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Dossier : 2004-3588(IT)I

ENTRE :

MARY CONROY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appels entendus le 14 janvier 2005, à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Devant : L'honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions

Avocat de l'appelante :

Me Shawn Scott

Avocat de l'intimée :

Me Martin Hickey

JUGEMENT

       L'appel de la détermination du ministre du Revenu national pour la période de juillet 2001 à octobre 2003, concernant les prestations fiscales pour enfants relatives aux années de base 2000, 2001 et 2002, est admis, et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il fasse une nouvelle détermination en tenant pour acquis que l'appelante était le particulier admissible pour les personnes à charge admissibles.

       L'appelante a droit aux dépens, le cas échéant.


       Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2005.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2005.

Marie-Christine Gervais, traductrice


                                                                                                                            

Référence : 2005CCI177

                                                                                                     Date : 20050304

Dossier : 2004-3588(IT)I

ENTRE :

MARY CONROY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]    Mary Conroy appelle d'une cotisation d'impôt. Le ministre du Revenu national a décidé qu'elle n'était pas le particulier admissible, au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ), pendant les années de base 2000, 2001 et 2002 et a établi une cotisation de 12 119,62 $ à l'égard du recouvrement et du paiement en trop des prestations reçues pour les années de base visées.

[2]    Les faits ne sont pas contestés. En 1986, Mary Conroy a épousé David Conroy. Ils ont eu deux enfants pendant le mariage, soit une fille, née en 1986, et un garçon, né en 1990. En juillet 1997, les Conroy se sont séparés. Après la séparation, et jusqu'en février 2004, les deux enfants ont demeuré avec leur père.

[3]    Avant la séparation, Mme Conroy recevait les prestations fiscales pour enfants. Ces prestations étaient déposées directement dans un compte de la Banque Canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ) au nom de David Conroy et de Mary Conroy. En juillet 1997, Mme Conroy a fait enlever son nom du compte bancaire et a cessé d'avoir accès aux fonds dans ce compte. Les prestations fiscales pour enfants ont continué d'être déposées dans le compte de la CIBC.

[4]    En juillet 1998, M. et Mme Conroy ont signé un jugement sur les mesures accessoires, un accord et un procès-verbal de transaction établis le 11 juillet 2000. Le paragraphe 10 de l'accord prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les parties conviennent que le mari demandera, aux fins de l'impôt sur le revenu, toute déduction ou tout crédit à l'égard des enfants issus du mariage auquel il peut avoir droit selon la Loi de l'impôt sur le revenu (y compris le montant pour enfants à charge ou l'équivalent du montant pour conjoint) et aura droit au crédit d'impôt pour enfants.

[5]    En raison de cet accord, Mme Conroy a indiqué avoir supposé que David Conroy avait demandé et recevait les prestations fiscales pour enfants établies à l'égard des enfants.

[6]    Mme Conroy n'a jamais avisé le ministre qu'elle n'était plus une personne admissible à l'égard des enfants selon le paragraphe 122.62(4) de la Loi. Cependant, pour chacune des années d'imposition visées, elle a produit une déclaration de revenus dans laquelle elle a fait une demande de crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée ( « TPS-TVH » ) et elle a coché la case indiquant qu'elle n'avait pas d'enfants; elle n'a fait état d'aucune personne à charge dans sa déclaration de revenus de 1998. Après avoir été mise à pied en 2002, elle a fait une demande d'assurance-emploi en tant que célibataire sans personnes à charge. Selon elle, le ministre savait qu'elle n'avait pas la garde des enfants; les informations qu'elle avait fournies dans ses déclarations de revenus constituaient un avis au ministre du fait qu'elle avait cessé d'être un particulier admissible selon le paragraphe 122.62(4).

[7]    Mme Conroy a admis avoir reçu régulièrement des avis de prestation fiscale pour enfants l'informant que l'argent était, ou bien serait, déposé dans le compte de la CIBC pour la période concernée. Elle a dit que depuis qu'elle est séparée de David Conroy, celui-ci ne lui a jamais donné d'argent pour les enfants. Elle a également admis avoir reçu un chèque de 447,31 $ en octobre 2003 relativement au crédit pour prestation fiscale pour enfants. Elle a affirmé avoir signalé à M. Conroy qu'elle avait reçu le chèque et qu'elle comprenait, après lui avoir parlé, qu'elle devait lui envoyer l'argent, étant donné que cet argent lui était destiné, ce qu'elle a fait en octobre 2003.

[8]    M. Kirk Fagan, un employé de la Division de la prestation fiscale pour enfants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ), a expliqué que lorsque l'ADRC fait un virement automatique dans un compte bancaire désigné, le nom du bénéficiaire n'apparaît sur aucun des documents envoyés à la banque. Les seuls renseignements envoyés à la banque sont le numéro de banque, le numéro transitaire et le numéro de compte du client. Le nom du payeur et du prestataire ou bénéficiaire du compte ne sont « pas nécessaires » . L'ARDC ne confirme pas le nom des bénéficiaires. Tant que l'ADRC n'est pas avisée d'un changement, toutes les prestations fiscales pour enfants sont versées directement dans le compte de banque désigné, même si le bénéficiaire (prestataire) du paiement n'a pas accès au compte.

[9]    Dans la présente affaire, l'autorité fiscale a commencé à effectuer des virements automatiques dans le compte de la CIBC en août 1996 et a continué d'effectuer les paiements jusqu'en septembre 2003.

[10]Les administrateurs responsables du programme de la prestation fiscale pour enfants ont refusé d'admettre que Mme Conroy n'était plus le particulier admissible, même si ses déclarations de revenus semblaient indiquer qu'elle n'assumait pas principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de ses enfants. M. Fagon a déclaré que l'ADRC ne tient pas compte de la partie sur la première page de la déclaration de revenus qui concerne la demande des crédits pour TPS-TVH, étant donné que [TRADUCTION] « le client peut demander le crédit pour TPS ou bien ne pas le faire » . Et, il a ajouté que la demande ne peut être effectuée que par un seul des deux conjoints. De plus, il a mentionné que jusqu'en 2001, les deux parents séparés auraient pu demander le crédit pour TPS pour des enfants différents.

[11]Deux choses sont claires. Premièrement, Mme Conroy n'a pas indiqué au ministre de façon précise qu'elle avait cessé d'être un particulier admissible, comme le prévoit le paragraphe 122.62(4) de la Loi. Deuxièmement, à l'exception du chèque de 447,31 $ qu'elle a reçu en octobre 2003 et qu'elle a immédiatement envoyé à M. Conroy, Mme Conroy n'a reçu aucun paiement de prestation fiscale pour enfants. Tous les paiements ont été versés dans le compte de la CIBC, dont le seul titulaire était M. Conroy.

[12]En ce qui concerne l'avis prévu dans le paragraphe 122.62(4), le ministre du Revenu national avait été avisé de plusieurs faits et, s'il en avait tenu compte, il aurait probablement conclu que Mme Conroy n'était plus le particulier admissible. Le ministre savait donc qu'elle n'avait pas déclaré de personnes à charge dans sa déclaration de revenus, qu'elle n'avait pas indiqué qu'elle avait des enfants dans sa demande de crédit pour TPS-TVH et que des renseignements contenus dans sa déclaration de revenus avaient été utilisés, en l'occurrence sa nouvelle adresse, pour communiquer avec elle. Grâce à l'informatique, le ministre est en mesure de comparer les débits et les crédits de diverses personnes. Il aurait donc eu les renseignements nécessaires s'il avait pris le temps et le soin de consigner dans ses livres et registres que le particulier admissible était la personne qui recevait réellement les prestations fiscales pour enfants, soit M. Conroy.

[13]Comme je l'ai déjà indiqué, Mme Conroy n'a jamais reçu de paiements de prestation fiscale pour enfants et n'a jamais eu accès à l'argent. M. Conroy était le particulier admissible et c'est lui qui a réellement reçu les prestations fiscales pour enfants auxquelles il avait droit.

[14]Il serait intolérable que Mme Conroy doive rendre de l'argent qu'elle n'a jamais reçu, et qu'en plus, l'autorité fiscale verse une deuxième fois à M. Conroy les prestations fiscales pour enfants qu'il a déjà reçues pour la période visée.

[15]En pareil cas, il est préférable d'admettre l'appel, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2005.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2005.

Marie-Christine Gervais, traductrice

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