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Dossier : 2004-2179(IT)G

ENTRE :

MICHEL PELLETIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 24 avril 2006 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Yanick Houle

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JUGEMENT

          L'appel selon la procédure informelle de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


Référence : 2006CCI260

Date : 20060523

Dossier : 2004-2179(IT)G

ENTRE :

MICHEL PELLETIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]      Il s'agit d'un appel, selon la procédure informelle, à l'encontre d'une cotisation établie à l'égard de l'appelant par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 2002.

[2]      En produisant sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2002, l'appelant a réclamé un crédit équivalent pour personne entièrement à charge de 1 037,12 $ (6 492 $ x 16 %) à l'égard de sa fille Merlyne. En établissant la cotisation en date du 12 juin 2003, le ministre a refusé à l'appelant le crédit équivalent pour personne entièrement à charge.

[3]      La preuve a révélé que :

i)         l'appelant et madame Manon Gravel ont célébré leur mariage en 1988;

ii)        l'appelant et madame Gravel vivent séparés depuis 1999;

iii)       de l'union de l'appelant et de madame Gravel sont nés quatre enfants, Manuel, Mélodie, Monika et Merlyne;

iv)       pendant l'année en cause, l'appelant a vécu séparément de madame Gravel;

v)        un jugement de la Cour supérieure du Québec daté du 4 juin 2002 (pièce I-1, onglet 10) ordonnait à l'appelant et à madame Gravel de se conformer à une entente sur mesures provisoires intervenue le même jour entre les parties (pièce I-1, onglet 9) aux termes de laquelle elles convenaient qu'elles auraient la garde partagée des quatre enfants, « d'une semaine à une semaine avec échange à chaque vendredi après l'école le tout débutant par la mère, vendredi le 7 juin 2002 » . Le jugement ordonnait aussi à l'appelant de verser à madame Gravel, pour les quatre enfants, une pension alimentaire annuelle de 2 600 $ à compter du 21 juin 2002.

[4]      Seul l'appelant a témoigné à l'appui de sa position. Lors de son témoignage, il a repris essentiellement les arguments invoqués dans son avis d'appel, qui se lisent comme suit :

c)          L'appelant prétend que l'article 118 de la loi fait l'objet d'une interprétation simpliste et biaisée de la part de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada qui lui refuse le droit de réclamer des montants pour personne à charge dont l'appelant avait la garde du 01 janvier 2002 au 04 juin 2002 dans le lieu d'habitation déclarée résidence familiale principale, et dont les modalités de garde ont été amendées et commuées en garde partagée de semaine en semaine depuis cette date et dont l'appelant avait la garde au 31 décembre 2002, tel il sera plus amplement démontré lors de l'audience,

d)          L'ADRC prétend en vertu des paragraphes 118(1) et (5) que le fait que l'appelant doive verser une pension alimentaire depuis le 04 juin 2002 au sens du paragraphe 56.1(4) de la loi, même s'il a la garde partagée de ses quatre enfants, qu'aucun montant relativement à une personne à charge (équivalent de conjoint) ne peut être réclamé, tel il appert d'une lettre de l'ADRC en date du 18 février 2004 en réponse à l'avis d'opposition de l'appelant du 27 juin 2003 et confirmé le 04 août 2003 par la division des appels de l'ADRC,

e)          L'appelant considère que le versement d'une pension alimentaire en vertu du paragraphe 56.1(4) de la loi ne lui enlève pas son statut de famille monoparentale en garde majoritaire pour la période du 01 janvier 2002 au 04 juin 2002 et en garde partagée de semaine en semaine au déclaré domicile familial principal pour la période du 04 juin 2002 au 31 décembre 2002 et que les deux éléments de pension alimentaire et de garde ont lieu d'être considérés séparément, l'un de l'autre. L'appelant déclare qu'il est le principal soutien étant donné qu'il entretient le lieu de résidence sécuritaire déclaré résidence familiale principale et pourvoit aux divers besoins de ses enfants, notamment en matière de services médicaux et que l'autre parent a négligé de porter assistance médicale à certaines occasions aux dits enfants. De plus, l'appelant considère que le principe administratif qui prévoit que lorsque deux situations prévalent au dossier, la situation qui avantage le plus le client doit être appliquée, et que ce principe devient applicable aux fins du présent dossier.

f)           L'appelant entend se fonder sur les principes précédemment énoncés aux paragraphes c, d, et e de la présente, et entend démontrer que la présomption que les personnes à charges admissibles sont à la charge de la mère, tel que prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu constitue un principe de discrimination illicite, notamment discrimination fondée sur le sexe prévu par la Charte canadienne de droits (art. 15).

[5]      Les dispositions pertinentes aux fins de la présente instance se lisent comme suit :

118. (1) Crédits d'impôt personnels-- Le produit de la multiplication du total des montants visés aux alinéas (a) à (e) par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

[...]

b) Crédit équivalent pour personne entièrement à charge -- la somme de 7 131 $ et du résultat du calcul suivant :

6 055 $ - (D - 606 $)

où :

D représente 606 $ ou, s'il est plus élevé, le revenu d'une personne à charge pour l'année,

si le particulier ne demande pas de déduction pour l'année par l'effet de l'alinéa (a) et si, à un moment de l'année :

(i) d'une part, il n'est pas marié ou ne vit pas en union de fait ou, dans le cas contraire, ne vit pas avec son époux ou conjoint de fait ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son époux ou conjoint de fait ne subvient à ses besoins,

(ii)         d'autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient réellement aux besoins d'une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

(A) elle réside au Canada, sauf s'il s'agit d'un enfant du particulier,

(B) elle est entièrement à la charge soit du particulier, soit du particulier et d'une ou plusieurs de ces autres personnes,

(C) elle est liée au particulier,

(D) sauf s'il s'agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d'une infirmité mentale ou physique :

[...]

(5) Pension alimentaire-- Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d'autre part, selon le cas :

(a) vit séparé de son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait;

(b) demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait.

56.1 (1) Pension alimentaire-- Pour l'application de l'alinéa 56(1)(b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

(a) une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

(b) une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

[...]

(4) Définitions-- Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

[...]

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

(a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

(b) le payeur est légalement le père ou la mère d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le parent, père ou mère, d'un enfant dont le payeur est légalement l'autre parent.

[6]      Le paragraphe 118(5) de la Loi porte qu'un particulier ne peut réclamer un montant en application du paragraphe 118(1) de la Loi relativement à une personne si ce particulier est tenu de payer une pension alimentaire à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne si, selon le cas, et il vit séparé de son conjoint tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage ou il demande une déduction au titre de la pension alimentaire. Donc, un particulier tenu de payer une pension alimentaire pour une année d'imposition postérieure à l'année où survient l'échec du mariage n'a pas droit à un crédit d'impôt en application du paragraphe 118(1) de la Loi relativement à son conjoint ni à son enfant, même dans le cas où aucun paiement de ce genre n'est effectué ou n'est déductible.

[7]      La seule question en litige est de savoir si l'appelant est en droit de réclamer un crédit d'impôt équivalent pour personne entièrement à charge à l'égard de sa fille Merlyne. Il convient d'abord de souligner que, bien qu'il avait été avisé de le faire par la Cour lors de la conférence sur l'état de l'instance tenue par voie de conférence téléphonique le 9 février 2006, l'appelant n'a pas signifié un avis de question constitutionnelle aux Procureurs généraux du Canada, des provinces et des territoires pour contester l'effet constitutionnel du paragraphe 118(5) de la Loi au regard de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ). Je note que l'appelant a renoncé définitivement lors de l'audition à contester l'effet constitutionnel du paragraphe 118(5) de la Loi au regard de l'article 15 de la Charte. En l'espèce, l'appelant était tenu en 2002 de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi et il vivait séparé de son épouse tout au long de cette année pour cause d'échec de leur mariage. Par conséquent, l'appelant ne pouvait déduire un montant en application du paragraphe 118(1) de la Loi relativement à sa fille Merlyne.

[8]      Il est évident, tel qu'évoqué par l'appelant, que l'application du paragraphe 118(5) de la Loi donne lieu à un traitement différent : le contribuable séparé ayant la garde partagée de ses enfants, mais ne versant pas de pension alimentaire pour enfants, aura droit au crédit équivalent pour personne entièrement à charge, alors que ce ne sera pas le cas pour le contribuable dans la même situation, mais qui ne verse pas une pension alimentaire pour enfants. Toutefois, avant de déterminer si le paragraphe 118(5) de la Loi viole pour autant l'article 15 de la Charte, la Cour doit répondre aux questions suivantes :

i)         Est-ce que la différence de traitement est fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou sur des motifs analogues?

ii)        Le paragraphe 118(5) de la Loi a-t-il un objet ou un effet discriminatoire au sens de la garantie d'égalité?

[9]      Bien que je n'aie pas à me prononcer sur ces deux questions, puisque l'appelant n'a pas signifié un avis de question constitutionnelle et qu'il a renoncé de plus lors de l'audition à contester l'effet constitutionnel du paragraphe 118(5) de la Loi au regard de l'article 15 de la Charte, je souligne que dans l'affaire Frégeau, où les faits en cause étaient semblables, j'ai répondu par la négative à ces deux questions et j'ai conclu que le paragraphe 118(5) de la Loi ne violait pas l'article 15 de la Charte.

[10]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2006.

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :

2006CCI260

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-2179(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Michel Pelletier et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 24 avril 2006

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 mai 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Yanick Houle

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

L'appelant lui-même

Étude :

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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