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Référence : 2006CCI293

Date : 20060601

Dossier : 2002-3744(IT)G

ENTRE :

TANSEN OBEROI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Rendus oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 2 septembre 2005.)

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'une requête en annulation du règlement à l'amiable signé par les avocats des deux parties les 17 et 21 février 2005.

[2]      Les parties avaient conclu le règlement à l'amiable conformément au paragraphe 169(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      Le paragraphe 169(3) dispose que, en vue de régler un appel, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) peut établir à tout moment, avec le consentement écrit du contribuable, une nouvelle cotisation concernant les montants payables par le contribuable.

[4]      Les parties sont parvenues à un règlement à l'amiable le 17 février 2005. Il a été légèrement révisé et parachevé le 21 février 2005.

[5]      Au début de l'audience, l'avocate de l'intimée a avisé la Cour que l'appelant l'avait assignée à témoigner. L'avocat de l'appelant a déclaré que l'assignation avait pour but de déterminer dans quelle langue l'offre et la contre-offre avaient été faites; il s'agissait également de déterminer le préjudice encouru par l'intimée s'il devait y avoir une audition.

[6]      L'avocate de l'intimée a volontiers admis que la correspondance entre les deux avocats s'était faite en français, bien que l'ébauche du règlement à l'amiable ait été rédigée en anglais, car c'était la langue utilisée dans l'instance. Le préjudice quant à lui touche l'administration de la justice en général, et en ce qui a trait à l'intimée en particulier, il s'agit du temps consacré à la préparation du procès par son avocate et par les représentants du ministre.

[7]      L'avocate de l'intimée aurait eu du mal à continuer à agir en tant que telle dans le cadre de la présente requête si elle avait dû témoigner. La Cour a décidé qu'elle n'était pas obligée de témoigner et qu'elle pouvait continuer à agir en tant qu'avocate.

[8]      L'appelant a témoigné pour son propre compte et l'avocate qui agissait pour le compte de l'appelant au moment de la signature du règlement à l'amiable a témoigné à la demande de l'avocate de l'intimée. Dans les présents motifs, je référerai à cette avocate sous l'appellation d'ancienne avocate.

[9]      Il vaut la peine de relater chronologiquement les événements dans la présente cause. L'avis d'appel pour les années d'imposition 1997 et 1998 a été déposé le 1er octobre 2002.

[10]     La liste des documents que les parties avaient l'intention d'utiliser lors du procès a été présentée le 5 mars 2004.

[11]     Le 22 juin 2004, l'avocate de l'intimée a mené l'interrogatoire préalable de l'appelant. À ce moment-là, elle a demandé que ce dernier lui fournisse tous les documents pouvant étayer les pertes qu'il avait déduites.

[12]     À la suite d'une demande conjointe des deux parties datée du 21 septembre 2004, l'appel a été inscrit au rôle le 27 septembre 2004 afin que l'audition commence le 22 février 2005. L'audience devait durer une journée et demie.

[13]     L'appelant a témoigné qu'il avait rencontré ses avocats à quelques reprises depuis le début de l'appel. Toutefois, le 11 février 2005, soit onze jours avant le début de l'audience, l'appelant a présenté des documents qui, selon son témoignage, auraient été utiles pour étayer ses déductions. L'ancienne avocate a témoigné qu'elle avait examiné ces documents avec l'appelant.

[14]     Il n'y avait pas de preuve claire démontrant si l'ancienne avocate connaissait déjà ces documents et s'ils avaient une valeur probante selon elle. Il faut aussi comprendre que, selon les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), à moins d'obtenir la permission de la Cour, aucuns documents autres que ceux qui apparaissent sur la liste des documents ne peuvent être utilisés dans une instance devant la Cour. Comme je l'ai indiqué plus tôt, la liste des documents a été présentée le 5 mars 2004. L'appel doit être conduit de manière méthodique.

[15]     Le 11 février 2005, l'ancienne avocate a avisé l'appelant qu'il serait préférable de faire une offre de règlement. L'appelant était d'accord. L'offre a été envoyée à l'avocate de l'intimée le même jour.

[16]     Le 16 février 2005, l'intimée a fait une contre-offre de règlement.

[17]     L'appelant est allé au cabinet de son ancienne avocate le 17 février. D'après le paragraphe 2 de la présente requête rédigée par l'appelant lui-même :

[TRADUCTION]

2.          Le 5 mai, à la dernière minute, on m'a avisé d'un règlement de [...] de Revenu Canada. Soit j'acceptais cette offre, soit je courrais le risque de tout perdre, en plus des frais judiciaires du procès, qui auraient dépassé 10 000 $.

[18]     J'ai supprimé le montant de l'offre en raison du secret qui s'applique aux négociations entre les parties dans le but de résoudre un litige. La date n'était pas le 5 mai, mais plutôt le 17 février; cependant, cela n'a pas d'importance ici.

[19]     J'ai cité ce que l'appelant en substance a témoigné qu'on lui avait dit. L'ancienne avocate a donné un témoignage assez semblable. Elle a témoigné qu'elle avait expliqué à l'appelant ses choix : d'un côté, il pouvait avoir ce qui était certain, c'est-à-dire l'offre, de l'autre côté, il pouvait risquer de tout perdre ou de gagner très peu et devoir payer les frais judiciaires de l'intimée.

[20]     Après avoir entendu ces points de vue, l'appelant a confié un mandat très clair à son avocate (pièce A-1). Ce mandat est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

MANDAT

Je soussigné, Tansen Oberoi, donne par les présentes à mes avocats, STARNINO MOSTOVAC, le mandat d'accepter la contre-offre de règlement présentée par le ministre de la Justice (dans sa lettre du 16 février 2005) dans le cadre de mon dossier à la Cour canadienne de l'impôt.

Signé à Montréal, ce 17e jour de février.

[21]     L'appelant n'a pas contacté son ancienne avocate ce soir-là, ni les jours suivants. Il n'a pas dit qu'il avait besoin de réfléchir à ce sujet. Toutefois, il faut se rappeler que les dates fixées par la présente Cour pour l'audition de l'appel, soit les 22 et 23 février 2005, étaient très proches à ce moment-là.

[22]     Plus d'un mois plus tard, sans en aviser son ancienne avocate, l'appelant a envoyé une lettre ainsi libellée (pièce A-2) à l'avocate de l'intimée :

[TRADUCTION]

Madame,

Récemment, j'ai donné au cabinet d'avocats Starnino Mostovac l'autorisation de régler à l'amiable l'affaire mentionnée ci-dessus. Toutefois, je ne souhaite pas donner suite à ce règlement à l'amiable en raison de la façon dont l'accord de règlement a été conclu. J'ai signé l'accord sous l'effet du stress et d'une énorme pression de mes avocats; il s'ensuit que je souhaite continuer à poursuivre ma cause. J'aimerais obtenir une nouvelle date d'audience.

[23]     Lorsqu'on lui a demandé de fournir plus de détails sur ce qu'il entendait par du stress et une énorme pression, l'appelant a répété ce qu'il avait déclaré au paragraphe 2 de sa requête. Il a également ajouté des plaintes au sujet du fait que ses avocats n'aient pas obtenu certains documents de Revenu Canada ou ne lui aient pas demandé de présenter certains documents. Il a déclaré qu'il avait dû les présenter lui-même à une étape ultérieure, soit le 11 février.

[24]     Pour compléter la narration des événements de la présente cause, il convient de noter que, selon les documents présentés par l'intimée en réponse à la présente requête, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'appelant le 7 avril 2005, en vertu du paragraphe 169(3) de la Loi.

[25]     La présente requête a été déposée à la Cour le 24 mai 2005, après l'établissement de la nouvelle cotisation. Ces dates ont une certaine importance, car je serais tenté de penser que la présentation d'une requête en annulation d'un règlement à l'amiable aurait entraîné une suspension de la procédure d'établissement de la nouvelle cotisation.

Analyse et conclusion

[26]     La preuve démontre clairement que l'ancienne avocate de l'appelant avait un mandat de ce dernier pour signer le règlement à l'amiable, ce qu'elle a fait. Elle n'a pas outrepassé son mandat, elle a agi dans le cadre de celui-ci.

[27]     Il n'y a pas de preuve que l'appelant avait demandé un délai avant la signature du mandat, même si on a pu lui rappeler que l'audition de la cause aurait lieu quelques jours plus tard. Il n'est pas non plus prouvé qu'il ait été obligé de signer le mandat. La preuve démontre que l'appelant a librement apposé sa signature sur le document. L'ancienne avocate lui a peut-être expliqué les obstacles et les embûches possibles auxquels il aurait pu faire face s'il avait persévéré dans la voie de la procédure d'appel. Il a souvent été dit dans des causes semblables à la présente qu'un règlement à l'amiable est une décision fort difficile à prendre. Nul ne peut prédire l'avenir. Toutefois, les professionnels du domaine concerné peuvent le déterminer avec un certain degré de certitude. C'est ce que l'ancienne avocate a fait. Cela ne peut pas être qualifié de contrainte et ne l'a jamais été. Il s'agit de donner des renseignements et des conseils professionnels.

[28]     Je me référerai à l'arrêt de principe en la matière, à savoir la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Smerchanski c. M.R.N, [1977] 2 R.C.S. 23, aux pages 31 et 32 :

[...] Lorsque rien ne vient les vicier, on ne met pas en doute le caractère exécutoire des transactions sur la reconnaissance d'une dette contestée permettant d'éviter les poursuites. J'en reviens donc au seul facteur susceptible d'invalider les renonciations, c'est-à-dire la menace de poursuites qui les auraient provoquées. [...]

[29]     Dans la cause Smerchanski, la circonstance entraînant la nullité aurait été la menace de poursuites criminelles. D'après la Cour suprême du Canada, cela ne constituait pas une circonstance entraînant la nullité. Le compromis permettait au contribuable d'échapper à une telle menace et l'accord de compromis était valide.

[30]     Je me réfère également à la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Bogie c. La Reine, [1998] 4 C.T.C. 195, n ° A-243-97, 30 septembre 1998, au paragraphe 3 :

[...] Sauf en cas de fraude, le contribuable est tenu responsable de la conduite de ses conseillers professionnels. [...]

[31]     Pour conclure, l'ancienne avocate a agi dans le cadre du mandat signé par l'appelant; ce dernier connaissait le montant de la contre-offre; il n'y avait ni contrainte, ni fraude. Elle avait simplement fourni des renseignements.

[32]     Il n'y a aucun motif qui puisse servir de fondement à l'annulation du règlement à l'amiable.

[33]     Si l'appelant est convaincu que son avocate lui a donné de mauvais conseils, il dispose d'autres moyens pour faire entendre sa cause, mais cela ne se fera pas devant la présente Cour. Pour notre cour, le règlement à l'amiable est exécutoire. La requête doit donc être rejetée.

[34]     L'avis de désistement pour les années 1997 et 1998, que l'intimée a maintenant en tant que partie du règlement à l'amiable, peut être déposé à la Cour conformément au règlement à l'amiable puisqu'une nouvelle cotisation a été établie pour l'année 1997, selon ce règlement à l'amiable.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2006.

« Louise Lamarre Proulx »

La juge Lamarre Proulx

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d'août 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                             2006CCI293

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :    2002-3744(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         TANSEN OBEROI c. LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 31 août 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                  l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DÉCISION RENDUE ORALEMENT :         le 2 septembre 2005

DATE DU JUGEMENT :                              le 8 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 le 1er juin 2006

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelant :

Me Daniel Caisse

Me Karine Desprès

Avocat de l'intimée :

Me Nathalie Lessard

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                                        Me Daniel Caisse

                   Étude :                                       Caisse et Richard

                                                                    Montréal (Québec)

       Pour l'intimée :                                       John H. Sims, c.r.

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada

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