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Dossier : 2004-763(IT)I

ENTRE :

JOSEPH GERALD SULLIVAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 1er juin 2004 à Kamloops (Colombie-Britannique).

Par : L'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Michael Parker

Avocate de l'intimée :

Me Shawna Cruz

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JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2001 et 2002 sont accueillis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national afin d'être examinées et calculées de nouveau, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

L'appelant recevra une somme de 100 $ pour les débours divers qu'il a engagés dans la poursuite du présent appel.

Signé à Calgary (Alberta) ce 14e jour de juin 2004.

« D. W. Beaubier »

Le juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce    31e jour de août 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice


Référence : 2004CCI420

Date : 20040614

Dossier : 2004-763(IT)I

ENTRE :

JOSEPH GERALD SULLIVAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier

[1]      Le présent appel, interjeté par voie de procédure informelle, a été entendu à Kamloops (Colombie-Britannique), le 1er juin 2004 à l'égard des années d'imposition 2001 et 2002 de l'appelant. Les soi-disant pourvois correspondant aux années 1996 à 2000 sont rejetés. L'appelant a été l'unique témoin.

[2]      Les paragraphes 2 à 13 de la réponse à l'avis d'appel décrivent ainsi les détails du différend :

[TRADUCTION]

2.          En ce qui concerne l'ensemble de l'avis d'appel, il admet qu'en 1996 il a été diagnostiqué que la fille de l'appelant, Amanda Sullivan ( « Amanda » ), est frappée du diabète de type 1, insulino-dépendant (la « déficience » ).

3.          Il n'a connaissance d'aucune des autres allégations de fait contenues dans l'avis d'appel, qu'il conteste toutes.

4.          Lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus des années d'imposition 2001 et 2002, l'appelant n'a pas demandé le crédit d'impôt pour personnes handicapées (le « crédit » ) pour Amanda.

5.          Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a émis les cotisations initiales pour les années d'imposition 2001 et 2002 le 14 mars 2002 et le 6 mars 2003, respectivement, dans l'ordre de présentation.

6.          Le 7 février 2003, une demande de rajustement de T1 de l'appelant a été reçue, laquelle sollicitait que lui soit accordé le crédit d'impôt pour personnes handicapées pour Amanda pour les années d'imposition depuis 1996. L'appelant a annexé un certificat rempli par un docteur en médecine indiquant que la capacité d'Amanda d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée, particulièrement au niveau de son alimentation, qu'elle a besoin d'une surveillance parentale constante en ce qui concerne sa diète et son dosage d'insuline et que ses capacités sont limitées de façon marquée depuis juin 1996.

7.          Le ministre n'a émis aucune nouvelle cotisation accordant le crédit à l'appelant pour aucune année d'imposition. Il a informé l'appelant par une lettre datée du 9 juillet 2003 que le crédit avait été refusé parce que le dossier avait été soumis à des conseillers médicaux du siége social d'Ottawa, qu'il n'y avait rien qui indiquait que la capacité d'Amanda d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne soit limitée de façon marquée; et que rien n'indiquait non plus que les soins thérapeutiques lui étaient essentiels au maintien de la vie aux termes de la Loi. Dans le cadre du crédit d'impôt pour déficience physique, les soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie ne comprennent pas les diètes spéciales ni l'administration de médicaments tels que l'insuline.

8.          L'appelant a déposé un avis de contestation relativement aux années d'imposition 1996 à 2002. Le ministre a informé l'appelant par une lettre datée du 12 août 2003, que seule la contestation relative à l'année 2002 avait été déposée dans les délais. Une prorogation du délai pour déposer une contestation relativement à l'année d'imposition 2001 a été accordée. Cependant, les avis de contestation relatifs aux années d'imposition 1996 à 2000 n'ont pas été déposés dans le délai d'une année généralement prescrit pour un tel dépôt. Par conséquent, il n'était pas possible de proroger le délai de dépôt à l'égard de ces années-là.

9.          Le ministre a confirmé les cotisations établies pour les années d'imposition 2001 et 2002, au motif qu'en application du paragraphe 118.3(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), Amanda n'est pas frappée d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée et que la capacité d'Amanda d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne n'est pas limitée de façon marquée ou ne le serait pas en l'absence de soins thérapeutiques qui, à la fois :

(i)          sont essentiels au maintien d'une fonction vitale du particulier,

(ii)         doivent être administrés au moins trois fois par semaine pendant une durée totale moyenne d'au moins 14 heures par semaine,

(iii)        selon ce à quoi il est raisonnable de s'attendre, n'ont pas d'effet bénéfique sur des personnes n'ayant pas une telle déficience.

Par conséquent, l'appelant n'avait pas droit au crédit prévu au paragraphe 118.3(2) de la Loi.

10.        Dans sa confirmation des cotisations pour les années d'imposition 2001 et 2002, le ministre a présumé les faits suivants :

a)          la date de naissance d'Amanda est le 21 août 1994;

b)          la déficience d'Amanda a été diagnostiquée en juin 1996;

c)          la déficience ne limite pas de façon marquée la capacité d'Amanda d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne;

d)          Amanda ne requiert pas, en raison de la déficience, de soins thérapeutiques essentiels au maintien de sa vie.

B.         QUESTIONS EN LITIGE

10.        La question en litige consiste à savoir si l'appelant a droit au crédit d'impôt pour les années d'imposition 2001 et 2002 à l'égard d'Amanda.

C.         DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

11.        Il soumet qu'en raison du dépôt des avis d'opposition relatifs aux années d'imposition 1996 à 2000 hors du délai prescrit par l'article 165 de la Loi et de la manière prescrite au paragraphe 169(1) de la Loi, la Cour est incompétente à entendre les appels relatifs auxdites années, qui doivent être rejetés.

12.        Il se fonde sur les articles 118.3, 118.4, 165 et 169 de la Loi, dans leurs versions applicables aux années d'imposition 2001 et 2002.

D.         MOTIFS INVOQUÉS ET MESURES DE REDRESSEMENT DEMANDÉES

13.        Il soumet qu'en raison de l'absence de limitation marquée de la capacité d'Amanda d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne, celle-ci n'a pas droit au crédit à l'égard des années 2001 et 2002, en application du paragraphe 118.3(1) et de l'article 118.4 de la Loi et, par conséquent, que l'appelant n'a pas droit au crédit à l'égard d'Amanda pour ces années, en application au paragraphe 118.3(2) de la Loi.

[3]      Les hypothèses 10 a) et b) n'ont pas été réfutées par la preuve.

[4]      La pièce R-1 est le rapport sur Amanda rempli par le médecin. Les deux détails suivants sont importants :

1.

§          Votre patient peut-il se nourrir ou s'habiller lui-même?

Répondez non uniquement si, même à l'aide d'appareils, de médicaments ou en suivant une thérapie, votre patient est toujours ou presque toujours incapable de se nourrir ou de s'habiller, ou s'il lui faut un temps excessif pour le faire

                                                             se nourrir oui [ ] non [X] s'habiller oui [X] non [ ]

2.

Soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie (pour les années 2000 et suivantes)

Si votre patient a besoin de suivre des soins thérapeutiques essentiels pour maintenir une fonction vitale (lisez la page 1) il a peut-être droit au montant pour personnes handicapées, même si les soins thérapeutiques essentiels soulagent sa condition. Votre patient droit suivre ces soins thérapeutiques essentiels et y consacrer spécifiquement du temps, c'est-à-dire, pendant au moins 14 heures par semaine en moyenne, au moins trois fois par semaine (n'incluez pas le temps utilisé pour les déplacements, les visites médicales et le temps de récupération nécessaire après un traitement).

Est-ce que votre patient répond aux conditions pour les soins thérapeutiques essentiels?

oui [ ] non [X]

Le principe qui sous-tend la rubrique numéro 2 ci-dessus découle du sous-alinéa 118.3(1)a.1)(i). Voici le libellé de l'alinéa 118.3(a.1) :

118.3 (1) Crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique - Un montant est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le particulier a une déficience mentale ou physique grave et prolongée;

(a.1) les effets de la déficience sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait en l'absence de soins thérapeutiques qui, à la fois :

(i) sont essentiels au maintien d'une fonction vitale du particulier,

(ii) doivent être administrés au moins trois fois par semaine pendant une durée totale moyenne d'au moins 14 heures par semaine, [...]

Le terme « therapy » (soins thérapeutiques) est défini ainsi dans le dictionnaire Oxford The Concise Oxford Dictionary, 8th Edition, 1990 :

[TRADUCTION]

1. Soins de traitement de désordres physiques ou mentaux, autres que des soins chirurgicaux. 2. Type particulier de soins de traitement.

[5]      La preuve déposée par M. Sullivan devant la Cour est absolument crédible. Il contredit la citation du tableau 2 du paragraphe [4] de deux manières :

1.          Le médecin n'était pas au courant de la durée total nécessaire.

2.      Le médecin a pu interpréter l'expression « soins thérapeutiques » comme comprenant un acte médical professionnel. En fait, les parents d'Amanda prodiguaient à leur fille des « soins thérapeutiques » beaucoup plus fréquemment que trois fois par semaine et pendant beaucoup plus longtemps que 14 heures par semaine. Ils testaient son taux de glycémie entre six et huit fois par jour au cours des années 2001 et 2002. Ils ont aussi supervisé la totalité de son alimentation au cours de ces années alors qu'elle avait entre six et huit ans. Toutes les collations devaient être surveillées. Si Amanda assistait à une fête d'anniversaire, elle devait regarder les autres enfants manger puis emporter son gâteau et ses gourmandises à la maison pour que ses parents vérifient leur contenu en hydrates de carbone avant qu'elle puisse en manger. Il en était ainsi pour toutes les collations et gourmandises, pour les trois repas quotidiens, sept jours sur sept, en plus des tests de glycémie et des traitements. La Cour est de l'avis que toutes ces interventions constituaient des soins thérapeutiques et qu'Amanda et ses parents y consacraient plus de quatorze heures par semaine séparément, d'autant plus qu'il s'agit d'une enfant scolarisée, de six à huit ans, qui visitait d'autres enfants, et qui, par conséquent, rentrait et sortait de chez elle et qui ne comprenait ni ne savait comment surveiller son taux d'hydrates de carbone, son taux de glycémie ou son taux d'insuline. Par conséquent, la Cour estime que la pièce R-1 comporte une réponse erronée à cette question. La réponse aurait dû être « oui » .

[6]      En outre, « se nourrir » comprend repas, collations et gourmandises. En fait, cela englobe toute ingestion de nourriture puisqu'Amanda doit attendre à table avant d'absorber quelque aliment que ce soit (sans compter le temps qu'Amanda passe à emballer repas et gourmandises quand elle est invitée à manger à l'extérieur) afin que ses parents puissent surveiller en permanence ce qu'elle mange. Amanda consacrait donc un temps excessif à se nourrir. D'après le témoignage de M. Sullivan, il en a été ainsi tout au long des années 2001 et 2002.

[7]      Les soins thérapeutiques en cause étaient essentiels au maintien de la vie d'Amanda. Sans ces soins, elle serait tombée dans le coma et elle serait morte. En outre, le diabète limitait de façon marquée la capacité d'Amanda de se nourrir.

[8]      Ces conclusions s'appliquent tant au cas d'Amanda qu'à ceux de tous les enfants de son âge qui commencent à fréquenter l'école et à visiter des amis. La supervision thérapeutique et les soins thérapeutiques pour un enfant qui a le diabète sont constants et essentiels au maintien de la vie. Il en était ainsi dans le cas d'Amanda.

[9]      L'appel est accueilli. L'affaire est déférée au ministre du Revenu national afin d'être examinée et cotisée de nouveau, conformément aux présents motifs. L'appelant recevra une somme de 100 $ pour les débours divers qu'il a engagés dans la poursuite du présent appel.

Signé à Calgary (Alberta), ce 14e jour de juin 2004.

« D. W. Beaubier »

Le juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce    31e jour de août 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice

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