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Référence : 2005CCI638

Date : 20050927

Dossier  (IT: 2004-4042)G

ENTRE :

SUPERIOR FILTER RECYCLING INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 22 septembre 2005, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 

Devant : L'honorable juge D. W. Beaubier

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

David-Kevin: Lindsay

 

Avocate de l'intimée :

Me Johanna Russell

 

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DES ORDONNANCES ET ORDONNANCES

 

Le juge Beaubier

 

[1]     Deux requêtes relatives au présent appel interjeté sous le régime de la procédure générale ont été entendues à Vancouver (Colombie‑Britannique) le 22 septembre 2005. Les voici :

 

1.       Requête présentée par l'appelante en date du 20 mai 2005 visant à ce que :

 

(i)      un jugement soit rendu en faveur de l'appelante dans le cadre de son appel, parce que :

 

a)       l'intimée n'a pas envoyé de liste de documents;

 

b)      les cotisations établies pour les années 2000, 2001 et 2002 sont erronées et ne sont pas fondées sur les faits.

 

(ii)      David‑Kevin: Lindsay, un administrateur de l'appelante, puisse agir à titre de représentant lors de l'appel. Il a agi à titre de représentant de l'appelante pour les présentes requêtes.

 

2.       Requête présentée par l'intimée en date du 1er septembre 2005 visant à ce que la Cour exige que l'appelante soit représentée par un avocat dans le présent appel.

 

Les requêtes seront traitées dans cet ordre.

 

[2]     L'intimée a déposé une liste de documents (communication partielle) le 4 juillet 2005. On a alors expliqué le sens de « communication partielle » à M. Lindsay, et la question n'a pas eu de suite.

 

[3]     Monsieur Lindsay a fait valoir que les cotisations ne peuvent pas être maintenues, qu'elles sont erronées et qu'elles ne sont pas fondées sur les faits.

 

1.       Les dates importantes concernant ces affaires sont les suivantes :

 

(i)      Les dates limites de production des déclarations de revenus de l'appelante, par exercice :

 

2000

31 janvier 2001

2001

31 janvier 2002

2002

31 janvier 2003

 

(ii)      L'ARC a établi une cotisation pour les trois années compte tenu du fait qu'aucune déclaration de revenus n'avait été produite au 12 janvier 2004.

 

(iii)     L'appelante a déposé des avis d'opposition le 8 avril 2004.

 

(iv)     Dans une lettre datée du 14 mai 2004, l'intimée a demandé que l'appelante produise ses déclarations de revenus au plus tard le 25 juin 2004.

 

(v)     L'appelante a produit ses déclarations de revenus pour les années 2000 et 2001 le 29 juin 2004, et sa déclaration pour l'année 2002 le 17 décembre 2004.

 

(vi)     L'ARC a ratifié les cotisations au moyen d'un avis daté du 14 juillet 2004.

 

2.       Monsieur Lindsay a établi dans la pièce « H », jointe à l'affidavit de Lisa Macdonell daté du 1er septembre 2005, que la décision de ratifier les cotisations a été prise le 12 juillet 2004, et voici un extrait tiré du rapport connexe :

 

[TRADUCTION]

 

L'agent des appels a demandé des documents à l'appui de l'énoncé selon lequel les montants apparaissant dans les cotisations étaient extrêmement exagérés. Aucun document à l'appui n'a été fourni.

 

Monsieur Lindsay a mal interprété l'expression [TRADUCTION] « à l'appui de ». Il pensait que cela voulait dire les déclarations de revenus et il a allégué que l'énoncé était faux, étant donné que les déclarations de revenus avaient été produites le 29 juin 2004. Par conséquent, il a allégué qu'il n'en avait pas été tenu compte. Dans le contexte de l'impôt, l'expression [TRADUCTION] « à l'appui de » signifie les relevés bancaires, les chèques, les reçus, les factures et les documents semblables, c'est‑à‑dire les documents de travail et les documents d'exploitation réels de l'appelante. Jusqu'à maintenant, rien de tout cela n'a été présenté, d'après le dossier de la Cour.

 

3.       Monsieur Lindsay a fait valoir que, contrairement à l'article 150 ou 152 (comme il l'a soutenu) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les déclarations de revenus de l'appelante n'ont pas été examinées en ce qui concerne les cotisations en question. L'avocate de l'intimée a soutenu, à juste titre, que les déclarations de revenus n'avaient pas été produites dans les délais pour qu'un tel examen soit effectué. Aucun élément de preuve n'indique que l'ARC n'a pas examiné les déclarations.

 

4.       Enfin, M. Lindsay ne semble pas se rendre compte que lorsque le processus d'établissement des cotisations est terminé et qu'il y a eu un avis d'appel ou une réponse à l'avis d'appel à cet égard, il incombe au contribuable de réfuter les hypothèses figurant dans la réponse.

 

[4]     Compte tenu de ce qui précède, et pour les raisons énoncées ci‑dessus, la requête de l'appelante visant à ce que l'appel soit accueilli est rejetée.

 

[5]     Pour ce qui est des requêtes des deux parties concernant la question de savoir si l'appelante devrait être tenue de retenir les services d'un avocat pour le déroulement de l'appel, la Cour cite les critères énoncés par le juge en chef adjoint Bowman aux paragraphes 2 à 7 inclusivement de la décision Chase Bryant Inc. c. La Reine, no 2002‑1463(IT)G, 12 décembre 2002, 2003 D.T.C. 145. Les voici :

 

[2]        Le paragraphe 30(2) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) prévoit ce qui suit :

 

Une personne morale se fait représenter par un avocat dans toute instance devant la Cour, sauf lorsque dans des circonstances spéciales, la Cour autorise la personne morale à se faire représenter par un de ses dirigeants.

 

[3]        M. Gunderson est un actionnaire de l'appelante, dont il détient 25 p. 100 des actions, et il en est également un administrateur. Il n'en est pas un dirigeant, ce qui, en principe, le rend inhabile à représenter la société. Si j'avais par ailleurs été enclin à accéder à sa demande, le fait qu'il ne soit pas un dirigeant de la société n'aurait pas été un obstacle insurmontable, car j'aurais simplement rendu une ordonnance l'autorisant à représenter la société sous réserve qu'il en devienne un dirigeant. Cela ne lui aurait pas été difficile, car les 75 p. 100 d'actions restants appartiennent à sa mère et à son frère.

 

[4]        Dans l'affaire Pratts Wholesale Limited c. La Reine, [1998] A.C.I. no 171 (98 DTC 1561), le juge Beaubier, de notre cour, a appliqué les quatre facteurs énoncés par le juge Muldoon dans l'affaire Kobetek Systems Ltd. c. R., [1998] A.C.F. no 16, au paragraphe 8 ([1998] 1 C.T.C. 308, à la page 310).

 

Il appert de ces décisions que, pour déterminer si des circonstances spéciales existent, il convient d'examiner les facteurs suivants, soit les questions de savoir si l'entreprise peut s'offrir les services d'un avocat, si le représentant proposé sera tenu de comparaître comme porte‑parole et comme témoin, si les questions de droit à trancher sont complexes (et, par conséquent, si le représentant semble être en mesure de débattre les questions de droit) et si l'action peut se poursuivre de manière expéditive.

 

[5]        Le juge Bowie a fait référence à ces facteurs dans l'affaire RFA Natural Gas Inc. c. R., [2000] A.C.I. no 327 ([2000] G.S.T.C. 40).

 

[6]        Les facteurs auxquels il a été fait référence dans ces affaires sont un point de départ utile, mais ils ne sont ni déterminants ni exhaustifs. Par exemple, dans l'affaire RFA Natural Gas, le juge Bowie n'a pas accordé beaucoup de poids à la question de savoir si le représentant proposé pouvait comparaître comme témoin. Je souscris respectueusement à cela.

 

[7]        S'il y a un facteur qui l'emporte sur les autres, c'est celui qui consiste à déterminer si la société peut s'offrir les services d'un avocat. Dans l'affirmative, il est difficile d'imaginer des circonstances qui justifieraient une exception à la règle selon laquelle une personne morale doit être représentée par un avocat. Dans l'affaire Mavito Inc. c. R., [2000] A.C.I. no 137 ([2001] 2 C.T.C. 2048), le juge Tardif a considéré que le fait qu'une société appelante soit incapable de payer les honoraires d'un avocat était « un élément déterminant » dans une telle requête.

 

[6]     David‑Kevin: Lindsay n'est pas un dirigeant de l'appelante. Il est un administrateur de l'appelante. Il ne peut donc pas agir à titre de représentant de l'appelante lors de l'appel.

 

[7]     Le juge en chef adjoint Bowman est cependant allé plus loin et a dit qu'il aurait pu rendre une ordonnance qui dépendrait du fait que le représentant proposé devienne un dirigeant. Cela peut également être le cas en l'espèce.

 

[8]     Monsieur Lindsay a dit qu'il n'aurait pas besoin de témoigner à titre de témoin lors de l'appel. Les questions sont assez complexes et elles peuvent porter sur le fait d'être une société exploitant une petite entreprise. L'avocate de l'intimée a aussi évoqué la possibilité qu'il y ait une question de perte en capital, ce que je ne peux pas déterminer clairement à partir des documents qui ont été déposés devant la Cour, mais que j'accepte. Monsieur Lindsay ne comprenait pas le dernier concept et ne comprenait peut‑être pas le premier concept. À ce jour, rien n'a encore été fait parce que l'adresse de l'appelante dans l'avis d'appel n'est pas la bonne et que l'intimée a eu de la difficulté à communiquer avec l'appelante et à lui signifier des documents.

 

[9]     Sur le plan financier, M. Meikle a indiqué dans son témoignage que l'appelante n'avait pas les moyens de retenir les services d'un avocat pour un tel appel. La Cour a entendu le témoignage de M. Lindsay et de M. Meikle. Monsieur Meikle a indiqué dans son témoignage que l'entreprise de l'appelante à Penticton est située dans un petit marché qui comporte environ trois concurrents et que le montant de revenu sur lequel la cotisation est fondée dépasse largement la capacité du marché de Penticton avec la concurrence qu'il y a actuellement.

 

[10]    Les déclarations de revenus de l'appelante produites tardivement sont jointes comme pièces à l'affidavit de Lisa Macdonell pour les années à l'égard desquelles une cotisation a été établie. Elles indiquent pour l'appelante les revenus nets suivants :

 

2000

14 215 $

2001

14 215 $

2002

(494 $)

 

Les montants de revenu imposable établis par l'intimée sont les suivants :

 

2000

87 066 $

2001

125 062 $

2002

85 796 $

 

Monsieur Meikle a indiqué dans son témoignage que le revenu net de l'appelante en 2005 était supérieur à 1 $, mais il n'en savait pas plus. Par conséquent, l'appelante n'a pas prouvé qu'elle n'avait pas les moyens de retenir les services d'un avocat. Dans son témoignage, M. Meikle s'est dit très préoccupé à ce sujet. Toutefois, il était le président de l'appelante lorsque celle‑ci a omis de produire ses déclarations de revenus, ce qui a donné lieu à toutes les dépenses qui ont découlé des cotisations. De plus, comme il en sera question plus loin, l'état actuel des documents de l'appelante, ainsi que le manque de compréhension de M. Lindsay concernant le processus d'appel pour cette affaire, portent la Cour à croire que si l'appelante poursuit l'instance comme elle le propose, elle ne peut même pas s'attendre à obtenir partiellement gain de cause, et tout cela entraînera des coûts beaucoup plus élevés que ceux nécessaires pour retenir les services d'un avocat.

 

[11]    Voici le résultat obtenu suivant les critères établis par le juge en chef adjoint Bowman :

 

1.       L'appelante n'a pas prouvé qu'elle n'a pas les moyens de retenir les services d'un avocat.

 

2.       Monsieur Lindsay dit qu'il ne témoignera pas à titre de témoin.

 

3.       Prises ensemble, les questions sont complexes et M. Lindsay ne les comprend pas, de même qu'il ne comprend pas le fardeau de la preuve qui incombe à l'appelant dans les affaires fiscales, ni quelles sont les exigences nécessaires pour établir la preuve de l'appelant. Par exemple, la liste de documents qu'il a déposée ne décrit que les éléments suivants : les déclarations T2, l'avis de ratification, l'avis d'opposition et le [TRADUCTION] « point 5 — correspondance diverse ». Le point 5, lorsqu'il s'ajoute au fait que le représentant ne comprend pas l'expression « à l'appui de », signifie que l'appelante ne peut pas faire annuler les cotisations lors de l'audience de l'appel interjeté à l'égard d'une cotisation de cette nature, parce que le représentant proposé ne comprend pas le processus à suivre dans une affaire fiscale. Il est également clair qu'il ne comprend pas des concepts de la Loi de l'impôt sur le revenu dont il est question dans cette affaire.

 

4.       La Cour est convaincue que l'appel ne sera pas entendu dans un bref délai si M. Lindsay est le représentant de l'appelante. Dans le cadre de son argumentation, il a dit à la Cour qu'il suit les directives de M. Meikle, le président de l'appelante. Monsieur Meikle était aussi le président quand l'appelante a omis de produire les déclarations de revenus en question. Monsieur Meikle et M. Lindsay ont tous les deux admis que l'adresse qu'ils avaient indiquée dans l'avis d'appel faisait en sorte qu'il était difficile de signifier des documents à l'appelante ou de communiquer avec elle. Tout au long de l'instruction de ces requêtes, M. Lindsay a essayé d'obtenir un ajournement.

 

[12]    Un dernier point est mentionné dans les motifs de l'ordonnance rendus dans l'affaire Pratts. Il s'agit du fait que l'appelante est une personne morale — une création de la loi. Elle a le droit de soustraire ses actionnaires à la responsabilité générale et elle a certains droits en tant que contribuable. Toutefois, il y a des obligations qui correspondent à ces droits. Dans ce cas‑ci, cela veut dire que l'appelante doit retenir les services d'un avocat pour que l'appel soit entendu, et j'ordonne qu'il en soit ainsi. La requête de l'intimée est donc accueillie.

 

[13]    Par conséquent, la Cour ordonne que l'appelante retienne les services d'un avocat pour que l'appel soit entendu et que l'avocat dépose un avis de comparution à la Cour au plus tard le 15 octobre 2005 avec les renseignements appropriés pour la signification à l'avenir. Si l'avocat estime qu'il est nécessaire de déposer une liste de documents modifiée pour l'appelante, l'avocat a l'autorisation de le faire au plus tard le 10 novembre 2005. Jusqu'à ce qu'un avocat soit désigné, le représentant de l'appelante aux fins de cet appel est son dirigeant, Nelson Meikle.

 

[14]    Conformément à l'entente que les parties ont conclue et qui a été consignée dans le dossier de la Cour le 22 septembre 2005, j'ordonne ce qui suit :

 

1.       Jusqu'à ce que l'appelante désigne un avocat, l'adresse, le numéro de téléphone et le numéro de télécopieur de l'appelante aux fins de la procédure sont les suivants :

 

(i)      Adresse :               725, chemin Franklyn

                                      Kelowna (Colombie‑Britannique)

                                      V1X 3T9

 

(ii)      Téléphone :           (250) 212-6855

 

(iii)     Télécopieur :         (250) 765-6813

 

2.       Les interrogatoires préalables doivent avoir lieu à Vancouver au plus tard le 30 novembre 2005.

 

3.       Les engagements doivent être satisfaits au plus tard le 31 janvier 2006.

 

4.       Toute l'instance doit se dérouler dans la ville de Vancouver, en Colombie‑Britannique.

 

[15]    J'ordonne également ce qui suit :

 

1.       Les requêtes peuvent dorénavant être signifiées par télécopieur à la partie adverse, et ce, au numéro de télécopieur de chacune des parties qui est actuellement consigné en l'espèce.

 

2.       Les dépens relatifs aux deux requêtes suivront l'issue de la cause.

 

 

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 27e jour de septembre 2005.

 

 

« D. W. Beaubier »

Le juge Beaubier

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de septembre 2006.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI638

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-4042(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Superior Filter Recycling Inc. c. La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 22 septembre 2005

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      L'honorable juge D.W. Beaubier

 

DATE DE L'ORDONNANCE :           Le 27 septembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

David-Kevin: Lindsay

 

Avocate de l'intimée :

Me Johanna Russell

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

Représentant de l'appelante :

 

          Nom : Nelson Meikle

 

          Étude :        

 

Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                             Sous‑procureur général du Canada

                             Ottawa (Ontario)

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