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Dossiers : 2004‑3814(CPP)

2004‑3815(EI)

 

ENTRE :

P.S. SIDHU TRUCKING LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 12 septembre 2005 à Whitehorse (Yukon).

 

Devant : L’honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Paramjit Sidhu

 

Avocat de l’intimé :

 

Me Pavanjit Mahil

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi et l’appel interjeté en vertu du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada pour la période allant du 6 février 2003 au 25 mars 2003 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 2005.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

Référence : 2005CCI630

Date : 20050923

Dossiers : 2004‑3814(CPP)

2004‑3815(EI)

ENTRE :

P.S. SIDHU TRUCKING LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Les présents appels sont interjetés de décisions du ministre du Revenu national selon lesquelles Michelino Grieco (également appelé Mike Grieco) occupait chez l’appelante un emploi assurable aux fins du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi, durant la période allant du 6 février 2003 au 25 mars 2003.

 

[2]     L’appelante exploite une entreprise de camionnage et emploie des chauffeurs durant la plus grande partie de l’année. Elle embauche ses chauffeurs en tant qu’employés et les rémunère selon un tarif horaire. M. Sidhu, président de la société, représentait l’appelante au procès. Il n’a pas contesté que les chauffeurs étaient des employés durant la plus grande partie de l’année. Il prétend qu’il y a une différence en ce qui concerne la période en cause. La différence est que, durant une période d’environ 45 à 60 jours en hiver, il fournit camions et chauffeurs à la société Robinson Enterprises Ltd. (« RTL ») pour transporter du carburant vers et depuis Hay River (T.N.‑O.) ou Yellowknife, jusqu’à la mine de diamants de RTL, sur le chemin de glace[1].

 

[3]     Le chemin de glace ne peut être utilisé que durant un mois ou deux en hiver, lorsque les lacs, les rivières et le sol sont suffisamment gelés pour permettre le passage de gros camions.

 

[4]     Durant cette période, l’appelante (appelée l’« entrepreneur ») et RTL ont conclu un accord qui renferme notamment les clauses suivantes :

 

[traduction]

LES PARTIES SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :

 

I           DURÉE DE L’ACCORD

 

Le présent accord prendra effet à la date ci‑dessus mentionnée et se poursuivra jusqu’au 15 avril 2003, sauf s’il est résilié conformément à l’article VII ou prorogé par entente mutuelle des parties (la « durée de l’accord »).

 

II          SERVICES

 

Pendant la durée de l’accord, l’entrepreneur fournira à RTL l’équipement et/ou le personnel indiqués ci‑après ou prévus dans les annexes B et C du présent accord :

 

1.      « Équipement »    Marque/Modèle KENWORTH T800 #106

                                    Année 1998 S/N 1XKDDB8X9WR950903

 

2.      « Personnel »       Nom et prénom Grieco Michelino

                                    Permis de conduire no 121187 YUKON

 

Ni l’équipement ni le personnel ne seront modifiés sans le consentement de RTL. Il appartient à l’entrepreneur d’inspecter, avant tout voyage, les remorques et autres équipements fournis par RTL en vue du transport et de signaler tout dommage. À moins qu’un dommage ne soit signalé par l’entrepreneur avant un voyage, les remorques seront présumées en bon état et exemptes de défectuosités. Tout dommage quelle qu’en soit l’origine, survenant à l’aller ou au retour d’un trajet, sera assumé par l’entrepreneur. Il appartient à l’entrepreneur de conserver son propre équipement en bon état et d’en assurer le bon fonctionnement, conformément aux normes du Code national de sécurité. L’entrepreneur est responsable de toutes les opérations de chargement, de transport et de déchargement.

 

III       LIEN ENTRE LES PARTIES

 

           Le sous‑traitant est un entrepreneur indépendant et lui seul est responsable de la gestion et du contrôle de ses employés. L’entrepreneur et ses employés ne seront pas considérés comme les employés de RTL, que ce soit en vertu du présent accord ou autrement.

 

[5]     Sans doute y avait‑il d’autres clauses pertinentes dans l’accord, mais l’appelante n’a pas produit en preuve l’intégralité de celui‑ci.

 

[6]     L’appelante a aussi conclu avec Mike Grieco un accord daté du 21 janvier 2003, qui renfermait ce qui suit :

 

[traduction]

Le présent document constitue un accord entre Sidhu Trucking et :

Exploitant :       Mike Grieco                                                                  

Adresse :          C.P. 215, 201, rue Hanson, Whitehorse (Yukon)          

Téléphone :  867/456‑2586

par lequel Sidhu Trucking Ltd. communiquera avec        Mike Grieco       pour obtenir des services de conduite et/ou de roulage selon le tarif convenu. Il est convenu et entendu que c’est à l’exploitant qu’il incombe de procéder aux retenues se rapportant à l’impôt sur le revenu, au Régime de pensions du Canada, etc. et de déposer les documents requis par la loi auprès de Revenu Canada.

Sidhu Trucking Ltd. veillera à fournir du travail à l’exploitant, mais, s’il n’y a pas suffisamment de travail, Sidhu Trucking Ltd. accepte et reconnaît que l’exploitant pourra, et devra, obtenir du travail d’autres sources ou sociétés durant la période où il sera lié à Sidhu Trucking Ltd.

L’exploitant devra veiller à la propreté des équipements, et toujours s’assurer qu’ils sont en bon état de fonctionnement et bien entretenus.

 

Taux de rémunération :

 

1. Le transport de carburant sur la glace est rémunéré au taux de 30 p. 100 de la charge utile, le temps du voyage n’est pas payé, et le gîte et le couvert ne seront pas non plus remboursés.

 

2. En cas de départ prématuré, 3 p. 100 seront déduits de la rémunération de 30 p. 100 de la charge utile.

 

3. Pour recevoir une gratification de 3 p. 100, l’exploitant doit faire TOUT ce qui suit :

A)  Donner satisfaction à R.T.L.

B)  Rester jusqu’à la fin des opérations de transport sur la route de glace.

C)  Le camion doit générer au moins 70 000 $.

 

 

[7]     Les hypothèses sur lesquelles étaient fondées les décisions étaient les suivantes :

 

[traduction]

5.        Pour décider que M. Grieco occupait chez l’appelante, durant la période, un emploi ouvrant droit à pension, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)       l’appelante exploite une entreprise de camionnage faisant le transport de carburant depuis Hay River (T.N.‑O.) ou Yellowknife, jusqu’aux mines de diamant, soit une distance d’environ 300 kilomètres;

 

b)       M. Grieco fournissait ses services à l’appelante en tant que chauffeur de camion;

 

c)       l’appelante était propriétaire du camion conduit par M. Grieco;

 

d)       l’appelante s’était engagée à fournir un camion ainsi que M. Grieco à Robinson Enterprises Ltd. (« RTL »);

 

e)       M. Grieco n’était pas autorisé à embarquer des passagers dans le camion;

 

f)        M. Grieco était sous les ordres du répartiteur de RTL;

 

g)       le répartiteur de RTL donnait à M. Grieco les directives concernant le lieu et la date de ramassage et de livraison de son chargement;

 

h)       M. Grieco devait consigner ses heures dans un journal;

 

i)        l’appelante versait à M. Grieco 30 p. 100 des recettes brutes de camionnage;

 

j)        l’appelante payait M. Grieco à la fin du contrat;

 

k)       l’appelante supportait tous les coûts d’entretien et de réparation du camion;

 

l)        M. Grieco n’avait pas de dépenses autres que son alimentation, son hébergement et ses contraventions pour excès de vitesse;

 

m)      l’appelante fournissait l’équipement de communication, par exemple le radio‑récepteur du camion;

 

n)       l’appelante remettait à M. Grieco une carte de crédit pour l’essence;

 

o)       M. Grieco pouvait être congédié s’il ne suivait pas les politiques et procédures de RTL; et

 

p)       l’appelante avait besoin du service personnel de M. Grieco.

 

Ces hypothèses étaient pour l’essentiel exactes.

 

[8]     M. Sidhu fait valoir que M. Grieco était, pendant la période durant laquelle il conduisait le camion sur la route de glace pour livrer le carburant à RTL, un entrepreneur indépendant. Il signale plusieurs facteurs qui, affirme‑t‑il, font que la relation entre M. Grieco et l’appelante durant cette période n’était pas la même que durant le reste de l’année. Parmi les facteurs auxquels se réfère M. Sidhu, il y a les suivants :

 

a)       M. Grieco percevait un pourcentage des recettes brutes générées par le camion à la faveur du contrat conclu avec RTL;

 

b)      M. Grieco était, selon le contrat, libre d’accepter d’autres missions;

 

c)       M. Grieco était, durant cette période, assujetti au contrôle de RTL et en particulier au contrôle du répartiteur de RTL.

 

[9]     La question de savoir si un travailleur exerce ses activités en vertu d’un contrat de louage de services ou en vertu d’un contrat d’entreprise a été examinée maintes fois par les tribunaux. Le précédent le plus récent faisant autorité en la matière est l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, dans lequel la Cour suprême faisait siens les propos tenus par le juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553. Il ne m’est pas nécessaire de reprendre dans le détail les quatre parties du critère : contrôle, propriété des instruments de travail, chances de bénéfice/risque de perte, intégration.

 

[10]    Il faut considérer la relation globale entre les parties et faire une analyse dans laquelle chacun des facteurs se voit assigner la pondération qui lui est propre dans le contexte de la situation générale. Je suis arrivé à la conclusion que M. Grieco était un employé de l’appelante durant la période considérée. Le camion appartenait à l’appelante, et le coût des réparations et de l’essence étaient assumés par l’appelante. L’appelante supportait le risque de perte et c’est elle qui avait la possibilité de réaliser un bénéfice. Il est vrai que M. Grieco pouvait très légèrement accroître son revenu durant la période en travaillant davantage d’heures, mais cela ne m’apparaît pas susceptible de modifier véritablement la situation. Le critère de l’intégration n’est, dans les cas de ce genre, d’aucune aide et il est de toute manière difficile à comprendre ou à appliquer. M. Grieco faisait évidemment partie intégrante des activités commerciales de l’appelante, mais il en aurait fait de toute façon partie intégrante, qu’il soit employé ou entrepreneur indépendant.

 

[11]    Le critère du contrôle est un critère important. Il est vrai que, durant la période au cours de laquelle M. Grieco conduisait le camion sur la route de glace, il était soumis aux directives du répartiteur de RTL. La raison de cela, c’est que l’employeur, c’est‑à‑dire l’appelante, déléguait à RTL le pouvoir de diriger les chauffeurs, en vertu du contrat conclu entre l’appelante et RTL. Le contrôle ultime était exercé par l’appelante, qui versait à M. Grieco sa rémunération. En mettant les chauffeurs à la disposition de RTL, l’appelante exerçait son contrôle en tant qu’employeur. Elle ne renonçait pas à son contrôle sur les chauffeurs à titre d’employeur. Elle l’exerçait simplement d’une manière qui était compatible avec sa relation d’affaires avec RTL.

 

[12]    Un cas très semblable au cas présent s’est présenté dans l’affaire Bicz Transport Corp. c. Canada, [2001] A.C.I. n° 511 (Q.L.) entendue par le juge Miller de la Cour canadienne de l’impôt. Je souscris tout à fait au raisonnement exposé par le juge Miller dans cette décision.

 

[13]    Il existe quelques précédents récents relevant du Code civil du Québec dans lesquels une certaine importance est accordée à l’entente conclue entre les parties. Il s’agit en particulier de l’arrêt Wolf v. The Queen, [2002] 3 C.T.C. 3. Je ne crois pas qu’il serait véritablement utile de tenter d’analyser et de concilier les trois exposés de motifs des juges Desjardins, Décary et Noël.

 

[14]    Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 2005.

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


RÉFÉRENCE :

2005CCI630

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2004‑3815(EI) et 2004‑3814(CPP)

 

INTITULÉ :

P.S. Sidhu Trucking Ltd. et

Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Whitehorse (Yukon)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 septembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 23 septembre 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Paramjit Sidhu

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Pavanjit Mahil

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Cette expression typiquement canadienne est définie ainsi dans le Canadian Oxford Dictionary : [traduction] « une route hivernale pratiquée à travers les lacs, les rivières, les tourbières, etc. gelés ».

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