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Dossier : 2004-2727(IT)I

ENTRE :

PATRICIA REINER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 26 janvier 2005 à Kelowna (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge D.W. Beaubier

Comparutions :

Représentants de l'appelante :

G.A. Marle et Mike Reiner

Avocate de l'intimée :

Me Amy Francis

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et visant l'année d'imposition 2002 est admis, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il la réexamine et en établisse une nouvelle selon les motifs de jugement ci-joints.

Les dépens et débours taxables afférents au présent appel sont adjugés à l'appelante.


Signé à Calgary, en Alberta, ce 10e jour de février 2005.

« D.W. Beaubier »

Le juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2005

Johanne Robert, traductrice


Référence : 2005CCI115

Date : 20050210

Dossier : 2004-2727(IT)I

ENTRE :

PATRICIA REINER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Le juge Beaubier

[1]      Cet appel interjeté conformément à la procédure informelle a été entendu à Kelowna, en Colombie-Britannique, le 26 janvier 2005. Le mari de l'appelante, Michael Reiner, a témoigné. L'intimée a fait comparaître Michael Roberts, directeur des ressources humaines, arrondissement scolaire 23, Kelowna.

[2]      Puisque la question dont la Cour est saisie en est une principalement d'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et que la réponse à l'avis d'appel expose les concepts en cause, le corps de la réponse, soit les paragraphes 1 à 14, est cité intégralement:

[TRADUCTION]

A.                  EXPOSÉ DES FAITS

1.          Il admet que l'employeur de l'appelante n'a remboursé aucune des dépenses qu'elle avait engagées relativement à ses études postsecondaires au cours de l'année d'imposition 2002.

2.          Il nie que le ministre du Revenu national (le « ministre » ) ait refusé dans sa totalité le crédit d'impôt pour études demandé par l'appelante pour l'année d'imposition 2002. Il affirme en outre que le ministre a réduit de 4 800 $ à 800 $ le crédit d'impôt pour études de l'appelante en faisant valoir que ses études postsecondaires se rapportaient à son emploi d'enseignante, excepté pour les mois de juillet et août de cette année-là.

3.          Il nie l'allégation de fait selon laquelle l'agent des appels a permis au ministère des Finances d'entraver sa décision en répondant à l'avis d'opposition de l'appelante visant l'année d'imposition 2002.

4.          Il n'est pas au courant des autres allégations de faits énoncées dans l'avis d'opposition et donc ne les admet pas.

5.          Dans le calcul des crédits d'impôt non remboursables pour l'année d'imposition 2002, l'appelante a inclus un crédit d'impôt pour études de 4 800 $ (la « somme » ), somme calculée sur la base de 12 mois d'études à 400 $ par mois.

6.          Le ministre a établi la cotisation de l'appelante pour l'année d'imposition 2002 de manière à ce que la somme soit incluse dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables. Un avis en conséquence a été envoyé à l'appelante le 17 avril 2003.

7.          Le ministre a établi pour l'année d'imposition 2002 de l'appelante une nouvelle cotisation en refusant la somme. Un avis en conséquence a été envoyé à l'appelante le 14 octobre 2003.

8.          Par avis daté du 13 janvier 2004, l'appelante a signifié au ministre un avis d'opposition relatif à la nouvelle cotisation visant l'année d'imposition 2002.

9.          En réponse à l'opposition de l'appelante, le ministre a une fois encore établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 2002 afin d'accorder un crédit d'impôt pour études de 800 $. Un avis en conséquence a été envoyé à l'appelante le 29 mars 2004 (la « nouvelle cotisation » ).

10.        Lorsqu'il a établi la nouvelle cotisation de l'appelante, le ministre a supposé les faits suivants :

a)          en 2002, l'appelante occupait à plein temps un emploi d'enseignante dans l'arrondissement scolaire 23 (Central Okanagan);

b)          en 2002, l'appelante a tiré de son emploi d'enseignante dans l'arrondissement scolaire 23 un revenu de 49 731 $;

c)          pendant l'année 2002, l'appelante était inscrite au programme de maîtrise de la Gonzaga University ( « Gonzaga » );

d)          Gonzaga est une université des États-Unis qui décerne des grades;

e)          l'appelante a suivi le programme de maîtrise de Gonzaga dispensé à distance en assistant à des cours donnés localement et au moyen d'Internet, tout en continuant à enseigner à plein temps;

f)           l'arrondissement scolaire 23 n'a remboursé à l'appelante aucuns de ses frais liés aux cours suivis à Gonzaga;

g)          l'appelante n'a pas enseigné pendant les mois de juillet et août 2002;

h)          l'appelante n'a reçu de l'arrondissement scolaire 23 aucune rémunération pour les deux mois de 2002 durant lesquels elle n'a pas enseigné;

i)           une fois le grade de maîtrise obtenu, l'appelante a droit à une augmentation de salaire en fonction de son niveau plus élevé de scolarité.

B.         POINT EN LITIGE

11.        La question est de savoir si l'appelante avait le droit d'inclure dans le calcul de ses crédits d'impôt non remboursables pour 2002 un montant de crédit d'impôt pour études supérieur à celui admis par le ministre.

C.         DISPOSITIONS DE LA LOI

12.        Il s'appuie sur les paragraphes 118.6(1) et 118.6(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), modifiée (la « Loi » ).

D.         MOYENS INVOQUÉS ET RÉPARATIONS SOLLICITÉES

13.        Il fait valoir que le ministre a correctement établi à 800 $ le crédit d'impôt pour études de l'appelante visant l'année d'imposition 2002, conformément au paragraphe 118.6(2) de la Loi, en se fondant sur le fait que les mois de juillet et août 2002 ont été les seuls où l'appelante a participé à un « programme de formation admissible » au sens du paragraphe 118.6(1) de la Loi.

14.        Il fait valoir que l'appelante n'était pas inscrite à un « programme de formation admissible » (au sens du paragraphe 118.6(1) de la Loi) pendant les périodes de janvier à juin 2002 et de septembre à décembre 2002 inclusivement et que, par conséquent, elle n'avait pas droit au crédit d'impôt pour études pour les périodes en cause car elle a suivi les cours pendant des périodes où elle tirait un revenu en tant qu'enseignante à l'arrondissement scolaire 23 et que ces cours avaient un lien avec son emploi.

[3]      L'hypothèse avancée en 10 e) est erronée. L'appelante a suivi en personne des cours dispensés par des professeurs de Gonzaga le vendredi soir et toute la journée du samedi dans des salles fournies par le Okanagan University College à Kelowna et à Vernon, en Colombie-Britannique. La durée de ces cours en classe totalisait au moins 10 heures par semaine. Elle exerçait son emploi cinq jours par semaine, à raison de 6½ heures par jour, comme enseignante à plein temps au niveau intermédiaire à la Constable Neil Bruce Middle School de l'arrondissement scolaire 23. L'hypothèse en 10 i) est également erronée puisque l'appelante doit faire une demande d'augmentation de salaire pour y « avoir droit » . Les autres hypothèses sont exactes.

[4]      Par suite de ses études, l'appelante s'est vue décerner le grade de Masters of Arts in Curriculum Instruction par la Gonzaga University le 8 août 2003 (pièce A-5).

[5]      Selon la preuve soumise, bien que l'appelante soit rémunérée chaque mois pour les 10 mois de l'année scolaire qui va de septembre à juin, sa paie est réduite, par journée d'absence, d'un montant correspondant à une rémunération journalière.

[6]      Les parties ont convenu qu'aucun des effets des dispositions de la Loi n'est remis en question sauf pour ce qui est du paragraphe 118.6(1) et de l'alinéa b) de la définition de « programme de formation admissible » . En 2002, le libellé se lisait comme suit, en anglais :

(b)         if the program is taken by the student

(i)          during a period in respect of which the student receives income from an office or employment, and

(ii)         in connection with, or as part of the duties of, that office or employment.

et en français :

(b)         soit que l'étudiant suit non seulement pendant une période pour laquelle il reçoit un revenu d'une charge ou d'un emploi, mais aussi en rapport avec cette charge ou cet emploi ou dans le cadre des fonctions y afférentes.

[7]      L'avocate de l'intimée a soutenu qu'en ce qui concerne la signification de l'expression « en rapport avec » que renferme l'alinéa b), on doit la considérer dans le contexte des propos suivants du juge Dickson, qui parlait au nom de l'ensemble des juges de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gene A. Nowegijick v. The Queen, 83 DTC 5041 à 5045 :

À mon avis, les mots "quant à" ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, "concernant", "relativement à" ou "par rapport à". Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression "quant à" qui est la plus large.

Cela étant, la position de l'intimée est celle-ci : le programme de l'appelante est « en rapport avec » son emploi et est exclu de la définition de « programme de formation admissible » durant la période de septembre à juin. Il faut souligner, cependant, que l'utilisation de l'expression « en rapport avec » est une remarque incidente au terme « quant à » sur lequel la Cour devait se prononcer dans l'affaire Nowegijick.

[8]      Dans le contexte de la Loi et du libellé de l'alinéa b), les questions suivantes se posent :

1.        La disposition relative au « programme de formation admissible » est-elle censée procurer un avantage aux contribuables?

2.        Quel sens doit-on donner à l'expression « en rapport avec » eu égard à la Loi considérée dans son ensemble?

3.        Quel est le sens de l'expression « en rapport avec » juxtaposée aux autres mots à l'alinéa b) « ou dans le cadre des fonctions y afférentes » (c'est moi qui souligne).

[9]      Il se dégage clairement que les dispositions relatives à un « programme de formation admissible » sont censées procurer un avantage aux contribuables.

[10]     L'appelante suivait des cours en vue d'obtenir le grade de Masters of Arts in Curriculum Instruction, qui lui a été décerné le 8 août 2003 (pièce A-5). Un tel grade devait accroître sa compétence d'enseignante ou, pour être précis, sa formation en vue d'obtenir un poste dans un autre arrondissement scolaire, dans un établissement privé, dans une université ou dans l'administration publique ou encore en vue de travailler dans d'autres domaines, par exemple faire de la rédaction ou donner des conférences.

[11]     En d'autres termes, le programme n'était pas une composante des fonctions de son emploi. Il ne concernait pas non plus les tâches de son emploi. Il concernait plutôt sa profession. L'exercice de cette profession, l'enseignement, n'est pas limité à l'arrondissement scolaire 23. Pas plus qu'il n'est « en rapport avec » cet arrondissement. Ce programme en était un de propre à Patricia Reiner en tant que personne, laquelle a des devoirs et des objectifs envers elle-même et pour son propre compte. C'est la raison pour laquelle elle s'y est inscrite et en a payé personnellement les frais.

[12]     Le Shorter Oxford English Dictionary, 3e édition définit ainsi le terme « connects » :

To join, fasten or link together. Const. to, with.

Connection ( « connexion » ), c'est :

The action of connecting ; the condition of being connected.

S'agissant de l'appelante, ce rapport est fonction de sa profession ou de son métier en tant que personne et n'a pas de lien avec son emploi. En l'occurrence, le rapport, le lien ou le rapprochement jouent entre les compétences propres à l'appelante dans un monde de mobilité qui concerne les professions et les métiers mais ne concerne pas les fonctions qu'elle remplit pour le compte d'une autre personne.

[13]     Pour ces motifs, l'appel est admis et cette affaire est renvoyée au ministre pour qu'il la réexamine et établisse une nouvelle cotisation fondée sur ces motifs.

[14]     Les dépens et débours taxables afférents au présent appel sont adjugés à l'appelante.

Signé à Calgary, en Alberta, ce 10e jour de février 2005.

« D.W. Beaubier »

Le juge Beaubier

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de septembre 2005

Johanne Robert, traductrice

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