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Dossier : 2004-2706(EI)

ENTRE :

BRANDY LAKE AUTO SERVICE LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 16 et 17 novembre 2004, à London (Ontario).

Devant : L'honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Bruce Smith

Avocat de l'intimé :

Me George Boyd Aitken

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel relatif à la décision du ministre du Revenu national prise en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi selon laquelle Kelly Merritt exerçait un emploi assurable pendant la période allant du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003 est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.


         

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2004.

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Dossier : 2004-2707(CPP)

ENTRE :

BRANDY LAKE AUTO SERVICE LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 16 et 17 novembre 2004, à London (Ontario).

Devant : L'honorable juge Judith Woods

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Bruce Smith

Avocat de l'intimé :

Me George Boyd Aitken

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel relatif à la décision du ministre du Revenu national prise en vertu du Régime de pensions du Canada selon laquelle Kelly Merritt exerçait un emploi ouvrant droit à pension pendant la période allant du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003 est rejeté, et la décision du ministre est confirmée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2004.

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2004CCI807

Date : 20041210

Dossiers : 2004-2706(EI)

2004-2707(CPP)

ENTRE :

BRANDY LAKE AUTO SERVICE LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]      Il s'agit d'appels interjetés par Brandy Lake Auto Service Ltd. ( « Brandy Lake » ) à l'encontre de décisions rendues par le ministre du Revenu national selon lesquelles Kelly Merritt travaillait pour la société comme mécanicien de la catégorie A et exerçait un emploi assurable et ouvrant droit à pension pendant la période allant du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003. La seule question à trancher en l'espèce est celle de savoir si M. Merritt était un employé de Brandy Lake au sens de la common law.

[2]      Il n'existe pas de critère établissant une ligne de démarcation nette entre les personnes ayant le statut d'employé et les personnes travaillant à leur compte, et il faut que toute décision à cet égard soit prise en fonction des faits particuliers de l'affaire. Les principes généraux qui doivent être appliqués sont exposés par le juge Major dans l'arrêt de principe Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited, [2001] 2 R.C.S. 983 :

[47]       [...] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

[48]      Ces facteurs, il est bon de répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[3]      Après le prononcé de l'arrêt Sagaz Industries, les juges Décary et Noël, dans l'arrêt Wolf v. The Queen, 2002 D.T.C. 6853 (C.A.F.), ont laissé entendre que l'intention commune clairement exprimée doit dominer, sauf si cette intention ne correspond pas à la véritable relation. Le juge Décary a dit ce qui suit :

[119]     [...] Lorsqu'un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu'il est exécuté comme tel, l'intention commune des parties est claire et l'examen devrait s'arrêter là.

[4]      Pendant presque toute la période pertinente (sinon toute), David Smith était le propriétaire et l'exploitant de Brandy Lake Auto Service Ltd. La société exerçait diverses activités dans le domaine de l'automobile à Port Carling (Ontario), y compris la réparation et la vente d'automobiles, le camionnage et l'exploitation de parcs de ferrailles. En octobre 2003 (le dernier mois de la période pertinente), l'entreprise, y compris les actions de Brandy Lake, a été vendue à une tierce partie.

[5]      Bruce Smith, le frère de David Smith, a représenté la société à l'audience tenue à London (Ontario) et a été le seul à témoigner oralement. Il a fait savoir qu'il aurait été trop coûteux pour son frère de comparaître à l'audience. La Couronne n'a pas convoqué de témoins.

[6]      Bruce Smith est expert-conseil en affaires et vit à London (Ontario), qui se trouve à une certaine distance de Port Carling, où Brandy Lake exerçait ses activités commerciales. Bien que Bruce Smith ait une certaine connaissance des affaires commerciales de Brandy Lake, sa connaissance directe de la société est très limitée. Il a aidé la société pour certaines questions administratives, mais il n'était ni un employé de la société ni un actionnaire de la société. Il avait certaines connaissances supplémentaires concernant la société parce qu'une société appartenant à sa femme faisait la tenue de livres pour Brandy Lake et avait fourni du financement à Brandy Lake. Mon impression globale est que Bruce Smith avait une connaissance directe minime de la relation entre Kelly Merritt et Brandy Lake.

[7]      Voici un résumé du témoignage de Bruce Smith relativement à la relation entre Kelly Merritt et Brandy Lake en ce qui concerne l'intention, le contrôle, les chances de profit et les risques de perte.

[8]      M. Smith a témoigné que son frère et Kelly Merritt avaient comme intention de conclure un contrat d'entreprise. Il a dit que M. Merritt a proposé de travailler à son compte lorsque David Smith a dit à M. Merritt que, pour lui, il n'était pas rentable d'embaucher des employés. Bruce Smith a témoigné qu'un avocat avait rédigé une entente consignant le fait que M. Merritt travaillait à son compte et il a présenté comme preuve une copie non signée du document. Il a également fait savoir que la décision du ministre qui a mené à ces appels n'était pas le résultat d'une démarche de M. Merritt et que celui-ci a seulement contesté la nature de la relation de travail après que le ministre a entamé la vérification. Il a souligné que M. Merritt n'était pas traité comme un employé pour les besoins des assurances et que M. Merritt n'était pas tenu de travailler exclusivement au garage ou de faire le travail lui-même.

[9]      Pour ce qui est du contrôle, M. Smith a témoigné que le travail de M. Merritt n'était presque pas supervisé parce que M. Merritt était mécanicien de la catégorie A et David Smith ne l'était pas. De plus, il arrivait souvent que M. Merritt soit la seule personne dans l'atelier parce que seulement une voiture à la fois pouvait se trouver dans le garage. Par conséquent, M. Merritt devait s'occuper de tous les aspects de l'entreprise qui se rapportaient à la réparation d'automobiles. Par exemple, il prenait les rendez-vous, facturait les clients, percevait l'argent et fermait l'atelier. Il a présenté en preuve des reçus indiquant un « K » encerclé pour corroborer que M. Merritt avait perçu de l'argent des clients.

[10]     En ce qui concerne les chances de profit, M. Smith a laissé entendre que M. Merritt pouvait décider de ses heures de travail, mais qu'il devait faire ses heures entre 8 h 30 et 17 h, soit les heures d'ouverture du garage. Il a été dit que M. Merritt recevait le tiers de ce qu'il facturait aux clients, et Bruce Smith présume que cela était un taux négocié. Ce montant équivaut hypothétiquement à 15 $ l'heure, étant donné que le montant facturé pour les réparations était de 45 $ l'heure, mais M. Smith a fait remarquer qu'il y avait des chances de réaliser un profit parce que la facturation était établie en fonction d'une échelle normalisée qui établissait le prix en fonction du genre de travail accompli. Par conséquent, M. Merritt pouvait gagner plus de 15 $ l'heure s'il accomplissait le travail en moins de temps que le temps indiqué dans l'échelle.

[11]     M. Smith a aussi avancé que, dans une grande mesure, M. Merritt avait aussi la responsabilité d'attirer la clientèle parce que les clients ont tendance à choisir un garage en fonction de leur niveau de satisfaction à l'égard du travail du mécanicien.

[12]     Pour ce qui est des outils, M. Smith a fait savoir que M. Merritt avait ses propres outils à main, qui, selon M. Merritt, valaient environ 25 000 $. Il a fait observer que, dans les faits, les outils de M. Merritt valaient plus que l'équipement qui appartenait à Brandy Lake.

[13]     Pour ce qui est des risques de perte, M. Smith a laissé entendre que M. Merritt risquait vraisemblablement d'avoir à faire du travail sans être rémunéré. Par exemple, s'il y avait un problème avec une réparation, M. Merritt devait refaire le travail sans être rémunéré. Il a également laissé entendre que M. Merritt aurait pris une assurance sur les outils à mains et aurait peut-être eu à payer des montants se rapportant à un bureau à domicile.

[14]     M. Smith a présenté en preuve un questionnaire tiré du site Web de l'Agence du revenu du Canada (RC4110E) qui a pour but d'aider à déterminer si un travailleur a le statut d'employé ou de travailleur indépendant. Il a rempli le questionnaire et, des réponses aux 46 questions, 25 indiquaient une situation de travail indépendant, 14 indiquaient une situation d'employé et 7 ne s'appliquaient pas dans les circonstances. M. Smith a donc dit que la grande majorité des réponses amènent à conclure que le travailleur travaillait à son compte.

[15]     M. Smith a aussi présenté en preuve un certain nombre d'autres documents dont plusieurs avaient été fournis par l'Agence dans le cadre d'une demande d'accès à l'information. Parmi les documents fournis par l'Agence, il y avait le rapport de l'agent des appels et les questionnaires remplis par David Smith et Kelly Merritt.

[16]     Ce qui me préoccupe par rapport à la position de l'appelante est que la seule personne qui a une connaissance approfondie des faits pertinents relatifs à Brandy Lake est David Smith, et celui-ci n'a pas témoigné.

[17]     Dans une affaire de ce genre, le juge doit fonder sa décision sur l'ensemble des circonstances dans lesquelles se situait la relation entre les parties concernées. Il est donc essentiel qu'une personne ayant une connaissance approfondie de la situation témoigne et soit contre-interrogée. Dans cette affaire-ci, cette personne était David Smith. C'est lui qui a établi la relation avec M. Merritt et qui aurait signé tout contrat. De plus, c'est lui qui traitait régulièrement avec M. Merritt.

[18]     Bruce Smith, le frère de David, avait une connaissance directe très limitée de la situation, et une bonne partie de son témoignage était fondée sur des suppositions, sur des documents contenant des renseignements dont il n'avait aucune connaissance personnelle et, je présume, sur de l'information que lui a fournie son frère. Par conséquent, il m'a été impossible de conclure que le témoignage de Bruce Smith correspondait à un exposé exact ou exhaustif des faits pertinents. En contre-interrogatoire, il a admis qu'il ne savait pas du tout ce sur quoi la rémunération de M. Merritt était fondée et qu'il ne connaissait pas les heures de travail de M. Merritt. Bruce Smith pouvait consulter les dossiers financiers de Brandy Lake par l'entremise de la société de sa femme, qui faisait la tenue des livres de Brandy Lake. Tout au plus, les dossiers financiers indiquaient ce que recevait M. Merritt comme rémunération, mais n'indiquaient pas en fonction de quoi les paiements étaient calculés.

[19]     Je conclus que la documentation que Bruce Smith a présentée ne suffit pas à elle seule à établir que Kelly Merritt était un travailleur indépendant. Le même problème se pose relativement au questionnaire que Bruce Smith a rempli, qui était tiré du site Web, en ce sens que Bruce Smith n'avait pas la connaissance directe nécessaire des circonstances de la situation pour remplir correctement le questionnaire.   

[20]     Pour ce qui est du prétendu contrat écrit, le document qui a été présenté en preuve était une copie non signée d'une entente. Bruce Smith a témoigné que bon nombre des documents de Brandy Lake ont été détruits quand la compagnie a été vendue. D'après la preuve dont je suis saisie, je ne peux pas conclure que ce document a été signé par les parties concernées. Je fais remarquer que le questionnaire de Kelly Merritt indique qu'il n'y avait pas de contrat écrit.

[21]     Pour ce qui est des questionnaires remplis par David Smith et Kelly Merritt, je ne peux pas leur accorder de poids parce que ni l'un ni l'autre n'a témoigné et, par conséquent, n'a pu être contre-interrogé.

[22]     L'un des documents qui a aidé l'appelante dans une certaine mesure était une photocopie d'un extrait du grand livre de Brandy Lake énumérant les paiements faits aux sous-traitants. Bien que le nom de Kelly Merritt ne figure que trois fois sur la photocopie en question, le document tend à indiquer que Kelly Merritt ne gagnait pas un montant en fonction d'un taux hebdomadaire fixe. Toutefois, le grand livre n'indique pas en fonction de quoi la rémunération était calculée.

[23]     En l'espèce, il a été décidé de ne pas engager les dépenses nécessaires pour que David Smith puisse témoigner, ce qui est bien dommage. Compte tenu du fait que Bruce Smith n'avait aucune connaissance directe de la relation entre M. Merritt et Brandy Lake, je conclus que l'appelante ne s'est pas acquittée de la charge d'établir que M. Merritt était un travailleur indépendant.

[24]     Les appels sont rejetés.   

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de décembre 2004.

« J. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de janvier 2006.

Mario Lagacé, réviseur


RÉFÉRENCE :

2004CCI807

NO DU DOSSIER :

2004-2706(EI) et 2004-2707(CPP)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Brandy Lake Auto Service Limited c. S.M.R.

LIEU DE L'AUDIENCE :

London (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 16 et 17 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge J. Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

Bruce Smith

Avocat de l'intimé :

Me George Boyd Aitken

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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