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Référence : 2005CCI703

Date : 20051104

Dossier : 2005-816(EI)

ENTRE :

DONALD DOYON,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

(Décision rendue oralement sur le banc le 29 août 2005 à Québec (Québec)

et révisée le 4 novembre 2005 à Ottawa (Ontario).)

Le juge Dussault

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision de l'intimé selon laquelle monsieur Donald Doyon occupait un emploi assurable pour Fonderie St-Romuald Inc. ( « Fonderie » ) durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2003.

[2]      Je vais tenter de résumer les éléments les plus importants. Je vais vous dire d'entrée de jeu que j'ai décidé d'accueillir l'appel, essentiellement pour les motifs qui ont été résumés par Me Poulin, l'avocat de l'appelant. Je vais vous donner les éléments les plus importants que j'ai pu retenir, bien que je sois en total accord avec ses arguments.

[3]      Nous sommes ici, face à une situation très particulière ou l'appelant, monsieur Doyon, est consultant pour le client la Fonderie depuis plusieurs années. Son témoignage est à l'effet que ses relations d'affaires datent d'il y a longtemps. Une relation d'affaires qu'il a décidé d'établir avec la Fonderie comme consultant.

[4]      La situation se complique lorsqu'on parle des décisions qui sont prises au niveau de Fonderie, du fait que monsieur Doyon est aussi actionnaire à quarante pour cent (40 %), soit un actionnaire important. De plus, est aussi l'un des deux administrateurs de cette société.

[5]      Il est reconnu que monsieur Doyon était consultant en redressement et développement pour la société que ses relations avec Fonderie existent depuis longtemps et que l'entente date, d'après son témoignage, non contredit à cet égard, de l'année 2000 alors qu'il a été convenu qu'il facturerait, sur une base horaire, mais avec certains paramètres, c'est-à-dire au maximum 8 000 $ par mois et 90 000 $ par année. La facturation se faisait avec taxes, via sa propre société.

[6]      La preuve a établi qu'il était libre de son horaire de travail. Qu'il pouvait travailler chez le client, c'est-à-dire chez Fonderie, chez lui, ou sur la route. Et qu'il a aussi d'autres clients pour lesquels il peut travailler sur place ou chez lui.

[7]      Ce qui est frappant c'est que cette relation-là est reconnue par l'intimé jusqu'en 2002, et qu'on voit tout à coup un changement en 2003.

[8]      Jusque là, monsieur Doyon a témoigné qu'il avait bénéficié d'une auto. Qu'il se faisait rembourser ses dépenses par les clients, que ce soit Fonderie ou d'autres qu'il ait eus. Mais en ce qui concerne Fonderie particulièrement, il bénéficie d'une auto et d'une carte de crédit de la société. Cela peut être à plusieurs titres, et à mon avis, l'émission d'un T-4 concernant un avantage en 2003 n'est pas déterminant quant à son statut. Autrement dit, on ne peut pas déduire de ça, simplement, qu'il est automatiquement un employé.

[9]      Par ailleurs, on sait que monsieur Doyon ne bénéficie pas d'avantages sociaux, ce qui est le cas pour d'autres employés, à tout le moins, les employés de bureau, à l'égard desquels des documents qui ont été présentés en preuve.

[10]     En 2003, surviennent des circonstances particulières, soit la maladie du directeur de production et son départ. Monsieur Doyon, dit (je n'ai pas de raison de douter de son témoignage) qu'il accepte de consacrer plus de temps à l'entreprise, sans être rémunéré de façon spéciale, ou spécifique pour ce travail, qu'il a bien indiqué comme étant uniquement celui de planification de la production. L'appelant dit qu'il le fait comme actionnaire, puisque la société est dans une situation financière difficile. Il le fait comme actionnaire, mais il le fait aussi comme consultant, puisqu'il ne veut pas perdre ce client. Comme il l'a dit lui-même, il le fait aussi pour des raisons de crédibilité, évidemment, face à d'autres clients.

[11]     J'aimerais me référer à un certain nombre de décisions, auxquelles je me suis référé dans d'autres décisions relativement à certains éléments qui m'apparaissent importants. Ainsi, par exemple, dans l'affaire Pellerin c. Canada, [2005] A.C.I. no 281 (QL), qui présentait par ailleurs des circonstances particulières, je disais au paragraphe 28, à la page 6 après avoir cité les articles 2085, 2098 et 2099 du Code civil du Québec :

28       Comme on peut le constater, l'élément déterminant d'un contrat de travail ou de louage de services est la présence d'un lien de subordination, lequel est inexistant dans le cas d'un contrat d'entreprise ou de service. Par ailleurs, la Cour d'appel fédérale a rappelé dans l'affaire Gallant c. M.R.N., C.A.F., no A-1421-84, 22 mai 1986, [1986] A.C.F. no 330 (Q.L.), que "la marque du louage de services, ce n'est pas le contrôle que l'employeur exerce effectivement sur son employé, c'est plutôt le pouvoir que possède l'employeur de contrôler la façon dont l'employé exécute ses fonctions".

[12]     C'est ce qui suit aussi qui m'apparaît important dans le cas présent, puisque la relation d'affaires entre monsieur Doyon et Fonderie existe depuis des années. Ainsi, au paragraphe 29, je disais :

29       Il faut aussi souligner l'importance que l'on doit accorder à l'intention des parties. Dans l'affaire Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396, [2002] A.C.F. no 375(Q.L.), le juge Décary s'exprimait ainsi aux paragraphes 119 et 120 de sa décision :

[119]

Les contribuables peuvent organiser leurs affaires de la façon légale qu'ils désirent. Personne n'a laissé entendre que M. Wolf, Canadair ou Kirk-Mayer ne sont pas ce qu'ils disent être ou qu'ils ont arrangé leurs affaires de façon à tromper les autorités fiscales ou qui que ce soit. Lorsqu'un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu'il est exécuté comme tel, l'intention commune des parties est claire et l'examen devrait s'arrêter là. [...]

[120]

De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l'embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n'est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l'on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d'emploi, le peu d'égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité.

[13]     Je poursuis au paragraphe 30 de la même décision, dans l'affaire Pellerin :

30       Toutefois, dans l'affaire D & J Driveway Inc. c. Canada, C.A.F., no A-512-02, 27 novembre 2003, 322 N.R. 381, [2003] A.C.F. no 1784(Q.L.), le juge Létourneau de la Cour d'appel fédérale affirmait que ce n'est pas parce qu'un donneur d'ouvrage peut contrôler le résultat du travail qu'il existe nécessairement une relation employé-employeur. Voici comment il s'exprimait à cet égard au paragraphe 9 du jugement:

9

Un contrat de travail requiert l'existence d'un lien de subordination entre le payeur et les salariés. La notion de contrôle est le critère déterminant qui sert à mesurer la présence ou l'étendue de ce lien. Mais comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996], A.C.F. no 1337, (1996), 207 N.R. 299, suivie dans l'arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] F.C.J. No. 1454, 2002 CAF 394, il ne faut pas confondre le contrôle du résultat et le contrôle du travailleur. Au paragraphe 10 de la décision, il écrit:

Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

[14]     Ce que je trouve en l'espèce c'est que je n'ai aucun indice sérieux qu'il y ait eu un contrôle sur le travailleur. Qu'il y ait eu un contrôle sur le résultat, dans le cas de monsieur Doyon, qui est consultant pour la société depuis des années, je n'ai aucun doute. Ce contrôle a été exercé par le conseil d'administration dont il fait partie.

[15]     Pour moi, ça s'arrête là, et ce critère le plus important, est absent à mon avis. On n'a pas contrôlé monsieur Doyon dans l'exécution des tâches qu'il s'était donné mandat d'accomplir pour la société.

[16]     L'intimé reconnaît même que pour les années antérieures c'était une relation basée sur un contrat d'entreprise ou un contrat de services. Je ne vois pas de différence importante qui soit survenue en 2003 où on aurait, à ce moment-là, modifié la relation, pour en faire une d'employeur-employé.

[17]     C'est grosso modo la façon dont je vois les choses. Alors, on pourrait citer d'autres décisions comme l'a fait Me Poulin, dans l'affaire Vulcain Alarme Inc. v. Minister of National Revenue, [2000] 1 C.T.C. 48,notamment, ou d'autres. Toutefois, je pense que je vous ai donné l'essentiel de ma pensée. Pour moi, la situation est assez claire.

[18]     L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en date du 10 décembre 2004 est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de novembre 2005.

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI703

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-816(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               DONALD DOYON c. M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 29 août 2005

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Pierre R. Dussault

DATE DU JUGEMENT :                    le 7 septembre 2005

DATE DES MOTIFS DU                    le 4 novembre 2005

JUGEMENT :

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Patrick Poulin

Avocate de l'intimée :

Me Nancy Dagenais

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

          Nom : Me Patrick Poulin

          Firme :                                       Joli-Coeur, Lacasse

                                                          Geoffrion, Jetté, St-Pierre

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

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