Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2005‑2466(EI)

ENTRE :

 

3928366 MANITOBA LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JESSIE WIEBE,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de 3928366 Manitoba Ltd., (2005‑2521(CPP)) à Brandon (Manitoba), le 30 novembre 2005

 

Devant : L’honorable juge D.W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Robert Johnston et

Me Matthew T. Burgoyne

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenante :

Me Penny L. Piper

 

L’intervenante elle‑même

 

 


JUGEMENT

 

L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de décembre 2005.

 

 

 

« D.W. Beaubier »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’octobre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.

 


 

 

 

 

Dossier : 2005‑2521(CPP)

ENTRE :

 

3928366 MANITOBA LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JESSIE WIEBE,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de 3928366 Manitoba Ltd., (2005‑2466(EI)) à Brandon (Manitoba), le 30 novembre 2005

 

Devant : L’honorable juge D.W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Robert Johnston et

Me Matthew T. Burgoyne

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenante :

Me Penny L. Piper

 

L’intervenante elle‑même

 

 


JUGEMENT

 

L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

 

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de décembre 2005.

 

 

 

« D.W. Beaubier »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’octobre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.


 

 

 

Référence : 2005CCI781

Date : 20051213

Dossiers : 2005‑2466(EI)

2005‑2521(CPP)

ENTRE :

3928366 MANITOBA LTD.,

appelante,

Et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

JESSIE WIEBE

intervenante.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Beaubier

 

[1]     Ces appels ont été entendus ensemble sur preuve commune à Brandon, au Manitoba, le 1er décembre 2005. L’avocat de l’appelante (« 3928366 ») a cité l’intervenante, qui a été assermentée à titre de témoin hostile. L’intervenante a cité M. Orest Smoliak, qui devait témoigner au sujet des relations existant entre Mme Wiebe et une autre société, « Wise Buys », ce à quoi on s’est opposé; par conséquent, le témoignage envisagé a été jugé non pertinent quant aux questions dont la Cour était saisie et le témoin n’a pas continué à témoigner.

 

[2]     Les questions en litige dans les deux appels étaient énoncées dans la réponse à l’avis d’appel 2005‑2466(EI). Les paragraphes 3 à 9 inclusivement sont rédigés comme suit :

 

[TRADUCTION] 3. Dans une lettre datée du 3 février 2005, un agent des décisions en matière de RPC et d’AE au bureau des services fiscaux de Winnipeg a rendu une décision portant que la travailleuse exerçait un emploi assurable auprès de l’appelante.

 

4.                  Dans une lettre datée du 16 février 2006, l’appelante a interjeté appel devant le ministre pour faire réexaminer la décision.

 

5.                  Dans une lettre datée du 4 avril 2005, le ministre a informé l’appelante de sa décision :

 

a)                    la travailleuse exerçait un emploi assurable auprès de l’appelante pendant la période allant du 1er octobre 2002 au 6 janvier 2005, étant donné qu’elle était employée aux termes d’un contrat de louage de services auprès de l’appelante;

 

b)                    le ministre a acquis la conviction que l’appelante et la travailleuse auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

6.                  En rendant sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)                  l’appelante exploitait The Fast Cash Company;

 

b)                  l’appelante exploitait une entreprise d’encaissement de chèques et de prêts à court terme;

 

c)                  l’appelante exploitait son entreprise depuis divers endroits au Manitoba;

 

d)                  l’unique actionnaire de l’appelante était Len Thompson (ci‑après « l’actionnaire »);

 

e)                  la travailleuse était la conjointe de fait de l’actionnaire;

 

f)                    la travailleuse a été embauchée comme adjointe administrative;

 

g)                  les tâches de la travailleuse étaient notamment les suivantes : organisation du bureau, aménagement intérieur, voyages, recrutement du personnel, formation du personnel, aide à la production d’un manuel de directives, commande de stocks, relations avec les clients, dactylographie, classement, travaux d’écritures, appels téléphoniques et travail sur ordinateur;

 

h)                  la travailleuse fournissait ses services dans les divers locaux de l’appelante;

 

i)                    la travailleuse travaillait pour l’appelante depuis l’année 2000;

 

j)                    la travailleuse gagnait un salaire hebdomadaire fixe de 750 $;

 

k)                  l’appelante rémunérait la travailleuse par chèque, aux deux semaines;

 

l)                    l’appelante fixait le taux de rémunération de la travailleuse;

 

m)                le taux de rémunération de la travailleuse était raisonnable;

 

n)                  l’appelante effectuait initialement des retenues sur le salaire de la travailleuse au titre des cotisations;

 

o)                  l’appelante a délivré des feuillets T4 à la travailleuse pour les années 2001 et 2002;

 

p)                  la travailleuse ne fournissait pas de services non rémunérés à l’appelante;

 

q)                  la travailleuse avait droit à un congé annuel;

 

r)                   la travailleuse a reçu de l’appelante les montants suivants au titre de la rémunération :

 

2001

20 769 $

2002

14 095 $

2003

37 950 $

2004

42 610 $

 

s)                   la travailleuse travaillait à plein temps pour l’appelante;

 

t)                    la travailleuse travaillait normalement pendant les heures de bureau de l’appelante, du lundi au vendredi;

 

u)                  l’appelante fixait les heures et les jours de travail de la travailleuse;

 

v)                  la travailleuse travaillait avec l’actionnaire;

 

w)                les heures et jours de travail de la travailleuse étaient raisonnables;

 

x)                  l’actionnaire prenait les décisions importantes pour l’appelante;

 

y)                  la travailleuse était sous la direction et sous le contrôle de l’appelante;

 

z)                   l’appelante donnait des directives à la travailleuse;

 

aa)        l’appelante assignait le travail à la travailleuse;

 

bb)                l’appelante supervisait la travailleuse;

 

cc)                 la travailleuse rendait directement compte à l’actionnaire;

 

dd)                la travailleuse ne pouvait pas embaucher ses propres aides pour se faire remplacer;

 

ee)                 la travailleuse informait l’appelante de tout congé qu’elle devait prendre;

 

ff)                    l’appelante fournissait tous les instruments de travail et tout le matériel nécessaires, y compris les lieux de travail et un bureau meublé;

 

gg)                 la travailleuse ne payait pas pour l’utilisation du matériel de l’appelante;

 

hh)                 la travailleuse n’engageait pas de dépenses d’exploitation dans l’exécution de ses tâches;

 

ii)                     l’appelante remboursait la travailleuse des frais engagés;

 

jj)                    il n’y avait pas de chances de bénéfice ou de risques de perte pour la travailleuse;

 

kk)                la travailleuse ne signait pas les prêts pour l’entreprise de l’appelante;

 

ll)                     la travailleuse n’avait pas investi de fonds dans l’entreprise de l’appelante;

 

mm)             la travailleuse a déclaré qu’elle n’était pas traitée d’une façon différente des employés sans lien de dépendance, étant donné que les employés sans lien de dépendance fournissaient les mêmes services et touchaient le même salaire;

 

nn)                 l’appelante a déclaré que la travailleuse était traitée d’une façon différente, étant donné qu’un employé sans lien de dépendance n’aurait pas été embauché pour fournir ces services et que le salaire de la travailleuse était élevé;

 

oo)                le ministre a tenu compte de tous les faits pertinents dont il avait connaissance, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli;

 

pp)                le ministre a acquis la conviction qu’il était raisonnable de conclure que la travailleuse et l’appelante auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

B.        LE POINT EN LITIGE

 

7.          Il s’agit de savoir si la travailleuse était employée aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec l’appelante pendant la période allant du 1er octobre 2002 au 6 janvier 2005.

 

C.        LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, LES MOTIFS INVOQUÉS ET LA MESURE DE REDRESSEMENT DEMANDÉE

 

8.         L’intimé se fonde sur l’article 93, sur les paragraphes 2(1) et 5(3) ainsi que sur les alinéas 5(1)a) et 5(2)i) de la Loi sur l’assurance‑emploi, et sur l’article 251 et le paragraphe 248(1) de la Loi.

 

9.         L’intimé soutient que la travailleuse exerçait un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi pendant la période allant du 1er octobre 2002 au 6 janvier 2005, étant donné que la travailleuse était employée aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec l’appelante.

 

 

[3]     Les hypothèses énoncées aux alinéas 5a), b), c), d), i), k), n), o), r), cc), ff), kk) et ll) n’ont pas été réfutées.

 

[4]     Mme Wiebe est une femme d’âge moyen, titulaire d’un baccalauréat en éducation. À l’heure actuelle, elle ne touche pas de prestations d’emploi. Elle est intervenue pour établir qu’elle était une employée de 3928366 afin d’avoir droit aux prestations d’emploi.

 

[5]     Le problème fondamental dans ces appels et dans les hypothèses se rapporte à la relation existant entre Mme Wiebe et M. Len Thompson. Mme Wiebe allègue qu’ils étaient conjoints de fait. Selon la preuve, ils vivaient de temps en temps dans les mêmes locaux, ils voyageaient parfois ensemble et M. Thompson payait les factures. Cependant, la question de savoir si c’était une relation plus que sexuelle fait actuellement l’objet d’un litige devant d’autres tribunaux judiciaires du Manitoba. En particulier, dans l’une des actions qu’elle a engagées, Mme Wiebe allègue que M. Thompson détient 50 p. 100 des actions de l’appelante en fiducie pour son compte. Mme Wiebe était évasive et n’était pas crédible lorsqu’elle a été interrogée au sujet de la prétendue fiducie et du rapport existant entre la fiducie et sa demande de prestations d’emploi. Cette allégation n’avait apparemment pas été présentée au ministre antérieurement en ce qui concerne les présents appels.

 

[6]     L’avocat de l’appelante a demandé un ajournement au début de l’audience, le 30 novembre 2005, pour le motif que M. Thompson assistait à ce moment‑là aux funérailles de son ex‑épouse, à Dauphin, au Manitoba, à une distance d’environ deux heures en voiture de Brandon. L’avocat voulait obtenir un ajournement de cinq jours en tout, de façon qu’il soit possible de prendre des dispositions au sujet de la défunte. Mme Wiebe s’est opposée à l’ajournement, étant donné que la Cour ne retournerait pas à Brandon avant plusieurs mois et qu’on avait cessé de lui verser des prestations d’emploi. À la barre des témoins, Mme Wiebe a faussement nié s’être opposée à la demande d’ajournement. C’est là un exemple de son témoignage évasif. Son témoignage n’était généralement pas crédible. Cette conclusion confirme en partie sa relation instable et son comportement bizarre envers M. Thompson et 3928366. La Cour a ajourné l’audience jusqu’au 1er décembre, à 9 h 30, date où elle a procédé. M. Thompson n’ayant pas témoigné, l’avocate de l’intimé a demandé qu’une conclusion défavorable soit tirée. La Cour a refusé de tirer une telle conclusion pour le motif qu’elle avait ordonné la tenue de l’audience le 1er décembre en partie par compassion pour la situation dans laquelle se trouvait l’intervenante, et en partie parce que l’avocate de l’intimé estimait que l’audience suivante, à Brandon, n’aurait peut‑être lieu qu’un an plus tard.

 

[7]     Dans le reste de ces motifs, je suivrai à peu près l’ordre des hypothèses précitées.

 

[8]     e)       Selon la preuve, Mme Wiebe et M. Thompson avaient parfois des relations sexuelles. Selon la preuve mise à la disposition de la Cour, il ne s’agissait pas d’une union de fait.

 

f)       Mme Wiebe avait initialement été embauchée par l’appelante à titre d’employée et toutes les retenues appropriées étaient effectuées sur sa rémunération au titre de l’assurance‑emploi, du Régime de pensions du Canada et de l’impôt sur le revenu. C’est à ce moment‑là, soit en l’an 2000 et en 2001, que Mme Wiebe et M. Thompson ont commencé à avoir des rapports sexuels. Mme Wiebe a témoigné que, le 26 décembre 2001, elle avait obtenu la première de trois ordonnances de non‑communication contre M. Thompson et qu’elle avait en même temps déposé contre 3928366, en vertu du Code des droits de la personne du Manitoba (pièce A‑2), une plainte dans laquelle elle réclamait un montant de 177 317,67 $ au titre de dommages‑intérêts (pièce A‑3) en sa qualité d’employée de 3928366. Mme Wiebe a réglé l’affaire au moyen d’un protocole d’entente, daté du 10 mai 2002, conclu avec 3928366 pour la somme de 2 500 $ (pièce A‑4). Mme Wiebe a témoigné qu’après cet événement, 3928366 avait refusé de la réembaucher comme employée. Elle a alors cessé d’être [TRADUCTION] « embauchée comme adjointe administrative » comme il est dit à l’alinéa f). La Cour conclut qu’après l’année 2001, Mme Wiebe n’a jamais été une employée de 3928366. Il n’y avait aucune entente ni aucun contrat à ce sujet et Mme Wiebe a par la suite lancé sa propre entreprise, avec son propre nom commercial, par l’entremise de laquelle elle concluait des contrats avec 3928366.

 

h)       Mme Wiebe a témoigné que M. Thompson et elle avaient recommencé à avoir des relations sexuelles vers le mois de mai 2002. Au mois de septembre 2002, Mme Wiebe a lancé l’entreprise « Jess Designs/Consultation » (« JD/C »). Cette entreprise n’avait pas enregistré de nom commercial et elle n’était pas inscrite aux fins de la TPS. Mme Wiebe a fait imprimer des cartes d’affaires et elle a commencé à facturer l’appelante, sous le nom commercial de celle‑ci à Brandon, « The Fast Cash Co. ». La première facture, datée du 20 septembre 2002, se rapportant à une « avance sur honoraires », s’élevait à 800 $. Dans les factures ultérieures, un montant de 56 $ a été ajouté au titre de la TPS (pièce A‑5). Ces factures se rapportent censément à de nombreux services, y compris des [TRADUCTION] « voyages ». Lorsqu’elle voyageait, Mme Wiebe logeait dans la même chambre d’hôtel que M. Thompson et ils avaient parfois pris le petit déjeuner ensemble. Il faut ici noter que Mme Wiebe avait déjà été une employée de 3928366; elle était au courant des retenues effectuées sur la rémunération des employés; elle était titulaire d’un baccalauréat en éducation, de sorte qu’elle était réfléchie et instruite; elle avait fait imprimer des cartes d’affaires et des factures pour JD/C et elle facturait la TPS, qu’elle ne versait pas. Elle avait eu des démêlés en justice avec M. Thompson et, à compter du mois de février 2003, elle a demandé à un avocat, Me Scott Abel, de négocier avec cellui de M. Thompson au sujet de leur relation et d’une entente [TRADUCTION] « prénuptiale » possible. Elle allègue que JD/C et sa relation avec 3928366 lui avaient été imposées par M. Thompson. Ce n’était pas le cas. Comme nous le verrons, Mme Wiebe a déposé des plaintes auprès des tribunaux et elle avait par intervalles des relations sexuelles avec M. Thompson. Mme Wiebe est une femme réfléchie, instruite et expérimentée qui savait ce qu’elle faisait et qui sait ce qu’elle fait. Elle savait qu’elle entretenait avec 3928366 une relation à titre de non‑employée et elle a décidé d’elle‑même d’entretenir pareille relation ainsi que d’être rémunérée par 3928366 pour ses services précis et, parfois, de percevoir la TPS qu’elle ne versait pas. Il reste encore à examiner quels étaient ces services et à qui ils étaient rendus. Mme Wiebe a témoigné que, vers le 26 septembre 2003, elle avait obtenu une autre ordonnance de non‑communication contre M. Thompson, mais elle a témoigné qu’ils s’étaient réconciliés deux jours plus tard.

 

g)       Mme Wiebe a témoigné qu’au mois de janvier 2003, M. Thompson et elle suivaient des séances de « counselling ». Le 6 janvier 2003, Mme Wiebe a écrit à M. Thompson et a souligné le rôle qu’elle avait, selon elle, auprès de 3928366 (pièce A‑7) en faisant un certain nombre de recommandations au sujet de la politique et de la disposition matérielle des locaux. Le 8 janvier 2003, M. Thompson a répondu (pièce A‑8). Dans sa réponse, M. Thompson a décrit le contrat exact conclu avec Mme Wiebe et avec JD/C. La Cour conclut que la pièce A‑8 énonce le contrat exact et la portée du contrat que Mme Wiebe a conclu avec 3928366. Il ne s’agissait pas d’un contrat de travail. Il s’agissait plutôt d’un contrat en vue de la prestation de services précis.

 

h), j), l), m) et p) – Voici ce que Mme Wiebe a allégué au sujet de 3928366. Toutefois, les locaux pour lesquels elle a témoigné avoir fourni des services en dehors du Manitoba n’étaient pas ceux de 3928366. Ils appartenaient à d’autres sociétés, dont certaines appartenaient aux filles issues du mariage de M. Thompson. La Cour conclut que, lorsque Mme Wiebe voyageait en dehors du Manitoba, il s’agissait pour elle d’un voyage personnel qu’elle faisait avec M. Thompson et qu’à ces occasions, elle ne fournissait pas de services à 3928366 ni n’agissait comme employée de 3928366. Lorsqu’elle a présenté sa propre preuve à titre d’intervenante, Mme Wiebe a produit un certain nombre de pièces. La pièce I‑6 est datée du 30 décembre 2002 au 30 novembre 2003 et la pièce I‑7 est un imprimé pour la North Bay Ontario Corporation, en date du 28 octobre 2003, et semble inclure des statistiques de Brandon pour l’année civile 2002. Mme Wiebe a témoigné qu’ils étaient en sa possession et qu’elle avait personnellement marqué l’imprimé de la North Bay pour y indiquer la situation du client quant à la dette. Si 3928366 l’a fait, comme l’a allégué Mme Wiebe, elle l’avait fait volontairement, étant donné que la North Bay ne faisait pas partie de l’entreprise de 3928366. Si Mme Wiebe a fait cela en 2002 et en 2003, elle a facturé les montants au nom de JD/C au cours de ces années‑là. En 2003, JD/C a commencé à facturer 3928366 sur une base censément horaire. Toutefois, des montants arrondis, 500 $, 750 $, 1 000 $ et ainsi de suite, étaient indiqués sur les factures (pièce A‑9). Aucun montant n’était facturé au titre de la TPS et aucune retenue à la source n’était effectuée. Mme Wiebe a allégué que ces factures avaient été établies après coup, mais elle semble les avoir parafées et elle a de fait touché ces montants exacts. Il n’a pas été allégué que des retenues avaient été effectuées à ce moment‑là il n’y en a eu aucune. La Cour ajoute foi à la pièce A‑9 et elle n’accepte pas le témoignage présenté par Mme Wiebe à ce sujet. Mme Wiebe a parafé les factures, elle a pris l’argent et elle savait clairement ce qu’elle faisait à l’égard de la facturation. Elle a admis qu’à compter du mois de février 2003, c’était son avocat qui traitait avec M. Thompson. Selon la preuve, les relations avec M. Thompson faisaient partie intégrante des relations avec 3928366 et c’est Mme Wiebe qui a été à l’origine de la confusion pendant la période ici en cause. De fait, les pièces A‑7 et A‑8 ainsi que le témoignage que Mme Wiebe a présenté à leur sujet établissent que Mme Wiebe a utilisé les séances de counselling qu’ils avaient suivies pour leur relation personnelle comme outil en vue d’entamer des négociations dans la relation d’affaires qu’elle entretenait avec 3928366. Mme Wiebe ne facturait pas de salaire ou elle ne recevait pas de salaire. Elle facturait 3928366 pour des honoraires se rapportant à des services contractuels. Mme Wiebe a déclaré avoir travaillé, en 2004, à la création de « Wise Buys », une société distincte. Selon la preuve, Mme Wiebe n’a pas fourni de services à 3928366 en 2004 ou en 2005. Les présumés services ont plutôt été fournis à « Wise Buys ». Mme Wiebe a témoigné que 3928366 la rémunérait pour ce travail. Dans l’affirmative, un tel paiement ne se rapportait pas à des services fournis à titre d’employée de 3928366. De fait, Mme Wiebe a allégué que M. Thompson et elle mettaient conjointement sur pied « Wise Buys » à titre de cœntreprise. Si ce travail pouvait être considéré comme du travail accompli pour 3928366, il s’agissait d’un travail de consultation visant la création de la nouvelle entreprise ou de la nouvelle société Wise Buys, ou il se rapportait peut‑être aux travaux de décoration exécutés pour Wise Buys.

 

q)      Mme Wiebe ne prenait pas de « congé annuel ». M. Thompson et elle sont de fait allés à Las Vegas et à Cuba ensemble. Mme Wiebe n’a pas expressément témoigné au sujet du statut qu’elle avait à ces occasions, pour ce qui est de la rémunération, et elle n’a pas décrit ces voyages comme des vacances d’employée. Il s’agissait de voyages personnels.

 

s), t), u), v) et w) – Sauf lorsqu’elle travaillait censément pendant ses voyages, Mme Wiebe n’a pas témoigné au sujet des heures exactes de travail qu’elle effectuait pour 3928366. Elle a travaillé aux affaires de « Wise Buys » (une société différente) en 2004 et elle affirme que 3928366 l’a rémunérée pour ce travail. Le 8 juin 2004, elle a écrit à tous les employés de 3928366 (A‑10) et le 18 juin 2004, Fast Cash a écrit aux employés pour leur demander de cesser immédiatement de donner des renseignements à Mme Wiebe (A‑11). Les pièces mises à la disposition de la Cour indiquent que, lorsque Mme Wiebe a essayé de participer aux activités commerciales générales de 3928366 ou de s’ingérer dans ces affaires, on l’a immédiatement arrêtée et repoussée. Mme Wiebe a témoigné que le 26 décembre 2004, M. Thompson l’avait frappée contre un mur et qu’elle avait obtenu une troisième ordonnance de non‑communication contre lui le 31 décembre 2004. Le 6 janvier 2005, les avocats de 3928366 ont avisé Mme Wiebe de ne plus se présenter aux locaux de 3928366, à Brandon. Mme Wiebe a de fait produit la pièce I‑4, qui, disait‑elle, se rapportait [TRADUCTION] « probablement » au mois d’avril 2003. Selon cette pièce, Mme Wiebe remplaçait un employé, « Daryl ». Toutefois, ce travail est couvert par la facture de JD/C pour le mois d’avril 2003 (pièce A‑9) si, de fait, il se rapporte à l’année 2003 (le 9 avril 2003 est un mercredi). Mme Wiebe avait été rémunérée pour la dernière fois le 4 janvier 2005, lorsqu’elle avait reçu un montant net de 612,50 $ sur un montant de 1 000 $; aucune retenue à la source n’avait été effectuée sur ce montant (pièce I‑5). Dans les documents qui ont été produits en preuve, les déductions effectuées étaient plutôt décrites comme se rapportant à des crédits que Mme Wiebe avait pris de 3928366 ou pour le compte de 3928366. Selon la pièce I‑4, le 9 avril est un lundi. Or, entre les années 2001 et 2005 inclusivement, c’est en 2001 seulement, année pour laquelle il est reconnu que Mme Wiebe était une employée de 3928366, que le 9 avril est tombé un lundi. Lorsque Mme Wiebe a produit en preuve la pièce I‑4 dans le cadre de sa preuve principale, elle a dit que cette pièce se rapportait [TRADUCTION] « probablement » à l’année 2003. Mme Wiebe ne s’est donc pas parjurée au sujet de la pièce I‑4. Cette forme d’introduction était suffisamment inhabituelle pour que la Cour la remarque, compte tenu de la façon évasive dont Mme Wiebe avait antérieurement agi. De l’avis de la Cour, la pièce I‑4 et les mots que Mme Wiebe a employés en produisant la pièce montrent encore une fois le manque de crédibilité de Mme Wiebe dans son témoignage.

 

[9]     Les autres hypothèses font principalement entrer en jeu les critères de l’arrêt Wiebe Door, tels qu’ils ont été énoncés par la Cour d’appel fédérale, à savoir :

 

La propriété des instruments de travail – Mme Wiebe n’avait pas besoin d’instruments de travail pendant la période en question. Toute idée qu’elle avait dans le domaine de la décoration et de la consultation était communiquée verbalement à M. Thompson. Jess Decorating/Consulting (JD/C) ne s’occupait pas de travaux de peinture et ainsi de suite. Elle s’occupait plutôt de donner des conseils. Elle n’assurait même pas la direction. C’était M. Thompson qui assurait la direction réelle de 3928366.

 

Le contrôle – JD/C était une firme « de conseil » composée d’une seule femme. Cette firme contrôlait ses propres affaires. Elle n’était pas contrôlée par M. Thompson ou par 3928366; ces derniers contrôlaient et menaient leurs propres entreprises. Mme Wiebe et JD/C pouvaient recruter des clients ailleurs si elles le voulaient. Les pièces indiquent que JD/C et Mme Wiebe n’étaient pas contrôlées par 3928366 et qu’on leur avait plutôt demandé de ne pas se mêler des affaires de 3928366 pendant la période en cause ainsi que de faire les travaux qui faisaient l’objet du contrat selon la pièce A‑8.

 

Les chances de bénéfice et les risques de perte – Il y avait pour Mme Wiebe et JD/C des chances de bénéfice et des risques de perte. Après le mois de janvier 2005, Mme Wiebe et JD/C ont subi une perte, parce qu’elles n’avaient pas recruté d’autres clients pour des travaux de consultation et de décoration. Pendant cette période, elles étaient libres de le faire. Or, rien ne montre que JD/C l’ait fait. Mme Wiebe n’a pas produit ses déclarations de revenus pour montrer son statut pendant la période en question. Les pertes ou bénéfices exacts ne sont donc pas établis.

 

L’intégration – Mme Wiebe et JD/C n’étaient pas intégrées à l’entreprise de 3928366 pendant la période en question. Selon la preuve, la Cour conclut que, du 9 au 14 avril 2003, Mme Wiebe ne travaillait pas comme employée, contrairement à ce qui est mentionné dans la pièce I‑4; ce travail se rapportait plutôt à des années antérieures, lorsque Mme Wiebe était employée ou qu’elle agissait comme remplaçante et qu’elle facturait simplement les honoraires de JD/C conformément aux pièces par ailleurs produites. Selon la preuve, lorsqu’elle a essayé de s’intégrer dans les activités commerciales de 3928366, Mme Wiebe a immédiatement été rejetée. Elle recevait ses affectations ainsi que ses instructions et elle était assujettie à la présumée « supervision » en sa qualité contractuelle, sous le nom de JD/C. Mme Wiebe était simplement une femme professionnelle dont 3928366 avait retenu les services pour accomplir les tâches énoncées dans la pièce A‑8.

 

[10]    Pendant la période en question, Mme Wiebe travaillait à son compte. Elle concluait des contrats de cette façon et les affaires qu’elle faisait avec 3928366 pendant la période en question étaient menées de cette façon sous le nom commercial JD/C.

 

[11]    Les appels sont accueillis. Mme Wiebe n’était pas une employée de 3928366 pendant la période en question.

 

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 13e jour de décembre 2005.

 

 

« D.W. Beaubier »

Juge Beaubier

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour d’octobre 2006.

 

Christian Laroche, LL.B.

 


 

RÉFÉRENCE :                                  2005CCI781

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2005-2466(EI) et 2005-2521(CPP)

 

INTITULÉ :                                       3928366 Manitoba Ltd.

                                                          c.

                                                          Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Brandon (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 novembre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge D.W. Beaubier

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 décembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Robert Johnston et

Me Matthew T. Burgoyne

 

 

Avocate de l’intimé :

 

Pour l’intervenante :

Me Penny L. Piper

 

L’intervenante elle-même

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Matthew Burgoyne

 

                   Cabinet :                         Roy, Johnston & Company LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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