ne peut découler que de l'énumération de la totalité des sources de revenu. En ce qui a trait à la condition selon laquelle la disposition législative contestée doit minimiser porter l'atteinte aux droits garantis par la Charte, l'avocate a renvoyé la Cour à la preuve déposée au cours de l'audience en ce qui concerne le fonctionnement du CIPH, du CIFM et du crédit d'impôt pour études qui ont tous été conçus de manière à compenser tout ajout au revenu en vertu de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. L'admissibilité au CIPH est indépendante de l'inclusion du revenu d'une bourse en vertu dudit alinéa et, à cet égard, l'avocate a fait remarquer que l'appelant avait choisi de ne pas demander les dépenses liées à des services d'interprétation du langage gestuel à titre de CIFM, et ce, même si ces dépenses pouvaient être incluses et que, conséquemment à cette omission, l'appelant n'avait pu bénéficier de l'effet amélioratif de cette disposition. L'avocate a renvoyé la Cour aux témoignages de Mme Rosaria Zompanti, comptable agréée, et de M. Donald Wilson, un agent du ministère des Finances, qui ont démontré qu'en 1997 l'appelant avait eu, en raison de son emploi, un revenu bien supérieur à celui de la grande majorité des étudiants. En conséquence, même si l'appelant avait choisi de demander les frais médicaux admissibles, celui-ci aurait été incapable de compenser totalement l'effet de l'ajout de sa subvention dans son revenu en utilisant le CIFM, comme cela aurait été le cas pour la vaste majorité des autres étudiants. L'avocate a soutenu que c'était la méthode que l'appelant avait choisie pour produire sa déclaration de revenus qui avait donné lieu, pour celui-ci, une dette fiscale supérieure au nécessaire parce qu'il aurait pu obtenir un crédit pour compenser l'effet de l'ajout de la subvention à son revenu s'il avait demandé le CIFM de manière à ce que ses dépenses pour obtenir des services d'interprétation du langage gestuel pendant son cours de formation professionnelle du barreau soient reconnues à ce titre. L'avocate a soutenu également que l'effet conjugué du CIPH, du CIFM et du crédit spécial pour études accordé aux étudiants handicapés vise à réduire au minimum toute contravention aux droits que la Charte garantit à l'appelant, comme le prévoit la jurisprudence pertinente. Par ailleurs, l'avocate a soutenu que le fait de permettre à l'appelant, soit de ne pas demander les dépenses admissibles au titre d'un CIFM, soit d'ignorer dans sa déclaration certains revenus dépensés pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau, n'aurait pas seulement pour effet de passe outre à l'intention du législateur, mais serait, en outre, non-pertinent dans le contexte d'un concept comparatif de l'égalité.

[59]     En conclusion, l'avocate de l'intimée a soutenu que la Cour est incompétente pour accorder à l'appelant une quelconque mesure de redressement hormis la conclusion que les fonds alloués dans le cadre d'une SCE ne relèvent pas de la catégorie des bourses selon l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Même si, en vertu de l'article 24 de la Charte, la Cour pouvait déclarer que cette disposition était nulle et de nul effet, toute mesure de redressement additionnelle, telle que l'interprétation atténuée de ladite disposition, en vue de modifier effectivement les dispositions législatives en ne les appliquant pas au type particulier de bourse attribuée à l'appelant, outrepasserait les compétences de la Cour parce qu'il s'agirait d'une mesure de redressement à caractère déclaratoire.

[60]     En réplique aux observations écrites de l'avocate de l'intimée, l'avocat de l'appelant a déposé un mémoire des faits et du droit en un volume contenant également d'autres arrêts publiés et d'autres documents de référence. Tout d'abord, l'avocat a soutenu que la Cour canadienne de l'impôt avait plusieurs moyens de protéger les droits que la Charte garantit à l'appelant. En vertu de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, telle que modifiée, la Cour de l'impôt a compétence exclusive, en première instance, pour entendre et adjuger l'appel de l'impôt interjeté par l'appelant. L'appelant, conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, a procédé en signifiant un Avis de question constitutionnelle à chaque procureur général du Canada et aucun d'entre eux n'a voulu intervenir dans le présent appel. De plus, l'avocat a soutenu que jamais, au cours des trois années et demi qui ont duré ces procédures, l'intimée n'a mis en cause la compétence de la Cour canadienne de l'impôt pour accorder à l'appelant les moyens de réparation fondés sur la Charte. L'avocat a soutenu également que la Cour est le seul forum au sein duquel un argument constitutionnel présenté au cours de l'audition de l'appel d'un contribuable pourrait être pris en considération. En ce sens, il aurait été évident pour le législateur que la Cour est compétente pour accorder des moyens de redressement constitutionnel après avoir conclu à des contraventions à la Charte. Le reste de la réplique est ainsi résumé :

1.        C'est un principe établi qu'entre plusieurs interprétations reconnues d'une loi, les tribunaux doivent choisir celle qui est la plus compatible avec la Charte.

2.        En l'espèce, la Cour est compétente et, par conséquent, elle peut accorder réparation comme le prévoit le paragraphe 24(1) de la Charte, accueillir l'appel de l'appelant en infirmant ou en modifiant la partie de la cotisation qui a qualifié de revenu la BEPH/SCE et déférer ladite cotisation au ministre pour nouvelle cotisation conformément au moyen de réparation accordé.

3.        Un jugement déclaratoire ne constitue pas nécessairement le seul moyen d'accorder une réparation individuelle à l'appelant en application de l'art. 24 de la Charte. La Cour peut aussi renvoyer la cotisation au ministre pour que ce dernier effectue une nouvelle cotisation en fonction de l'analyse de la Charte à laquelle a procédé la Cour, qui ne doit pas être interprétée comme une modification judicaire d'une disposition législative.

4.        La Cour canadienne de l'impôt est un tribunal compétent pour l'application de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et doté du pouvoir d'invalider l'alinéa 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu en raison de son inconstitutionnalité. Cependant, ce n'est pas la réparation que souhaite obtenir l'appelant, qui demande plutôt à la Cour d' « atténuer » l'interprétation de cette disposition en ce qui concerne la perception par celui-ci du paiement contesté d'une SCE, étant donné que toute autre voie de recours contreviendrait aux droits que lui garantit le paragraphe 15(1) de la Charte.

[61]     Le paragraphe 15(1) de la Charte est ainsi rédigé :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[62]     Dans l'affaire Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, la Cour suprême du Canada a conclu que la carence de la Medical Services Commission (commission des services médicaux) et des hôpitaux de cette province à fournir des services d'interprétation du langage gestuel aux personnes atteintes de surdité de manière à permettre à ces dernières de communiquer efficacement avec le personnel médical constituait une contravention au paragraphe 15(1) de la Charte et ne constituait pas une limite raisonnable aux termes de l'article premier. C'est le juge La Forest qui a prononcé le jugement de la Cour et qui, aux pages 667 à 669, a déclaré ce qui suit :

En tant que personnes atteintes de surdité, les appelants appartiennent à un groupe énuméré au par. 15(1) - les personnes atteintes de déficiences physiques. Même si ce fait n'est pas contesté, il est néanmoins pertinent. Comme a statué le juge Wilson, dans Turpin, c'est en examinant le contexte d'un texte de loi qu'on détermine si celui-ci est discriminatoire. Il importe, a-t-elle expliqué, à la p. 1331, « d'examiner non seulement la disposition législative contestée [...], mais aussi d'examiner l'ensemble des contextes social, politique et juridique » .

Il est malheureusement vrai que l'histoire des personnes handicapées au Canada a été largement marquée par l'exclusion et la marginalisation. Trop souvent, elles ont été exclues de la population active, elles se sont vues refuser l'accès aux possibilités d'interaction et d'épanouissement sociales et elles ont été exposées à des stéréotypes injustes en plus d'être reléguées dans des établissements; voir, de façon générale, M. David Lepofsky, A Report Card on the Charter's Guarantee of Equality to Persons with Disabilities after 10 Years - What Progress?    What Prospects? (1997), 7 N.J.C.L. 263. Ce désavantage historique a, dans une large mesure, été créé et perpétué par l'idée que la déficience est une anomalie ou un défaut. En conséquence, les personnes handicapées n'ont généralement pas obtenu [Traduction] « l'égalité de respect, de déférence et de considération » que commande le par. 15(1) de la Charte. Au lieu de cela, elles ont fait l'objet d'attitudes paternalistes inspirées par la pitié et la charité, et leur intégration à l'ensemble de la société a été assujettie à leur émulation des normes applicables aux personnes physiquement aptes; voir Sandra A. Goundry et Yvonne Peters, Litigating for Disability Equality Rights:    The Promises and the Pitfalls (1994), aux pp. 5 et 6. Une conséquence de ces attitudes est le désavantage social et économique persistant dont souffrent les personnes handicapées.    Les statistiques indiquent que ces personnes, si on les compare aux personnes physiquement aptes, sont moins instruites, sont davantage susceptibles de ne pas faire partie de la population active, ont un taux de chômage beaucoup plus élevé et se retrouvent en nombre disproportionné dans les rangs des salariés les moins bien rémunérés; voir Ministre du Développement des ressources humaines, Personnes handicapées : Un document d'information (1994), aux pp. 3 à 5, et Statistique Canada, Un portrait des personnes ayant une incapacité (1995), aux pp. 46 à 49.

Les personnes atteintes de surdité n'échappent pas à cette situation difficile générale. Même si bon nombre d'entre elles rejettent l'idée que la surdité est une déficience et se disent membres d'une communauté distincte, possédant son langage et sa culture propres, cela ne justifie pas leur exclusion forcée des possibilités et services conçus pour les entendants et disponibles à ces derniers. Pour bien des entendants, la perception dominante qu'ils ont de la surdité est celle du silence. Cette perception a perpétué l'ignorance des besoins des personnes atteintes de surdité et a résulté en une société qui est en majeure partie organisée comme si tous pouvaient entendre; voir, de façon générale, Oliver Sacks, Des yeux pour entendre : voyage au pays des sourds (1990). Il n'est donc pas étonnant que le désavantage que subissent les personnes atteintes de surdité découle dans une large mesure d'obstacles à la communication avec les entendants.

[63]     Après avoir discuté du concept de la discrimination découlant d'effets préjudiciables dans le contexte des dispositions législatives provinciales régissant les droits de la personne, le juge La Forest a émis, à la page 672, le commentaire suivant :

La discrimination découlant d'effets préjudiciables est particulièrement pertinente dans le cas des déficiences.    Le gouvernement va rarement prendre des mesures discriminatoires à l'endroit des personnes handicapées. Il est plus fréquent que des lois d'application générale aient un effet différent sur ces personnes. Ce fait a été reconnu par le Juge en chef dans son opinion dissidente dans l'arrêt Rodriguez, précité, où il a conclu que la règle de droit créant l'infraction d'aide au suicide portait atteinte au par. 15(1) de la Charte en établissant une distinction fondée sur la déficience physique. Dans cette affaire, notre Cour à la majorité a décidé, notamment, que la validité de la règle de droit était sauvegardée par l'article premier de la Charte, à supposer, sans trancher la question, qu'elle portait atteinte au par. 15(1). Bien que je m'abstienne de me prononcer sur le bien-fondé de la conclusion du Juge en chef quant à l'application du par. 15(1) dans cette affaire, je souscris à son analyse générale de la portée de cette disposition, qu'il a énoncée ainsi, à la p. 549 :

Non seulement le par. 15(1) impose-t-il au gouvernement une vigilance accrue dans l'établissement de distinctions expresses ou directes sur le fondement de caractéristiques personnelles, mais il fait aussi que des lois également applicables à tous peuvent porter atteinte au droit à l'égalité consacré dans cette disposition, et peuvent donc devoir être justifiées aux termes de l'article premier. Même en imposant des mesures universelles, le gouvernement doit tenir compte de différences qui existent en fait entre les individus et s'assurer, dans la mesure du possible, que les mesures adoptées n'auront pas, en raison de caractéristiques personnelles non pertinentes, des répercussions plus lourdes sur certaines catégories de personnes que sur l'ensemble de la population. En d'autres termes, pour favoriser l'objectif d'une société plus égale, le par. 15(1) s'oppose à ce que les autorités politiques édictent des mesures sans tenir compte de leur effet possible sur des catégories de personnes déjà défavorisées.

[64]     Dans l'affaire Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême du Canada a examiné la décision qu'avait rendue la Cour d'appel de l'Ontario en ordonnant au conseil scolaire de ne pas placer un enfant atteint d'une déficience dans une classe spéciale sans le consentement des parents, ou en l'absence d'une preuve du caractère probablement inadéquat de formes de placement moins exclusives selon le mandat visant à répondre aux besoins spéciaux de l'enfant en matière d'éducation. Le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la Cour sur la question relative au paragraphe 15(1) de la Charte, a conclu que les Tribunaux de l'enfance en difficulté, en permettant que l'enfant soit placée dans une classe spéciale, n'avait pas contrevenu aux droits de celle-ci parce qu'il n'était pas possible de répondre à ses besoins dans une classe normale. À partir de la page 272 de son jugement, le juge Sopinka a déclaré ceci :

Les principes voulant que toute distinction fondée sur un motif illicite ne constitue pas une discrimination et que les distinctions fondées sur des caractéristiques plutôt présumées que réelles soient en général les signes révélateurs de la discrimination ont une importance particulière lorsqu'ils sont appliqués à une déficience physique ou à une déficience mentale. Pour éviter la discrimination fondée sur ce motif, il faudra souvent établir des distinctions en fonction des caractéristiques personnelles de chaque personne handicapée. Dans Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, à la p. 169, le juge McIntyre a dit que « le respect des différences [...] est l'essence d'une véritable égalité » . Cela fait ressortir que le par. 15(1) de la Charte a non seulement pour objet d'empêcher la discrimination par l'attribution de caractéristiques stéréotypées à des particuliers, mais également d'améliorer la position de groupes qui, dans la société canadienne, ont subi un désavantage en étant exclus de l'ensemble de la société ordinaire comme ce fut le cas pour les personnes handicapées.

Certains des motifs illicites visent principalement à éliminer la discrimination par l'attribution de caractéristiques fausses fondées sur des attitudes stéréotypées se rapportant à des conditions immuables comme la race ou le sexe. Dans le cas d'une déficience, c'est l'un des objectifs. L'autre objectif, tout aussi important, vise à tenir compte des véritables caractéristiques de ce groupe qui l'empêchent de jouir des avantages de la société, et à les accommoder en conséquence. L'exclusion de l'ensemble de la société découle d'une interprétation de la société fondée seulement sur les attributs « de l'ensemble » auxquels les personnes handicapées ne pourront jamais avoir accès. Qu'il s'agisse de l'impossibilité pour une personne aveugle de réussir un examen écrit ou du besoin d'une rampe pour avoir accès à une bibliothèque, la discrimination ne consiste pas dans l'attribution de caractéristiques fausses à la personne handicapée. La personne aveugle ne peut pas voir et la personne en fauteuil roulant a besoin d'une rampe d'accès. C'est plutôt l'omission de fournir des moyens raisonnables et d'apporter à la société les modifications qui feront en sorte que ses structures et les actions prises n'entraînent pas la relégation et la non-participation des personnes handicapées qui engendre une discrimination à leur égard. L'enquête sur la discrimination qui recourt au raisonnement fondé sur « l'attribution de caractéristiques stéréotypées » , dans son acception courante, est tout simplement inappropriée dans le cas présent. Elle peut être considérée plutôt comme un cas d'inversion d'un stéréotype qui, en ne tenant pas compte de la condition d'une personne handicapée, fait abstraction de sa déficience et la force à se tirer d'affaire toute seule dans l'environnement de l'ensemble de la société. C'est la reconnaissance des caractéristiques réelles, et l'adaptation raisonnable à celles-ci, qui constitue l'objectif principal du par. 15(1) en ce qui a trait à la déficience.

[65]     À la page 273, le juge Sopinka a formulé le commentaire suivant :

Il s'ensuit que la déficience, en tant que motif illicite, diffère des autres motifs énumérés tels que la race ou le sexe parce que ces motifs ne comportent aucune différence sur le plan individuel.    Par contre, quand il s'agit de déficience, il existe des différences énormes selon l'individu et le contexte. [...]

[66]     En 1999, la Cour suprême du Canada rendait une décision dans l'affaire Law c. Canada, [1999] 1 R.C.S. 497, portant sur une plainte selon laquelle les droits garantis à une veuve par le paragraphe 15(1) de la Charte avaient été violés parce que certaines dispositions du Régime de pensions du Canada étaient discriminatoires à son égard en raison de son âge, en ce que les conjoints survivants de moins de 35 ans n'ont pas droit à la rente de conjoint survivant jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 65 ans, à moins d'être atteints d'une invalidité. Le jugement de la Cour a été rendu par le juge Iacobucci, qui a procédé à une analyse complète des jugements précédents de la Cour concernant l'interprétation du paragraphe 15(1) et l'évolution du concept de l'égalité de traitement des individus. Dans son jugement, le juge Iacobucci a examiné la décision du juge McIntyre dans l'affaire Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, et à la page 520, il a fait l'observation suivante :

Bref, l'arrêt Andrews a donc établi qu'une allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1) de la Charte comporte trois éléments clés : une différence de traitement, un motif énuméré ou un motif analogue et la présence de discrimination réelle, comprenant des facteurs comme les préjugés, les stéréotypes et les désavantages. Comme l'ont souligné à maintes reprises les juges qui se sont prononcés, pour déterminer si chacun de ces éléments se retrouve dans une affaire donnée, il est d'une importance capitale de toujours tenir compte de l'ensemble des contextes social, politique et juridique dans lesquels l'allégation est formulée.

[67]     Le juge Iacobucci a également discuté de l'objet du paragraphe 15(1) de la Charte de la façon suivante, aux pages 524 et 525 :

Comme il a été souligné dans les premiers arrêts portant sur la Charte, dont Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, et R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, et comme l'a réaffirmé le juge McIntyre dans Andrews, précité, la façon appropriée d'aborder la définition des droits garantis par la Charte est de le faire en fonction de l'objet visé. Pour reprendre les termes du juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans Big M, précité, à la p. 344, l'objet du par. 15(1) doit être déterminé « en fonction de la nature et des objectifs plus larges de la Charte elle-même, des termes choisis pour énoncer ce droit ou cette liberté, des origines historiques des concepts enchâssés et, [...] en fonction du sens et de l'objet des autres libertés et droits particuliers qui s'y rattachent selon le texte de la Charte » .

Depuis ses tout premiers arrêts portant sur le par. 15(1), notre Cour a reconnu qu'il fallait absolument qu'il y ait conflit entre la loi contestée et l'objet du par. 15(1) pour fonder une allégation de discrimination.    Ce principe demeure vrai à l'égard de tous les éléments d'une allégation de discrimination.    C'est en fonction de l'objet et du contexte qu'il faut déterminer si les dispositions législatives omettent de tenir compte d'un désavantage existant, si un demandeur peut se réclamer de l'un ou de plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues, ou si on peut dire que la différence de traitement constitue de la discrimination au sens du par. 15(1).

Quel est l'objet de la garantie d'égalité du par. 15(1)? La jurisprudence de notre Cour est d'une grande constance sur cette question. Dans Andrews, précité, tous les juges qui ont rédigé des motifs ont dans une large mesure émis la même opinion. À la p. 171, le juge McIntyre a dit que l'objet de l'art. 15 était de favoriser « l'existence d'une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération » . Il a expliqué, aux pp. 180 et 181, que cette disposition était une garantie contre le fléau de l'oppression et qu'elle était conçue pour remédier à la restriction inéquitable des possibilités, particulièrement en ce qui concerne les personnes et les groupes qui ont fait l'objet, au cours de l'histoire, de désavantages, de préjugés et de stéréotypes.

[68]     Le juge Iacobucci a discuté de façon très détaillée plusieurs opinions concernant l'objet du paragraphe 15(1) qu'ont à tour de rôle exprimées les membres de la Cour appelés à rendre une décision dans des affaires où l'on affirmait qu'il y avait eu traitement discriminatoire. Poursuivant son analyse aux pages 529 à 531, il a déclaré ce qui suit :

Tous ces énoncés ont plusieurs éléments clés en commun. On pourrait affirmer que le par. 15(1) a pour objet d'empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l'imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l'existence d'une société où tous sont reconnus par la loi comme des êtres humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération. Une disposition législative qui produit une différence de traitement entre des personnes ou des groupes est contraire à cet objectif fondamental si ceux qui font l'objet de la différence de traitement sont visés par un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues et si la différence de traitement traduit une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou que, par ailleurs, elle perpétue ou favorise l'opinion que l'individu concerné est moins capable, ou moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société canadienne. Subsidiairement, une différence de traitement ne constituera vraisemblablement pas de la discrimination au sens du par. 15(1) si elle ne viole pas la dignité humaine ou la liberté d'une personne ou d'un groupe de cette façon, surtout si la différence de traitement contribue à l'amélioration de la situation des défavorisés au sein de la société canadienne.

Comme il a été mentionné précédemment, il est difficile de définir les concepts d' « égalité » et de « discrimination » en raison notamment de la nature abstraite de ces termes et de la nature également abstraite des termes utilisés pour les expliquer. Aucun mot et aucune expression ne peuvent décrire avec une précision absolue le contenu et l'objet du par. 15(1). Toutefois, dans la formulation de l'objet du par. 15(1) qui ressort des arrêts antérieurs, l'accent est mis, à juste titre, sur le but de préserver la dignité humaine au moyen de l'élimination du traitement discriminatoire.

En quoi consiste la dignité humaine? Il peut y avoir différentes conceptions de ce que la dignité humaine signifie. Pour les fins de l'analyse relative au par. 15(1) de la Charte, toutefois, la jurisprudence de notre Cour fait ressortir une définition précise, quoique non exhaustive. Comme le juge en chef Lamer l'a fait remarquer dans Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, à la p. 554, la garantie d'égalité prévue au par. 15(1) vise la réalisation de l'autonomie personnelle et de l'autodétermination. La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi. Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n'ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. Elle est rehaussée par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent à leurs différences. La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. Au sens de la garantie d'égalité, la dignité humaine n'a rien à voir avec le statut ou la position d'une personne dans la société en soi, mais elle a plutôt trait à la façon dont il est raisonnable qu'une personne se sente face à une loi donnée. La loi traite-t-elle la personne injustement, si on tient compte de l'ensemble des circonstances concernant les personnes touchées et exclues par la loi?

La garantie d'égalité prévue au par. 15(1) de la Charte doit être comprise et appliquée à la lumière de l'interprétation susmentionnée de son objet.    Tous les éléments de l'analyse relative à la discrimination sont imprégnés de la volonté supérieure de préserver et de promouvoir la dignité humaine, au sens susmentionné.

[69]     Dans ce domaine de la jurisprudence, il est maintenant admis que la garantie d'égalité est un concept comparatif qui oblige un tribunal à déterminer quel traitement peut être considéré comme différent lorsqu'on le compare à celui qui est accordé à d'autres personnes ou à d'autres groupes. Lorsque l'on procède à cet exercice nécessaire, il est important de déterminer l'élément de comparaison approprié pour évaluer les facteurs contextuels, afin de juger s'il y a discrimination. Dans ce contexte, le juge Iacobucci a poursuivi ainsi, aux pages 531 et 532 :

Pour déterminer quel est l'élément de comparaison approprié, toute une gamme de facteurs doit être prise en compte, notamment, l'objet des dispositions législatives. Une analyse relative au par. 15(1) n'a pas pour objet de juger de l'égalité dans l'abstrait. Son objet est plutôt de déterminer si les dispositions législatives contestées créent entre le demandeur et les autres, sur le fondement des motifs énumérés ou de motifs analogues, une différence de traitement qui entraîne de la discrimination. Il faut examiner à la fois l'objet et l'effet des dispositions pour faire ressortir le groupe ou les groupes de comparaison appropriés.    D'autres facteurs contextuels peuvent également être pertinents.    Les ressemblances ou dissemblances biologiques, historiques et sociologiques peuvent être pertinentes en particulier pour cerner l'élément de comparaison approprié et, de façon plus générale, pour déterminer si les dispositions créent réellement de la discrimination : voir Weatherall, précité, aux pp. 877 et 878.

Le point de départ naturel lorsqu'il s'agit d'établir l'élément de comparaison pertinent consiste à tenir compte du point de vue du demandeur. C'est généralement le demandeur qui choisit la personne, le groupe ou les groupes avec lesquels il désire être comparé aux fins de l'analyse relative à la discrimination, déterminant ainsi les paramètres de la différence de traitement qu'il allègue et qu'il souhaite contester. Cependant, il se peut que la qualification de la comparaison par le demandeur ne soit pas suffisante. La différence de traitement peut ne pas s'effectuer entre les groupes cernés par le demandeur, mais plutôt entre d'autres groupes. Le tribunal ne peut manifestement pas, de son propre chef, évaluer un motif de discrimination que n'ont pas invoqué les parties et à l'égard duquel aucune preuve n'a été produite : voir Symes, précité, à la p. 762. Cependant, dans le cadre du ou des motifs invoqués, je n'exclurais pas le pouvoir du tribunal d'approfondir la comparaison soumise par le demandeur lorsque le tribunal estime justifié de le faire.

[70]     Au début de la page 532, le juge Iacobucci discute de l'approche à adopter, lorsqu'il s'agit de démontrer la discrimination en fonction de l'objet visé, pour appliquer la perspective appropriée à l'étude des facteurs contextuels. À cet égard, il a déclaré ceci :

D.      Établir la discrimination en fonction de l'objet : les facteurs contextuels

            (1) La perspective appropriée

La détermination de l'élément de comparaison approprié et l'évaluation des facteurs contextuels qui établissent si les dispositions législatives ont pour effet de porter atteinte à la dignité d'un demandeur doivent s'effectuer dans la perspective de ce dernier. Comme cela a été appliqué en pratique à l'occasion de plusieurs arrêts de notre Cour en matière d'égalité et comme il en a clairement été question dans les motifs du juge L'Heureux-Dubé, au par. 56 de l'arrêt Egan, précité, le point central de l'analyse relative à la discrimination est à la fois subjectif et objectif : subjectif dans la mesure où le droit à l'égalité de traitement est un droit individuel, invoqué par un demandeur particulier ayant des caractéristiques et une situation propres; et objectif dans la mesure où on peut déterminer s'il y a eu atteinte aux droits à l'égalité du demandeur simplement en examinant le contexte global des dispositions en question et le traitement passé et actuel accordé par la société au demandeur et aux autres personnes ou groupes partageant des caractéristiques ou une situation semblables. La partie objective signifie que, pour fonder une allégation formulée en vertu du par. 15(1), le demandeur ne peut se contenter de prétendre que sa dignité a souffert en raison d'une loi sans étayer davantage cette prétention.

Comme l'a dit le juge L'Heureux-Dubé dans Egan, précité, au par. 56, le point de vue pertinent est celui de la personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, dotée d'attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur. Bien que j'insiste sur la nécessité de se placer dans la perspective du demandeur, et uniquement dans cette perspective, pour déterminer si la mesure législative sape sa dignité, j'estime que le tribunal doit être convaincu que l'allégation du demandeur, quant à l'effet dégradant que la différence de traitement imposée par la mesure a sur sa dignité, est étayée par une appréciation objective de la situation. C'est l'ensemble des traits, de l'histoire et de la situation de cette personne ou de ce groupe qu'il faut prendre en considération lorsqu'il s'agit d'évaluer si une personne raisonnable se trouvant dans une situation semblable à celle du demandeur estimerait que la mesure législative imposant une différence de traitement a pour effet de porter atteinte à sa dignité.

Je me dois d'insister sur le fait que je n'appuie ni n'envisage, de quelque façon que ce soit, une application de la perspective susmentionnée d'une manière qui aurait pour effet de détourner l'objet du par. 15(1). Je suis conscient de la controverse qui existe au sujet du parti pris inhérent à certaines applications de la norme de la « personne raisonnable » . Il est primordial de souligner que la perspective appropriée n'est pas seulement celle de la « personne raisonnable » - une perspective qui, mal appliquée, pourrait servir à véhiculer les préjugés de la collectivité. La perspective appropriée est subjective-objective. L'analyse relative à l'égalité selon la Charte tient compte de la perspective d'une personne qui se trouve dans une situation semblable à celle du demandeur, qui est informée et qui prend en considération de façon rationnelle les divers facteurs contextuels servant à déterminer si la loi contestée porte atteinte à la dignité humaine, au sens où ce concept est interprété aux fins du par. 15(1).

[71]     En analysant le lien qui existe entre les motifs de discrimination, d'une part, et les caractéristiques et circonstances propres au demandeur, d'autre part, le juge Iacobucci a exprimé son opinion dans l'extrait suivant tiré de son jugement, à la page 538 :

Il est donc nécessaire d'analyser en fonction de l'objet visé le motif sur lequel est fondée l'allégation formulée sous le régime du par. 15(1) lorsqu'il s'agit de décider si l'on a établi la preuve d'une discrimination. En règle générale, comme l'ont dit le juge McIntyre dans Andrews, précité, et le juge Sopinka dans Eaton, précité, et comme je l'ai indiqué précédemment, la disposition législative qui prend en compte les besoins, les capacités ou la situation véritables du demandeur et d'autres personnes partageant les mêmes caractéristiques, d'une façon qui respecte leur valeur en tant qu'êtres humains et que membres de la société canadienne, sera moins susceptible d'avoir un effet négatif sur la dignité humaine. Cela ne veut pas dire que le simple fait que la mesure législative contestée prend en compte dans une certaine mesure la situation véritable de personnes telles que le demandeur sera suffisant pour faire échouer une demande présentée en vertu du par. 15(1). L'accent doit toujours être mis sur la question centrale de savoir si, dans la perspective du demandeur, la différence de traitement imposée par la mesure a pour effet de violer la dignité humaine. Le fait que la mesure contestée est susceptible de contribuer à la réalisation d'un but social valide pour un groupe de personnes ne peut pas être utilisé pour rejeter une demande fondée sur le droit à l'égalité lorsque les effets de la mesure sur une autre personne ou un autre groupe entrent en conflit avec l'objet de la garantie prévue au par. 15(1). En conformité avec les motifs des juges McIntyre et Sopinka, je veux simplement dire qu'il sera plus facile d'établir la discrimination si les dispositions contestées omettent de tenir compte de la situation véritable d'un demandeur, et plus difficile si les dispositions répondent adéquatement aux besoins, aux capacités et à la situation du demandeur

[72]     Tout en reconnaissant que les facteurs pertinents peuvent varier d'une affaire à une autre, le juge Iacobucci a fait remarquer ce qui suit, à la page 541 :

[...] On peut toutefois énoncer le principe général en termes simples. Il y a violation du par. 15(1) de la Charte s'il peut être démontré que, dans la perspective d'une personne raisonnable qui se trouve dans une situation semblable à celle où se trouve le demandeur et qui tient compte des facteurs contextuels pertinents aux fins de l'allégation, l'imposition d'une différence de traitement dans la loi a pour effet de porter atteinte à sa dignité : voir Egan, précité, au par. 56, le juge L'Heureux-Dubé. Démontrer l'existence d'une discrimination suivant cette démarche fondée sur l'objet exigera du demandeur qu'il invoque des facteurs permettant d'inférer que les dispositions constituent une atteinte à l'objet du par. 15(1) de la Charte.

[73]     En discutant de la nature et de la portée du fardeau de preuve qui incombe à un demandeur sous le régime du paragraphe 15(1), le juge Iacobucci a clairement indiqué qu'il n'incombe pas au premier de fournir des données ou un preuve relevant des sciences sociales pour démontrer qu'il y a eu atteinte à la liberté ou à la dignité de cet individu. On a reconnu que les tribunaux peuvent faire appel à leur connaissance d'office et à un raisonnement logique afin de caractériser de façon appropriée la totalité ou une partie des circonstances sur lesquelles se fonde la requête. De plus, le juge Iacobucci a réitéré le principe énoncé par la Cour précédemment, selon lequel le demandeur n'est pas tenu de prouver que l'intention législative était, de par sa nature, discriminatoire. L'aspect important consiste plutôt à décider si un demandeur a prouvé que l'objet de la loi a enfreint le paragraphe 15(1), ou bien que la disposition fautive a eu pour effet de discriminer. L'un ou l'autre suffira. Dans les instances où la loi a établi une distinction à l'égard d'un motif énuméré, comme l'a fait valoir l'appelant en l'espèce, la question à trancher consistera à savoir si la loi discrimine d'une manière telle que l'on peut la considérer comme ayant un effet préjudiciable sur la dignité du demandeur. Aux pages 545 à 547, le juge Iacobucci a passé en revue les questions dont il avait traité précédemment dans les motifs de son jugement, et il a déclaré ceci :

Ces trois éléments font clairement ressortir que, dans certains cas, il sera relativement facile pour le demandeur de démontrer qu'il y a eu violation du par. 15(1), tandis que, dans d'autres, il sera plus difficile de trouver une atteinte à l'objet de la garantie d'égalité. Dans des affaires simples, le tribunal constatera facilement, en s'appuyant sur la connaissance d'office et sur le raisonnement logique, que la loi contestée brime la dignité humaine et qu'elle est donc discriminatoire au sens de la Charte. Cela se produira souvent, mais pas toujours, dans les cas où une loi établit une différence formelle de traitement en raison de motifs énumérés ou de motifs analogues parce que l'utilisation de ces motifs ne correspond que rarement aux besoins, aux capacités et aux mérites. Il pourra suffire que le tribunal prenne connaissance d'office d'un désavantage préexistant subi par le demandeur ou par le groupe auquel il appartient pour qu'il soit fait droit à une allégation fondée sur le par. 15(1). Dans d'autres affaires, il sera nécessaire de s'appuyer sur un ou plusieurs autres facteurs contextuels. Toutefois, la question première que se posera le tribunal dans chaque affaire sera de savoir si une atteinte à la dignité humaine a été démontrée, compte tenu des contextes historique, social, politique et juridique dans lesquels l'allégation est formulée. Si le demandeur veut avoir gain de cause lorsqu'il invoque le par. 15(1), il lui incombe de faire en sorte que le tribunal soit bien informé de ce contexte.

Avant de poursuivre, je voudrais faire quelques brèves observations sur une autre façon d'énoncer la démarche à suivre aux fins du par. 15(1). Dans le cadre des présents motifs, j'ai passé en revue la démarche générale suivie par notre Cour aux fins de ce paragraphe, laquelle comporte trois éléments majeurs, à savoir :    ) l'existence d'une différence de traitement, 2) la présence de motifs énumérés ou analogues, et 3 l'existence de discrimination faisant intervenir l'objet du par. 15(1). Cependant, il est possible d'interpréter le troisième élément de l'analyse relative au par. 15(1) comme n'étant qu'une reformulation de l'exigence qu'il y ait une inégalité réelle, plutôt qu'une simple inégalité de forme, pour démontrer une violation du par. 15(1). Selon cette autre interprétation, « inégalité réelle » signifie « discrimination » au sens de la Charte, ayant une incidence sur la dignité humaine du demandeur. Il n'y aurait aucune inégalité réelle si le traitement prévu par l'État n'avait aucune incidence sur la dignité humaine du demandeur.

Je partage l'opinion générale que, en pratique, il peut fort bien se révéler superflu de déterminer d'abord s'il existe une différence de traitement pour ensuite déterminer si l'objet du par. 15(1) entre en jeu. Comme je l'ai mentionné précédemment, cela sera particulièrement vrai dans les cas où la discrimination par suite d'effets préjudiciables est en cause, puisque l'analyse visant à déterminer si, à toutes fins pratiques, la loi contestée a fait abstraction de la différence propre au demandeur fera généralement intervenir des questions relatives à la dignité humaine. Dans de tels cas, l'utilisation de l'une ou de l'autre démarche peut ne faire aucune différence relativement à l'analyse ou au résultat.

J'ai cependant certaines réserves qui me portent à préférer la démarche que j'ai examinée dans le cadre des présents motifs et qui comporte trois éléments principaux au lieu de deux. Pour reprendre l'exemple de la discrimination par suite d'effets préjudiciables, il peut y avoir des cas où une loi s'appliquant indistinctement à tous omet de tenir compte des caractéristiques ou de la situation personnelles du demandeur sans toutefois porter atteinte à sa dignité. Dans de tels cas, on pourrait dire que, la loi ayant un effet vraiment différent sur le demandeur, il y a une différence de traitement réelle entre le demandeur et les autres personnes, sans qu'il y ait pour autant discrimination au sens du par. 15(1). Ainsi, en modifiant la structure formelle de l'analyse exposée dans la jurisprudence relative au par. 15(1), l'autre démarche susmentionnée est susceptible de diminuer l'importance que les tribunaux accordent en pratique aux facteurs contextuels et à l'objet de ce paragraphe. J'estime qu'il est plus facile et plus efficace pour un tribunal d'utiliser une démarche qui fait la distinction conceptuelle entre, d'une part, la différence de traitement et, d'autre part, le caractère discriminatoire de cette différence de traitement.

Par conséquent, j'ai suivi la pratique de notre Cour de faire reposer l'analyse relative au par. 15(1) sur les trois éléments distincts que j'ai examinés dans le cadre des présents motifs. Par ailleurs, je ne suis pas en désaccord avec l'idée que le concept d'inégalité réelle puisse être défini selon son objet ou son effet discriminatoires, et je ne veut pas donner à entendre que le tribunal qui procéderait à son analyse en utilisant une structure différente commettrait une erreur de droit simplement en agissant ainsi, dans la mesure où il étudierait de façon appropriée et exhaustive l'objet du par. 15(1) et les facteurs contextuels pertinents.

[74]     Au moment de conclure que les dispositions législatives contestées du Régime de pensions du Canada n'enfreignaient pas le paragraphe 15(1) de la Charte, le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit, aux pages 560 et 561 :

En évoquant l'existence d'une correspondance entre une distinction de traitement établie par la loi et la situation véritable de personnes ou de groupes différents, je ne veux pas laisser entendre qu'une loi doit toujours correspondre parfaitement à la réalité sociale pour être conforme au par. 15(1) de la Charte. La question de savoir si une disposition législative porte atteinte à la dignité du demandeur doit dans chaque cas être examinée en tenant compte de l'ensemble du contexte de la demande. En l'espèce, l'appelante est favorisée en raison de son jeune âge. Elle conteste la validité d'un texte de loi ayant un objet et des fonctions égalitaires et dont les dispositions correspondent dans une très large mesure aux besoins et à la situation des personnes ciblées. Aucun autre facteur ne donne à penser que ces dispositions portent atteinte à sa dignité de jeune adulte, tant dans leur objet que dans leurs effets.

[75]     Se penchant ensuite sur les faits particuliers de l'affaire, il a poursuivi ainsi, aux pages 561 et 562 :

Pour terminer en ce qui concerne la situation particulière de l'appelante, j'aimerais aussi souligner que les personnes dans sa situation ne sont pas complètement exclues du bénéfice des prestations de survivant, quoique celles-ci soient reportées au moment où elles atteignent 65 ans, à moins que, entre-temps, elles ne deviennent invalides. L'admissibilité de l'appelante à cette pension étaye la conclusion que la loi ne traduit pas une opinion voulant que l'appelante soit moins méritante ou ait moins de valeur comme personne; la loi prévoit seulement que les prestations ne lui seront versées que lorsqu'elle aura atteint une certaine étape dans son cycle de vie, soit au moment de l'âge de la retraite.

Dans ces circonstances, compte tenu des objectifs du par. 15(1), je ne parviens pas à déceler une atteinte quelconque à la dignité humaine. Les distinctions contestées en l'espèce ne stigmatisent pas les jeunes personnes, et on ne peut pas non plus affirmer qu'elles perpétuent l'idée que les conjoints survivants de moins de 45 ans ne méritent pas le même intérêt, le même respect et la même considération que les autres. Elles ne privent pas non plus d'un avantage offert par l'État en raison de prémisses stéréotypées au sujet du groupe démographique dont l'appelante fait partie. Je dois conclure que, lorsqu'elles sont considérées dans les contextes social, politique et juridique de la demande, les distinctions fondées sur l'âge établies par l'al. 44(1)d) et l'art. 58 du RPC ne sont pas discriminatoires.

[76]     Dans l'affaire Law, précitée, ainsi que dans d'autres affaires entendues auparavant devant la Cour suprême du Canada, l'approche que celle-ci a adoptée visait à mettre l'accent sur trois questions principales lorsqu'il s'agit d'analyser l'applicabilité du paragraphe 15(1) de la Charte. Dans l'appel actuel, étant donné que l'examen concerne la situation particulière de l'appelant, ces questions centrales peuvent être ainsi formulées :

1.        L'alinéa 56(1)n) de la Loi impose-t-il une différence de traitement entre l'appelant et les autres étudiants, dans son objet ou dans son effet?

2.        La différence de traitement est-elle fondée sur le motif énuméré qu'est la déficience?

3.        L'alinéa 56(1)n) de la Loi a-t-il un objet ou un effet discriminatoire au selon la garantie d'égalité?

[77]     En conséquence, la première question à trancher dépend des réponses fournies aux questions suivantes :

1.        L'alinéa 56(1)n) de la Loi établit-il une distinction formelle entre l'appelant et les autres étudiants bénéficiant d'une bourse en raison de une ou de plusieurs caractéristiques personnelles?

2.        L'appelant a-t-il fait l'objet d'une différence de traitement fondée sur son incapacité physique?

3.        La différence de traitement était-elle discriminatoire en ce sens qu'elle a imposé un fardeau à l'appelant, ou l'a privé d'un avantage, d'une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe; ou bien a-t-elle eu pour effet d'avancer le point de vue selon lequel l'appelant était un individu moins capable ou moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou membre de la société canadienne qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération ?

[78]     En ce qui concerne la première question, pour déterminer s'il y eu ou non discrimination, la Cour doit comparer la situation de l'appelant à celle d'un groupe de comparaison approprié. Selon l'appelant, seuls les étudiants handicapés étaient admissibles à la bourse accordée dans le cadre du programme de SCE. L'appelant a présenté une demande de financement de 3 625 $ afin de défrayer les services d'interprétation du langage gestuel et de sous-titrage en temps réel qu'il estimait nécessaires pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau. Le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario, en tant que ministère responsable de la participation provinciale dans le programme fédéro-provincial, a donné suite à la demande de l'appelant en approuvant l'octroi d'une subvention de 2 000 $ pour le motif qu'ils s'agissait-là de la somme maximale pouvant être accordée. Parmi les conditions d'attribution de la subvention, se trouvaient notamment celle que les fonds soient dépensés aux fins prescrites dans la demande et celle que des justificatifs des sommes engagées pour obtenir ces services soient fournis dans un certain délai. L'avocat de l'appelant a prétendu que la dépense, par son client, des fonds provenant de sa subvention dans le seul but d'obtenir des services d'adaptation en classe de manière à être en mesure de comprendre le contenu des cours, aurait contraint M. Simser, pour poursuivre ses études, à payer davantage qu'un étudiant non handicapé parce qu'il a été imposé sur la somme de 1 500 $ provenant de la bourse sans que l'on reconnaisse que ces fonds n'avaient pas été dépensés d'une manière générale en vue d'atteindre un objectif, se situant dans le cadre de l'acquisition d'une formation postsecondaire, mais uniquement dans le but de permettre à l'appelant d'assister à ses cours en classe sur un pied d'égalité avec les autres étudiants. L'élément de comparaison qu'a fait valoir l'appelant est ce groupe formé de tous les étudiants non handicapés qui reçoivent des bourses, des subventions, des bourses de perfectionnement ou des bourses d'études qui ne sont pas tenus de défrayer des services d'adaptation pour être simplement en mesure d'accéder à la classe, soit en y étant présents, assister aux cours soit pour comprendre la matière. Toujours selon la position de l'appelant, même au sein du groupe admissible à des SCE, il était tenu de respecter certaines conditions et restrictions quant à l'utilisation des fonds alloués qui n'étaient pas applicables aux deux autres catégories d'étudiants auxquelles ce programme de subvention était destiné. Alors que, selon l'intimée, il est tout aussi important de comparer la situation de l'appelant à celle d'autres handicapés qui obtiennent une subvention autre que la SCE qui fait l'objet du présent appel, afin d'assurer une comparaison avec des personnes qui se trouvent dans une situation similaire.

[79]     Dans l'affaire Granovsky c. Canada, [2000] 1 R.C.S. 703, la Cour suprême du Canada s'est prononcée quant à un pourvoi dans lequel la demanderesse faisait valoir que la disposition d'exclusion aux termes du Régime de pensions du Canada avait pour effet d'établir une distinction illégitime entre des personnes atteintes d'une invalidité permanente et les personnes atteintes, comme elle, d'une invalidité temporaire. La Cour a examiné la question de savoir si cette distinction constituait une contravention au paragraphe 15(1) de la Charte. C'est le juge Binnie qui a prononcé le jugement de la Cour et qui a déclaré ce qui suit aux pages 722 à 724 :

Dans le présent pourvoi, la Cour a la possibilité d'examiner pour la première fois depuis l'arrêt Law, précité, le motif de la déficience énoncé au par. 15(1). Dans cet arrêt, le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de notre Cour à l'unanimité au par. 39, a fait ce qu'il a appelé « une synthèse » des « différentes démarches » liées au critère du par. 15(1). Je compte, au départ, souligner certains thèmes pertinents qui se dégagent de la jurisprudence dans laquelle notre Cour a examiné la question de la déficience sous l'angle de la Charte, [page723] dans la mesure où ces thèmes peuvent être utiles pour trancher le présent pourvoi, pour ensuite aborder, à la lumière de cette jurisprudence, l'application des lignes directrices résumées à partir du par. 88 de l'arrêt Law.

L'intimé prend quelque peu à la légère l'affection physique de l'appelant, ce qui donne à penser qu'il ne croit pas que de graves maux de dos peuvent justifier une attaque constitutionnelle. Il fait valoir que la protection offerte par le par. 15(1)

[traduction] vise des déficiences graves. [...] [L]es commissions et tribunaux des droits de la personne au Canada ont décidé que les absences du travail dues à des blessures ou maladies temporaires ne sont normalement pas considérées comme des déficiences [...]

Ce point de vue met trop l'accent sur l'affection elle-même et pas assez sur la réaction du gouvernement à celle-ci. Je compte donc analyser ce qui, à ce stade, paraît être des circonstances qui indiquent l'existence du motif énuméré de la déficience, tout en soulignant qu'il est évident que cette analyse sera perfectionnée dans d'autres affaires au fur et à mesure qu'elles se présenteront.

La Charte n'est pas une baguette magique qui permet de supprimer toute affection physique ou mentale, et on ne s'attend pas non plus à ce qu'elle donne l'illusion de le faire. Elle ne permet pas non plus d'atténuer ou de supprimer les limitations fonctionnelles qui découlent véritablement de l'affection. Toutefois, l'art. 15 de la Charte peut jouer un rôle très important en permettant d'aborder la manière dont l'État réagit aux gens ayant une déficience. Le paragraphe 15(1) garantit que les gouvernements ne puissent pas, intentionnellement ou en omettant de prendre les mesures d'accommodement appropriées, stigmatiser l'affection physique ou mentale sous-jacente ou attribuer à une personne des limitations fonctionnelles que cette affection physique ou mentale sous-jacente n'entraîne pas, ou encore omettre de reconnaître les difficultés supplémentaires que les personnes ayant une déficience peuvent éprouver à s'épanouir dans une société implacablement conçue pour répondre aux besoins des personnes physiquement aptes.

Il est donc utile de maintenir une distinction entre, d'une part, la composante de la déficience qui, peut-on dire, se retrouve chez la personne elle-même, à savoir les facettes de l'affection physique ou mentale et de la limitation fonctionnelle, et d'autre part, l'autre composante qui est celle du handicap ou désavantage qui résulte d'une construction sociale et qui ne se retrouve nullement chez la personne elle-même, mais résulte plutôt de la société dans laquelle cette personne doit effectuer ses tâches quotidiennes. [...]

[80]     Plus loin dans son jugement, alors qu'il traite de la question relative à la méthode comparative, le juge Binnie a fait les observations suivantes aux pages 729 et 730 :

L'identification du groupe auquel l'appelant peut se comparer pour alléguer qu'il y a eu « inégalité de traitement » est cruciale. Dès l'arrêt Andrews, précité, qui est le premier qu'elle a rendu en matière d'égalité, la Cour a statué que les allégations de distinction et de discrimination ne pouvaient être évaluées que « par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio-politique où la question est soulevée » (p. 164). Voir également l'arrêt Law, précité, au par. 24 :

Cette comparaison permet de déterminer si la personne qui invoque le par. 15(1) subit une différence de traitement, ce qui constitue la première étape de la détermination de la présence d'inégalité discriminatoire aux fins de ce paragraphe.

L'appelant prétend que sa situation devrait être comparée à celle d'un travailleur ordinaire qui était physiquement apte pendant la période cotisable, du fait qu'il était tenu de verser les mêmes cotisations sans qu'il ne soit suffisamment tenu compte des périodes de déficience temporaire. Toutefois, bien que l'auteur d'une plainte fondée sur l'art. 15 jouisse d'une latitude considérable pour identifier le groupe de comparaison approprié, « il se peut que la qualification de la comparaison par le demandeur ne soit pas suffisante. La différence de traitement peut ne pas s'effectuer entre les groupes cernés par le demandeur, mais plutôt entre d'autres groupes » (Law, précité, au par. 58).

Une telle identification requiert un lien adéquat entre le groupe de comparaison choisi et l'avantage qui constitue l'objet de la plainte. Comme il a été souligné dans l'arrêt Law, précité, au par. 57 :

Il faut examiner à la fois l'objet et l'effet des dispositions pour faire ressortir le groupe ou les groupes de comparaison appropriés.

[81]     Avant de conclure qu'il n'y avait pas eu de violation de l'article 15 de la Charte, le juge Binnie a mis directement l'accent sur la question relative aux déficiences. Ainsi, à la page 747, il a fait les commentaires suivants :

L'interprétation « fondée sur l'objet visé » de l'art. 15 met carrément l'accent sur la troisième facette de la déficience, à savoir sur la réaction de l'État face à l'affection physique ou mentale d'une personne. Il y aurait atteinte aux droits à l'égalité si la réaction de l'État avait pour but ou pour effet causé par inadvertance de stigmatiser l'affection physique ou mentale sous-jacente, d'attribuer à l'appelant des limitations fonctionnelles que son affection physique ou mentale sous-jacente n'entraîne pas, de ne pas reconnaître les difficultés supplémentaires que les personnes ayant une déficience temporaire peuvent éprouver à s'épanouir, ou, par ailleurs, de traiter l'affection ou ses conséquences d'une manière discriminatoire qui met en cause l'objet de l'art. 15. Toutefois, je suis d'avis que le législateur, en concevant le RPC, et le ministre, en appliquant le RPC à l'appelant, n'ont rien fait de tout cela.

Bien que je compatisse avec l'appelant en ce qui concerne sa blessure au dos et l'historique d'emploi problématique auquel cette blessure a pu contribuer, je ne crois pas qu'une personne raisonnablement objective, qui se trouverait dans la même situation et qui tiendrait compte du contexte du RPC et de sa méthode de financement au moyen de cotisations, considérerait que le fait de prendre davantage en considération le cas de personnes ayant des déficiences plus graves, au chapitre des cotisations au RPC, a pour effet de « marginaliser » l'appelant ou de le « stigmatiser » , ou encore, de miner son estime de soi ou sa dignité en tant qu'être humain.

[82]     Mme Ena Chadha, collègue de l'avocat de l'appelant dans le présent appel, a pris part à l'audition de l'affaire Wignall, précitée, devant la Commission canadienne des droits de la personne, en comparaissant au nom du Conseil des Canadiens avec déficiences, une partie concernée dans les procédures. L'avocate de l'intimée dans le présent appel, Me Tracey Harwood-Jones, a représenté le ministère du Revenu national. Le plaignant, M. Wignall, a comparu pour lui-même. Cette décision figure à l'onglet 6 du volume 1 du cahier de la jurisprudence et de la doctrine de l'intimée. Les faits liés à la plainte dont à été saisi le président Guy A. Chicoine sont remarquablement semblables à la situation de l'appelant en l'espèce. Naturellement, l'avocate peut avoir éprouvé la curieuse sensation si bien définie par le grand philosophe Yogi Berra comme une impression de « déjà vu encore à nouveau » . Le fondement de la plainte découlait de l'obtention d'une SCE pour étudiant handicapé de 3 000 $ par M. Wignall, un étudiant de 22 ans atteint de surdité qui s'était inscrit au programme de formation en travail social de l'Université du Manitoba à la session d'automne en 1995. L'Université du Manitoba avait fourni gratuitement à M. Wignall des services d'interprète du langage gestuel pour les cours donnés en classe pendant la session régulière, mais lui avait demandé de rechercher d'autres sources de financement pour bénéficier de ces services. Conséquemment, le plaignant a obtenu du gouvernement du Canada une SCE qui a été remise à l'Université du Manitoba pour défrayer une partie des services d'interprétation. En 1996, M. Wignall a reçu un feuillet T4A supplémentaire indiquant que le montant provenant de la SCE serait considéré comme un revenu durant son année d'imposition 1995. M. Wignall considérait que la qualification de la SCE comme bourse - imposable - était injuste et discriminatoire, et contrevenait à l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui stipule que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite - notamment une déficience physique - le fait, pour un fournisseur de services destinés au public en général, de défavoriser un individu. En déposant sa plainte devant la Commission, M. Wignall a soutenu que la subvention qui lui avait été accordée lui avait seulement permis de composer avec son invalidité et ne lui avait fourni aucun avantage réel, et que l'imposition de cette rentrée de fonds au même titre qu'une bourse ordinaire, était injuste. Dans l'affaire Wignall, Revenu Canada était d'avis que la perception d'une somme provenant d'une bourse entrait nettement dans le cadre de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Contrairement à la situation de l'appelant en l'espèce, l'inclusion de cette SCE particulière dans le revenu de M. Wignall n'a eu aucune répercussion sur sa déclaration de revenus pour 1995 puisqu'il a été admissible à un remboursement de tous les impôts payés à la source. L'inclusion de cette somme dans le revenu de M. Wignall a eu pour seul effet de réduire son crédit d'impôt provincial de 25 $. Le témoin qu'avait assigné l'avocat de Revenu Canada a déclaré que la politique du gouvernement fédéral ne visait pas à supprimer une source de financement particulière relevant de la catégorie des bourses d'études, des bourses, etc., énumérées à l'alinéa 56(1)n) de la Loi, mais que le gouvernement avait plutôt choisi de tenir compte de toutes les sources de revenu pour l'imposition et de fournir une aide fiscale dans des domaines précis par l'entremise du système de crédit d'impôt. Comme en l'instance, la SCE allouée à M. Wignall était liée au programme de prêts d'études et n'était accordée que si le demandeur avait prouvé ses besoins financiers. Selon le plaignant, soutenu par l'avocat de la Commission, la SCE avait été accordée à M. Wignall pour servir à défrayer les dépenses exceptionnelles liées à des services d'interprétation du langage gestuel et, par conséquent, ces fonds prenaient forme de services d'adaptation spécialement destinés à abaisser les obstacles suscités par la surdité. Au cours de son analyse, le président Chicoine, au paragraphe 44 de ses motifs, a choisi le groupe de comparaison proposé par le plaignant qui était « constitué de tous les autres étudiants qui reçoivent des subventions, des bourses, etc. » Au paragraphe 45 de ses motifs, le président Chicoine a déclaré ce qui suit :   

Il faut d'abord se demander si l'imposition de la subvention pour initiatives spéciales, au même titre que toute autre subvention ou bourse, « établit une distinction formelle entre le demandeur et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles » . À mon avis, ce n'est pas le cas. Selon M. Rector, le témoin cité par Revenu Canada, la subvention pour initiatives spéciales est imposée parce que l'un des principes fondamentaux du régime fiscal est de tenir compte de toutes les sources de revenu pour déterminer la capacité de payer d'un particulier. Revenu Canada n'a accordé aucun statut spécial à la subvention pour initiatives spéciales, mais il la traite de la même façon que toute autre subvention ou bourse d'études. Il convient de noter qu'une foule de facteurs entre en jeu dans l'octroi des bourses d'études ou d'entretien : les besoins financiers, le niveau d'instruction, l'appartenance à un groupe particulier, le désir d'inciter des individus à suivre un cours particulier, voire le sexe, la race, l'origine nationale ou ethnique, la religion, l'état matrimonial et l'âge. Selon la politique de Revenu Canada, toutes ces subventions et bourses d'études ou d'entretien doivent être déclarées comme revenus, qu'elles soient ou non accordées en fonction d'une caractéristique personnelle du bénéficiaire.

[83]     Le président Chicoine a jugé que l'ajout de la SCE dans le revenu de M. Wignall n'avait pas assujetti ce dernier à une différence de traitement.

[84]     Si l'on revient aux faits pertinents au présent appel, la SCE n'a été allouée à l'appelant qu'après que ce dernier ait prouvé ses besoins financiers, c'est-à-dire la clef de voûte de cette structure particulière conçue conformément au programme d'ensemble qui vise à financer des étudiants au moyen de prêts et de subventions. Tous les étudiants qui reçoivent une aide financière sous une forme qui correspond aux définitions générales des termes employés dans l'alinéa 56(1)n) de la Loi sont tenus d'inclure dans leur revenu la fraction imposable de cette aide. Cette obligation s'applique peu importe que la subvention vise précisément à permettre à un étudiant d'obtenir des fonds afin de défrayer son transport pour se rendre à l'établissement d'enseignement et en revenir, ou bien qu'elle vise à défrayer les frais de scolarité et autres frais connexes, à acheter des livres et des fournitures, à indemniser des tuteurs, ou à acquérir de l'équipement ou des services spécialisés. Sur le plan des dépenses particulières, il y aura bien sûr des différences selon la nature et le but de l'aide financière, et selon les besoins du bénéficiaire, selon les modalités d'attribution d'une bourse, d'une bourse de perfectionnement ou d'une bourse d'études en particulier. La spécificité de l'objet visé par la bourse ne constitue pas une différence de traitement, non plus que l'attestation des sommes dépensées. Les autres groupes admissibles à des SCE étaient les femmes qui poursuivent des études de doctorat et les étudiants ayant des enfants à charge. Il n'existe aucun élément de preuve convaincant concernant la nature des obligations imposées aux bénéficiaires, mais on peut présumer sans risque que les conditions auxquelles les subventions leur étaient accordées étaient plus générales que celles applicables à M. Simser. Ce dernier a déposé une demande d'aide financière en vue d'obtenir certains services, notamment de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel, et une bourse lui a été accordée, bien que moindre que ce à quoi il s'attendait, afin qu'il puisse obtenir ces services nécessaires pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau. Cependant, ces trois catégories d'aide financière assujettissaient leurs éventuels bénéficiaires aux obligations de prouver leurs besoins financiers, de documenter leur admissibilité pour ce motif, et de se conformer à plusieurs autres conditions. Le bénéficiaire d'une SCE versée à un étudiant ayant des personnes à charge n'avait probablement pas à justifier l'achat d'articles précis, tels que des aliments pour bébé, des couches et autres articles ordinaires nécessaires aux enfants, mais on peut raisonnablement présumer que certaines conditions, applicables tant avant qu'après l'octroi de la subvention, liaient en général l'étudiant. De toute évidence, l'objet consistant à aider les étudiants à poursuivre leurs études en leur allouant des fonds pour alléger les contraintes imposées par les besoins financiers, ne vise pas à financer l'achat d'articles considérés comme récréatifs, ou à permettre à un étudiant de participer à des activités à l'égard desquelles il est impossible de prouver une relation raisonnable avec la poursuite d'études particulières. Au cours de son témoignage (pièce A-7) dans l'affaire Wignall, précitée, M. Frank Smith a déclaré que pour obtenir une SCE relative à une invalidité permanente, l'étudiant doit documenter correctement son invalidité et faire attester par écrit, par un membre qualifié du personnel de cet établissement d'enseignement postsecondaire, la nécessité des services spécifiques énumérés dans la demande de subvention. En outre, le demandeur doit fournir deux devis estimatifs des services nécessaires. M. Smith a attesté que les autres étudiants admissibles à des SCE, y compris les étudiants à temps partiel dans le besoin, les femmes qui poursuivent des études de doctorat et la toute dernière catégorie : les étudiants ayant des personnes à charge, n'avaient pas à fournir un devis estimatif ni de justificatifs de leurs dépenses. M. Smith a déclaré qu'en 1997 et 1998, 2 500 SCE pour étudiants handicapés ont été approuvées.

[85]     Dans l'affaire Kasvand c. Canada, [1994] A.C.F. no 510, la Cour d'appel fédéraleétait saisie d'une contestation de la constitutionnalité de la disposition de l'alinéa 146(1)c) de la Loi qui définit l'expression « revenu gagné » pour le calcul du montant déductible des primes versées à un REER. Au paragraphe 3 de son jugement, le juge d'appel Mahoney a déclaré ceci :

Selon la requérante, l'alinéa 146(1)c) écarte toute déduction relativement à des sources de revenu sur lesquelles de nombreuses personnes âgées ou atteintes d'une déficience doivent compter de façon disproportionnée, alors qu'il permet une déduction relativement à des sources de revenu habituellement plus accessibles aux personnes jeunes, en pleine possession de leurs moyens. Il se peut que ce soit le cas, mais il demeure que la distinction établie entre les contribuables repose sur leurs sources de revenu. Elle n'est pas fondée sur un motif de discrimination interdit par le paragraphe 15(1). Les personnes âgées et atteintes d'une déficience qui déclarent un « revenu gagné » ont droit à une déduction, comme tous les autres contribuables, et les restrictions édictées s'appliquent également aux personnes jeunes et en pleine possession de leurs moyens.

[86]     Dans le présent appel, l'impossibilité de la SCE reçue par l'appelant découle de la nature de cette source de financement, sans aucun égard aux caractéristiques personnelles. La disposition précise de la Loi, soit l'alinéa 56(1)n), n'établit aucune distinction formelle entre M. Simser et les autres étudiants, peu importe qu'ils aient été handicapés, qu'ils aient bénéficié d'une autre catégorie de SCE ou qu'il aient été des étudiants non-handicapés qui ont obtenu une aide financière sous forme de bourse, de bourse d'études ou de bourse de perfectionnement. Cette disposition législative vise à imposer les sommes d'argent distribuées par divers moyens aux personnes qui, selon la définition ordinaire de cette expression, poursuivent des études. L'alinéa établit une distinction entre les catégories susmentionnées en n'imposant un prix en argent que si ce prix récompense une oeuvre remarquable réalisée dans un domaine d'activité habituel du contribuable.

[87]     La deuxième partie de la question en litige consiste à décider si la disposition contestée omet de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle l'appelant se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d'autres personnes en raison de son invalidité.

[88]     Si l'on revient à l'affaire Wignall, précitée, en ce qui concerne le traitement de cette question par le plaignant, le président Chicoine a déclaré ce qui suit :

[46]       La question de rechange consiste à se demander si l'imposition de la subvention pour initiatives spéciales « omet de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d'autres personnes en raison d'une ou de plusieurs caractéristiques personnelles. » [Je souligne.] Dans son plaidoyer, l'avocat de la Commission a indiqué que, du fait qu'elle n'est accordée qu'à des personnes ayant une déficience, la subvention pour initiatives spéciales ne devrait pas être assimilée à toutes les autres bourses d'études ou d'entretien, bourses de perfectionnement, prix et subventions de recherche dont « tous les autres étudiants » pourraient bénéficier. Compte tenu de la preuve présentée à l'audience, je ne puis conclure que l'inclusion de la subvention pour initiatives spéciales dans le revenu du bénéficiaire aux fins de l'impôt résulte en une « différence de traitement réelle » fondée sur les caractéristiques personnelles du plaignant. M. Wignall a reçu la subvention non seulement en raison de sa déficience, mais également parce qu'il a satisfait au critère de l'examen des moyens d'existence qui régit le Programme canadien de prêts aux étudiants et le Programme de prêts-étudiants du gouvernement du Manitoba, et parce qu'il a accepté d'utiliser les fonds pour acheter des services destinés à lui permettre de composer avec sa déficience dans la salle de classe.

[47]       Afin de répondre au volet de la question à savoir si la politique consistant à traiter la subvention pour initiatives spéciales de la même façon que toute autre subvention ou bourse d'études ou d'entretien omet de tenir compte de « la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne » , il faut examiner la question générale de la responsabilité de la société de venir en aide à l'ensemble des personnes ayant une déficience. Du seul fait qu'il a institué la subvention en question, le gouvernement du Canada a manifestement reconnu que les étudiants ayant une déficience avaient besoin d'une aide financière spéciale pour avoir accès à l'enseignement postsecondaire. Le montant de l'aide accordée dépendait, du moins jusqu'à un certain point, de la capacité de payer de l'étudiant. Ce dernier ne pouvait bénéficier de la subvention que s'il répondait aux critères du Programme canadien de prêts aux étudiants et du Programme de prêts-étudiants du gouvernement du Manitoba.

[89]     Le président Chicoine a examiné ensuite l'insignifiance des conséquences de la non-imposabilité des SCE sur le trésor fédéral, et fait remarquer que le Groupe de travail présidé par M. Scott avait formulé cette recommandation dans son rapport, cependant sans que le gouvernement y donne suite de manière à exonérer d'impôt cette catégorie d'aide financière.

[90]     Il ne fait aucun doute que l'appelant est dans une position difficile depuis sa naissance. Sa déficience auditive est profonde dans le sens le plus profond du mot. Il a attesté que son invalidité a nécessité une lutte constante à laquelle ses parents dévoués ont consacré beaucoup d'énergie, et qu'il a dû lui-même déployer de nombreux efforts pour atteindre un niveau adéquat de scolarité primaire, puis secondaire et postsecondaire, dans un milieu d'enseignement non séparé. Il a exposé brièvement certains coûts associés à son invalidité, et il a exprimé la frustration que l'on peut ressentir régulièrement d'être incapable de communiquer avec les autres dans divers contextes ordinaires que la plupart des gens tiennent pour acquis. Il a décrit à la Cour les inconvénients avec lesquels tout étudiant doit composer lorsqu'il ne lui est pas possible de participer activement en classe et, tout aussi important, de prendre part ensuite à des cercles d'étude avec d'autres étudiants. Au cours de son témoignage à titre d'expert, la Dre Musselman explique la nature des graves difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants handicapés pour s'inscrire à des cours d'enseignement postsecondaire et pour faire la transition de l'établissement d'enseignement au milieu de travail après avoir obtenu leur diplôme. Dans le cadre de son étude, elle a signalé qu'en 1992, seulement 2 p. 100 des Canadiens et Canadiennes atteints de surdité possédait un diplôme universitaire, comparativement à 15 p. 100 des hommes et 12,2 p. 100 des femmes n'ayant aucune invalidité. Les pourcentages d'étudiants handicapés autrement que par la surdité qui ont pu obtenir leur diplôme universitaire s'élèvent à 6,2 p. 100 chez les hommes et à 5,6 p. 100 chez les femmes. De l'avis de la Dre Musselman, cet écart considérable des taux de réussite au diplôme universitaire, y compris ceux qui s'appliquent aux autres étudiants handicapés par rapport aux étudiants atteints de surdité ou malentendants, est attribuable aux inconvénients extrêmes que présentent les barrières à la communication. Bien que les étudiants handicapés soient obligés de défrayer des coûts additionnels tant directs qu'indirects, ceux qui sont atteints de surdité doivent, pour leur part, dépenser des sommes considérables uniquement pour surmonter les obstacles à la communication; et même les meilleurs services d'interprétation du langage gestuel ne peuvent transmettre que 85 p. 100 des renseignements communiqués dans le cadre des cours oraux présentés en classe, de sorte que des services de soutien supplémentaire, telle la prise de notes, sont nécessaires.

[91]     La professeure Philipps a témoigné en qualité d'experte concernant les questions relatives à la politique fiscale et à l'égalité sociale; elle a fait observer que le crédit d'impôt pour frais médicaux - le CIFM - avait été conçu en vue de réduire l'impôt payable par les contribuables qui engagent des frais médicaux énumérés. Dans le cadre de cette disposition, les payeurs sont qualifiés de « patients » et, dans la plupart des cas, ne sont pas des handicapés. Elle a déclaré que de nombreuses dépenses, y compris celles liées à des services de sous-titrage en temps réel, n'étaient pas reconnues pour le CIFM et ne seraient donc pas admissibles pour compenser l'impôt payé à l'égard d'une bourse allouée à un étudiant handicapé. De plus, il est possible que le CIFM ne s'applique pas, comme lorsque les frais médicaux défrayés par un étudiant sont inférieurs au seuil admissible. Mme Philipps a expliqué qu'en 1997, les services d'interprétation du langage gestuel avaient été inclus dans les dépenses admissibles pour l'application du CIFM, mais qu'on ignorait si de telles dépenses engagées pour obtenir ces services en classe, plutôt que pour obtenir un traitement médical, seraient nécessairement admissibles si le ministre en faisait un examen approfondi. En ce qui concerne le crédit d'impôt pour personnes handicapées - le CIPH - la professeure Philipps a indiqué qu'à son avis, ce crédit ne permettait pas de compenser l'impôt payable à l'égard d'une bourse accordée à un étudiant handicapé, en raison de la nature des nombreuses restrictions énumérées dans la disposition pertinente de la Loi. Par ailleurs, elle a déclaré que le CIPH visait à compenser les dépenses ordinaires liées à une invalidité avec laquelle on doit composer quotidiennement; et elle a fait remarquer que la plupart de ces dépenses sont difficiles à détailler. Étant donné que de nombreux étudiants admissibles à une subvention fondée sur un handicap seraient incapables d'obtenir un crédit d'impôt pour personnes handicapées, en raison du calcul de ce crédit au taux d'imposition le plus bas tandis qu'une bourse est imposée dans le revenu au taux marginal approprié, Mme Philipps a conclu que le CIPH ne permettra jamais de compenser l'augmentation d'impôt découlant de l'inclusion du montant de la bourse dans le revenu parce que, même s'il y a correspondance strictement au sens comptable, ce crédit n'est pas, par ailleurs, disponible pour contrecarrer l'effet des coûts directs que le particulier doit défrayer s'il est handicapé. Dans le cadre de ses travaux dans le domaine de l'imposition et de l'égalité sociale, Mme Philipps a établi qu'un « obstacle » peut être défini comme tout ce qui, dans le milieu, rend impossible pour un particulier handicapé la participation à des activités sur le même pied d'égalité qu'une personne qui ne l'est pas. Pour compenser l'invalidité, avec l'objectif de surmonter l'obstacle, l' « aide financière pour obtenir des services d'adaptation » doit, selon Mme Philipps, s'étendre à toutes les mesures de redressement mises en oeuvre afin d'éliminer ou de réduire tant que possible les facteurs contextuels qui constituent l'obstacle. À son avis, il est injuste d'imposer les gens sur des sommes reçues uniquement sous forme d'aide financière pour obtenir des services d'adaptation, ce qui a simplement pour effet de remettre le particulier dans une position d'inégalité par rapport aux autres étudiants non handicapés qui reçoivent une aide financière.

[92]     Les mesures d'application du programme de prêts d'études aux étudiants handicapés accordaient des prêts à ceux qui étudient à temps partiel et dont la charge de cours correspond à 40 p. 100 d'une charge de cours à temps plein. Cette option n'est pas disponible pour les étudiants non handicapés. Les autres étudiants non-admissibles à une subvention liée à une invalidité, comme par exemple en raison d'une incapacité de prouver leurs besoins financiers, auraient été tenus d'acquérir les mêmes services d'adaptation que ceux qu'a obtenus l'appelant en l'instance. Ce dernier devait faire face à une barrière à la communication en raison de sa surdité profonde et il avait besoin d'une aide financière pour surmonter cet obstacle. Les autres étudiants, qu'ils aient ou non été handicapés et admissibles à une SCE ou à une myriade d'autres formes d'aide financière en fonction de nombreux critères, avaient également besoin d'une aide financière pour composer avec certaines circonstances qui avaient érigé une barrière par ailleurs tout aussi insurmontable apparemment à la poursuite de leurs études. Certains étudiants peuvent faire partie d'un groupe défavorisé de la société canadienne, comme c'est le cas, par exemple, pour un étudiant autochtone qui vit dans une région où le taux de chômage est extrêmement élevé et qui est touchée par un revenu annuel par habitant terriblement faible. Comme il a été mentionné précédemment dans un autre contexte, l'obligation d'ajouter au revenu les fonds accordés en fonction des besoins repose sur le principe de l'égalité de traitement de tous les étudiants au lieu de la tentative de créer des catégories spéciales au sein du regroupement plus large, même si l'effet en aval varie d'une personne à l'autre, au moment de l'imposition, selon de nombreux autres facteurs dont le montant des autres revenus imposables perçus pendant cette année d'imposition-là. Même en 1997, on reconnaissait que les bénéficiaires de sommes incluses aux termes de l'alinéa 56(1)n) de la Loi avaient droit à une exonération d'impôt de 500 $. À juste titre, cette exonération a été augmentée depuis lors à 3 000 $. Selon l'appelant, le ministre n'aurait pas dû s'arrêter à la forme du paiement qui lui a été versé à titre de BEPH octroyée dans le cadre du programme de SCE, lequel représentait un élément du cadre général d'aide financière aux étudiants constitué par le Programme canadien de prêts aux étudiants. L'appelant soutient qu'en examinant d'un peu plus près la nature véritable de cette bourse, le ministre aurait pu établir que les fonds avaient été dépensés réglementairement dans le seul but d'acquérir les services d'adaptation qui lui permettaient de suivre ses cours en classe sur le même pied d'égalité que les autres étudiants. L'appelant a soutenu que l'omission de la deuxième démarche fait défaut de tenir compte du caractère viager de sa situation défavorisée, en tant que personne atteinte de surdité, et que le refus de cerner la portée d'une bourse de manière à exclure l'aide financière pour l'obtention de services d'adaptation, comme les experts les définissent, donne lieu à une différence de traitement importante entre lui et les autres étudiants inscrits au cours de formation professionnelle du barreau, en raison uniquement de sa caractéristique personnelle, c'est-à-dire, la surdité.

[93]     Compte tenu de la totalité des éléments de preuve pertinents, il m'est impossible de conclure que le ministre était tenu d'interpréter l'alinéa 56(1)n) de la Loi de manière à établir entre l'appelant et les autres bénéficiaires d'une bourse, d'une bourse de perfectionnement, d'une bourse d'études ou d'une récompense imposable, une distinction permettant l'exonération fiscale du paiement versé à l'appelant. L'appelant a fait valoir que, même si la somme provenant de la SCE avait été incluse dans le revenu dès le départ en application dudit alinéa parce qu'il s'agissait d'une bourse selon le sens ordinaire de ce terme, ce que j'ai d'ailleurs conclu précédemment, alors le ministre aurait dû analyser l'ensemble des circonstances entourant la subvention et qualifier celle-ci de manière plus appropriée comme une prestation d'assistance sociale. De cette manière, la somme pertinente aurait pu être déduite du revenu et le résultat final net aux fins d'imposition aurait été de zéro. À mon avis, une telle exclusion ultérieure du revenu aurait été fondée sur une différence de traitement, parce qu'elle aurait eu pour effet de redéfinir le paiement en fonction du but réel et visé de la dépense, c'est-à-dire l'achat de services de sous-titrage en temps réel et d'interprétation du langage gestuel, au lieu d'imposer le paiement parce qu'il s'agissait d'une forme d'aide financière aux étudiants handicapés ou non qui est imposée en application de l'alinéa pertinent de la Loi. Les dispositions de la Loi relatives au CIPH et au CIFM, ainsi que certaines définitions particulières des études à temps plein chez les étudiants handicapés, pourraient être appliquées afin de réduire les effets de l'augmentation de l'impôt qui avait été provoquée par l'inclusion du montant d'une bourse dans le revenu.

[94]     À mon avis, l'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que l'alinéa 56(1)n) de la Loi avait omis de tenir compte de sa situation dans la catégorie des individus déjà défavorisés, d'une manière qui créait une différence de traitement important entre lui et d'autres bénéficiaires de bourse parce qu'il était sourd et avait besoin de certains services spécialisés pour poursuivre ses études.

[95]     Si l'appelant a fait l'objet d'une différence de traitement par rapport aux autres étudiants qui reçoivent des subventions, alors la question à trancher consiste à savoir si cette différence est fondée sur sa déficience physique, un motif énuméré au paragraphe 15(1) de la Charte. L'examen auquel on doit procéder implique nécessairement un large chevauchement de questions sur le plan de l'analyse et des discussions d'ordre général. Dans l'audition de l'affaire Wignall, précitée, le président Chicoine a déclaré ceci :

[49]       La deuxième question qu'il faut se poser est la suivante : le demandeur fait--il l'objet d'une différence de traitement fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? Comme j'ai déjà déterminé que M. Wignall n'a pas fait l'objet d'une différence de traitement du fait que la subvention pour initiatives spéciales a été incluse dans son revenu, il importe peu en fait que la subvention ait été affectée au financement des services d'interprétation dans la salle de classe. Son traitement à titre de revenu du bénéficiaire ne dépendait pas des caractéristiques personnelles du bénéficiaire. M. Wignall n'a pas été imposé en raison de sa déficience. Il a été imposé parce qu'il a reçu une subvention destinée à l'aider à assumer une partie des coûts particuliers associés à ses études. L'assujettissement ou non à l'impôt du montant de la subvention dépendait d'un certain nombre d'autres facteurs, dont le moindre n'était certes pas le revenu d'autres provenances de M. Wignall.

[96]     Dans le cadre du présent appel, M. Simser n'a pas été imposé en raison de sa surdité. Il n'a pas non plus été imposé parce que la subvention l'obligeait à dépenser les fonds en vue d'obtenir des services de sous-titrage et d'interprétation, ou bien parce qu'il a été tenu de fournir des justificatifs contrairement aux autres bénéficiaires d'une SCE qui n'étaient pas obligés de satisfaire à cette condition. Je le répète, l'appelant a été imposé en raison de la source de son revenu qui comprenait la fraction imposable de 1 500 $ sur sa bourse de 2 000 $. La différence de traitement dont il a fait l'objet a été due, en partie, à sa décision de ne pas demander la somme payée pour obtenir des services d'interprétation de l'ASL qui faisaient partie des services d'adaptation dont il avait besoin dans le calcul du CIFM, ainsi qu'à la répercussion considérable de l'ensemble de son revenu sur l'année d'imposition 1997. La vaste majorité des étudiants, qu'ils soient ou non bénéficiaires d'une bourse ou d'autres formes de financement, ne disposent en général, que d'un revenu faible, voire même inexistant. Si l'appelant avait fait partie de cette catégorie et s'il avait demandé le CIPH et le CIFM appropriés, l'ajout de sa bourse à son revenu n'aurait eu qu'un effet minimal, ou nul. La situation particulière de l'appelant plaçait celui-ci dans une tranche d'imposition plus élevée, de sorte que le montant du CIFM, s'il avait été demandé, aurait été inférieur au taux d'imposition marginal sur la somme de 1 500 $ qui avait été incluse dans son revenu. En 1997, l'exonération d'impôt de 500 $ était applicable à quiconque recevait des paiements visés par l'alinéa 56(1)n). Cette exonération avait pour effet de réduire - quoique théoriquement - le taux d'imposition général imposé sur la totalité des rentrées de fonds. Là encore, l'appelant avait besoin d'une aide financière pour surmonter un obstacle à ses études et il a obtenu une bourse afin de suivre le cours de formation professionnelle du barreau. Sans cette aide financière qui lui a été accordée à titre de SCE, il se serait heurté à un obstacle insurmontable qui l'aurait empêché de devenir un avocat entièrement qualifié, à moins d'avoir décidé d'utiliser ses propres ressources financières ou de rechercher une autre forme d'aide financière. Il a utilisé la bourse pour acquérir des services lui permettant de surmonter l'obstacle de sa surdité. Cependant, aucune preuve n'appuie la conclusion selon laquelle les étudiants sourds dépendent davantage de la source de financement représentée par les subventions que les autres étudiants handicapés. Selon les résultats d'une étude dont a fait mention M. Frank Smith au cours de son témoignage à l'audition de l'affaire Wignall, précitée, 44 p. 100 des étudiants handicapés participants ont déclaré que leur revenu total provenant de toutes les sources était insuffisant pour couvrir leurs dépenses. Cette étude a conclu qu'en moyenne, chaque étudiant handicapé avait besoin d'une somme supplémentaire de 3 000 $ et on a recommandé que cette aide financière soit allouée sous forme de subventions plutôt que sous forme de prêts. Ce rapport, produit en 1993, a été présenté au Programme de participation des personnes handicapées du Secrétariat d'État. L'élément de subvention du Programme canadien de prêts aux étudiants a été introduit en 1995, afin de fournir un soutien aux dépenses exceptionnelles des groupes considérés comme nécessitant une aide financière supplémentaire, y compris les étudiants ayant une invalidité permanente, les étudiants à temps partiel dans le besoin et les femmes qui poursuivent des études de doctorat, ainsi qu'une autre catégorie composée d'étudiants ayant des personnes à charge. La disposition fiscale pertinente qui fait l'objet du litige, soit l'alinéa 56(1)n) de la Loi, s'applique à tous les bénéficiaires de ces subventions et aucune discrimination n'est exercée en raison de l'invalidité particulière dont est atteint l'appelant, pas non plus que l'imposabilité des rentrées de fonds provenant d'une SCE ne dépend de l'appartenance au groupe des étudiants handicapés ou au groupe plus large des étudiants admissibles à une SCE. Elle s'applique plutôt à toute la collectivité d'étudiants qui reçoivent une certaine forme d'aide financière destinée à leur permettre de poursuivre des études supérieures.

[97]     Un autre volet de l'examen auquel la Cour doit procéder consiste à juger si l'alinéa contesté a un objet ou un effet discriminatoire contraire à la garantie d'égalité. Il s'agit de décider s'il existe une différence de traitement, laquelle consiste à imposer un fardeau au demandeur, ou à priver celui-ci d'un avantage, d'une manière stéréotypée lorsqu'on l'applique à groupe ou bien à des caractéristiques personnelles présumées. Cette analyse exige que l'on réponde à la question de savoir si la différence de traitement a pour effet de perpétuer ou de promouvoir l'opinion que l'appelant est moins capable ou est moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société canadienne qui ne mérite pas le même intérêt, le même respect et la même considération que les autres. À cet égard, je fais de nouveau référence à la décision du président Chicoine dans l'affaire Wignall, précitée, qui, pour trancher cette question, a déclaré ce qui suit :

[51]       Compte tenu des faits en l'espèce, c'est la question suivante qu'on doit se poser : « L'inclusion de la subvention pour initiatives spéciales dans le revenu du bénéficiaire aux fins du calcul du revenu imposable impose-t-elle un fardeau au demandeur ou le prive-t-elle d'un avantage d'une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perpétuer ou de promouvoir l'opinion que l'individu touché est moins capable ou est moins digne d'être reconnu ou valorisé en tant qu'être humain ou que membre de la société? » Pour répondre à cette question par l'affirmative, il faudrait conclure que Revenu Canada était contraint de traiter le bénéficiaire de cette subvention particulière différemment de tous les autres bénéficiaires de subventions ou de bourses d'études ou d'entretien du fait qu'elle était destinée à couvrir certains coûts liés à la déficience de l'intéressé. Ce tribunal n'est pas disposé à imposer à Revenu Canada l'obligation d'exonérer de l'impôt tout revenu qui pourrait servir à pallier la déficience d'un individu. En fait, Revenu Canada traite le bénéficiaire de cette subvention de la même manière qu'il traite tout autre bénéficiaire de subvention ou de bourse d'études ou d'entretien. Les personnes ayant une déficience ne sont pas exemptées de l'impôt des particuliers. En fait, l'art. 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne reconnaît le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des motifs illicites énumérés. [Je souligne.] À mon avis, l'imposition de la subvention pour initiatives spéciales n'impose pas de fardeau au demandeur ou ne le prive pas d'un avantage, conformément à l'analyse faite dans Law. En fait, l'inclusion de la subvention dans le revenu est compatible avec les droits et obligations de tous et chacun de payer une juste part d'impôt. Le fardeau imposé à M. Wignall en l'occurrence était minime. Ce n'était pas un affront à sa dignité d'être humain que de vérifier son admissibilité à la subvention en fonction du critère du revenu total de toutes autres provenances.

[98]     La preuve pertinente au présent appel indique clairement que l'appelant, en tant que personne atteinte de surdité, fait partie d'un groupe plus large de personnes handicapées au sein de notre société qui, historiquement, a été marginalisé et traité de façon inéquitable. Malgré la réussite exceptionnelle de l'appelant dans ses études qui lui ont permis d'obtenir des diplômes ainsi que des titres professionnels dans plusieurs disciplines, celui-ci a attesté qu'il est incapable d'atteindre le niveau de revenu ordinairement attribuable à une personne qui possède ses compétences et son expérience spécialisées. Selon M. Simser, cette différence de traitement est due principalement à son invalidité particulière, parce que la nécessité de comprendre et de communiquer efficacement est l'une des exigences les plus importantes pour les personnes qui veulent gagner leur vie en tant qu'administrateur d'entreprise, que comptable ou qu'avocat. L'appelant doit quotidiennement défrayer des dépenses exceptionnelles pour acheter divers dispositifs et pour entretenir constamment des appareils et de l'équipement. Il a dû défrayer une opération chirurgicale coûteuse pour qu'on lui installe un implant dans l'espoir d'améliorer de façon durable sa capacité auditive. L'appelant doit fonctionner au sein d'une société conçue selon le principe qu'il est capable d'entendre comme presque tous les autres. En ce qui concerne l'accès aux établissements d'enseignement postsecondaire, il est d'avis qu'il est en droit de bénéficier de services de formation et de services médicaux, et que tout service d'adaptation qui lui est fourni pour lui permettre d'atteindre cet objectif est indispensable et non facultatif. L'appelant a soutenu que, pour qu'il soit réellement traité en toute égalité, l'imposition d'une bourse destinée à défrayer les services d'adaptation spécialisée qui lui permettent de surmonter les obstacles que créé son invalidité, revient à ignorer le désavantage historique que subissent les sourds. L'appelant a fait valoir que l'imposition de ces formes d'aide financière à titre de revenu d'autres sources, au sens ordinaire, a pour effet de perpétuer le problème et de réduire davantage la possibilité pour les personnes atteintes de surdité de poursuivre des études supérieures. Comme il a été mentionné précédemment, la Loi tente, au moyen des mesures telles que le CIPH et le CIFM, de tenir compte des dépenses inhabituelles liées à une invalidité. Bien qu'elle soit imparfaite, la disposition relative au CIFM fait constamment l'objet de révisions de manière à essayer de suivre le développement de la technologie, des traitements et des appareils nouveaux. L'alinéa qui fait l'objet du litige ne tient pas compte de la véritable situation de l'appelant. Ce dernier est considéré comme un étudiant qui reçoit une forme d'aide financière à l'égard de laquelle il est tenu de payer de l'impôt sur tout montant excédant l'exonération de 500 $. Les dépenses liées au sous-titrage en temps réel n'étaient pas admissibles pour l'application du CIFM, mais il semble pourtant que le ministre aurait admis, du moins au départ, les dépenses liées aux services d'interprétation du langage gestuel si elles avaient été demandées dans cette catégorie. De son point de vue, l'appelant considère que la politique fiscale du gouvernement fédéral a pour effet d'augmenter les frais d'étude des étudiants handicapés comparativement à ceux des étudiants qui ne souffrent d'aucune déficience. L'appelant a fait valoir qu'en raison de l'absence de besoin, par les personnes physiquement aptes, de services d'adaptation, l'imposition d'une bourse destinée à fournir ces services aux étudiants handicapés a pour effet d'obliger ceux-ci à payer davantage pour leurs études. À mon avis, l'appelant omet ici de reconnaître qu'il existe d'autres éléments au sein du groupe de comparaison, lequel est composé de tous les étudiants qui reçoivent une aide financière visée à l'alinéa 56(1)n) de la Loi, qui sont tenus en pratique ou bien en application de conditions liées à la bourse, à la bourse d'études ou à la bourse de perfectionnement, de dépenser ces fonds d'une manière régulière et qui aura pour effet de réduire le fardeau que cette entrave particulière leur imposait lorsque la demande d'aide financière a été soumise au subventionneur. Comme il a été mentionné précédemment dans un autre contexte, la Loi accorde un plein crédit d'impôt pour études même à l'étudiant handicapé qui prend une charge de cours incomplète. Dans le cadre du programme de SCE, chaque catégorie de subventions était assujettie à des conditions particulières conçues de manière à répondre aux besoins du groupe cible, qu'elles soient applicables aux femmes qui poursuivent des études au doctorat - en vue de corriger un déséquilibre dans certains disciplines - ou bien à des étudiants ayant des personnes à charge qui ont besoin d'une aide financière pour prendre soin correctement de leurs enfants tout en poursuivant des études supérieures.

[99]     L'objet de l'alinéa 56(1)n) de la Loi est de produire des revenus. À cette étape-ci de l'analyse, il ne fait guère de doute que divers régimes d'imposition des gouvernements sont étroitement liés à l'évolution des politiques sociales. Un élément essentiel de cette démarche est la recherche de mécanismes appropriés qui permettront d'assurer un traitement juste et équitable au sein des catégories générales d'individus touchés par la législation fiscale. Par exemple, la Loi a établi des distinctions en fonction de l'âge, de la situation de famille, de la source de revenu, du nombre de personnes à charge, de la nature ou du lieu de l'emploi, du domicile, du type de placement, de la définition et du montant du revenu gagné, de l'admissibilité à des crédits d'impôt et d'autres différences considérées comme une conséquence inévitable de l'adoption de lois dans le but de produire le revenu indispensable au Trésor public. Dans un pays aussi étendu géographiquement et aussi varié humainement que le Canada, il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'une loi fiscale tienne compte de toutes les distinctions possibles qui pourraient avoir pour effet d'avantager ou de désavantager certains contribuables. Comme il a été ordonné dans l'affaire Law, précitée, on doit tenir compte de ces facteurs contextuels pour juger si la disposition législative contestée a porté atteinte à la dignité de l'appelant. Comme l'a déclaré le juge Iacobucci, cette étude doit être à la fois subjective et objective, selon le point de vue de la personne raisonnable qui, dans des circonstances semblables, tient compte de ces facteurs.

[100] La preuve a révélé que les conseils scolaires locaux ont fourni gratuitement les services d'adaptation nécessaires à l'appelant pendant ses études primaires et secondaires. Plus tard, alors qu'il poursuivait des études de premier cycle et de maîtrise à l'Université d'Ottawa et à l'Université York, respectivement, divers services d'adaptation à son invalidité ont été fournis à l'appelant, notamment des services de prise de notes, d'interprétation de l'ASL et, par la suite, de sous-titrage en temps réel. M. Simser n'a pas défrayé ces services et aucun montant n'a été inclus dans son revenu imposable après qu'il a reçu cet avantage. Après avoir obtenu son diplôme, M. Simser a été engagé par le ministère de l'Environnement de l'Ontario et il a obtenu, tout en travaillant, son titre de comptable en management accrédité (CMA). L'employeur de M. Simser a défrayé les services d'interprétation de l'ASL afin de lui permettre de participer à l'atelier offert dans le cadre de ce programme. Aucune conséquence fiscale n'a découlé pour l'appelant de cette aide financière. En 1994, lorsque l'appelant est entré à la Osgoode Hall Law School, l'Université York a défrayé divers services d'adaptation nécessaires à l'appelant, notamment des services de prise de notes, d'interprétation de l'ASL et de sous-titrage en temps réel, de manière à lui permettre de suivre ses cours en classe, d'assister à des cours magistraux et de participer à des discussions de groupe. Après avoir terminé ses études de droit, l'appelant a dû subir le cours de formation professionnelle du barreau pour être admis au Barreau de l'Ontario. La participation en classe était obligatoire et l'appelant a demandé au Barreau du Haut-Canada (la Société du Barreau) de lui fournir des services d'adaptation dans le cadre de la première session du cours, qui a duré un mois. Suite au refus du Barreau, l'appelant a demandé de l'aide financière sous la forme d'une SCE destinée aux étudiants handicapés. Il a reçu le somme de 2 000 $ pour acquérir des services d'interprétation de l'ASL et de sous-titrage en temps réel. Pendant qu'il suivait la première session du cours de formation professionnelle du barreau, l'appelant occupait un emploi au ministère de la Justice, qui a payé le reliquat des dépenses d'adaptation - au coût de 2 300 $ -directement à ses fournisseurs de services. L'appelant a terminé la deuxième session du cours de formation professionnelle du barreau en faisant un stage au ministère de la Justice et les coûts liés aux services d'adaptation nécessaires pour la troisième session, portant sur le droit matériel et les interrogatoires, ont été défrayés par la Société du Barreau. L'appelant considérait le feuillet T4A que lui a délivré le ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario et qui qualifie le montant de la bourse comme un d' « autre revenu » comme inapproprié, compte tenu de la raison pour laquelle les fonds ont été dépensés. À son avis, comme il l'a exprimé par la suite dans des lettres qu'il a fait parvenir aux employés de ce ministère ainsi qu'aux agents de Revenu Canada et du ministère des Finances, l'inclusion du montant de la bourse dans son revenu était contre-productive et dissuadait tous les étudiants handicapés qui souhaitaient déposer une demande de SCE. À son avis, s'il avait été un étudiant dépourvu de déficience auditive, il n'aurait pas eu besoin d'une bourse pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau, parce qu'il n'y aurait pas eu de charge exceptionnelle à même ses ressources financières personnelles. Cependant, en raison de sa surdité et de la nécessité d'obtenir des services spécialisés pour lui permettre de suivre ses cours en classe, M. Simser a été dans l'obligation de demander une aide financière sous la forme de la SCE offerte aux étudiants atteints d'une invalidité permanente. De son point de vue, le résultat final a été une augmentation de l'impôt payable découlant d'une rentrée de fonds qui a seulement eu pour effet de la placer dans la même situation qu'un étudiant n'ayant aucune déficience auditive. Compte tenu, tant de la capacité considérable de l'appelant que de sa situation particulière, il me semble que M. Simser et son avocat ont utilisé leur énorme puissance de feu sur la mauvaise cible. Pendant toute la période visée, tant qu'il a poursuivi ses études l'appelant a bénéficié de services d'adaptation que lui ont fournis sans frais les établissements d'enseignement qu'il fréquentait ou, lorsque les études qu'il poursuivait était de façon importante liées à un emploi, ces services lui étaient fournis par son employeur. Dans la décision Eldridge, précitée, la Cour suprême du Canada a reconnu que les hôpitaux, même s'ils ne faisaient pas partie du « gouvernement » , mettaient en oeuvre l'un des objectifs du gouvernement qui consiste à fournir des services médicaux nécessaires sous le régime des dispositions législatives pertinentes. Il a été décidé que l'omission de fournir des services d'interprétation du langage gestuel était discriminatoire parce que ces services étaient étroitement liés au système de prestation de services médicaux. Pour d'autres motifs et dans un autre contexte, il semble pourtant que les établissements d'enseignement qu'a fréquentés l'appelant pendant toutes ses études universitaires avaient déjà adopté l'approche qu'a par la suite emprunté la Cour suprême en ce qui concerne la prestation de services de formation dans le cadre d'un système bénéficiant d'une aide de l'État sous une forme ou une autre. Le refus de la Société du Barreau de défrayer les services d'adaptation nécessaires à l'appelant de manière à permettre à ce dernier d'acquérir de tels services est ce qu'il l'a incité à demander une aide financière sous forme de SCE fondée sur son invalidité et, il ne faut pas l'oublier non plus, sur ses besoins financiers concordants. Lorsque la SCE a été perçue, le ministre a décidé qu'elle avait été reçue à titre de bourse et, conséquemment, elle a été imposée conformément aux dispositions de l'alinéa 56(1)n) de la Loi. Ce n'était pas l'inclusion de ce montant dans son revenu qui aurait pu avoir eu l'effet d'empêcher l'appelant de suivre le cours de formation professionnelle du barreau. C'est plutôt le refus du Barreau de le placer dans la même position que les autres étudiants qui suivaient ce cours obligatoire visant à les préparer à devenir membres du Barreau de l'Ontario. L'imposition de la fraction de la bourse non exonérée d'impôt ne constituait pas, à mon avis, une discrimination exercée à son égard en raison de son invalidité. L'applicabilité à la rentrée de fonds de l'alinéa contesté se fondait sur la source de revenus tout en tenant compte de l'objet général de l'aide financière accordé, qui consistait à fournir un soutien à un étudiant qui poursuivait des études supérieures spécialisées. Comme M. Simser l'a déclaré au cours de son témoignage, il n'avait pourtant pas l'impression qu'il aurait dû être forcé de solliciter des services qui étaient destinés uniquement à éliminer un obstacle l'empêchant de suivre ses cours dans une classe de façon régulière. À mon avis, tout affront subi à cet égard découlait du rejet par le Barreau de sa demande d'aide financière pour surmonter son invalidité. En tant que particulier diplômé d'une école de droit qui effectuait un stage dans le cadre du cours de formation professionnelle du barreau, il avait toutes raisons de croire que les services spécialisés qui lui étaient nécessaires lui seraient fournis sans frais, comme ce fut le cas pendant toutes ses études. Cependant, cette attente et la perception d'inégalité de traitement par rapport aux étudiants stagiaires non handicapés, n'ont aucun lien avec l'imposition subséquente des fonds reçus dans le but précis de suivre ce programme d'études spécialisées jugé nécessaire par une profession autonome. Pendant l'année d'imposition 1997, l'appelant occupait un emploi et il a généré un revenu imposable de 31 825 $. Je ne vois pas comment sa dignité aurait pu être atteinte, ni pourquoi il se percevrait comme une personne moins valable ou moins capable au regard de la société canadienne parce qu'il devait payer de l'impôt sur la fraction non exonérée de cette bourse, au même titre que tous les autres bénéficiaires d'une bourse. L'alinéa contesté de la Loi ne stigmatise pas les étudiants handicapés davantage qu'il ne justifie de quelconque façon qu'on les considère différemment des étudiants qui n'ont aucune déficience. En fait, c'est tout à fait le contraire puisqu'il n'établit aucune distinction et qu'il tient seulement compte de la nature du versement reçu. Je ne vois pas en quoi le gouvernement a refusé un avantage en raison d'idées préconçues stéréotypées concernant les personnes handicapées qui poursuivent des études supérieures et qui reçoivent une aide financière pour une ou plusieurs fins.

[101] Les présents motifs sont longs. J'ai tenté d'aborder diverses questions et, ce faisant, j'ai fait état des témoignages, documents, articles, références, transcriptions d'audiences et cahiers de jurisprudence sur lesquels je me suis fondé pour parvenir aux conclusions formulées ici. L'analyse de la présente affaire m'a souvent obligé de tenir compte de plusieurs variantes, et il y a quelquefois des chevauchements parce que certains faits et circonstances ont été utilisés dans des contextes différents. Tenter d'en arriver aux questions centrales dans ce domaine extrêmement précis de la jurisprudence portant sur la Charte ressemble à l'épluchage des oignons; la subtilité et l'attention qu'il convient d'apporter aux détails afin d'examiner attentivement les nuances et les tons de signification inhérents à ce processus complexe peuvent quelquefois nous faire venir les larmes aux yeux.

[102] Pour les motifs qui précédent, je conclus qu'il n'y eu aucune contravention au paragraphe 15(1) de la Charte en raison de l'inclusion, par le ministre, de la fraction non exonérée d'impôt de la bourse dans le revenu de l'appelant pour son année d'imposition 1997. Il n'y a donc pas lieu d'examiner l'article premier de la Charte.

[103] Il ne me reste donc plus qu'à trancher une dernière question. Bien que l'appelant ne l'ait pas soulevée dans son Avis d'opposition, qu'elle ne fasse pas l'objet du litige sur lequel portent les actes de procédures et qu'elle n'ait été mentionnée qu'au cours des interrogatoires préalables et pendant l'audience, aux fins de comparaison ou, par ailleurs, dans un sens général, l'avocat de l'appelant, dans ses observations écrites, a demandé à ce que la Cour défère la cotisation au ministre pour nouvelle cotisation, au motif que tous les justificatifs des services d'interprétation du langage gestuel soumis au ministère de l'Éducation de l'Ontario, conformément aux conditions de la bourse de l'appelant, puissent servir au calcul du montant pertinent du CIFM. Cette mesure de redressement n'a pas été demandée spécifiquement dans l'Avis d'appel, mais sous l'intitulé « Redressement demandé » au point e) dudit avis, figure une demande pour [traduction] « [T]oute autre mesure de redressement additionnelle pouvant être demandée par l'avocat et accordée par la Cour » .

[104] La preuve a révélé que l'appelant a consciemment choisi de ne pas utiliser la somme versée pour l'obtention de services d'interprétation du langage gestuel pour demander son CIFM. Dans une lettre (pièce A-1, onglet 10) datée du 3 novembre 1997 qu'il a fait parvenir à M. Louis Lévesque, M. Simser a déclaré au paragraphe 4 ce qui suit :

[traduction]

[...] J'exerce présentement un emploi qui me procure suffisamment de revenus pour me rendre inadmissible à un CIFM. Comme vous le savez très bien, 3 p. 100 du revenu net doit être déduit du crédit d'impôt pour frais médicaux. Par ailleurs, les services dont je bénéficie me sont fournis en salle de classe dans le cadre d'un programme d'études auquel je me suis inscrit de mon propre chef, ce qui n'a rien à voir avec mes activités courantes de la vie quotidiennes. Par conséquent, je ne crois pas être en droit de déclarer ces services à titre de frais médicaux (à cet égard, j'ignore encore si vous avez répondu à cette question que vous avez vous-mêmes soulevée à titre préliminaire). Enfin, je fais valoir mon point de vue en vertu de l'article 15 de la Charte. Je souhaite que la totalité de la bourse soit exonérée d'impôt et je ne veux pas demander ces dépenses sous un autre chef.

[105] Dans une lettre datée du 7 avril 1998 (pièce A-1, onglet 14) envoyée au répartiteur de l'impôt à Revenu Canada, M. Simser a déclaré ceci, au paragraphe 5 :

[traduction]

[...] J'interjetterai appel à l'encontre de la décision de la Cour de l'impôt, et ce, même si vous appliquez la disposition relative aux frais médicaux [...]

[106] L'une des décisions récentes concernant les moyens de redressement qui n'ont pas été plaidés est Dupont Canada Inc. c. La Reine, 2002 CAF 307, 2002 (2002 DTC 7226, [2002] 4 C.T.C. 59). Dans cette affaire, l'appelant a demandé à la Cour d'appel fédérale de lui attribuer des « dépens » , dans le cadre de ses actes de procédures. La Cour avait accueilli l'appel de l'appelant et annulé la décision de la Cour canadienne de l'impôt. Le jugement a accordé à l'appelant les dépens devant la Cour d'appel fédérale. Après la publication de l'arrêt, l'appelant a déposé une requête en modification de l'ordonnance, de manière à ce que les dépens afférents à la Cour de l'impôt lui soit accordés. Après avoir examiné les Règles de la Cour fédérale, le juge d'appel Sharlow a déclaré que la règle 399 et le paragraphe 397(2) ne s'appliquaient pas. La seule règle que pouvait faire valoir l'appelant était celle énoncée au paragraphe 397(1), mais cette règle ne peut servir à modifier une ordonnance que de manière à corriger une erreur commise par la Cour et non pas une erreur commise par l'avocat.

[107] Cette affaire se distingue suffisamment de la présente pour n'être d'aucune aide. Bien que les deux situations concernent une demande de redressement qui n'apparaît pas dans l'Avis d'appel, l'étape à laquelle la Cour a examiné la requête déposée dans l'affaire Dupont, précitée, est antérieure et non postérieure au jugement, comme c'est le cas ici.

[108] L'une des décisions récemment rendue, mais de portée plus générale, est Zelinski c. La Reine, C.C.I., no 1999-1746(IT)G, 20 novembre 2001 (2002 DTC 1204); conf. par C.A.F., A-671-01, 17 septembre 2002 (2002 DTC 7395). L'honorable juge Bowie de la Cour canadienne de l'impôt a déclaré ce qui suit, au paragraphe 4 de son jugement :

L'acte de procédure a pour but de définir les questions faisant l'objet du litige entre les parties aux fins de production et de communication préalable ainsi qu'en prévision du procès. Il incombe aux parties de présenter un exposé concis des faits pertinents sur lesquels elles se fondent. Les faits pertinents sont ceux qui, dans l'éventualité où ils sont établis au cours du procès, concourront à démontrer que la partie ayant déposé l'acte de procédure a droit au redressement demandé. De façon générale, il convient que la modification d'un acte de procédure soit autorisée, dans la mesure où cela n'est pas préjudiciable à l'autre partie - qui n'a pas droit à une contrepartie sous forme de dépens ou sous une autre forme -, les Règles visant à assurer, dans la mesure du possible, un procès équitable portant sur les vraies questions en litige entre les parties.

[109] S. Goulding, dans son ouvrage intitulé Odgers on Civil Court Actions, 24e éd., London, Sweet & Maxwell, 1996, à la page 225, conforte l'opinion du juge Bowie concernant l'objectif visé par les actes de procédures :

[traduction]

La déclaration devrait énoncer les faits pertinents sur lesquels s'appuie le demandeur et indiquer le redressement ou le recours qu'il veut obtenir. Il n'est pas nécessaire de plaider spécifiquement les dépens. Étant donné que [traduction] « les actes de procédures doivent maintenant simplement consister en des exposés concis des faits jugés pertinents à l'affaire de l'appelant » , il n'est pas nécessaire de préciser la forme d'action sous laquelle, autrefois, la mesure de redressement aurait dû être demandée. L'énonciation de la forme que revêtent les droits du plaignant est une conclusion de droit; cependant, de nos jours, il est toujours inutile pour l'une et l'autre parties d'énoncer des conclusions de droit dans leurs actes de procédure, puisque la cour tirera la conclusion adéquate des faits allégués.   

[110] S. Goulding, à la page 235 de l'ouvrage Odgers, examine les conditions relatives aux demandes de redressement :

[traduction]

[...] Il convient également de noter que l'ordonnance 18, règle 15(1) exige que la déclaration précise au moins une forme de redressement que demande le demandeur; cependant, sur preuve de tous les faits nécessaires, le tribunal n'est pas limité à cette forme de redressement en particulier. Le tribunal est compétent pour accorder n'importe quel moyen de redressement qu'il juge approprié selon les faits prouvés. Cependant, si au cours du procès, une des parties souhaite demander un nouveau moyen de redressement qui n'a pas été énuméré ou exposé dans son acte de procédure, le tribunal ne peut donner droit à la demande avant d'avoir offert à la partie adverse, si celle-ci est prise au dépourvu, la possibilité d'ajourner l'audience.

[111] La Cour de l'impôt a été créée par une disposition législative. Par conséquent, l'article 171 de la Loi ne confère à la Cour de l'impôt que le pouvoir d'accorder certaines formes de redressement. Ainsi :

Règlement d'un appel.

(1) La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel :

a)     en le rejetant;

b)     en l'admettant et en :

(i)     annulant la cotisation,

(ii)    modifiant la cotisation,

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

[112] Bien que l'on ait souvent présumé, au cours des débats, que le ministre aurait admis les justificatifs des services d'interprétation du langage gestuel dans le calcul du CIFM, je suis d'accord avec la réserve émise par M. Simser, dans la lettre visée précédemment, concernant l'ambiguïté du terme « patient » au paragraphe 118.2(2) de la Loi. La professeure Philipps a également fait mention de cet aspect de cette disposition au cours de son témoignage. Ce n'est pas parce ce paragraphe qualifie de « patient » un particulier, son conjoint ou une personne à sa charge admissible qui dépense des fonds en vue d'obtenir des services d'interprétation du langage gestuel, que ces individus doivent être considérés comme tels. En conséquence, il s'agit d'une catégorie de dépense énumérée dans le cadre général des services médicaux. Il se peut que le ministre examine de plus près la nature des dépenses et qu'il parvienne à la conclusion selon laquelle les dépenses d'acquisition de services d'interprétation du langage gestuel pour suivre le cours de formation professionnelle du barreau ont trop peu de rapport avec l'objet et le but des dispositions législatives relatives aux frais médicaux lorsqu'on les considère dans le cadre général des mesures d'assistance aux personnes qui font certaines dépenses pour améliorer leur état de santé et leur bien-être. Manifestement, l'appelant a choisi de porter son argument sur ce point. Dès le départ, et comme il a été précisé au cours des étapes suivantes du litige, sa stratégie ne s'appuyait pas sur cet aspect particulier, sinon à des fins subsidiaires, lorsqu'il a fait valoir l'argument selon lequel la subvention qu'il a reçue dans le cadre du programme de SCE n'était pas imposable, premièrement parce qu'elle a servi à obtenir des services d'adaptation et par conséquent il ne s'agissait pas d'une bourse au sens ordinaire; et. deuxièmement, parce que cette imposition portait atteinte aux droits que lui garantit la Charte. Compte tenu de ces facteurs, je refuse de formuler une conclusion concernant l'admissibilité de l'appelant au CIFM relativement aux paiements effectués en vue d'obtenir des services d'interprétation du langage gestuel, puisque cela aurait pour effet de lui accorder un redressement fondé sur certaines allégations non confirmées portant sur une question à laquelle les parties n'avaient pas accordé suffisamment d'importance pour que la Cour soit tenue d'en décider. De plus, M. Simser a demandé clairement au ministre de s'abstenir de se prononcer sur cette question en cotisant sa déclaration d'impôt sur le revenu, et le problème du CIFM applicable aux dépenses effectuées pour acquérir les services d'interprétation de l'ASL n'a jamais été abordé de nouveau dans l'Avis d'opposition ultérieur ni dans l'Avis d'appel.

[113] Pour ces motifs, l'appel est rejeté. L'intimée a droit aux dépens entre parties.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 22e jour de mai 2003.

« D. W. Rowe »

Juge suppléant Rowe, C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de juin 2004.

Nancy Bouchard, traductrice

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