Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2002-3698(IT)G

ENTRE :

TWIN ISLANDS ESTATES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 20 et 21 novembre 2003 à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L'honorable juge Theodore E. Margeson

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Craig C. Sturrock

Avocate de l'intimée :

Me Margaret E. T. Clare

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est accueilli. Les nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I et de la partie III sont entièrement annulées. L'appelante a droit à ses frais dans cet appel, qui devront être taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'avril 2004.

« »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2004CCI141

Date : 20040402

Dossier : 2002-3698(IT)G

ENTRE :

TWIN ISLAND ESTATES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Margeson

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation (la « nouvelle cotisation en vertu de la partie I » ), datée du 19 septembre 2002, établie à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1999 conformément à la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi » . L'appelante a également interjeté appel à l'encontre d'une cotisation datée du 31 octobre 2001 et par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une cotisation d'impôt sur le revenu à l'égard de l'appelante en vertu de la partie III de la Loi (la « cotisation en vertu de la partie III » ).

[2]      Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1999, l'appelante a qualifiée la vente de la Twin Islands Estates Ltd. (la « Twin Islands » ) de transaction sur le compte en capital. En établissant une cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1999, le ministre a qualifié la vente de Twin Islands de transaction sur le compte du revenu. Le ministre a soutenu qu'au moment de l'acquisition, l'appelante avait envisagé la possibilité de revendre l'entreprise à profit et que cette possibilité constituait un motif déterminant de l'acquisition du bien.   

[3]      De plus, en l'absence d'un gain en capital de la disposition, le dividende en capital versé excédait le solde du compte de dividende en capital de l'appelante immédiatement avant le versement d'une quelconque fraction du dividende en capital, et l'appelante a été cotisée en conséquence.

Questions en litige

[4]      La principale question en litige consiste à savoir si la vente doit être considérée comme une opération sur le capital, ou bien sur le revenu. La réponse à cette question induit la réponse à la deuxième question concernent le compte en capital.Ces deux questions en litige peuvent être formulées différemment. Ainsi :

1.        L'appelante a-t-elle réalisé au cours de son année d'imposition 1999 un gain en capital de 5 536 329 $ en raison de la disposition de ce bien-fonds; ou bien a-t-elle gagné un revenu d'entreprise tiré de la vente d'un bien-fonds en inventaire?

2.        L'appelante avait-elle droit à un remboursement d'impôt de 1 072 201 $ pour son année d'imposition 1999 en vertu du paragraphe 129(3) de la Loi?

3.        Le dividende en capital versé par l'appelante excédait-t-il le solde de son compte de dividende en capital immédiatement avant le versement d'une quelconque fraction du dividende en capital?

[5]      L'appelante a appelé à témoigner Mme Penny Ledoux qui, à l'époque, était chef d'équipe (la « vérificatrice » ) à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ). Celle-ci a été appelée à témoigner en vertu des dispositions du paragraphe 146(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) et elle a été contre-interrogée par l'avocat de l'appelante.

                                                                                            

[6]      Elle a affirmé qu'elle avait procédé à une vérification type de la société de l'appelante. Cette affaire a été soumise à son attention à la suite d'une vérification à laquelle on avait procédé concernant une coentreprise entre cette société et deux autres. L'Agence a fait des hypothèses, examiné les documents et établi de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1998 et 1999. Selon l'une de ces hypothèses, la société de l'appelante n'était pas une entreprise d'exploitation forestière.

[7]      On l'a renvoyée aux questions 48, 49 et 50 du procès-verbal de l'interrogatoire préalable qui a été consigné en preuve. Elle a essentiellement affirmé la même chose. En Cour, elle a indiqué que l'appelante avait reçu un revenu de la vente de billots, mais qu'à son avis, l'appelante n'exerçait pas une entreprise d'exploitation forestière.    

[8]      Avant 1998, l'appelante n'a conclu aucune vente de bien-fonds ou de biens personnels. En 1998, quelques biens personnels ont été vendus et la société a payé de l'impôt sur ses opérations forestières pour les années d'imposition 1998 et 1999. La société a déduit des dépenses de son revenu tiré de la vente de bois d'oeuvre en 1998 (radiation par elle-même). En 1999, une nouvelle cotisation a été établie à l'égard de la société de manière à inclure ces déductions et le profit tiré de la vente. En 1998, on n'a pas jugé qu'il s'agissait d'une déduction pour amortissement parce que le bien-fonds était un article en inventaire et non pas visé par l'annexe 6. La somme de 14 000 $ a donc été refusée à titre de déduction pour amortissement ( « DPA » ) en ce qui concerne les ventes de matériel. Cette somme (coût des marchandises vendues) n'a pas été refusée. Elle a été admise à titre de coût des marchandises vendues parce que des billots avaient été vendues. La vérificatrice a donc jugé qu'il s'agissait d'une fraction du coût de l'inventaire.   

[9]      Au cours de cette période, des ventes d'environ 114 000 $ ont été conclues, mais le revenu tiré des ventes de billots n'était pas un revenu de l'entreprise d'exploitation forestière. On lui a ensuite demandé pourquoi elle n'avait pas accordé l'avantage fiscal à la société. Elle a répondu que le ministre avait conclu qu'il s'agissait d'un revenu tiré de la vente du bien-fonds. Elle a ensuite conclu qu'il s'agissait d'un revenu tiré de la vente d'un article d'inventaire. Elle a déclaré qu'il s'agissait d'un revenu tiré d'une activité forestière, mais que la société n'était pas une entreprise d'exploitation forestière.   

[10]     On l'a renvoyée à la question 122 de la déposition en interrogatoire préalable concernant l'année d'imposition 1998 et elle a déclaré qu'ils n'avaient pas modifié le revenu correspondant aux sommes tirées de l'activité forestière qui avait été déclaré. Aux questions 134 et 135, elle a indiqué qu'il s'agissait d'une entreprise à risques de caractère commercial, dont les activités consistaient à vendre des biens réels.

[11]     On l'a renvoyée à l'onglet 25 de la pièce A-1, une lettre envoyée par l'ADRC à la société Twin Island Estates Ltd. suivant l'examen des feuillets T2 joint aux déclarations de revenus pour les années d'imposition 1998 et 1999 concernant le bien réel. Dans cette lettre, l'ADRC proposait de rajouter une somme radiée de 1 423 125 $ à la valeur du bien-fonds producteur de bois d'oeuvre. On n'a pas tenu compte des ventes pour l'année 1998. Aux questions 134 et 135 de l'interrogatoire préalable, elle a indiqué que le ministre avait considéré les opérations de l'appelante comme ponctuelles. Il s'agissait de la vente d'un bien réel, de la vente et de l'achat d'un bien-fonds, et non pas d'une concession forestière.

[12]     Aux questions 146 et 147 de la déposition en interrogatoire préalable, on a indiqué que l'expression « somme radiée à l'égard de la concession forestière » n'est pas employée à bon escient. À la question 149, elle a dit que l'année d'imposition 1998 n'avait pas été réévaluée correctement. On aurait pu, mais on ne l'a pas fait. À la question 154, elle a affirmé que ce n'était qu'une question de chronologie. Quant à savoir comment ils envisageaient le traitement, soit à titre de réduction de l'inventaire ou à titre de coût des billots vendues, la réponse est nébuleuse. Les répercussions sur la vente du bien-fonds, l'année suivante, auraient été les mêmes.   

[13]     Aux questions 164 et 165, elle a répondu qu'en 1998, la DPA à l'égard de la concession forestière avait été accordée. L'avocat lui a fait remarquer que si elle admettait que cette déduction avait été demandée et accordée à l'égard d'une concession forestière, alors elle avait agi de manière incohérente avec la décision rendue en 1999. Elle a alors déclaré qu'elle avait ré-examiné les dispositions législatives et qu'elle ne croyait pas maintenant que les mesures qu'ils avaient prises étaient incohérentes, et que selon elle, il ne s'agissait pas d'une DPA.   

[14]     Elle a fait état d'une lettre de l'ADRC à Smythe Radcliffe, datée du 17 juillet 2001, dans laquelle le ministre indique que, même après avoir examiné la documentation et tenu compte de toutes les circonstances et de tous les faits pertinents concernant l'opération, l'Agence avait décidé que le profit tiré de la vente de l'entreprise Twin Islands était un revenu d'entreprise et non un gain en capital. L'ADRC ajoute qu'elle établirait les nouvelles cotisations proposées au moment opportun.   

[15]     On l'a renvoyée aux questions 221 à 224 de l'interrogatoire préalable et elle a reconnu que les intérêts avaient été déduits pour les années d'imposition 1998 et 1999 et que cette déduction avait été accordée. Elle a déclaré que ce que l'Agence avait fait en 1998 n'avait aucune espèce d'importance, était donné que l'ADRC pouvait en tenir compte pour l'année d'imposition 1999. On lui a également fait remarquer que des intérêts versés à la Banque Royale avaient été accordés en 1998 à l'égard du prêt d'exploitation forestière et qu'on avait admis la déduction de l'impôt foncier. Pour l'année 1999, ces mêmes déductions avaient été faites. Elle a répondu qu'il s'agissait d'une entreprise à risques de caractère commercial depuis le « démarrage de cette entreprise » .

[16]     On l'a renvoyée au paragraphe 18(2) de la Loi et on lui a indiqué que ce paragraphe interdit les déductions d'intérêt et d'impôt foncier pour les entreprises comportant un risque de caractère commercial. On lui a ensuite demandé pourquoi on avait accordé dans ce cas-ci ces déductions. Elle a répondu qu'il existait une zone d'incertitude à cet égard et que cela n'aurait eu aucun importance en 1999.

[17]     On l'a renvoyée à l'onglet 32 qui est le rapport sur l'opposition. En ce qui concerne la question 239 de l'interrogatoire préalable, elle a répondu qu'elle était maintenant au courant que la société fait effectivement des expertises, comme il était indiqué dans le rapport sur l'opposition. On y mentionne également que la société planifie et effectue des expertises afin de confirmer que les îles se prêtent à l'exploitation forestière. La société procédait d'abord à un examen initial sur le terrain, plus détaillait l'inventaire forestier. Les expertises relatives au zonage ont confirmé que l'exploitation forestière était autorisée. On a produit des prévisions des revenus d'exploitation forestière. Le contribuable a également évalué les coûts de restauration de l'hôtel pavillonnaire. Il a obtenu une estimation des coûts de réparation de la toiture, des évaluations du mobilier et du matériel existants ainsi que des estimés des coûts de remplacement du mobilier.

[18]     De plus, elle a confirmé, à la question 247, que la société n'avait pas mis en vente la propriété de Twin Islands et que l'on n'avait jamais fait paraître de publicité à cet égard. Ainsi, comme il avait été indiqué dans le rapport sur l'une opposition, le ministre était d'avis que la nouvelle cotisation devait être confirmée.

[19]     Une erreur s'est glissée dans le premier rapport, là où il est indiqué que l'opposition devrait être entérinée. Le rapport mentionne que la question de savoir si la propriété de Twin Islands était une concession forestière ou un bien en inventaire du contribuable en était une de fait. La position du ministre semblait être qu'en raison du montant en cause, l'affaire devait être débattue devant les tribunaux.

[20]     Tant la durée de la détention du bien par la société que le prix obtenu pour celui-ci étaient des facteurs dont il convenait de tenir compte. Elle était au courant des protestions qui avaient eu lieu et n'ignorait pas non plus que l'offre d'achat de 10 000 000 $ n'avait pas été sollicitée. La propriété avait été achetée par une fondation.   

[21]     Elle a fait état de sa déposition en interrogatoire préalable ainsi que des états financiers de la société, tels qu'ils apparaissent à l'onglet 6 et elle a reconnu que l'on pouvait faire un profit de 3 300 000 $ de la vente des billots. On se livrait sérieusement à l'exploitation forestière et les états financiers indiquaient des ventes s'élevant à 3 201 385 $.

[22]     On l'a renvoyée à l'onglet 6 ainsi qu'aux questions 107 et 282 de l'interrogatoire préalable, et elle a admis que la société avait réclamé des montants à titre de crédit d'impôt de la Colombie-Britannique sur les opérations forestières en indiquant que sa principale activité commerciale était l'exploitation forestière. Elle a exprimé son désaccord. Elle a indiqué que ce rapport couvrait les sept premiers mois d'activité de la société. On lui a demandé en quoi consistaient les activités commerciales de la société en 1998, et elle a répondu qu'elles consistaient en l'aménagement de terrains. On lui a ensuite demandé si la société aménageait des biens réels, et elle n'a fourni qu'une réponse évasive.

[23]     On l'a renvoyé aux états financiers, à la ligne 640 de la page 7, qui indiquent que la société a déduit à l'annexe 21 un crédit d'impôt fédéral sur les opérations forestières de 7 618 $. Cette déduction n'a pas été refusée. De même, un crédit d'impôt fédéral sur les opérations forestières a été réclamé aussi pour l'année 1999. On l'a aussi renvoyée à la déclaration de revenus pour l'année 1999, à l'annexe 005, où il est indiqué que la société versait un impôt considérable sur les opérations forestières en C.-B.    

[24]     On l'a renvoyée à d'autres documents du recueil de pièces, notamment à l'avis de cotisation, au choix concernant les gains en capital, à une cotisation originale pour l'année d'imposition 1999, au rapport du vérificateur et aux ajustements qui ont été faits à la page 3 du rapport de vérification. Elle a déclaré qu'elle était à l'origine de ces travaux. À la page 4 du rapport, elle a indiqué que l'affaire avait été déférée à la Section des recouvrements. Elle affirme qu'en tant que chef d'équipe, elle ne tirait aucun avantage de l'augmentation de cette cotisation fiscale. Le montant en cause ne constitue qu'un seul facteur dont on a tenu compte lorsqu'il a fallu décider s'il s'agissait d'un montant imputable au capital ou bien au revenu. On l'a également renvoyée au rapport sur la comparaison entre le gain en capital et le revenu, qui se trouve à la page 5 du rapport du vérificateur. S'il s'agit d'une concession forestière, alors le bien-fonds et le bois d'oeuvre sont traités comme une seule entité d'où il ne reste qu'à radier la valeur du bois d'oeuvre.

[25]     On lui a demandé si elle présumait qu'au moment de l'achat du bien-fonds, sa valeur était si élevée qu'il pouvait être revendu en réalisant un profit de 6 000 000 $. Elle a répondu que, selon son expérience, Michael Jenks ne paierait le prix que s'il était assuré d'en obtenir suffisamment de bois d'oeuvre pour couvrir le prix d'achat. Elle ignorait qu'une partie de ce bien-fonds n'avait pas été vendue et qu'une autre partie avait été vendue à perte.

[26]     On l'a renvoyée à l'Avis de nouvelle cotisation des sociétés, à l'onglet 29. L'Agence a considéré le tout comme un bien en immobilisation, et il est impossible d'accorder une DPA à l'égard de biens en inventaire. Les outils et la pelle rétrocaveuse d'occasion faisaient aussi partie de l'inventaire et ils essayaient également de les revendre.

[27]     On l'a renvoyée aux onglets 30 et 31 qui contiennent l'Avis de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1999 et l'impôt de la partie III sur les versement excédentaires de dividendes payés le 29 octobre 1999 sur le solde du compte de dividende en capital concernant le choix soumis dans le feuillet T2054. Elle a indiqué que l'obligation de payer ce montant découlait du versement par l'appelante d'un dividende excessif.

[28]     On l'a renvoyée à l'onglet 33, soit l'Avis de ratification du ministre; aux onglets 49 et 50, les déclarations concernant les opérations forestières pour la C.-B.; ainsi qu'à l'onglet 51, qui contient une lettre datée du 6 décembre 2001 portant sur sa vérification de l'appelante. Dans cette lettre, elle confirme de nouveau que le produit de la vente de bien-fonds ne constituait pas un revenu d'opérations forestières pour la déduction relative à l'impôt sur les opérations forestières visée à l'article 127 de la Loi. L'article 700 du Règlement définit le « revenu pour l'année tiré d'opérations forestières » . Elle a confirmé cette conclusion devant la Cour. Les contribuables qui paient un impôt sur les opérations forestières ne sont pas tenus de se livrer à des activités commerciales dans le domaine de l'exploitation forestière. La vente du bien-fonds et du bois d'oeuvre qui y est planté est également assujettie à l'impôt sur les opérations forestières. On lui a demandé si ce qu'elle était en train de dire était que l'appelante n'aurait pas dû payer d'impôt sur les opérations forestières parce qu'elle ne se livrait pas à des opérations forestières lorsqu'elle a acheté, puis vendu, le bien-fonds et le bois d'oeuvre en question. Elle a répondu qu'à l'égard des gouvernements provinciaux, l'Agence aurait informé la province qu'il ne s'agissait pas d'une opération forestière et, conséquemment, que la société n'aurait pas dû payer l'impôt sur les opérations forestières. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait informé les autorités fiscales provinciales responsables des opérations forestières en Colombie-Britannique de ce fait concernant l'appelante, elle a répondu qu'elle vérifierait pendant la pause.

[29]     On l'a renvoyée aux onglets 57 à 62, des procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la Coastland Wood Industries Ltd. ( « Coastland » ) et elle a indiqué que la Twin Islands y était mentionnée. Dans ces procès-verbaux, il n'est nullement question de vente, de revente, etc., mais uniquement de l'exploitation forestière.   

[30]     À son retour de la pause, elle a déclaré qu'elle n'avait trouvé dans son dossier rien qui indiquait qu'elle avait transmis aux autorités provinciales les renseignements selon lesquels il ne s'agissait pas d'une opération forestière.

[31]     Lorsque l'avocate de l'intimée l'a ré-interrogée, elle a déclaré que l'impôt provincial sur les opérations forestières donnait droit à un crédit d'impôt fédéral. Il n'est pas nécessaire d'exercer une entreprise d'exploitation forestière pour payer l'impôt sur les opérations forestières. On l'a renvoyée à l'onglet 7, qui comprend un feuillet T2 intitulé Déclaration de revenus des sociétés pour l'année 1999, et notamment à l'inventaire de l'année 1998 qui indique une valeur de 919 155 $. Cette déclaration indique que le bois d'oeuvre n'a pas été radié du bilan comme vente. Nous nous trouvons donc avec un bien-fonds à caractère commercial, du bois d'oeuvre, des bâtiments et du matériel qui constituent l'inventaire et qui ont tous été acquis au moment de l'achat du bien-fonds. L'appelante faisait uniquement référence à ce bois d'oeuvre en employant le terme « inventaire » .

[32]     On l'a renvoyée à la question 165 de l'interrogatoire préalable, et elle a indiqué que pour le ministre, le montant n'avait pas été déduit ou admis à titre de concession forestière. Il a été déduit à titre de coût des marchandises vendues. L'impôt foncier et les intérêts réclamés ne soulevaient pas de problème parce qu'un revenu avait été généré cette année-là. Il n'est pas illogique d'admettre cette déduction dans la mesure où il y a eu un revenu pour l'année.

[33]     Lorsqu'on l'a réinterrogée, on lui a demandé ce qu'il en était de l'année 1999, alors qu'aucun revenu n'avait été généré. Elle a déclaré que le montant aurait été déductible parce que la propriété avait été vendue.

[34]     M. Donald Longstaff a témoigné qu'avant sa retraite, il y a deux ans, il était le directeur financier de Coastland. Il était également le vice-président aux affaires financières. Il traitait avec les institutions bancaires. La propriété Twin Islands lui était familière.

[35]     On l'a renvoyé au document déposé en preuve sous l'onglet 42 et il a déclaré que cette lettre visait à obtenir du financement pour acheter la propriété en question. Quant aux onglets 57 à 61, ce sont des procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la Coastland. Celle-ci obtient ses billots sur le marché libre ou par échanges. L'onglet 59 fait mention de certaines manifestations concernant le bien-fonds en cause. L'onglet 60 concerne une vente possible du bien. L'aménagement immobilier n'a jamais été envisagé dans le cadre de ce projet. Ils étaient essentiellement intéressés à produire du bois de placage, mais il n'y avait pas de bois pour en faire. Ils ont traité avec la banque de la même manière qu'ils l'auraient fait dans d'autres circonstances. Ils n'ont jamais pu obtenir de financement en fonction de la valeur du bien-fonds. La banque a clairement stipulé que le prêt devait être remboursé à mesure de la vente du bois d'oeuvre. La société ne voulait pas prendre le risque de miser sur un éventuel projet d'aménagement.

[36]     En contre-interrogatoire, il a déclaré qu'un accord provisoire avait été conclu pour l'achat du bien-fonds. Cet accord figure à l'onglet 8. Au moment de présenter sa demande à la banque, il avait eu l'intention de passer cet accord, à condition d'obtenir un financement. Le chiffre de 4 000 000 $ pour le bien-fonds dont fait mention le document suivant l'onglet 42 est l'estimation faite par quelqu'un de ce qu'il pouvait valoir. À son avis, il s'agissait d'une très bonne affaire pour eux, mais sans qu'ils sachent si la société pouvait réaliser 4 000 000 $ pour la vente du bien-fonds, ni quand un tel gain serait réalisé.

[37]     Ils envisageaient de conclure l'affaire dans un délai de neuf mois, mais pouvaient faire preuve de souplesse et ignoraient si le bien-fonds pouvait être prêt à être vendu dans un tel délai. Quant à la banque, son principal sujet d'intérêt était d'obtenir le remboursement du prêt après la vente des billots. Il avait déjà traité avec Mike Jenks, dont le nom figurait dans l'accord provisoire. Il a renvoyé la Cour à l'accord provisoire de coentreprise, à l'onglet 34, entre la Coastland et Jemi Holdings Ltd. John McKay y a apposé sa signature. Ces biens-fonds étaient couverts de bois d'oeuvre et situés dans l'île Gabriola. Le bien-fonds n'est toujours pas vendu. À son avis, il n'y a pas de marché pour ce terrain. L'intention était de procéder à la coupe des billots puis de vendre le terrain. Le bien-fonds était composé juridiquement de plusieurs parcelles, mais la Coastland n'avait pas l'intention de se lancer dans un projet d'aménagement en dépit de l'accord de lotissement. Le lotissement n'était possible que si le bien-fonds était vendu en un seul lot, ou à des fins d'activités saisonnières.

[38]     En ce qui concerne la propriété de Twin Islands, il ne se rappelle pas que M. Jenks soit venu pour en discuter avec lui. Il a fait mention de l'onglet 56, un état des rajustements du vendeur à l'égard de la propriété de Twin Islands. Il a déclaré qu'il s'en souvenait. Sa signature y apparaît au bas. La banque a communiqué avec lui pour l'informer qu'on protestait et on manifestait devant la Banque Royale et que quelqu'un avait écrit une lettre au siège social de la Banque concernant le projet. Les responsables des relations publiques de la Banque leur ont alors demandé de fournir une réponse. Il voulait que les représentants de la société passent en revue cette réponse et qu'ils s'assurent qu'ils ne désapprouvaient rien dans la réponse.

[39]     Dans cette lettre, il est fait mention d'aménager la propriété et de vendre des lots. Il s'agissait d'une tentative de se débarrasser d'eux. Le conseil d'administration n'avait jamais envisagé vraiment d'aménager le bien-fonds. Il était composé de cinq parcelles distinctes. L'intention était de les vendre à un certain moment donné.

[40]     On l'a renvoyé à l'accord conclu entre Michael Jenks et la Coastland qui figure à l'onglet 39 et dans lequel on mentionne l'intention d'utiliser le bien-fonds et de l'aménager. Il a déclaré que cela ne pouvait faire référence qu'à l'aménagement de l'exploitation forestière. La société n'a jamais eu l'intention de se lancer dans un projet d'aménagement ou de lotissement. L'intention était de vendre le bien-fonds après avoir procédé à la coupe des billots.

[41]     En 1999, ils avaient probablement besoin de 400 000 à 500 000 mètres cubes de planches pour produire leur bois de placage. Pour ce faire, ils utiliseraient principalement le Douglas taxifolié. On en vendrait. Ils vendraient aussi du cèdre et toute la pruche. Ils utiliseraient environ 60 p. 100 du bois, ou entre 40 000 et 50 000 mètres cubes. Dans une mesure limitée, l'entreprise serait autofinancée.

[42]     Pendant l'année 1999, ils auraient probablement utilisé un mois d'approvisionnement de bois environ dans le cadre de ce projet pour produire du bois de placage. Selon ce témoin, M. Jenks était essentiellement dans le domaine de l'exploitation forestière. Dans le cadre de ce projet, on avait envisagé d'assigner la responsabilité de l'exploitation forestière à l'entreprise de M. Jenks, mais l'équipement de celui-ci n'était pas disponible et ils ont donc été contraints d'utiliser celui de quelqu'un d'autre.

[43]     Lorsqu'on a réinterrogé le témoin, on l'a renvoyé à l'onglet 42 et au chiffre de 4 000 000 $ qui y est mentionné. Il a déclaré que son estimation était optimiste. Après l'exploitation forestière, le bien-fonds n'était plus aussi attrayant. Certaines parcelles étaient en mauvais état. On l'a renvoyé au paragraphe 5 à l'onglet 34 et il a déclaré qu'après avoir procédé à l'exploitation forestière, il aurait fallu au moins quatre ans pour aménager le bien-fonds. Il devait rechercher plusieurs sources d'approvisionnement. Le projet en question correspondrait à 10 p. 100 de leurs besoins en approvisionnement.

[44]     Barry Simpson a témoigné qu'il était le vice-président des opérations forestières pour le compte de Coastland. Il avait été propriétaire à 50 p. 100 de Twin Islands depuis 1992. Il a été le premier employé de Coastland. La scierie est située à Nanaimo. Depuis les deux à huit dernières années, on n'utilise que du Douglas taxifolié. Le site couvre sept acres de terrain. La scierie emploie 200 personnes, y compris 40 travailleurs à Vancouver et 160 à Nanaimo. Elle fonctionne 24 heures par jour, six jours par semaine. On y fabrique un produit dont la valeur est estimée à 100 000 000 $ par année. Le coût de la fibre varie de 75 000 $ à 80 000 $ par année.

[45]     Les billots correspondent à 75 à 80 p. 100 du coût d'exploitation de l'usine. La société possède une usine de séchage; cinq pour cent des matériaux sont destinés à la fabrication de contreplaqué et 70 p. 100, à la fabrication de feuilles de 4 pi x 8 pi qu'on utilise principalement pour la construction d'entreprises en bois. Le témoin était responsable de l'approvisionnement en billots. Ils ne disposent d'aucun contingent provincial. Ils achètent les billots que vendent le gouvernement fédéral, les particuliers qui nettoient leur terre et d'autres grandes entreprises qui doivent respecter des contingents. Ils paient les services que fournissent d'autres entreprises pour défricher le bien-fonds et leur vendre les billots. Ils achètent également des billots et des biens-fonds. L'entreprise avait déjà acquis un bien-fonds, mais l'opération s'est avérée un échec et on leur a ordonné de ne plus jamais acheter de bien-fonds. Ainsi, l'entreprise finance d'autres entreprises pour acheter des biens-fonds.   

[46]     À l'onglet 1 figure un plan typique d'une opération forestière. Ce plan provient de son dossier. L'onglet 8 contient la convention d'achat et de vente qui fait l'objet du présent litige. Ils ont obtenu un délai de trois mois pour conclure l'entente parce que l'entreprise n'avait besoin des billots qu'au premier trimestre de 1998.

[47]     L'onglet 9 contient une offre d'achat de 1 000 000 $ de Reifel Cooke Group Limited. Le témoin a déclaré que cette offre l'avait fait rager. Il aurait dit à l'offrant d'aller se faire voir ailleurs.

[48]     L'onglet 10 consiste en une réponse à l'offre d'achat de 1 000 000 $ de la Reifel Cooke Group Limited dans laquelle M. Jenks manifeste une absence totale d'intérêt à revendre le bien-fonds, mais indique que son potentiel résidait dans l'investissement à long terme dont le produit excéderait probablement l'offre d'achat. Cependant, il a ajouté que la partie pouvait soumettre une nouvelle offre.

[49]     L'onglet 11 contient le rapport sur l'inventaire forestier de la propriété, rapport qui n'a rien révélé. L'onglet 12 consiste en un accord conclu entre la Ulloa Resorts Ltd. et la Twin Islands concernant l'achat de la pelle rétrocaveuse et des outils. L'onglet 13 contient la convention d'achat et de vente de l'hôtel pavillonnaire et de son contenu. Quant à l'onglet 14, il s'agit d'une convention d'achat et de vente du bois d'oeuvre conclue entre la Twin Islands et la Mill & Timber Trading Ltd. L'une des dispositions prévoit le versement d'une avance de 500 000 $. Selon ce même accord, il avait été entendu que l'on procéderait d'abord à la coupe des cèdres sur la propriété, étant donné que les stocks de Douglas taxifoliés étaient élevés. Selon leurs calculs, le prix du cèdre chuterait au début de la nouvelle année. Enfin, l'onglet 21 contient l'accord final conclu entre la Compagnie Montréal Trust du Canada et l'appelante concernant un prêt sur le prix d'achat de 10 000 000 $.

[50]     L'onglet 34 contient l'accord provisoire de coentreprise conclu entre Coastland et la Jemi Holdings Ltd. concernant huit parcelles de terrain contiguës aux 11 000 acres. L'accord est daté du 15 novembre 1996. Le témoin a déclaré que l'exploitation forestière à des fins commerciales a débuté peu de temps après. Il aura fallu neuf mois pour couper presque tout le bois. On a procédé à la coupe sur une autre parcelle de terrain l'année suivante et cette année, on s'attaque à une autre parcelle. L'entreprise possède encore le bien-fonds, qui est à vendre. L'entreprise a payé 4,4 millions de dollars. L'intention était d'échelonner l'exploitation forestière sur une période de quatre années, mais ils avaient besoin du bois et ils l'ont coupé immédiatement.

[51]     L'onglet 36 contient des documents qui concernent un autre accord de coentreprise conclu avec la Jemi Holdings Ltd. Coastland perçoit les revenus et les verse à Jemi. Les parties doivent s'engager à vendre les biens-fonds. On a renvoyé le témoin à l'expression « aménagement et vente » dont il est fait mention dans certains de ces documents. Il a déclaré qu'il ignorait ce que cela voulait dire. Il a indiqué que l'objectif était de se débarrasser des biens-fonds.

[52]     Le document qui figure à l'onglet 37 est un rapport sur une visite des lieux sur la propriété de Twin Islands, produit par le témoin et M. Jenks le 1er août 1997. L'onglet 38 est de sa propre main. Il s'agissait de son ébauche. Dans ce rapport, on indique la qualité, le volume, les espèces et ce qui est nécessaire pour l'exploitation forestière. Ce rapport est qualifié de rapport de visite sur place. Il ne s'agit que d'une estimation. Aucun frais de financement n'a été étudié. Ils n'ont pas terminé la visite et certaines quantités considérables de billots n'ont pas été inventoriées. Cependant, cela n'a jamais été prouvé.

[53]     L'onglet 39 est un accord conclu entre Michael Jenks et Coastland. L'onglet 40 contient les chiffres de ce témoin, qui ne sont que des estimations complétées après avoir obtenu davantage de renseignements concernant les espèces et le nombre d'arbres. Il a également tenu compte de l'évolution du marché. Ces chiffres étaient plus précis. À la droite de ses estimations apparaissent des calculs qu'a effectués G. Childs. L'onglet 41 contient également les estimations de M. Childs. Quant à l'onglet 46, il contient cinq demandes de marquage du bois d'oeuvre et comprend une demande pour chaque titre. L'onglet 47 consiste en un accord d'exploitation forestière conclu entre la Twin Islands et la Coastland. C'est l'habitude. On n'y a pas joint d'annexe B. Le devis descriptif était transmis directement à l'entrepreneur forestier. Le prix fixé est pour un quart.

[54]     L'onglet 48 contient un calcul de la valeur de la propriété de Twin Islands. Des manifestants, qui voulaient que l'on cesse immédiatement l'exploitation forestière et que les dirigeants de l'entreprise acceptent des offres, exerçaient énormément de pression sur ces derniers et les harcelaient par téléphone. Le témoin a déclaré qu'il avait fait cela pour en arriver à des chiffres ridicules qui auraient pour effet de repousser l'offrant (George Reifel). Ces chiffres n'avaient aucune valeur réelle et n'étaient que des estimations fantaisistes.

[55]     L'onglet 52 contient une lettre de George Reifel qui n'a pas donné lieu à la signature d'une convention d'inscription. En bout de ligne, George Reifel a finalement obtenu de la Twin Islands des honoraires d'intermédiation. L'onglet 53 est soi-disant une « liste de conditions » qu'a dressée George C. Reifel et qui a été transmise à la Twin Islands. Le témoin a déclaré que, ni lui, ni Mark Jenks, n'avaient jamais signé une liste de conditions.

[56]     L'onglet 54 contient également une lettre qui prétend qu'ils coupaient à blanc la propriété, ce qui n'est pas le cas. Ils ont plutôt coupé le bois d'oeuvre de valeur supérieure et laissé derrière le bois d'oeuvre de valeur inférieure. L'onglet 55 contient un « un rapport intérimaire » . Lorsque ce document a été produit, il y avait des protestations véhémentes. L'actionnaire majoritaire de Coastland était victime de harcèlement, tant à son domicile qu'à son club de golf. La Banque Royale était également la cible des manifestants.

[57]     Ils n'ont fait aucun essai de perméabilité du sol ni de tests de la qualité de l'eau sur la propriété. Les onglets 58 à 61 contiennent les procès-verbaux de Coastland. On n'a jamais soumis aucun plan d'aménagement au conseil d'administration de Coastland. Aucune proposition n'a jamais été présentée à Coastland, à l'exception de l'opération forestière.

[58]     Coastland et M. Jenks ont conclu l'accord de coentreprise en décembre 1996. Le projet à l'île Gabriola était évalué à 4,4 millions de dollars. Les arbres ont été abattus. Le terrain est maintenant à vendre. Ils en ont coupé 70 p. 100 la première année, puis ils ont essayé de le vendre mais sans succès. En 2000 ou en 2001, le bien-fonds a été mis en vente au prix de 2,6 millions de dollars. Il est toujours à vendre. Ils avaient conclu un accord provisoire qui prévoyait la vente du bien-fonds en décembre 1998 au prix de 2,6 millions de dollars.

[59]     L'accord de coentreprise conclu avec M. Jenks au nom de Cortez concernait un terrain de 80 acres. Cette parcelle a été achetée en septembre 1998 pour la somme de 249 000 $. On a procédé à son exploitation forestière puis on l'a vendue. Elle avait été mise en vente au prix de 220 000 $ et a été vendue pour la somme de 130 000 $ en 2001. L'exploitation forestière a eu lieu en 1998.

[60]     En ce qui concerne l'accord de coentreprise concernant Gambier, cette propriété a été achetée en janvier 2000 pour la somme de 4 200 000 $. On a également procédé à son exploitation forestière qui s'est échelonnée sur une période allant de neuf mois à un an. L'entreprise en est encore la propriétaire. On n'arrive pas à la vendre. Elle n'a généré que des pertes. Les mises à prix des sociétés immobilières ne suffisent même pas à leur permettre d'atteindre le seuil de rentabilité. On espérait la vendre au prix de 3,5 millions de dollars.

[61]     En ce qui concerne le projet de Reed Island, il couvrait 170 acres et le bien-fonds a été acheté en janvier 2000. Le prix d'achat était de 685 000 $. On a procédé à son exploitation forestière puis on l'a mis en vente. Le bien-fonds a été vendu le 1er octobre 2003 pour la somme de 500 000 $.

[62]     En ce qui concerne le projet Nelson Island, le bien-fonds a été acheté en février 2000 pour la somme de 485 000 $. Il a été également exploité pour ses ressources forestières, et mis en vente; mais sans succès. On l'avait également mis en vente sur un site Web, mais ils n'ont reçu aucune offre d'achat. L'exploitation forestière du bien-fonds s'est effectuée en trois mois. Le prix d'achat du bien-fonds destiné au projet Reed Island (projet numéro 2) était de 800 000 $. Il a été acheté au cours de l'année 2000. On l'a exploité puis mis en vente, mais sans succès. Il avait été mis en vente au prix de 549 000 $, qui était inférieur au prix d'achat. Le projet de l'île Gabriola pour l'année 2001 couvrait 90 acres. Le prix d'achat était de 250 000 $. Le fonds de terre a été divisé en quatre lots et on a dû y creuser quatre puits pour obtenir de l'eau. Un lot a été vendu en octobre 2001 au prix de 224 000 $. Les trois autres acres sont toujours à vendre. L'opération forestière a généré environ 255 000 $.

[63]     Coastland s'est également lancée dans ses propres entreprises. Il s'agissait du projet agricole à Orton. Ils ont versé la somme de 850 000 $ pour l'acquérir. Ils ont exploité les ressources forestières puis ils l'ont vendu pour la somme de 640 000 $. Le bien-fonds en question ne pouvait pas être vendu au prix de 3 000 000 $ à 4 000 000 $ dont il a été fait mention. Il n'était pas encaissable. Après son exploitation forestière, une propriété perd environ la moitié de sa valeur.

Contre-interrogatoire

[64]     Barry Simpson avait été le vice-président de Coastland depuis 1992. Il était également le secrétaire de Twin Islands Estates Ltd. Il était au courant de l'offre de 1 000 000 $ pour l'achat des droits prévus à l'entente conclue avec le groupe Reifel. On l'a renvoyé à l'onglet 9 et on lui a demandé pourquoi il était contrarié. Il a déclaré que l'entreprise Coastland est le plus important producteur de billots en Colombie-Britannique et qu'il est difficile d'obtenir des billots. La scierie pouvait fermer pendant deux à trois semaines, ce qui lui coûtait de 2 000 000 $ à 3 000 000 $ si l'approvisionnement en billots était insuffisant. Il n'avait jamais entendu parler de la Reifel auparavant. L'offre comportait une menace implicite. Il ne croyait pas que « Mike » le connaissait avant.

[65]     On l'a renvoyé à l'accord conclu entre la Compagnie Montréal Trust du Canada et la Twin Islands Estates Ltd. pour le prix d'achat de 10 000 000 $. L'accord en question ne prévoyait aucune compensation pour le bois d'oeuvre coupé sur la propriété. On l'a également renvoyé au document qui figure à l'onglet 19, qui consistait en une offre de 11 000 000 $. À son avis, il ne s'agissait pas d'une offre sérieuse, en dépit du fait que l'offre qui a été conclue provenait de la même source. Tous les lots de la propriété de Twin Islands donnent sur l'eau, ce qui en accroît la valeur.

[66]     En ce qui concerne le projet de l'île Gabriola, la coentreprise, le témoin a reconnu qu'ils avaient payé la somme de 4,4 millions de dollars pour l'acquérir. Ils avaient des dépenses d'exploitation forestière et le projet a généré des revenus. On lui a laissé sous-entendre que le revenu net tiré d'opérations forestières variait de 3 à 3,5 millions de dollars, de sorte qu'il ne restait qu'à récupérer la somme de 1,4 million de dollars. Étant donné que les billots qui leur restaient valaient 500 000 $, cela laissait des coûts irrécouvrables d'environ 1 000 000 $. Le témoin a exprimé son désaccord parce que le « revenu net tiré des opérations forestières » n'inclut pas les « coûts de possession » . Il n'était pas vraiment au courant de la valeur du bien-fonds ou des coûts de possession. Sa spécialité était l'exploitation forestière.

[67]     On l'a renvoyé à l'onglet 35 qui concerne le projet de Reed Island (numéro 2) ou la deuxième propriété qui consistait en une coentreprise avec la Jemi, notamment aux paragraphes 7 et 8. Il a déclaré qu'on cherche toujours à obtenir les conseils de Mike Jenks parce qu'il est plus qualifié que lui dans le domaine des biens-fonds. Il a pris l'avion à plusieurs reprises pour se rendre sur la propriété. Sa première visite remonte au 1er août 1997. En avril de cette même année, Mike l'a informé qu'il négociait cette propriété.

[68]     Il a renvoyé la Cour à sa déposition en interrogatoire préalable, dans laquelle il mentionne une date ultérieure au mois d'avril 1997. Il a ensuite déclaré que cette date ultérieure correspondait à la date à laquelle il avait pris l'avion pour se rendre sur la propriété la première fois. L'accord provisoire a été conclu en juillet 1997. Lorsque l'accord provisoire a été signé, le témoin n'a entrepris aucune démarche afin d'établir la quantité de billots, selon ce qu'il est indiqué à l'onglet 38. La perte subie est d'environ 10 à 15 mètres cubes par acre. Les billots étaient utilisables mais ils étaient éparpillés un peu partout. Il n'y a rien de tel qu'un lot typique ou une opération forestière typique.

[69]     Il a fait référence à l'accord qui figure à l'onglet 39 comme le premier accord que Coastland avait conclu avec Mike Jenks. Cet accord concernait la propriété de Twin Islands. Il avait mentionné à l'avocat qu'il voulait l'acquérir. Don Longstaff avait probablement eu son mot à dire, mais il ne pouvait l'assurer. Il s'agit d'un accord d'exploitation forestière, mais les termes « opération forestière » et « bois d'oeuvre » n'y apparaissent pas. L'expression « plan d'aménagement » désigne un plan d'exploitation forestière, ce qui est commun en Colombie-Britannique.

[70]     En ce qui concerne l'accord conclu entre la Twin Islands et la Coastland, à l'onglet 47, il a déclaré que cet accord était très précis en ce qui concerne l'exploitation forestière. Celle-ci devait se terminer le 1er décembre 1998, soit une période de un an. L'accord qui figure à l'onglet 39 est celui entre Michael Jenks et la Coastland. L'avocat en a fait l'ébauche, même si, en règle générale, il mentionnait à son avocat ce qu'il voulait y voir. Il ne se souvenait pas d'avoir vu ce document. Il a ensuite déclaré qu'il ne pouvait pas dire précisément qu'il avait exercé une influence sur cet accord en particulier. On y faisait référence comme le soi-disant accord provisoire de coentreprise conclu entre la Coastland et la Jemi Holdings Ltd. daté du 15 novembre 1996. Il s'agissait du document final.   

[71]     Les autres documents qui figurent aux onglets 34 et 35 sont l'un et l'autre des accords de coentreprise qui font état d'opérations forestières ou de bois d'oeuvre, contrairement au document qui figure à l'onglet 39 qui ne fait aucune mention des opérations forestières ou du bois d'oeuvre. Ce document n'a pas donné lieu à un accord de coentreprise. Les parties ne disposaient que des documents qui figurent aux onglets 8, 39, 47 et 14 en ce qui concerne la propriété de Twin Islands. Les documents que contiennent les onglets 47 et 14 sont datés du 1er décembre 1997.

[72]     On lui a fait remarquer que dans d'autres affaires qu'il avait conclues avec la Jemi, ils avaient monté une structure de coentreprise, ce qu'ils n'ont pas fait avec Twin Islands. Il a indiqué qu'il s'agissait d'une structure différente. La Coastland et la Jemi sont devenues actionnaires d'une nouvelle société (Twin Islands). On l'a renvoyé à sa déposition en interrogatoire préalable, notamment à la question 158 où on lui demande pourquoi ils se sont servis de la société et il a déclaré que cela leur permettait de conclure un accord tampon.

[73]     On l'a également renvoyé aux questions 159 et 160. On lui a fait remarquer dès le début qu'ils étaient tous au courant de la possibilité de protestations. Il a déclaré que c'est courant dans cette industrie, notamment en ce qui concerne les propriétés insulaires. La propriété de Twin Islands est située à trois miles de Cortez et à quatre milles de Ferando. De la propriété de Twin Islands, on peut les voir. En ce qui concerne la question 165 de la déposition en interrogatoire préalable, il a déclaré que les manifestations visaient la destruction de la vue et des terres. La possibilité de protestations existait dès le début. Sur cette propriété croissaient une forêt primaire et une forêt secondaire, mais essentiellement une forêt secondaire. On lui a fait remarquer qu'avant qu'ils acquièrent la propriété, celle-ci avait essentiellement servi de lieu de retraite et comportait un centre de villégiature, deux ou trois autres maisons en plus de l'hôtel pavillonnaire et la loge du préposé à l'entretien. Il a déclaré qu'il ignorait que la propriété avait été un centre de villégiature.

[74]     Le projet de Twin Islands risquait d'abîmer la vue des résidents de l'île Ferando. Il croyait que les protestations viendraient de l'île Courtney. On l'a renvoyé à la question 237 de l'interrogatoire préalable et il a déclaré qu'il y avait un plan de lotissement du terrain sur lequel était construit l'hôtel pavillonnaire. Il ne s'agissait que d'un seul lot. C'est Mike Jenks qui a déposé la demande. Il y avait cinq titres. Il avait déduit que la demande visait à obtenir un zonage de 10 acres, mais on aurait pu agrandir ces lots.

[75]     Il a reconnu son écriture à l'onglet 48. Ils envisageaient une superficie de 10 acres pour chacun des 63 lots. Ils avaient obtenu conseil de Mike Jenks. Ils avaient discuté de ce que pouvaient rapporter les lots en bord de mer. Des notes ont été prises au dos d'un paquet de cigarette. Toute la discussion au sujet de l'aménagement du bien-fonds a duré entre 15 et 20 minutes. À l'interrogatoire préalable, le document qui figurait à l'onglet 40 a été joint à l'onglet 48. Il porte sa signature. Ils avaient procédé à une évaluation rapide du revenu résiduel du terrain. Il leur a semblé que la concession forestière pouvait générer 15 millions de dollars nets.

[76]     On l'a renvoyé à la question 42, où il est mentionné que ce projet aurait pu être une bonne affaire, ce qu'il a admis. Il a ensuite déclaré que le directeur de Coastland avait été victime de harcèlement au club nautique de Vancouver.

[77]     On l'a questionné au sujet de l'accord de coentreprise concernant le projet de Cortez Islands, en septembre 1998. Il n'a regardé que le prix d'achat, le prix de vente et le prix d'inscription. Il n'était pas certain quant au montant exact des ventes de billots et il a admis que 200 000 $ net de bois d'oeuvre ont été récoltés.

[78]     On l'a également interrogé au sujet du projet de l'île Gabriola et des 700 acres qui ont été achetés pour la somme de 4,2 millions de dollars. Cette propriété n'a pas été mise en vente, sauf sur le site Web de Mike parce qu'elle ne pouvait être mise en vente à un prix suffisamment élevé pour permettre de récupérer de la vente l'argent investi dans cette propriété. On leur avait conseillé de lotir la propriété. Ils espéraient en obtenir davantage en conservant la propriété plus longtemps.

[79]     En ce qui concerne le projet de Reed Island (numéro 1), on l'a renvoyé aux divers chiffres relatifs à un projet d'aménagement. Il a déclaré que cette propriété, en tant qu'opération forestière, avait généré des pertes. Il a déclaré ceci : [traduction] « J'affirme encore aujourd'hui que cette propriété, si on la considère comme un bien unique, nous faisait perdre de l'argent. Elle a donc été intégrée à une autre propriété. » On l'a ensuite renvoyé au prix de la propriété Reed (numéro 2) qui valait environ 300 000 $ en ce qui concerne les opérations forestières. L'île Gabriola a été une réussite sur le plan des opérations forestières.

[80]     Il a admis qu'on avait adopté la structure impliquant deux actionnaires en ce qui concerne la propriété de Twin Islands alors qu'à sa connaissance, la Jemi et la Coastland n'avaient conclu aucune convention d'actionnaires.

[81]     Lorsqu'on l'a réinterrogé, il a déclaré que la demande de lotissement concernant l'hôtel pavillonnaire avait été abandonnée parce que la parcelle de terrain était à cheval sur un autre lot et qu'il n'était pas possible d'en faire un lot contigu. Si une coentreprise est intégrée à une autre, elle conserve son individualité. Il a fait les calculs qui figurent à l'onglet 40 le 16 septembre. En ce qui concerne la valeur des billots et la valeur du bien-fonds qui apparaissent à l'onglet 48, il a fait les calculs en janvier 1998. Les renseignements qui figurent dans ces calculs à l'onglet 48 n'ont jamais été communiqués au conseil d'administration pour étude.   

[82]     Michael David Jenks s'est présenté comme un entrepreneur forestier. Il était l'unique actionnaire de la Jemi Holdings Ltd., une société d'exploitation forestière. Il travaille dans ce domaine depuis l'âge de 17 ans. Sa formation scolaire officielle ne monte que jusqu'à la huitième année. Les activités de Jemi Holdings consistent notamment à effectuer de l'exploitation forestière sur des biens-fonds, à exécuter des contrats d'exploitation forestière, à compétitionner pour l'achat de terrains ou de billots et à vendre des terrains, et ce, depuis 1987. La vente de biens-fonds lui rapportait en général 50 p. 100 des coûts originaux, mais d'un point de vue optimiste, il pouvait recevoir jusqu'à la totalité.   

[83]     Il a reconnu qu'il avait conclu avec la Coastland un accord de coentreprise concernant la propriété de Twin Islands, qui se trouve à l'onglet 8 de la pièce A-1. Il s'agissait d'un accord d'inscriptions multiples. Ils avaient survolé la propriété à plusieurs reprises et discuté avec des représentants du propriétaire concernant une possible exploitation forestière. L'accord a été rédigé en avril, puis modifié de manière à être conclu en décembre. Noel Paget a signé au nom de la Ulloa Resorts Ltd. On a modifié la date du 1er septembre au 1er décembre parce qu'il avait pris contact avec Coastland pour un partenariat. Ils voulaient également que la date de clôture soit changée parce qu'ils ne voulaient les billots que plus tard.

[84]     On l'a renvoyé à la lettre qu'a rédigée George C. Reifel et qui figure à l'onglet 9. Le témoin a déclaré qu'à son avis, M. Reifel tentait de les intimider et que selon lui, le bois d'oeuvre valait plus que cela. En ce qui concerne le document qui figure à l'onglet 10, on lui avait dit que George Reifel devrait aller se faire voir ailleurs.

[85]     Les chiffres de l'inventaire forestier qui apparaissent à l'onglet 10 n'ont servi, selon lui, à rien du tout. L'accord qui figure à l'onglet 14 entre la Twin Islands et la Mill & Timber Trading Inc. était tout ce qu'il y a de plus normal. L'offre de George Reifel d'acheter toutes les actions en circulation de la Twin Islands Estates Ltd. pour la somme de 11 000 000 $ n'était qu'une offre parmi tant d'autres. Il avait eu des doutes au sujet de George Reifel depuis le début. Il avait l'impression qu'il tentait de mettre fin à leurs opérations forestières. Il n'a pas signé la feuille dont il est fait mention dans la lettre qu'a rédigée George Reifel et qui figure à l'onglet 20. Il a signé le document indexé à l'onglet 21. Il s'agissait d'une offre officielle et des fonds avaient été placés en fiducie. La Compagnie Montréal Trust était impliquée de sorte qu'en ce qui le concerne, il s'agissait d'une offre légitime. Ils avaient l'intention de vendre le bien-fonds après avoir procédé à son exploitation forestière.   

[86]     L'accord de coentreprise relatif à la propriété de Reed Island, qui figure à l'onglet 35, était semblable. L'onglet 36 contient une copie du site Web de la Jemi Holdings Ltd. En règle générale, on faisait appel aux services d'une société immobilière pour qu'elle inscrive la propriété et qu'elle la vende. Si une offre d'achat était soumise en réponse au site Web, on la remettait à l'agent responsable de la mise en vente. En ce qui concerne l'onglet 37, ils ont visité la propriété située sur les Twin Islands avant d'en arriver à ces chiffres. L'onglet 38 contient un pro forma préparé par Barry Simpson. À l'onglet 39, ils ont attribué 50 p. 100 de la valeur de l'accord provisoire à Coastland. Il s'agissait d'un accord de coentreprise en vue de procéder à l'exploitation forestière de la propriété puis de vendre les terres. L'onglet 40 contient une estimation de M. Simpson et l'onglet 41 est un calcul indépendant. Enfin, l'onglet 42 est une lettre à la banque. Ils espéraient obtenir 4 000 000 $ pour le bien-fonds. Lorsqu'ils ont discuté avec la banque, ils ont fait valoir cet argument de poids.

[87]     En ce qui concerne l'accord qui figure à l'onglet 47 entre la Twin Islands et la Coastland, la Twin Islands avait accepté de vendre les billots au prix du marché. Les calculs qui figurent à l'onglet 48 ont été faits parce qu'ils voulaient faire en sorte que George Reifel, soit soumette une offre sérieuse, soit aille se faire voir ailleurs. Il a fallu entre 20 et 30 minutes pour rédiger cet accord. Les chiffres ne sont pas réalistes. Il n'a pas exploité les ressources forestières de la propriété de Twin Islands parce que son équipement était utilisé. Il n'a pas signé le document qui figure à l'onglet 52 et n'a pas signé non plus la liste de conditions à l'onglet 53.   

[88]     Il n'a pas engagé George Reifel, ni qui que ce soit d'autre, pour vendre le bien-fonds. Ils ont cru qu'il faudrait peut-être lotir le terrain pour récupérer l'argent investi après les problèmes qui ont résulté de cette opération. Il a visité la propriété de Twin Islands alors qu'on procédait à son exploitation forestière. On procédait à un « écrémage » , c'est-à-dire qu'on a coupé tout le bois d'oeuvre qui avait une valeur marchande et laissé le bois d'oeuvre de qualité inférieure un peu partout en îlots sur le terrain. Il a vu le communiqué de presse qui figure à l'onglet 55. Ni lui-même, ni qui que ce soit d'autre, n'ont fait aucune proposition au conseil d'administration en vue d'acheter la propriété de Twin Islands, de la lotir ou de la vendre.

[89]     En contre-interrogatoire, il a admis qu'il avait été un entrepreneur forestier dans la région de Prince George entre 1975 et 1976. Il a quitté la région pour aller s'installer au sud ouest de la Colombie-Britannique en 1991. Il n'a pas été en mesure de se rappeler à quel moment il a constitué en personne morale sa première société. Pendant les années 1997 et 1998, il était impliqué dans entreprises différentes.

[90]     La Jemi a été constituée en personne morale en 1987. Celle-ci ne possédait aucun bien destinés à l'exploitation forestière. Ces biens étaient conservés dans une société faisant affaire sous le nom de Duel Enterprises Limited. Le témoin possédait 50 p. 100 des actions.

[91]     Il possède la totalité des actions de Jemi. Il s'est installé au sud-ouest de la Colombie-Britannique parce qu'il voulait ralentir ses activités et prendre les choses plus calmement. Ce n'est pas ce qu'il a fait. En effet, il y a environ cinq ans, il a commencé à s'impliquer dans l'aménagement de terrains. Il avait mené un projet d'aménagement avant 1997, au nord de Parksville. Cette propriété couvrait une superficie de 187 acres. Ça s'appelait « Taio Investments Limited » . Ils ont aménagé, puis vendu, 31 lots. Ces lots n'ont pas été vendus par l'entremise du site Web. Ils ont été vendus par l'intermédiaire d'agents immobiliers.

[92]     Ce projet d'aménagement lui a fait gagner de l'argent. L'onglet 36 renvoie à son site Web. Ce site existait déjà avant 2001, mais pas en 1997. En ce qui concerne les propriétés, ils les affichaient sur le site Web, ils les mettaient en vente ou les deux à la fois après qu'il ait créé son propre site Web. Il a pris part à de nombreuses coentreprises avec la Coastland et, à cette fin, il utilisait une société nue-fiduciaire. Il s'agissait habituellement de l'une ou l'autre des sociétés à dénomination numérique.

[93]     En ce qui concerne l'aménagement du terrain situé près de Parksville, Taio Investments Limited n'était pas une coentreprise. Au départ, il possédait 30 p. 100 des actions puis par la suite, 90 p. 100. Il avait conclu des accords de coentreprise avec d'autres sociétés que Coastland. Il était principalement impliqué dans l'exploitation de propriétés forestières. Il a mené à terme quatre coentreprises en plus de celui avec la Coastland. Les biens-fonds étaient essentiellement situés sur l'île de Vancouver. Il n'a jamais mené de coentreprises à Prince George. En général, il conservait les propriétés pendant de longues périodes avant d'être en mesure de les vendre. Il était plus facile de vendre des propriétés dans cette région qu'à Prince George. Il ignorait qu'il était réputé être un promoteur immobilier.

[94]     Il a soumis trois offres en vue d'acquérir la propriété de Twin Islands. La première offre a été envoyée à la Ulloa en avril. Il l'avait envoyée à l'administrateur à Victoria. Les deux autres offres avaient été soumises deux ans auparavant. Ces offres étaient de 1,8 million de dollars et de 2,2 millions de dollars respectivement.

[95]     Il a découvert la propriété en question en la survolant. Il n'a jamais rencontré le prince propriétaire des lieux. Il a su que George Reifel avait certains contacts avec celui-ci. M. Reifel était très déçu que M. Jenks ait pu acheter la propriété. M. Jenks est assez prospère. Sa première offre a été rejetée. Un an plus tard, il en a soumis une autre. M. Paget a dit la même chose et a obtenu le même résultat. On lui a fait savoir que le propriétaire n'était pas intéressé à vendre. Lorsqu'il a envoyé le document qui figure à l'onglet 8, l'offre était selon lui de 4 millions de dollars. C'est lui qui a rédigé cette offre. Il a commencé par aligner des chiffres avec Barry Simpson (de la Coastland) en avril, puis il lui a demandé s'il était intéressé. Ce dernier lui a répondu qu'ils le seraient probablement. Barry Simpson voulait que la date de clôture soit prorogée. Il a donc rencontré le vendeur et ce dernier a accepté.

[96]     Après la signature de l'accord, le 28 juillet 1997, il a discuté de l'achat avec Barry Simpson et la Coastland. Les parties ont conclu cette affaire autrement qu'auparavant, alors que le témoin utilisait l'une ou l'autre de ses sociétés à dénomination numérique parce qu'il ne voulait aucune publicité. Ses avocats lui avaient dit qu'il était préférable d'agir de la sorte. Lorsqu'il l'a achetée, il ignorait que la propriété avait servi de centre de villégiature mais il a été mis au courant de ce fait avant la date de clôture. Il ignorait également que la propriété avait été annoncée comme une retraite.

[97]     Il a d'abord soumis une offre de 1,8 million de dollars en 1994 ou en 1995. Il ignorait la valeur de la propriété, mais il savait qu'elle valait plus de 1 million de dollars. La deuxième offre de 2,8 millions de dollars a été soumise en 1997. Lorsqu'on lui a demandé son avis sur la valeur de la propriété, il a répondu qu'elle valait plus de 2 millions de dollars. Cependant, il n'avait aucune idée précise de la valeur du bien-fonds.

[98]     Il ignorait la valeur du bois d'oeuvre lorsqu'il a soumis l'offre de 4 millions de dollars. Cette offre n'était fondée que sur ce qu'il avait vu lorsqu'il avait survolé la propriété. Lorsqu'il a discuté avec Barry Simpson avant de visiter la propriété, il n'a pas fait mention de la valeur. Il a indiqué qu'il voulait la propriété pour l'exploitation forestière, puis pour la vendre par la suite. Le bois d'oeuvre devait avoir une certaine valeur, sinon il n'aurait pas été intéressé à l'acheter. Lorsqu'il a survolé le secteur, il n'a pas estimé le temps que cela prendrait pour procéder à l'exploitation forestière. Il a su que M. Reifel était aussi intéressé à acheter la propriété pendant la soirée précédant l'envoi de sa première offre par télécopieur, soit le 30 septembre 1997.

[99]     La pièce R-1, datée du 18 novembre 1997, contient une télécopie qu'a envoyée M. Reifel. Dans ce document, celui-ci propose de faire évaluer le mobilier et demande s'ils sont intéressés parce que ces articles ne figuraient pas dans l'accord.

[100] La Twin Islands Estates Ltd. ne s'est livrée à aucune activité commerciale après la vente de la propriété. On a déclaré des dividendes sur le produit de la vente. Le témoin n'a constaté aucun écart du prix de vente qu'ils ont récupéré pour le bien-fonds, que les lots aient été situés ou non sur le bord de l'eau.   

[101] On l'a renvoyé au document qui figure à l'onglet 34, notamment au point b) du paragraphe 5. Ils voulaient, soit aménager le terrain au minimum, soit le vendre. Il se préoccupait notamment de le vendre le plus rapidement possible après l'avoir exploité. Voilà en quoi consistait son interprétation des faits.

[102] On l'a renvoyé à la facture du billet qui figure à l'onglet 37. La première fois qu'il s'est rendu sur les lieux, soit le 1er août 1997, il était accompagné de Barry Simpson. Il n'avait pas visité la propriété personnellement auparavant. On l'a ensuite renvoyé à l'estimation qui figure à l'onglet 42 ainsi qu'au chiffre de 4 millions de dollars qui correspond à la valeur du bien-fonds et il a déclaré qu'il s'agissait d'un chiffre optimiste et que si l'on pouvait récupérer cette somme de la vente du bien-fonds, ce serait fantastique. En ce qui concerne les calculs de Barry Simpson qui figurent à l'onglet 48, il a déclaré que ces estimations avaient été faites par téléphone. Une valeur variant de 4 à 6 millions de dollars pour le lot, comme l'indique le document, n'est pas réaliste. Selon d'autres estimations, le bien-fonds valait entre 3,2 et 4 millions de dollars, ce dernier chiffre étant la valeur maximale du lot. On avait simplement tenté de donner certains chiffres à George Reifel afin qu'il abandonne son projet d'acheter la propriété. Ce n'était rien d'autre que des chiffres fictifs. Si on était chanceux, on pouvait obtenir entre 150 000 $ et 200 000 $ par lot. En 1967, il avait plus de un lot à vendre. Il ignorait combien de lots il avait en vente actuellement.

[103] Il ignorait si son site Web affichait actuellement 250 lots à vendre. Parfois, il acquiert une propriété sur laquelle il n'y a pas de bois d'oeuvre. Il a conclu une affaire avec deux promoteurs immobiliers à l'extérieur de Victoria. Il ne s'agissait pas d'un montage semblable à l'affaire conclue par l'entremise de sa société à dénomination numérique. Les deux autres parties possédaient leurs propres sociétés qui détenaient leurs intérêts. Ils n'ont pas procédé au lotissement de cette propriété. Elle possédait deux titres. Il les possède encore aujourd'hui. Il croit que la mise en vente est peut-être expirée. Une parcelle couvrait une superficie de 56 acres et l'autre, 120 acres.

[104] Le bien-fonds a été exploité avant qu'ils l'achètent, mais ils n'en ont pas fait eux-mêmes l'exploitation forestière. Il a été porté à l'inventaire. Les courtiers en immeubles communiquent quelquefois avec lui pour obtenir des renseignements au sujet de la propriété. Dans la plupart des cas, il s'occupe de propriétés qui se prêtent à l'exploitation forestière.

[105] Il a parlé d'un projet aux îles de la Reine-Charlotte en novembre 1996 et il a déclaré qu'il s'agissait d'une coentreprise. Il n'a pas été en mesure de se rappeler du nom de la société, mais le prix d'achat était de 607 000 $. Ce bien-fonds a été loti en sept ou huit lots. Une maison ainsi qu'un lot ont été vendus en 1997 pour la somme de 220 000 $. Tous les lots ont fait l'objet d'exploitation forestière.

[106] En ce qui concerne la propriété de Twin Islands, il était au courant lorsqu'il l'a survolée, qu'un bâtiment s'y trouvait. Il n'a jamais envisagé d'utiliser le bâtiment de l'hôtel pavillonnaire parce qu'il ignorait tout ce qui concerne sa commercialité.

Les arguments présentés au nom de l'appelante

[107] L'avocat a déclaré que l'intimée ne plaide pas que l'appelante allait lotir la propriété en cause ou que telle était son intention secondaire, mais qu'il s'agissait plutôt d'un « projet comportant un risque de caractère commercial » .

[108] L'intimée tire cette conclusion concernant l'intention de réaliser un bénéfice, des antécédents de M. Jenks qui achetait et vendait des propriétés foncières à profit. L'intimée s'est totalement méprise en interprétant le droit.    

[109] Il a comparé ce processus à la situation d'un agriculteur qui cultive du maïs, le vend, puis vend la champ, au prix de 1 000 000 $. Dans une situation semblable, on n'affirmerait pas que le prix d'achat de 1 000 000 $ concernait le terrain et le reste, le maïs. L'objet de la présente affaire est une « concession forestière » . Ainsi, une concession forestière est un bien en immobilisation amortissable. Le propriétaire réclame l'amortissement, conformément aux règlements. La vérificatrice en l'espèce parle de récupération. La question que l'on doit poser est la suivante : « De quoi s'agit-il? » . Discutons-nous ici du bien-fonds, ou des arbres? En matière de fiscalité, il ne s'agit pas d'un bien-fonds ou d'arbres, il s'agit d'un bien en immobilisation amortissable. L'expression « concession forestière » figure dans la Loi. Il a renvoyé la Cour à l'affaire Highway Sawmills Limited c. M.N.R., 66 DTC 5116 (à l'appui de cette assertion).

[110] Le témoin qu'a produit la Couronne a déclaré que la vente des billots représentait la vente d'une partie du bien-fonds, ce qui n'était pas le cas. Il s'agissait d'un bien en immobilisation amortissable, à l'égard duquel on a accordé au contribuable une déduction pour amortissement. Cette déduction a été accordée pour l'année d'imposition 1998.

[111] L'intimée prétend qu'il s'agissait du coût des marchandises vendues, ce qui n'a aucune importance. Mme Ledoux la qualifie de récupération, ce qui n'était pas le cas. Il ne s'agissait pas d'un « projet comportant un risque de caractère commercial » , mais de l'achat d'une concession forestière. En 1999, l'appelante a vendu la concession forestière. La vérificatrice a combiné les deux entreprises. Il s'agissait d'une concession forestière. Trois quarts ont été inclus dans le revenu pour l'année 1999. Mme Ledoux veut que l'autre quart soit inclus à des fins fiscales.

[112] Le ministre a déclaré qu'il s'agissait d'une « opération d'achat-revente d'un bien-fonds » . Le ministre a également déclaré, en s'appuyant sur un autre argument, que le dividende en capital qu'a payé l'appelante excédait le solde de ses comptes de dividende en capital avant le paiement d'un pourcentage du dividende en capital et que, par conséquent, la société devrait être imposée en vertu de la partie III. Le ministre a ensuite imposé des pénalités.

[113] La preuve a révélé que l'appelante a payé la somme de 300 000 $ à titre d'impôt sur les opérations forestières de la Colombie-Britannique. Mme Ledoux n'a pas communiqué ce renseignement au gouvernement de la Colombie-Britannique. Elle a déclaré qu'il s'agissait d'un revenu tiré d'une entreprise. S'il s'agissait d'un revenu tiré d'une entreprise, alors quelle était l'entreprise?

[114] Selon la thèse du ministère public, la propriété a été achetée en vue de la vendre. Elle a été vendue à profit. Cependant, tous les éléments de preuve sont éloquents. Rien d'important ne peut être dégagé du fait que l'appelante savait que le projet soulèverait peut-être des protestations. On sera toujours au fait de manifestations. En l'espèce, c'est la norme plutôt qu'autre chose. L'offre soumise était purement fortuite et il était impossible de la refuser.

[115] Si l'appelante avait voulu revendre la propriété, elle aurait accepté l'offre de 1 000 000 $ qui lui avait été soumise précédemment. Elle voulait en exploiter les ressources forestières. Tel était leur objectif jusqu'au moment de recevoir l'offre finale. Aucune preuve ne démontre que l'appelante faisait commerce de concessions forestières.   

[116] Le fait que l'un des associés ait fait plusieurs lotissements ne fait pas en sorte que l'entreprise est un projet comportant un risque de caractère commercial. Il a simplement pris des mesures pour maximiser les profits.

[117] Dans sa plaidoirie écrite, l'avocat de l'appelante a fait valoir que l'expression « avoir forestier » est définie au paragraphe 13(21) de la Loi. Cette définition exige que le contribuable acquière un droit de prolonger, ou de renouveler, un permis ou un droit initial. L'expression « concession forestière » n'est pas définie dans la Loi, mais l'alinéa 20(1)a) de cette Loi, le paragraphe 1101(3) et l'alinéa 1100(1)e) de l'annexe VI du Règlement, prévoient les déductions au coût en capital d'une concession forestière ou bien à un droit de coupe de bois sur un bien-fonds autre qu'un avoir forestier, dans une telle concession forestière. Contrairement à un bien-fonds sur lequel peut être situé un bien amortissable précis, comme par exemple un bâtiment, le bien-fonds acquis à titre d'élément d'une concession forestière est considéré comme une telle concession en vertu de l'annexe VI et, par conséquent, n'existe pas en tant que bien distinct pour l'application de la Loi.   

[118] En conséquence, tous les revenus provenant de « la vente du bien-fonds » à concurrence du coût doivent être crédités à l'égard de cette catégorie, ce qui donnera lieu à une récupération d'une déduction pour amortissement si le crédit est supérieur à la fraction non amortie du coût en capital de la concession forestière avant la vente. La vente d'une concession forestière ou d'un droit de coupe, contrairement à la vente d'un avoir forestier, peut donner lieu à un gain en capital. L'alinéa 39(1)a) de la Loi n'exclut pas les concessions forestières du régime fiscal des gains en capital, comme c'est le cas en ce qui concerne les avoirs forestiers. À cet égard, l'avocat de l'appelante a renvoyé la Cour à l'affaire Highway Sawmills Ltd. v. M.N.R. et au paragraphe 5 du bulletin d'interprétation IT-481 daté du 23 juillet 1997.

[119] Il a également fait valoir que la concession forestière en cause était un bien en immobilisation amortissable et que le ministre avait « accordé » une déduction pour amortissement. Il a ensuite renvoyé la Cour à l'affaire Bosa Bros. Construction Ltd. c. La Reine, C.F. 1re inst., nos T-3403-90, T-3404-90 et T-3405-90, 22 décembre 1995 (96 DTC 6193) et au bulletin d'interprétation technique daté du 28 juillet 1995 qui se rapporte à l'alinéa 20(1)a), aux paragraphes 13(21) et 39(1), à l'article 54 ainsi qu'aux alinéas 1102(1)b) et c) du Règlement. Selon son scénario, la vente d'un bien en immobilisation, tel que le définit l'article 54, donne lieu à un gain ou à une perte en capital. Voir Friesen c. La Reine, [1995] 3 R.C.S. 103 (95 DTC 5551) (C.S.C.).

[120] Dans la mesure où le produit de la disposition dépasse le coût en capital d'un bien amortissable, le contribuable réalisera un gain en capital. Aux termes du paragraphe 13(1) de la Loi, le produit jusqu'à concurrence du coût original est inclus dans le revenu au titre de la récupération. Voir La Reine c. Golden et al., [1986] 1 R.C.S. 209 (86 DTC 6138) (C.S.C.).

[121] Si une société d'exploitation forestière acquiert une concession forestière (c.-à -d. un bien-fonds sur lequel se trouve du bois d'oeuvre commercialisable) en vue de l'exploiter afin de produire un revenu de ses opérations d'exploitation forestière, et qu'elle engage des dépenses et entreprend des travaux en vue de réaliser cet objectif, la disposition de la concession forestière sera considérée comme une opération imputable au capital, à moins que la preuve démontre que la société exerçait le commerce des concessions forestières. Voir Sutton Lumber and Trading Company Limited v. M.N.R., 53 DTC 1158 (C.S.C.). Voir également Hope Hardware & Building Supply Co. Ltd. v. M.N.R., 67 DTC 5085 (C. de l'É.).

[122] En ce qui concerne l'argument relatif au projet comportant un risque de caractère commercial, l'avocat a de nouveau affirmé que la preuve à cet égard était éloquente. La société appelante a acquis le bien en question (soit la concession forestière) pour en faire l'exploitation forestière. Bien entendu, elle avait l'intention de vendre le reliquat de la concession forestière (le « bien-fonds » ), mais ne prévoyait pas que cela se ferait à profit, c'est-à -dire pour un montant supérieur à 4 000 000 $, c'est à dire qu'une intention de vendre un bien sans profit n'est pas un projet comportant un risque de caractère commercial. Voir Farmer Construction Ltd. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-4632-81, 8 juin 1984 (84 DTC 6331).

[123] La Twin Islands avait terminé d'exploiter les ressources forestières du bien-fonds, vendu les cinq parcelles déjà existantes (les « titres » ) et fait un peu de lotissement supplémentaire, mais uniquement dans la mesure minimalement nécessaire pour maximiser le rendement du capital; de manière à ce que le produit soit encore imputable au capital. Il a renvoyé la Cour à l'affaire Hays et al. v. M.N.R., 89 DTC 334 (C.C.I.); et Mackinnon v. M.N.R., 88 DTC 1651 (C.C.I.).

[124] L'alinéa 13(7)a) et le paragraphe 45(1) de la Loi, qui pourvoient aux présomptions de disposition concernant la vente d'un bien en immobilisation et d'un bien en immobilisation amortissable, s'appliquent uniquement aux dispositions présumées obligatoires de biens acquis en vue de réaliser ou de générer un revenu et qui ont servi ultérieurement à d'autres fins, ou vice et versa. L'obligation fiscale naît l'année de la disposition présumée (le changement d'usage).

[125] La transformation d'un bien en immobilisation en un article d'inventaire ne constitue pas une disposition aux termes des alinéas 13(21)c) et 54c). Cependant, la common law, et la politique d'évaluation de l'ADRC qui en dérive, considèrent qu'il y a eu une disposition théorique au moment de la transformation, bien que les conséquences fiscales (une récupération à concurrence du coût d'origine aux termes du paragraphe 13(1) ainsi qu'un gain en capital à l'égard de la fraction du produit qui excède le coût d'origine) n'aient lieu qu'à une date ultérieure, c.-à -d. à la vente réelle du bien. Voir Moluch v. M.N.R., 66 DTC 5463 (C. de l'É.); Roos et al. c. La Reine, C.C.I., nos 92-296(IT)G et 92-297(IT)G, 16 décembre 1993 (94 DTC 1094), ainsi que le bulletin d'interprétation IT-218R aux paragraphes 15 et 18.

[126] L'appelante a donc conclu que l'appel devrait être accueilli, avec dépens.

Les arguments présentés au nom de l'intimée

[127] L'intimée a déposé une plaidoirie écrite dans laquelle elle a dit que la question dont la Cour est saisie consiste à savoir si l'appelante, la société Twin Islands, a vendu la propriété de Twin Islands à titre de reliquat d'une concession forestière, le produit de la vente étant imputable au capital, ou bien si la société de l'appelante était depuis le début engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial relativement à la vente de la propriété de Twin Islands, donnant ainsi lieu à un revenu.

[128] Selon le ministre, les faits démontrent clairement que l'appelante a acheté la propriété de Twin Islands dans l'intention de revendre toutes ses composantes à profit dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Les deux actionnaires de l'appelante étaient engagés dans des coentreprises d'achat et de vente de bien-fonds dotés d'un peuplement forestier sur pied. Les ressources forestières du bien-fonds sont exploitées, puis le bien-fonds est aménagé et ensuite vendu. La société Twin Islands ne possédait aucun matériel d'exploitation forestière. Les deux propriétaires se sont livrés à ce genre de coentreprise, tant avant, qu'après l'achat de la propriété de Twin Islands. Selon l'accord conclu entre les parties, leur intention était [traduction] « de participer à ce projet en tant que coentrepreneurs pour utiliser et aménager les biens-fonds » . L'accord en question ne fait aucunement mention de l'exploitation forestières de la propriété de Twin Islands. Le ministre a soutenu que l'intention des parties doit être établie en fonction de la preuve objective, et cette preuve a démontré clairement l'intention d'acquérir et d'aménager la propriété de Twin Islands, tant sous l'aspect du peuplement forestier sur pied que sous celui du bien-fonds.

[129] L'appelante était une société en veilleuse que M. Jenks avait acquise. Cette société ne s'est livrée à aucune activité commerciale avant ni après la vente de la propriété de Twin Islands. L'appelante était une corporation à but unique créée avec l'intention d'acquérir, de déboiser et de revendre la propriété de Twin Islands, ce qui s'est produit et ce qui a été l'unique activité de l'appelante.

[130] L'avocate a cité ce qu'elle a qualifié d'arrêt classique concernant « les concessions forestières » , c'est à dire la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'affaire Highway Sawmills Ltd. Cependant, elle a fait une distinction entre cet arrêt et l'instance parce que la société Twin Islands ne s'était livrée à aucune activité commerciale que ce soit avant d'acquérir cette propriété, et encore moins à une entreprise d'exploitation forestière. De plus, elle a opiné que le nom de la société n'évoque nullement une opération forestière. Aucun inventaire forestier n'a été dressé en vue de déterminer la valeur du bois d'oeuvre sur la propriété de Twin Islands avant de conclure un accord d'achat. En fait, l'accord d'achat n'a même pas été conclu sous réserve d'un inventaire forestier.   

[131] Selon elle, il est important que, dans sa demande de financement, l'appelante ait attribué au bien-fonds une valeur de 4 000 000 $ qui correspond à la formule du prix d'achat et qui excède la valeur additionnelle de 3,5 millions de dollars attribuée au bois d'oeuvre, donnant ainsi un total de 7,5 millions de dollars. Contrairement aux faits dans l'affaire Highway Sawmills Ltd., précitée, l'appelante n'avait pas l'intention de vendre la propriété pour la valeur des impôts après la coupe du bois d'oeuvre. La valeur de la propriété était plus importante que celle du bois d'oeuvre, et l'intention était de vendre le bien-fonds après avoir procédé à la coupe du bois d'oeuvre car c'est là, de toute évidence, que l'appelante pouvait réaliser un profit.

[132] Elle n'a pas fait grand cas de l'argument de l'avocat de l'appelante selon lequel l'entité avait tiré un revenu d'opérations forestières, affirmant qu'il n'est pas nécessaire que l'entité exploite une entreprise d'exploitation forestière pour recevoir un revenu d'opérations forestières, comme ce fut le cas de l'appelante en l'espèce. Selon le ministre, le bien-fonds, y compris le peuplement forestier sur pied, était l'inventaire d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Le bois d'oeuvre était décrit à titre « d'inventaire » dans les états financiers que l'appelante a joints à sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1998. Une partie de cet inventaire a été admise à titre de coût des marchandises vendues. Ce montant figure à titre de coût des marchandises vendues dans les états financiers.

[133] Elle a déclaré que même si une concession forestière n'est pas définie par la Loi, l'alinéa 20(1)a) de cette même Loi ainsi que l'alinéa 1100(1)e) et le paragraphe 1101(3) de l'annexe VI du Règlement, prévoient des déductions à l'égard du coût en capital d'une propriété qui consiste en une concession forestière. Cependant, les propriétés décrites dans la partie XI (déduction pour amortissement) du Règlement à l'égard desquelles la DPA est déductible dans le calcul du revenu en application de l'alinéa 20(1)a) de la Loi ne comprennent pas les propriétés visées au paragraphe 1102(1) du Règlement. En vertu de l'alinéa 1102(1)b) du Règlement, les catégories de biens décrites dans la partie II ne comprennent pas les biens « qui figurent à l'inventaire du contribuable » . L'appelante, dans ses états financiers, a décrit le bois d'oeuvre comme un article d'inventaire et, par conséquent, elle n'a pas droit à une déduction du coût en capital de la concession forestière (même si on présumait que l'avocate de l'intimée reconnaissait qu'il s'agissait effectivement d'une concession forestière).

[134] Elle n'a pas fait grand cas de l'argument de l'appelante selon lequel le ministre a « admis » la déduction pour amortissement et, par conséquent, que la propriété de Twin Islands relevait de la catégorie des « biens amortissables » énoncée au paragraphe 13(21) de la Loi. Elle a prétendu que l'appelante n'avait réclamé qu'une fraction minime de la déduction pour amortissement à l'égard de certains articles d'équipement acquis dans le cadre de l'achat de la propriété de Twin Islands, et que cette déduction avait été refusée. L'appelante a également réclamé le coût des marchandises vendues à l'égard du bois d'oeuvre (calculé selon la formule de la déduction pour amortissement), mais elle n'a pas réclamé une déduction pour amortissement à l'égard du bois d'oeuvre. Par conséquent, l'appelante n'est pas visée par la définition du paragraphe 13(21) de la Loi et l'affaire Brosa Bros. Construction Ltd., précitée, ne s'applique pas en l'espèce.

[135] Elle a également déclaré, en dépit de la position de l'appelante, que cette dernière exploitait une entreprise forestière, que la propriété de Twin Islands était une concession forestière et que la vente de cette propriété représentait une vente du reliquat d'une concession forestière; aucune mention de la prétention de l'appelante selon laquelle la propriété de Twin Islands était une concession forestière n'apparaît nulle part dans le feuillet T-2 joint aux déclarations de revenus de l'appelante. En dépit de la preuve faite à l'instruction, du paiement par l'appelante d'un impôt provincial sur les opérations forestières, de la perception par celle-ci d'un crédit d'impôt sur les opérations forestières, et de l'obtention par l'appelante de permis de feu, d'une marque de bois et du blanc-seing des autorités autochtones, aucune de ces mesures ne démontre que l'appelante était engagée uniquement dans une activité commerciale d'exploitation forestière.     

[136] En Colombie-Britannique, il n'est pas nécessaire qu'une entité exploite une entreprise forestière pour être assujettie à l'impôt sur les opérations forestières. En fait, la vente d'un bien-fonds doté d'un peuplement forestier sur pied est assujettie à l'impôt sur les opérations forestières même si les arbres ne sont pas coupés. De plus, tout contribuable qui tire dans l'année un revenu d'une opération forestière visée par la partie VII du Règlement de l'impôt sur le revenu a droit tant au crédit sur l'impôt fédéral sur le revenu payable en application de la partie I, qu'au crédit sur l'impôt provincial payés sur le revenu payable à l'égard des impôts provinciaux payés sur les opérations forestières. En outre, quiconque souhaite retirer du bois d'oeuvre coupé sur un bien-fonds est tenu d'obtenir une marque du bois.    

[137] L'application de la déduction de frais d'intérêts et d'impôts fonciers payés en 1998, à concurrence du revenu tiré du bien-fonds pour cette année d'imposition là (étant la vente d'une partie du bois d'oeuvre et du bien-fonds), est une procédure habituellement de cotisation prévue au paragraphe 18(2) de la Loi et ne révèle, de la part du ministre, aucune incohérence de traitement ni aucune reconnaissance du statut de l'appelante comme société engagée dans une activité commerciale d'exploitation forestière.

[138] L'appelante savait bien avant d'acquérir la propriété, que le bois d'oeuvre valait au moins 3,3 millions de dollars. Selon ce scénario, si le mi-fonds avait été sans valeur, l'acquisition de la propriété de Twin Islands lui aurait fait subir une perte qui aurait été supérieure à la différence entre le prix de 4 000 000 $ qu'elle a versé et la valeur estimative de 3,3 millions de dollars du bois d'oeuvre, compte tenu du coût de l'exploitation forestière. En fait, selon la déclaration de revenus de l'appelante pour l'année d'imposition 1998, du bois d'oeuvre d'une valeur de 3,2 millions de dollars a été coupé alors que le coût des marchandises vendues s'élevait à 2,8 millions de dollars.

[139] L'exploitation forestière devait couvrir le coût de l'achat de la propriété de Twin Islands, tandis que la vente du fonds de terre sous-jacent constituerait le profit de l'appelante. La vente des Twin Islands était envisagée dès le premier abord. L'appelante avait prévu de terminer l'exploitation forestière de la propriété de Twin Islands le 31 décembre 1998. L'appelante a déposé une demande de lotissement d'un lot sur lequel était construit l'hôtel pavillonnaire, demande qui a été retirée lorsque la Twin Islands a décidé de vendre.

[140] Le projet de communiqué de presse approuvé par Barry Simpson, et par Don Longstaff de la Coastland, indiquait que l'intention était d'aménager la propriété de Twin Islands et de mettre des lots en vente. De toute évidence, selon M. Jenks, on s'attendait à des protestions contre la coupe du bois d'oeuvre et il s'agit là d'une réalité de la vie dans les forêts de la Colombie-Britannique. La décision de vendre la propriété de Twin Islands ne découlait pas d'une intention contrariée par des protestations contre l'exploitation forestière, parce que telle était l'intention de l'appelante depuis le début. L'offre d'achat qui a été acceptée a été soumise en vue de mettre fin aux opérations de défrichage du bien-fonds qui, au départ, visaient à accroître le revenu total que l'appelante tirait de la propriété. Ce prix de vente offrait un rendement plus rapide et des coûts moindres que la poursuite jusqu'à leur terme du défrichage du terrain et du bornage de la propriété.   

[141] En conséquence, l'appel devrait être rejeté et les cotisations ratifiées.

Réponse

[142] Dans une réponse écrite, l'appelante a indiqué qu'elle était d'accord avec la position de l'avocate de l'intimée selon laquelle la véritable question en litige consiste à savoir si l'appelante a vendu la propriété de Twin Islands en tant que reliquat d'une concession forestière, le produit de la vente étant imputable au capital, ou bien si l'appelante était depuis le début engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial dans le cadre duquel la vente de la propriété de Twin Islands a donné lieu à un revenu. Dans cette réponse, l'avocat de l'appelante a souligné que, conformément à l'avis de nouvelle cotisation et aux documents associés, celle-ci a déclaré à titre de revenu, la récupération d'un amortissement recouvré et à titre de gain en capital, le profit tiré de la vente, en sus du coût d'origine, de la concession forestière, ce qui est la méthode correcte de déclaration fiscale de la vente avec profit d'un bien en immobilisation amortissable.

[143] L'avocat a contesté la qualification, dans la plaidoirie écrite de l'intimée, de la vente de l'élément d'actif en question comme une vente de « la propriété de Twin Islands » , alors que dans les faits, le sujet fiscal de cette transaction était une concession forestière. Le bien-fonds et le bois d'oeuvre sur pied commercialisable qui s'y trouvait constituaient un bien unique à des fins fiscales, c'est-à -dire une concession forestière.

[144] Il a contesté l'observation de l'avocate de l'intimée selon laquelle les faits avaient démontré que l'appelante « a acheté la propriété de Twin Islands avec l'intention de revendre toutes ses composantes » à profit dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Les « composantes » en question comprennent quelques vieux meubles et de l'équipement usagé. Il serait difficile de conclure que ces meubles et cet équipement usagés ont été achetés en vue de les revendre à profit et que, par conséquent, ils sont devenues des éléments d'inventaire.

[145] Il était disposé à admettre que l'appelante avait eu l'intention de vendre le reliquat de la concession forestière dès que cela aurait été raisonnablement possible après l'achèvement de l'exploitation forestière. Cependant, l'appelante n'avait pas acheté la concession forestière en prévision de, ou dans le but de, la vendre à profit, ce qui est une condition suspensive d'un projet comportant un risque de caractère commercial qui manquait en l'espèce.

[146] Il a également souligné que la preuve indiquait que Jemi ne s'était lancée dans un véritable projet de lotissement foncier qu'à deux occasions, et que dans tous les autres cas, Jemi avait, soit à son propre compte, soit en tant que coentrepreneur avec la Coastland, acquis une exploitation forestière et disposé du reliquat.

[147] L'activité commerciale principale de Coastland est l'exploitation d'une usine de placage. Il importe peu que Jemi n'ait possédé aucun matériel d'exploitation forestière, parce que M. Jenks a témoigné que tout le matériel d'exploitation forestière appartenait à une autre entreprise, la Dual Enterprises Limited, que Jemi utilisait pour effectuer des opérations d'exploitation forestière. De plus, Jemi n'a pas déboisé la propriété de Twin Islands parce qu'à ce moment-là, M. Jenks et Jemi Holdings étaient occupés ailleurs à exécuter un contrat d'exploitation forestière. C'est Logan Logging Limited, une entreprise d'exploitation forestière à forfait, qui s'est chargée de déboiser la propriété de Twin Islands.

[148] Selon l'avocat de l'appelante, l'accord de coentreprise entre Coastland et Jemi sur des bien-fonds situés dans l'île Gabriola n' « anticipait » pas les opérations sur la propriété de Twin Islands. Cette exploitation, même après six ans, n'a pas été vendue, ce qui entraînera une autre perte à l'égard d'un reliquat de concession forestière.

[149] Il n'était pas d'accord avec l'allégation de l'intimée selon laquelle l'offre n'avait pas été assujettie à une concession forestière. En fait, cette offre était assujettie à la conclusion d'un accord de financement adéquat dans un délai de 90 jours suivant l'acceptation et à une visite dans les 30 jours suivant son acceptation. L'offre a été acceptée le 28 juillet 1997 et, le 1er août 1997, M. Jenks et M. Simpson se sont rendus à Twin Islands en avion et ont vu la propriété. Tous les deux ont de l'expérience dans l'évaluation du bois d'oeuvre. M. Simpson a dressé son propre inventaire forestier et Coastland a chargé la Huock Resource Consultants Limited de dresser l'inventaire forestier et d'évaluer le bois d'oeuvre.

[150] Il a contesté la proposition de l'intimée selon laquelle étaient importantes tant l'absence de mention, dans l'accord, de l'exploitation forestière, que l'absence de l'expression d'une intention d'acquérir la propriété de Twin Islands en vue d'exploiter le peuplement forestier sur pied et le bien-fonds. La coentreprise que la société appelante a mis sur pied visait exclusivement à réaliser un profit sur le peuplement forestier sur pied et le bien-fonds, mais l'intention de l'appelante était d'exploiter à profit le peuplement forestier sur pied et de vendre le reliquat de la concession forestière (le bien-fonds), pour réaliser un profit sur le bien-fonds équivalant à environ 50 p. 100 du coût d'origine ou, dans le meilleur cas, au coût d'origine entier d'environ 4 000 000 $. Toutefois, ces biens n'ont pas été vendus de manière à réaliser un « profit tiré du reliquat » . On pourrait interpréter le libellé de l'accord de nombreuses façons parce que, comme M. Jenks l'a indiqué, l'objectif visait seulement à inscrire leurs parts égales de moitié dans le contrat d'achat de la propriété de Twin Islands et dans le financement de l'entreprise ce qui permettrait de tenir compte du dépôt de 100 000 $ versé par M. Jenks.

[151] Selon le témoignage de M. Longstaff, le directeur financier de la société appelante à cette époque, l'évaluation du bien-fonds à 4 000 000 $ était plutôt « optimiste » . M. Jenks a déclaré aussi que l'estimation de la valeur du bien-fonds à 4 000 000 $ après l'exploitation forestière était extrême et que [traduction] « si l'on pouvait récupérer cette somme suivant la vente du bien-fonds, ce serait fantastique. »

[152] La preuve révèle clairement que la société appelante et les deux sociétés actionnaires ont assumé tous les risques liés à une entreprise d'exploitation forestière et toutes les responsabilités à l'égard de la Banque Royale. L'appelante espérait réaliser un profit tiré d'opérations forestières et Coastland espérait, quant à elle, obtenir un approvisionnement de billots pour fournir son usine de placage. Tels étaient les objectifs visés clairement par les deux actionnaires de l'appelante.

[153] Si cette opération n'était qu'une spéculation immobilière dans l'espoir de réaliser un énorme profit inhérent, comme l'intimée l'a laissé entendre, il est difficile de comprendre pourquoi M. Jenks, que l'intimée a tenté de dépeindre comme un promoteur immobilier, aurait vendu une moitié du contrat pour acheter au prix coûtant, c.-à -d. pour la moitié de son premier dépôt de 100 000 $, surtout si l'accord a été conclu le 25 août 1997, soit quelque quatre mois après la soumission de l'offre d'achat au vendeur.

[154] Le nom de l'entreprise n'importe aucunement, même si l'avocate de l'intimée a semblé laisser sous-entendre que l'absence du terme « exploitation forestière » ou de la description du genre d'activité commerciale dans la dénomination sociale avait une certaine signification. De toute évidence, cette domination sociale a été utilisée parce que les parties souhaitaient disposer d'un tampon afin de s'isoler encore un peu plus des protestations qui entourent habituellement les activités d'exploitation forestière en Colombie-Britannique.

[155] À son avis, l'intimée n'a pas compris les faits de l'affaire ni la manière dont ceux-ci s'articulaient au droit. Mme Ledoux a témoigné que la vente du bois d'oeuvre (les billots) était celle d'une portion du bien-fonds. Cependant, après qu'il a été coupé, le bois d'oeuvre est distinct du bien-fonds et les billots sont portés à l'inventaire de la société appelante. L'agriculteur qui vend la récolte qu'il a faite ne vend pas une partie du terrain. Le revenu que devait gagner l'appelante devait provenir d'une entreprise d'exploitation forestière. Le revenu serait suffisant pour produire un profit de cette entreprise.

[156] Mme Ledoux a déclaré qu'il n'est pas nécessaire d'exploiter une entreprise d'exploitation forestière pour générer un revenu d'opérations forestières. Elle a fait référence à l'alinéa 700(1)b) de la partie VII du Règlement de l'impôt sur le revenu. Il s'agit de la définition de « revenu pour l'année tiré d'opérations forestières dans la province » aux termes de l'alinéa b), qui comprend la vente du peuplement forestier sur pied ou du droit de couper du peuplement forestier sur pied, dans la province. Toutefois, selon l'avocat de l'appelante, l'emploi du terme « revenu » indiquerait que le revenu doit provenir d'une source. On ne fait pas référence au produit imputable au capital, sinon quiconque vend, dans la province de la Colombie-Britannique, une propriété avec des arbres en état sur le lot est assujetti à l'impôt sur les opérations forestières et a droit à un crédit d'impôt sur les opérations forestières pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

[157] L'intimée a mal interprété les états financiers de la société appelante et notamment son coût des marchandises vendues en ce qui concerne le bois d'oeuvre. Cette radiation (le coût des marchandises vendues) était fondée sur l'évaluation obtenue après avoir dressé l'inventaire forestier et calculée selon la formule prévue à l'annexe VI du Règlement concernant la DPA à l'égard des concessions forestières. Il a fait référence à l'affaire Mohawk Oil Company Limited v. The Queen, 90 DTC 6434 (C.F. 1re inst.), et a fait valoir que le véritable fondement du litige réside dans le fait que le ministre avait jugé qu'en ce qui concernait la société appelante, il y avait eu acquisition d'un bien réel. Ce bien a peut-être été vendu à des fins concernant la constitution d'un titre foncier, ce que reflète d'ailleurs l'opération, mais ce que l'appelante a acquis à des fins fiscales était une concession forestière. À cet égard, il semble que Mme Ledoux ait reconnu ce fait puisqu'elle déclare ceci :

[traduction]

La société a traité la propriété comme une « concession forestière » , a réclamé une DPA à l'égard des revenus tirés d'opérations forestières en 1998, a récupéré une DPA en 1999 et a déclaré le surplus comme un gain en capital.

Elle a conclu en disant que la propriété constituait depuis le début un bien en inventaire plutôt qu'un bien en immobilisation amortissable, comme l'a fait valoir l'appelante. Cependant, ce bien ne peut être porté à l'inventaire, c'est-à -dire faire l'objet d'un projet comportant un risque de caractère commercial, à moins que les faits révèlent que le bien en question a été acquis en vue d'être revendu à profit. Il n'y a aucune preuve de cela. Les mêmes erreurs ont été commises dans l'avis de confirmation parce que la confirmation était fondée sur le fait que « l'activité qui consiste à acheter et à vendre des biens réels » est une « entreprise » et c'est ce que faisait l'appelante. Toutefois, à des fins fiscales, le bien acquis consistait en une concession forestière et ce qui a été vendu était un reliquat de cette même concession.

[158] L'avocat a fait valoir que le motif justifiant l'établissement de la cotisation était une réponse automatique justifiée par le montant du gain, qui a amené à conclure que cette activité devait avoir été un projet comportant un risque de caractère commercial. À cet égard, l'avocat a fait référence à la dernière page du rapport d'opposition T-401 (documents de l'appelante, onglet 32) et à la déclaration suivante : [traduction] « en raison du montant en cause, l'affaire doit être débattue devant les tribunaux » . Même si le bien en cause n'était pas une concession forestière, aucune preuve n'indique que ce bien a été acquis pour être revendu à profit.   

[159] Mme Ledoux a prétendu que l'appelante était engagée dans une « activité » et non pas dans une entreprise d'exploitation forestière, mais qu'elle était tout de même tenue de payer l'impôt sur les opérations forestières de la Colombie-Britannique, et que la vente du bien-fonds et du peuplement forestier sur pied est assujettie à l'impôt sur les opérations forestières même si les arbres ne sont pas coupés. Ce peut être le cas, mais il n'en demeure pas moins qu'un « revenu » doit avoir été tiré d'opérations forestières, ce qui veut dire que le produit ne doit pas être imputable au capital, sinon quiconque vend une résidence secondaire plantée d'arbres serait assujetti à cet impôt. Dans cette affaire, c'est l'appelante qui a exploité la concession forestière. C'est aussi l'appelante qui a déposé une demande de permis de feu. C'est elle qui a obtenu une marque de bois et qui a produit des déclarations de revenus tirés d'opérations forestières en C.-B. Enfin, c'était également l'appelante qui a fait l'objet d'une cotisation d'impôt sur les opérations forestières et qui a payé de l'impôt sur ces opérations pour les années d'imposition 1998 et 1999.

[160] Mme Ledoux a témoigné qu'en dépit de la conclusion d'une entente ou d'un arrangement fédéral-provincial obligeant l'ADRC à informer son homologue provincial, le ministère des Finances, d'une cotisation refusant le crédit d'impôt à l'endroit de l'impôt sur les opérations forestières de la C.-B., ce n'est pas ce qu'elle a fait à l'égard de l'appelante. Conséquemment, l'appelante a versé environ 435 000 $ à titre d'impôt sur les opérations forestières de la C.-B. Le gouvernement de la C.-B. a considéré ce montant comme un revenu tiré d'opérations forestières alors que l'ADRC refusait en même temps de reconnaître que l'appelante exerçait une entreprise d'exploitation forestière.

[161] L'avocat a renvoyé la Cour à la page 9 des observations de l'intimée, où il est indiqué que selon les propres documents de l'appelante, on savait très bien que la valeur du bois d'oeuvre s'élevait à 3,3 millions de dollars au moins. Si le bien-fonds n'avait eu aucune valeur, l'appelante aurait subi à l'acquisition du bien une perte qui aurait excédé la différence entre la somme versée de 4 millions de dollars et la valeur estimée du bois d'oeuvre de 3,3 millions de dollars, étant donné qu'on doit tenir compte des coûts de l'exploitation forestière. En fait, pendant l'année d'imposition 1998 du bois d'oeuvre d'une valeur de 3,2 millions de dollars a été coupé alors que le coût des marchandises vendues s'élevait à 2,8 millions de dollars.

[162] On avait prévu que les opérations forestières payeraient les coûts d'achat de la propriété de Twin Islands, tandis que la vente du terrain sous-jacent générerait un profit pour l'appelante. Cependant, l'intimée a additionné la vente du bien-fonds au revenu tiré de l'entreprise forestière (la vente de l'exploitation agricole et le revenu tiré de l'entreprise agricole). Cette perte découle de la vente du bien en immobilisation.

[163] En l'espèce, la société appelante croyait que le meilleur scénario ou la « perspective la plus optimiste » serait qu'après la coupe de tout le bois d'oeuvre, le reliquat de la concession (soit le bien-fonds exploité) soit vendu au prix d'achat d'origine de 4 000 000 $, mais cette attente n'était pas très réaliste. Selon la preuve incontestée, la valeur du bien-fonds a chuté considérablement après son exploitation forestière.

[164] Le point à débattre dans la présente affaire concerne les conséquences fiscales des circonstances qui ont donné lieu à un profit important lors de la vente du bien-fonds ayant fait l'objet de l'exploitation forestière parce qu'un groupe de personnes intéressées, agissant par l'entremise d'une fondation américaine qui possédait des ressources très considérables, voulait faire cesser les opérations forestières qui rentraient à accomplir. Cette description est si vraie que ces personnes ont versé la somme de 10 000 000 $ pour parvenir à cette fin. Il s'agit là de la réalisation classique d'un scénario de gain en capital par opposition à un revenu, qui est décrit historiquement comme la différence entre le fruit et l'arbre, l'arbre étant le capital et le fruit étant le bénéfice. Dans la présente affaire, la concession forestière était un bien en immobilisation amortissable et les billots étaient les fruits.    

[165] Le ministre, en l'espèce, tente de jouer sur les deux tableaux, c'est-à -dire de n'admettre que les pertes en capital lorsqu'une concession forestière (le reliquat du bien-fonds) est vendue à un prix inférieur au coût d'origine, mais d'imposer pleinement à titre de revenu d'entreprise tout gain excédant le coût d'origine. Si, en l'espèce, le bien-fonds avait été vendu à un prix inférieur au coût d'origine mais supérieur à la fraction non amortie du coût en capital, ce montant serait imposable en totalité à titre de revenu récupéré et la perte restante serait une perte en capital. Inversement, si ce qui est survenu en l'espèce devait se produire, le gain, soit le montant excédant le coût d'origine, serait considéré comme un gain en capital. Le ministre ne peut jouer sur les deux tableaux, soit admettre seulement des pertes en capital lorsque la concession forestière (le reliquat du bien-fonds) est vendue à un coût inférieur au coût d'origine, mais imposer pleinement à titre de revenu d'entreprise tout gain excédant le coût d'origine.

[166] La demande de lotissement n'est pas pertinente. Il a été prouvé que le lot en question était à cheval sur une ligne de lot et, pour être en mesure de réaliser une vente des lots (la propriété de Twin Islands consistait en trois titres distincts) ou peut-être même envisager la possibilité que l'appelante conserve le lot sur lequel était construit l'hôtel pavillonnaire, cette ligne de lot devait être modifiée. Cependant, la demande de lotissement a été retirée dès qu'à été soumise l'offre qui a été finalement acceptée.

[167] De plus, l'appelante n'a déposé aucune demande en vue de lotir ces terrains en lots additionnels et si on avait eu l'intention de mettre en oeuvre un projet d'aménagement, alors on pourrait croire que c'est la première chose qu'aurait faite la société appelante.   

[168] Selon la preuve présentée en l'espèce, la société appelante n'a fait que le strict nécessaire pour vendre le reliquat de la concession forestière. M. Simpson a témoigné qu'on n'avait effectué aucun essai de perméabilité du sol sur la propriété, ni aucun test pour déterminer si l'approvisionnement en eau potable était adéquat. De plus, on n'a communiqué avec aucun agent immobilier.

[169] En conclusion, l'avocat a déclaré que le fait est que l'appelante a entrepris un projet d'opérations forestières important, que le bois d'oeuvre a été coupé, que les billots ont été vendus et que le profit qui en a découlé était plus ou moins proportionnel au profit qu'avait prévu de réaliser la société appelante. Les opérations forestières ont été interrompues parce que des protestations vigoureuses ont rendu difficile aux équipes d'abattage l'accès à la propriété. Par ailleurs, il n'y a absolument rien dans les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de Coastland qui semble indiquer ou laisser sous-entendre une spéculation foncière ou quoi que ce soit d'autre de cette nature.

[170] M. Longstaff a témoigné que nul n'avait jamais présenté un plan d'aménagement immobilier ou de lotissement au conseil d'administration. En fait, tous les éléments de preuve qui contiennent ces procès-verbaux coïncident avec les témoignages de M. Simpson, de M. Longstaff et de M. Jenks selon lesquels il ne s'agissait de rien d'autre que d'opérations forestières qui ont fait l'objet d'ingérences de la part des manifestants et de publicité négative, ce qui a donné lieu au commentaire formulé dans le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration qui s'est tenue le 6 mars 1998 selon lequel [traduction] « Coastland devrait étudier sérieusement toute offre immobilière » . Cette offre non sollicitée, qui s'est éventuellement concrétisée, était assez irréaliste. C'était trop beau pour être vrai et on ne pouvait pas refuser une offre pareille. Il s'agit certainement là de la caractéristique d'un gain en capital. À cet égard, l'avocat a renvoyé la Cour aux affaires Sutton Lumber et Hope Hardware, précitées.

Analyse et décision

[171] La Cour convient avec les deux parties que la question dont elle est saisie consiste à savoir si l'appelante a vendu la propriété de Twin Islands comme reliquat d'une concession forestière dont le produit était imputable au compte en capital, ou bien si l'appelante était engagée depuis le début dans un projet comportant un risque de caractère commercial, la vente de la propriété de Twin Islands donnant lieu à un revenu.

[172] La Cour doit également trancher la question concernant l'intention de la société appelante au moment de l'achat. Selon l'intimée, pendant toute la période pertinente, l'intention de l'appelante était de revendre la propriété à profit dans le cadre d'un projet comportant un risque de caractère commercial et, par conséquent, il ne s'agissait pas d'un gain en capital, mais d'une somme imposable à titre de revenu.   

[173] La réponse à la question de ce qu'était l'intention d'un contribuable au moment de l'acquisition d'un bien nécessite une étude attentive du témoignage verbal ainsi que des documents déposés en preuve. Il est également assez important d'examiner la manière dont le contribuable a traité la propriété depuis son acquisition jusqu'à sa vente. Il arrive quelquefois que des contribuables prétendent qu'au moment où ils ont acheté une propriété, ils avaient eu l'intention de la conserver et de la détenir à titre d'immobilisation, mais qu'un certain temps après, en raison du changement des circonstances, ils avaient décidé de vendre le bien. La façon dont ils ont traité le bien pendant la période où ils le détenaient corrobore souvent cet aveu. Toutefois, il arrive aussi fréquemment que d'autres éléments de preuve démontrent que leur intention avouée était en fait d'acheter le bien et de le revendre à profit, ce qui, clairement, a pour effet de classer le bien dans la catégorie du revenu et non dans celle du capital.

[174] En l'espèce, la Cour est convaincue que les mesures prises par la société appelante entre l'achat et la vente, y compris le traitement du bien dans ses états financiers et dans ses déclarations de revenus, coïncidaient avec l'intention avouée qu'a fait valoir l'avocat de l'appelante. Cette intention avouée coïncidait également avec les dépositions présentées par les différents témoins qui connaissaient bien la propriété.

[175] Par contre, la façon dont l'intimée a traité cette société ne coïncidait pas toujours avec sa position qu'il s'agissait d'un projet comportant un risque de caractère commercial. À cet égard, la Cour fait référence aux conclusions suivantes :

1.        L'intimée a traité la vente du bois d'oeuvre et la vente d'une partie du bien-fonds de l'appelante séparément, plutôt que de considérer le bien-fonds et les arbres qui y croissaient comme une seule unité.

2.        L'intimée avait tendance à faire valoir que l'appelante n'exploitait pas une entreprise forestière, en dépit de la preuve abondante que c'était le cas et qu'elle avait effectué des opérations d'exploitation forestière sur la propriété.

3.        L'intimée a admis que l'appelante avait tiré un revenu d'une entreprise forestière pendant l'année, mais elle a déclaré qu'il n'est pas nécessaire d'exploiter une entreprise forestière pour générer un revenu tiré d'opérations forestières. Cependant, cela semble corroborer l'exploitation d'une entreprise forestière par l'appelante, comme celle-ci l'a déclaré.

4.        L'intimée savait que l'appelante avait payé l'impôt provincial sur les opérations forestières, qu'elle avait obtenu un crédit d'impôt sur les opérations forestières, qu'elle avait acheté des permis de feu, et sa marque de bois, et qu'elle avait obtenue le blanc-seing des autorités autochtones à l'égard de la propriété, mais elle a déclaré qu'aucune de ces mesures ne démontrait que l'appelante était engagée uniquement dans une activité commerciale d'exploitation forestière. Tout ceci semble ignorer la preuve directe et convaincante que la société exploitait une entreprise forestière.

5.        Plusieurs documents de l'intimée font référence à la récupération réelle des radiations effectuées à l'égard du bois d'oeuvre et, dans l'Avis de ratification, l'intimée qualifie « l'activité commerciale d'achat et de vente de biens immobiliers » d' « entreprise » Cependant, cette qualification omet de tenir compte de l'absence totale de preuve que cette société vendait des biens immobiliers jusqu'à l'acceptation de l'offre finale soumise dans cette affaire.

6.        Il semble que le montant du gain réalisé lors de la vente du bien ait été un facteur important dans la cotisation établie par l'intimée. En fait, ce facteur apparaît dans le rapport d'opposition rempli par Mme Ledoux, où elle écrit ceci : [traduction] « en raison du montant en cause, l'affaire doit être débattue devant les tribunaux » , ce qui n'est pas vraiment un motif valable justifiant d'augmenter une cotisation pour diverses raisons évidentes.

7.        Aucune preuve directe ne démontre que le bien a été acquis en vue d'être vendu à profit.

8.        Mme Ledoux a déclaré que l'appelante était engagée dans une « activité » , mais elle ne voulait pas admettre que la société était engagée dans des opérations forestières, ce que la preuve, encore une fois, semble contredire.

9.        L'intimée, bien qu'elle l'admette, n'a pas jugé important le fait que l'appelante a payé de l'impôt sur les opérations forestières en vertu des lois provinciales de la Colombie-Britannique. Ce paiement devait nécessairement indiquer l'existence d'un revenu « tiré d'opérations forestières » . Ce revenu n'était pas imputable au compte en capital. De toute évidence, c'est l'appelante qui exploitait les ressources forestières de ce bien-fonds.

10.      Mme Ledoux a témoigné que les gouvernements fédéral et provinciaux ont conclu une entente selon laquelle l'ADRC s'engage à aviser son homologue provincial au ministère des Finances de toute cotisation refusant un crédit d'impôt corrélatif à l'impôt sur les opérations forestières de la C.-B. Mme Ledoux a également témoigné que cette notification n'avait pas été donnée en l'espèce. Conséquemment, l'appelante a payé environ 435 000 $ au tire de l'impôt sur les opérations forestières de la C.-B. Par conséquent, il faut présumer que le gouvernement de la C.-B. a reçu ce paiement à titre de revenu tiré des opérations forestières, alors qu'au même moment l'ADRC niait que l'appelante exploitait une entreprise forestière et disait qu'elle ne se livrait qu'à une « activité » .

11.      Il semble que le ministre ait tenté de jouer sur deux tableaux, c'est-à-dire de n'admettre que des pertes en capital lorsque la concession forestière (le reliquat du bien-fonds) est vendue à un prix inférieur au coût d'origine, mais d'imposer à titre de revenu d'entreprise tout gain excédant le coût d'origine.

12.      Il semble que le ministre ait particulièrement tenu compte du fait que le lot sur lequel était construit l'hôtel pavillonnaire avait été loti. Aucune preuve n'a été présentée lors du procès quant à savoir pourquoi.

13.      Il semble que l'intimée se soit beaucoup trop préoccupée de la prévision selon laquelle l'exploitation forestière permettrait de couvrir les coûts d'achat de la propriété de Twin Islands, tandis que la vente du sol lui permettrait de réaliser un profit puisque, selon une évaluation, la valeur du bien-fonds restant atteindrait environ 4 000 000 $.

14.      Il semble que l'intimée ait accordé une certaine importance à la dénomination sociale et au fait que cette dénomination ne faisait aucune mention de l'exploitation forestière.

15.      Dès le début, l'intimée a adopté la position que le bien en cause avait été acquis pour être vendu à profit et que, par conséquent, il s'agissait depuis le début d'un article d'inventaire plutôt que d'un bien en immobilisation amortissable. Or, aucune preuve n'a été présentée à l'appui cette allégation.

[176] La Cour conclut que tous les témoins produits par l'appelante étaient dignes de loi. Aucun élément des témoignages qu'ont présentés ces témoins n'indique aucune autre intention d'achat de la propriété hormis l'exploitation forestière. Telle a toujours été l'intention de l'appelante jusqu'à ce que se présente une circonstance fortuite qui a donné lieu, fondamentalement, à une offre « qu'ils ne pouvaient pas refuser » .

[177] Aucun de ces éléments de preuve n'a été vraiment contesté au cours du contre-interrogatoire. De même, n'a été présentée aucune preuve documentaire qui pourrait raisonnablement amener la Cour à conclure que la vente de la propriété de Twin Islands était, dès le début, un projet comportant un risque de caractère commercial. Il est vrai que l'appelante a déposé une demande de lotissement du terrain sur lequel était construit l'hôtel pavillonnaire, mais la preuve a clairement démontré que cette demande avait été retirée.   

[178] Même si un communiqué de presse approuvé par Barry Simpson, et par Don Longstaff de Coastland, indiquait que l'intention était d'aménager la propriété de Twin Islands, et même si d'autres accords laissaient sous-entendre de même, cette conclusion ne coïncide pas avec l'ensemble de la preuve.

[179] À cet égard, il est significatif que l'appelante n'ait déposé aucune demande de lotissement du bien-fonds. La preuve à établi que la société appelante n'aurait fait que le strict nécessaire en vue de vendre le reliquat du bien-fonds après avoir coupé le bois d'oeuvre.   

[180] M. Simpson a témoigné qu'on n'avait effectué aucun essai de perméabilité du sol ni aucun test afin de déterminer la suffisance de l'approvisionnement en eau potable, même si plusieurs puits ont été creusés. La Cour est convaincue que ces puits ont été creusés dans le but de permettre l'exploitation forestière.

[181] Aucun agent immobilier n'avait été contacté en ce qui concerne la vente et l'offre d'achat est, pour ainsi dire, arrivée à l'improviste. Il ne fait aucun doute que l'appelante avait l'intention de vendre le reliquat du bien-fonds après avoir terminé l'exploitation forestière, ce qui, selon la preuve, est tout à fait normal dans ce genre d'entreprise lorsque de telles opérations forestières ont eu lieu. Cependant, cela ne permet pas à la Cour de conclure qu'en raison de l'anticipation de vente du reliquat du bien-fonds, l'appelante était engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial, c'est-à -dire qu'elle a acheté le terrain puis attendu qu'une occasion de le vendre à profit se présente, ce qui, pour ainsi dire, consistait en une « opération de vente-achat » .    

[182] L'intimée a indiqué que l'appelante savait depuis le début que des manifestations avaient lieu dans cette région et que cette dernière en avait tenu compte, entre autres choses, au moment d'acquérir la propriété. Cependant, la Cour est convaincue que l'appelante ne s'était pas attendue au début à ce que des manifestations prennent cette nature et atteignent cette envergure. Les manifestations sont devenues tellement graves et agressives qu'elles ont compromis les opérations forestières et l'accès à la propriété. De plus, d'autres manifestations se sont tenues devant la Banque Royale à Campbell River, au bureau de M. Clayhorn et au siège social de la Banque Royale. Même M. Shields (le président du conseil d'administration de la Coastland) a été victime de mauvais traitements, tout comme certains de ses collègues membres d'un club de golf.

[183] Il est également à noter que rien, dans les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la Coastland, semble indiquer ou laisser sous-entendre une spéculation foncière ou une opération de cette nature. Selon le témoignage de M. Longstaff, qui a assisté à toutes ces réunions, nul n'a jamais présenté au conseil d'administration un plan d'aménagement immobilier ou de lotissement. En fait, l'ensemble de son témoignage coïncide avec la position qu'a prise l'appelante. Il ne s'agissait de rien d'autre que d'opérations forestières qui ont fait l'objet d'ingérences de la part des manifestants et de publicité négative. À partir de ce moment-là, il était préférable d'étudier sérieusement toute offre qui pouvait s'avérer réaliste. Il ne fait aucune doute que l'offre qui a été faite relevait de cette catégorie.

[184] La Cour ne tire aucune conclusion défavorable à l'égard de la position de l'appelante, du fait que cette dernière était pour moitié la propriété de l'entreprise Coastland Wood Industries Ltd., dont l'activité principale consistait à exploiter une usine de placage, et de l'entreprise Jemi Holdings Ltd., une société qui s'engageait occasionnellement mais non exclusivement dans des projets de vente et d'achat de terrains.

[185] Au paragraphe 2 de l'accord conclu le 25 août 1997 entre Michael Jenks et la Coastland Wood Industries Ltd. concernant l'éventuelle constitution en personne morale de la société appelante, il est indiqué que la société sera constituée en personne morale en vue d'acheter et de détenir le bien-fonds ès-qualité de nue-fiduciaire au bénéfice de Coastland et de Jemi dont l'intention est d'entreprendre en commun l'exploitation et l'aménagement du bien-fonds. Toutefois, plusieurs témoins ont déposé sur la signification de ce passage. La Cour est convaincue que l'aménagement envisagé par les parties était l'exploitation forestière et non pas l'achat du bien-fonds dans l'espoir de le revendre à profit.

[186] La Cour ne convient pas avec l'avocate de l'intimée que l'accord de coentreprise entre Coastland Wood Industries Ltd. et Jemi Holdings Ltd. concernant les biens-fonds sur l'île Gabriola, visait à « anticiper » la mise en oeuvre du projet de Twin Islands. Il était stipulé dans cet accord que les activités se limiteraient au projet d'achat, d'exploitation forestière, de nettoyage du terrain, de lotissement et de revente du bien-fonds. Cependant, à l'alinéa e) du paragraphe 5, il est stipulé que : [traduction] « Sauf accord contraire, l'aménagement des biens-fonds se limitera au minimum nécessaire pour revendre les biens-fonds après les opérations d'exploitation forestière. »

[187] La Cour est convaincue que l'aspect le plus important de cet accord était l'exploitation forestière, mais que cela ne les empêchait pas de revendre ultérieurement le reliquat du bien-fonds. Rien d'autre dans l'accord ne pourrait permettre à la Cour de conclure, selon la preuve matérielle, que l'appelante avait clairement l'intention d'acquérir et d'aménager le bien-fonds en vue de réaliser à la fois le peuplement forestier sur pied et le bien-fonds.

[188] La Cour conclut que l'appelante n'était pas engagée dans un projet comportant un risque de caractère commercial en vue d'acheter et de vendre le bien-fonds. Tel n'était pas l'objectif primaire.

[189] L'avocate a renvoyé la Cour à la jurisprudence afférente à l'espèce, mais il va sans dire que la présente affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres. Bien sûr, d'autres affaires revêtent une certaine utilité, mais elles ne sont pas en tous points semblables au présent cas.

[190] Tant l'avocat de l'appelante que l'avocate de l'intimée se sont appuyés sur l'arrêt Highway Sawmills Limited, précité. Ils ont soutenu tous deux que cette décision étayait leur position, même si les faits différaient quelque peu de l'espèce, notamment en raison de l'intention de l'appelante, dans cette affaire-là, de vendre la propriété au prise de l'impôt après la coupe du bois d'oeuvre. La Cour conclut que cet arrêt est utile, malgré la différence sur ce point. Toutefois, les faits prouvés en l'espèce appuient plutôt l'interprétation de cet arrêt que fait l'appelante que celle qu'en a fait l'intimée.

[191] La Cour est convaincue que les faits en l'espèce diffèrent de ceux dans l'affaire Sutton Lumber and Trading Company Limited, précitée. Dans cette dernière affaire, la Cour était convaincue que l'appelante avait eu l'intention d'acquérir des concessions forestières en vue d'en faire le commerce à profit. En effet, cette société achetait une concession forestière et la vendait à profit et, conséquemment, ce profit était un revenu et non un gain en capital. La présente affaire est totalement différente.

[192] Dans l'affaire Hope Hardware & Building Supply Co. Ltd., précitée, il fallait également décider si l'appelante faisait commerce de concessions forestières. La Cour a jugé qu'il s'agissait de la vente d'une entreprise et de la réalisation de biens en capital, et non pas d'une vente dans le cours des activités d'une entreprise. Dans cette affaire, il était clair selon la preuve que cette société de personnes visait la poursuite indéfinie de ses activités d'exploitation forestière. Les concessions forestières en cause avaient été achetées en vue d'être ultérieurement exploitées et non pas être revendues, et elles ont été vendues après l'acceptation d'une offre non sollicitée et imprévue de l'entreprise.

[193] Dans l'affaire Farmer Construction Ltd. c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-4632-81, 8 juin 1984 (84 DTC 6331) a déclaré ce qui suit :

Les faits sur lesquels je me fonde pour en arriver à cette conclusion concernent l'intention de l'acheteur au moment de l'acquisition de la propriété et le caractère fortuit de sa vente ultérieure. Au cours de sa plaidoirie, j'ai laissé entendre au procureur du ministère public que, pour obtenir gain de cause, il fallait que j'en vienne à la conclusion que le contribuable n'avait pas seulement acquis la propriété en vue de la revendre mais qu'il l'avait en fait acquise en vue de la revendre à profit. Dans sa réponse, l'avocat a fait valoir que plutôt que de se demander si l'acquéreur avait en vue la réalisation d'un profit au moment de l'acquisition, il fallait se demander s'il s'agissait d'un investissement ou si l'opération avait un caractère spéculatif.    À mon avis, peu importe le critère qu'on applique, le résultat est le même.

[194] La Cour a conclu que le contribuable avait acheté le bien sans avoir l'intention de le revendre à profit et, par conséquent, que le profit était imputable au capital.

[195] Là encore, l'affaire susmentionnée diffère en tous points de l'espèce et, comme il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, cette affaire-ci doit être jugée d'après les faits dont la Cour est saisie, notamment les faits concernant l'intention de l'acheteuse après l'acquisition de la propriété et la nature fortuite de sa disposition finale.

[196] Dans la présente affaire, la Cour est convaincue que le bien qu'a acheté l'appelante était une « concession forestière » , et qu'il s'agissait d'un bien en immobilisation amortissable. La disposition de ce type de bien en immobilisation est définie à l'article 54 de la Loi et peut donner lieu à un gain ou à une perte en capital. La Cour est également convaincue que la preuve démontre clairement que la société a acquis la propriété en vue d'en exploiter les ressources forestières. Il ne fait aucune doute que l'intention était de revendre le reliquat du bien-fonds après les opérations forestières. Toutefois, la Cour ne dispose pas de suffisamment de preuves pour conclure que le but de l'achat du bien-fonds était de revendre celui-ci à profit. Cette conclusion est appuyée par la preuve directe, et coïncide avec la façon dont la société appelante a traité ce bien dans ses états financiers pour ses déclarations de revenus.

[197] Comme il a été indiqué précédemment, la Cour est convaincue que le ministre a probablement réagi de façon excessive dans les circonstances lorsqu'il a constaté l'importance du gain et a été obligé de contester la position de l'appelante.   

[198] Le ministre n'a pas été en mesure de réunir et de présenter une preuve tangible au soutien de ses conclusions. La seule conclusion raisonnable que la Cour peut tirer après avoir entendu les dépositions relativement peu contredits des témoins appelés à témoigner au nom de l'appelante, est que l'appelante, la société Twin Islands, a vendu la propriété de Twin Islands comme reliquat d'une concession forestière dont le produit de vente est imputable au capital, et que la société n'était pas engagée depuis le début dans un projet comportant un risque de caractère commercial.

[199] En ce qui concerne la deuxième question soulevée dans le présent appel, la Cour est convaincue que le dividende en capital versé par la société appelante n'excédait pas le solde du compte de dividende en capital de l'appelante immédiatement avant le versement d'une fraction du dividende en capital. Par conséquent, le paragraphe 184(2) de la Loi ne s'applique pas de manière à imposer le montant de ce dividende.

[200] En conséquence, l'appel est accueilli et les nouvelles cotisations établies en vertu de la partie I et de la partie III sont entièrement annulées. L'appelante a droit à ses dépens dans cet appel, qui devront être taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'avril 2004.

« »


Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2004.

Nancy Bouchard, traductrice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.