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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002-223(IT)G

ENTRE :

GERALD DUNBAR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 27 octobre 2005 à Saint John (Nouveau-Brunswick) par

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me J. Paul M. Harquail

Avocat de l'intimée :

Me John W. Smithers

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation
en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de réclamer un crédit d'impôt pour emploi à l'étranger conformément à l'article 122.3 de la Loi.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2005.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2006

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence : 2005CCI769

Date : 20051129

Dossier : 2002-223(IT)G

ENTRE :

GERALD DUNBAR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     En 1998, Gerald Dunbar était le capitaine d'un superpétrolier (appelé dans l'industrie « TGTB » — très gros transporteur de brut), qui transportait du pétrole brut depuis le golfe Persique jusqu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Monsieur Dunbar a réclamé le crédit visé à l'article 122.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), habituellement appelé crédit d'impôt pour emploi à l'étranger (« CIEÉ »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la demande de crédit de M. Dunbar pour les raisons suivantes :

 

(i)      l'entreprise de l'employeur de M. Dunbar, Ocean Services Limited (OSL), fournissait du personnel, ce qui n'était pas une entreprise exploitée à l'étranger;

 

(ii)      le transport de pétrole brut de l'Arabie saoudite au Canada n'était pas lié à l'exploitation de pétrole.

 

Je suis d'avis qu'OSL était un employeur déterminé et qu'elle exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à l'exploitation de pétrole. En conséquence, M. Dunbar est admissible au CIEÉ.

 

Les faits

 

[2]     Monsieur Dunbar a reçu son brevet de capitaine au long cours en 1992, devenant ainsi admissible à occuper le poste de commandant (pour ceux d'entre nous qui connaissent moins bien les choses maritimes, cela équivaut au poste de capitaine) à bord de tout navire, y compris les TGTB. Les navires Irving Galloway et Irving Primrose étaient des TGTB immatriculés à titre de navires de la Barbade appartenant à des sociétés non canadiennes, soit respectivement Tanker « G » Limited et Tanker « P » Limited. Irving Oil Limited (« Irving ») a affrété ces TGTB pour transporter du pétrole brut depuis l'Arabie saoudite jusqu'à Saint John, où le pétrole brut devait être raffiné à une raffinerie d'Irving Oil Limited. Irving a acquis le pétrole brut d'une société étrangère, ARAMCO.

 

[3]     Norbulk Shipping Company Limited (« Norbulk »), dont le siège social se trouve au Royaume‑Uni, a accepté de fournir à Tanker G et Tanker P la gestion opérationnelle et technique des TGTB, notamment en ce qui concerne le mazout et l'obtention des fournitures et de la main-d'oeuvre nécessaires à leur exploitation. À son tour, Norbulk a conclu avec OSL une entente selon laquelle celle-ci devait obtenir les services d'officiers qui exploiteraient les TGTB, tout en demeurant des employés d'OSL. Les autres membres de l'équipage (soit environ 22 personnes au total) ont été fournis par une organisation des Philippines, encore là conformément à une entente conclue avec Norbulk.

 

[4]     Voici quelques‑unes des stipulations clés de l'entente intervenue entre Norbulk et OSL[1] :

 

[TRADUCTION]

 

1.1       Le gestionnaire désigne par les présentes la société de dotation à titre d'agent de dotation chargé de recruter des commandants et des officiers seulement pour le navire conformément aux conditions énoncées ci‑après, et la société de dotation accepte cette nomination.

 

3.1       Pendant la durée de la présente entente, la société de dotation fournit le personnel que le gestionnaire demande en liaison avec l'exploitation du navire. Le personnel ainsi fourni détient les brevets et possède les compétences exigées par les lois du port d'immatriculation du navire ainsi que par les lois, traités, règles et règlements pertinents en ce qui concerne l'occupation des postes en question à bord du navire, y compris la loi intitulée United States Oil Pollution Act of 1990 (Loi de 1990 des États‑Unis sur la pollution pétrolière) et les exigences de la garde côtière des États-Unis qui s'appliquent aux ports où entre le navire. Sans restreindre ce qui précède, à moins que le gestionnaire n'en convienne autrement, le commandant du navire doit détenir un certificat de pilotage de l'administration portuaire de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

 

5.3       La société de dotation est désignée comme assurée conjointe dans la police d'assurance visée aux alinéas 5.1(i) et 5.1(ii), selon la description de ses droits, et ladite police comporte une clause de renonciation de subrogation en sa faveur. La société de dotation n'est nullement responsable en ce qui a trait aux primes ou demandes de paiement se rapportant à cette assurance ou encore en ce qui concerne la perte ou l'endommagement du navire ou toute perte en découlant, exception faite de ce qui est expressément prévu dans cette assurance et sous réserve, en tout temps, des stipulations de la présente entente.

 

8.1       La société de dotation confirme que les membres du personnel affectés à la prestation des services visés aux présentes ou autrement demeurent des employés ou des membres du personnel contractuel de la société de dotation et ont le droit de réclamer uniquement à celle-ci leurs traitements, salaires, avantages ou autres réclamations et montants se rapportant à leur emploi à bord du navire.

 

[5]     Après avoir occupé brièvement en 1997 le poste de second à bord de l'un des TGTB, M. Dunbar est devenu capitaine en 1998. Il avait été incité à croire par des représentants de Norbulk et d'Irving qu'il aurait droit au CIEÉ. Il a souligné au cours de son témoignage qu'il a tenu compte de ce facteur lorsqu'il a décidé d'accepter l'emploi, qui l'obligerait à passer beaucoup de temps à l'extérieur de son domicile. Monsieur Dunbar avait précédemment travaillé pour OSL de 1983 à 1992 à bord de navires plus petits et a alors voyagé tant au Canada qu'à l'étranger.

 

[6]     À titre de commandant d'un TGTB, M. Dunbar était généralement responsable du transport de plus de deux millions de barils de pétrole brut de l'Arabie saoudite au Canada. À cette fin, il devait surveiller la pression et assurer la sécurité constante de la cargaison ainsi que diriger le superpétrolier dans des conditions parfois difficiles, que ce soit en raison d'intempéries ou d'activités militaires. Il était également important que M. Dunbar surveille le chargement et le déchargement du TGTB en temps opportun; le chargement était fait au large des côtes au moyen d'un pipeline, de sorte qu'il n'était pas nécessaire que le TGTB entre dans le port de l'Arabie saoudite. Il appartenait à M. Dunbar de déterminer l'itinéraire qui convenait le mieux pour livrer la marchandise et pour ramasser la prochaine cargaison. D'après ce qu'il avait compris, Irving ne paierait pas le prix du pétrole brut tant que la cargaison n'aurait pas quitté le port de l'Arabie saoudite et n'approcherait pas de sa destination.

 

[7]     La demande de CIEÉ de M. Dunbar a d'abord été accueillie, mais elle a été refusée dans une nouvelle cotisation subséquemment établie.

 

Analyse

 

[8]     Voici un extrait de l'article 122.3 :

 

122.3(1) Lorsqu'un particulier réside au Canada au cours d'une année d'imposition et que, tout au long d'une période de plus de 6 mois consécutifs ayant commencé avant la fin de l'année et comprenant une fraction de l'année (appelée la « période admissible » au présent paragraphe) :

 

a) d'une part, il a été employé par une personne qui était un employeur déterminé, dans un but autre que celui de fournir des services en vertu d'un programme, visé par règlement, d'aide au développement international du gouvernement du Canada;

 

b) d'autre part, il a exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi à l'étranger :

 

(i) dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à, selon le cas :

(A) l'exploration pour la découverte ou l'exploitation de pétrole, de gaz naturel, de minéraux ou d'autres ressources semblables,

(B) un projet de construction ou d'installation, ou un projet agricole ou d'ingénierie,

(C) toute activité visée par règlement,

 

(ii) dans le but d'obtenir, pour le compte de l'employeur déterminé, un contrat pour la réalisation des activités visées à la division (i)(A), (B) ou (C),

 

Bien qu'un particulier doive respecter un certain nombre de conditions pour être admissible au CIEÉ, les seuls mots de la disposition précitée qui font l'objet du présent litige sont : « exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à [...] l'exploitation de pétrole ». Si je conclus qu'OSL exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à l'exploitation de pétrole, M. Dunbar aura droit au CIEÉ. Si je conclus qu'elle n'exploitait pas une entreprise à l'étranger ou que l'entreprise en question ne se rapportait pas à l'exploitation de pétrole, la demande de crédit de M. Dunbar échouera.

 

[9]     Les deux parties ont commenté le sens du mot « exploitation ». L'intimée a soutenu que l'exploitation prend fin lorsque le propriétaire initial vend le pétrole brut à Irving car, à cette étape, la ressource a été mise à profit. Tel n'est pas le cas, rétorque l'appelant, car l'exploitation se poursuit par le transport du pétrole brut jusqu'à la raffinerie. Ce n'est qu'une fois que le pétrole est raffiné que sa valeur est la plus élevée possible et ce n'est qu'à ce moment qu'il est pleinement rentabilisé. Le TGTB devrait être considéré comme un pipeline flottant qui fait partie intégrante de l'exploitation continue du pétrole.

 

[10]    Je suis d'accord avec l'appelant sur ce point. L'exploitation signifie davantage que l'extraction et la vente. Selon les définitions des dictionnaires, l'exploitation s'entend de l'action de mettre à profit ou, dans le cas de ressources naturelles, de tirer un usage commercial ou d'utiliser. Je conclus que toutes les étapes nécessaires pour permettre aux ressources naturelles d'atteindre leur valeur maximale en vue de l'obtention d'un profit font partie du processus d'exploitation. L'expédition de pétrole brut vers l'endroit où il doit être raffiné fait certainement partie de cette exploitation, surtout lorsqu'il est nécessaire de prendre des mesures pour que la cargaison arrive en sécurité à sa destination.

 

[11]    L'intimée a invoqué la décision Larter c. La Reine[2], qui comporterait selon elle des commentaires utiles au sujet de la question de savoir quelles sont les activités admissibles au titre des divisions 122.3(1)b)(i)(A), (B) et (C). Le juge Mogan ne s'est pas arrêté explicitement à la question de l'exploitation, concluant simplement qu'un programme de forage en milieu océanique dans le cadre d'une recherche scientifique parrainée par une université n'était pas admissible. À mon avis, cette décision n'empêche pas de conclure que le transport de pétrole brut vers une raffinerie à des fins commerciales fait partie de l'exploitation de pétrole.

 

[12]    Il est intéressant de souligner que l'acheteur du pétrole, Irving, n'a payé le coût du brut que lorsque le navire à bord duquel il était transporté s'est approché de la destination canadienne. Même en supposant, selon l'interprétation plus restrictive que suggère l'intimée, que l'exploitation prend fin dès que le pétrole est extrait et vendu, il semble que l'opération de vente elle-même n'ait été conclue que quelque temps après le départ du pétrole à bord du TGTB; en réalité, l'exploitation s'est poursuivie jusqu'à ce qu'ARAMCO soit payée.

 

[13]    Ayant décidé que le transport de pétrole brut se rapporte à l'exploitation de pétrole, j'en arrive au deuxième volet de la question : OSL a‑t‑elle exploité une entreprise à l'étranger?

 

[14]    Les activités auxquelles M. Dunbar s'est livré en qualité de capitaine d'un TGTB peuvent aisément être considérées comme des activités à l'étranger se rapportant à l'exploitation de pétrole. Cependant, est-il possible d'assimiler les activités de M. Dunbar à celles d'OSL et de dire que celle-ci exploite une entreprise à l'étranger se rapportant à l'exploitation de pétrole? De toute évidence, OSL est spécialisée dans le recrutement d'officiers, dont des capitaines, pour faire naviguer des TGTB aux quatre coins du globe. OSL recrute également des officiers pour des activités maritimes nationales. Les employés d'OSL font naviguer des navires : c'est là la nature de l'entreprise de celle-ci. Norbulk est un entrepreneur qui exploite des TGTB. OSL fournit des services à Norbulk conformément à un contrat de sous-traitance conclu avec elle afin de l'aider dans l'exploitation de son entreprise.

 

[15]    Il est utile d'examiner quelques-unes des décisions qui ont été citées. L'intimée a invoqué les décisions Betteridge c. La Reine[3] et Fonta c. La Reine[4].

 

[16]    Dans Betteridge, le contribuable était un professeur d'université qui travaillait en France dans le cadre d'un projet agricole. La Cour a conclu que l'université pour laquelle l'appelant travaillait n'exécutait pas de travaux à l'étranger. Voici comment le juge Rip s'est exprimé au paragraphe 23 :

 

Même si j'avais conclu que l'Université de Guelph exploitait effectivement une entreprise, je suis convaincu que l'Université n'exploitait pas une entreprise en France. Le simple fait que le Dr Betteridge soit allé en France dans le cadre d'un contrat conclu entre deux sociétés canadiennes, Semex et l'Université, ne signifie pas que son employeur, l'Université, exploitait une entreprise en France. Le paragraphe 122.3(1) exige que l'entreprise de l'employeur soit exploitée à l'étranger et non que l'emploi de l'employé y soit exercé. Les travaux de recherche du Dr Betteridge en France ont été faits dans le cadre d'un contrat que l'Université avait conclu avec Semex relativement à une entreprise, si entreprise il y avait, qu'elle exploitait au Canada et non à l'étranger. Le simple fait qu'une entité commerciale envoie un employé à l'étranger pour faire des recherches ou pour étudier une question qui intéresse l'employeur ne mène pas nécessairement à la conclusion que l'employeur exploite une entreprise à l'étranger.

 

[17]    Dans Fonta, l'appelant avait été engagé par une agence de dotation au Canada pour exécuter des travaux de génie pour Siemens Transportation Services aux États‑Unis. La Cour a formulé les commentaires suivants au paragraphe 22 :

 

La preuve a révélé que ATS a agi comme une agence de recrutement de personnel spécialisé pour les fins de Siemens. D'une part, il est douteux qu'une telle exploitation soit faite à l'étranger. Mais d'autre part, il paraît certain en droit, que ces services ne sont pas des services ressortissant à la sous-traitance dans un contrat d'ingénierie. ATS n'exécute pas à l'étranger une partie du contrat d'ingénierie de Siemens à titre de sous-traitant.

 

[18]    L'appelant a cité les récentes décisions Purves c. La Reine[5] et Surprenant c. La Reine[6].

 

[19]    Dans l'affaire Purves, l'appelant était un ingénieur compétent dans l'industrie de l'automobile. Le juge Bowie a formulé les remarques suivantes au paragraphe 11 :

 

Dans la mesure où cette question est pertinente en l'espèce, les activités de Comtech consistaient à fournir les services de l'appelant à GMC par l'intermédiaire de Kelly; ces services étaient fournis par Comtech en vertu du contrat que cette dernière avait conclu avec Kelly, et ils étaient fournis à Detroit dans l'établissement de GMC, où l'appelant exerçait ses fonctions. La seule question restante alors est de savoir si l'on peut considérer les activités de Comtech consistant à fournir des ingénieurs aux clients de Kelly comme « se rapportant à un projet d'ingénierie ». À mon avis, il faut répondre à cette question par l'affirmative.

 

[20]    Dans l'affaire Surprenant, les appelants étaient des ingénieurs spécialisés en informatique qui travaillaient pour MCI Canada Inc., société canadienne qui recrute des spécialistes en investissement et en informatique. En qualité d'employés de MCI Canada Inc., les appelants ont travaillé en France à des projets menés par la société française MCI SA France. Après avoir conclu que MCI Canada Inc. était un employeur déterminé, le juge Dussault a dit que la deuxième question à trancher était de savoir si MCI Canada Inc. exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à des projets de génie informatique. Il a répondu par l'affirmative, invoquant les clauses de l'entente intervenue entre MCI Canada et MCI SA France[7] :

 

M.C.I. Inc. est une société oeuvrant dans le domaine de la consultation et de l'Assistance Technique en Informatique. Elle a pour vocation d'offrir à ses clients une compétence en matière informatique qu'elle retire de la qualité de ses recrutements de professionnels de ce domaine.

 

M.C.I. S.A. est une Société de Services en Ingénierie Informatique dont les clients, de grandes entreprises françaises attendent la meilleure qualité de prestation pour l'élaboration et la mise en place de projets et d'applications.

 

M.C.I. Inc. et M.C.I. S.A. déclarent leur intérêt réciproque à instaurer des relations commerciales suivies leur permettant d'assurer leur développement respectif.

 

[21]    Le juge Dussault s'est exprimé comme suit au paragraphe 40 :

 

Je suis donc d'avis qu'en raison de la convention de services la liant à MCI SA France et du fait d'avoir fourni les services de ses employés à cette dernière, MCI Canada participait à l'exécution de contrats se rapportant à des projets d'ingénierie informatique en France et que cette participation peut être qualifiée de sous‑traitance selon l'acception générale de ce terme, lequel désigne l'exécution totale ou partielle par une personne d'un contrat obtenu par une autre personne.

 

Avant de commenter ces décisions, je cite le Bulletin d'interprétation 497R4, qui décrit l'applicabilité du CIEÉ aux sous-traitants d'entreprises participant à des activités admissibles, au paragraphe 8 :

 

[...] Souvent appelé sous-traitant, un employeur déterminé de ce genre en est un qui a un contrat ou un contrat de sous-traitance visant à fournir ses services par l'entremise de ses employés à une autre personne à l'égard d'une activité admissible que cette personne exerce à l'étranger ou à l'égard d'une activité admissible que cette personne a donnée en sous-traitance à un tiers. Par exemple, supposons qu'un employeur déterminé (A ltée) s'est engagé par contrat à exploiter une entreprise à l'étranger en fournissant des services de traitement des données à une société non-résidente (B ltée) dont la seule entreprise est l'exploration pour la découverte de gisements de gaz naturel. Supposons que les autres exigences énoncées au paragraphe 122.3(1) sont satisfaites, les employés de A ltée qui fournissent les services de traitement des données pourraient demander un montant de CIEE, puisque leur emploi est lié à un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exploite une entreprise à l'étranger se rapportant à une activité admissible.

 

[22]    Ce qui se dégage à mon avis de ces décisions et du Bulletin d'interprétation, c'est que, lorsque l'entreprise exploitée par une société canadienne se limite à celle d'une agence de placement, elle n'est pas exploitée à l'étranger du simple fait que le personnel recruté exerce ses activités à l'extérieur du Canada. Cependant, lorsque l'entreprise consiste à fournir des services au moyen de la sous-traitance, lesquels services doivent nécessairement être fournis à l'étranger, il est permis de dire que l'entreprise est exploitée à l'étranger. C'est une distinction subtile, particulièrement en l'espèce. Pourtant, cette différence permet de comprendre pourquoi la société de consultation en informatique qui affecte un spécialiste en informatique à un projet mené en France peut être admissible à titre de société exploitant une entreprise à l'étranger (Surprenant), tout comme l'ingénieur qui travaille pour une société de génie canadienne et qui est affecté à un projet mené à l'extérieur du pays (Purves et Gonsalves c. La Reine[8]).

 

[23]    En qualité d'entrepreneur principal qui exploite des TGTB aux quatre coins du globe, Norbulk a confié en sous-traitance le recrutement de l'équipage. Les officiers devaient être compétents et, effectivement, M. Dunbar l'était. Parcourir la moitié du globe en commandant un TGTB rempli de pétrole brut nécessite un talent spécial. OSL a fourni ces services. Le fait que les propriétaires des TGTB se sont adressés, par l'intermédiaire d'un entrepreneur principal, à OSL pour obtenir les services de direction des navires n'enlève rien à la nature de l'entreprise qu'OSL exploitait. À mon avis, l'entreprise s'apparentait davantage à un sous-traitant fournissant les services de personnel spécialisé pour commander des TGTB qu'à une simple agence de placement. Elle ressemble également aux sociétés d'informatique ou de génie qui affectent des professionnels hautement qualifiés à des projets menés à l'extérieur du pays. Je conclus donc qu'OSL exploitait une entreprise à l'étranger. Je reconnais que l'entente intervenue entre OSL et Norbulk n'est pas aussi précise que celle de l'affaire Surprenant, mais elle renvoie aux services fournis par OSL, qui est également désignée comme assurée conjointe avec Norbulk. Cet arrangement n'aurait peut-être pas été nécessaire si OSL avait été une simple agence de recrutement.

 

[24]    Dans l'ensemble, je conclus qu'OSL exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à l'exploitation de pétrole. J'admets l'appel et je défère l'affaire au ministre pour nouvel examen au motif que M. Dunbar est admissible au CIEÉ conformément à l'article 122.3 de la Loi. Les dépens sont adjugés à l'appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2005.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mars 2006

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI769

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2002-223(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Gerald Dunbar c. Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Saint John (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 27 octobre 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 novembre 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant:

Me J. Paul M. Harquail

Avocat de l'intimée :

Me John W. Smithers

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                   Nom :                             Me J. Paul M. Harquail

 

                   Étude :                            Stewart McKelvey Stirling Scales

 

       Pour l'intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1]           Pièce R-1, onglet 6.

 

[2]           no 1999‑4012(IT)I, 1er novembre 2000, [2001] 1 C.T.C. 2229.

 

[3]           no 97‑2908(IT)I, 7 décembre 1998, [1999] 1 C.T.C. 2569.

 

[4]           no 1999‑3863(IT)I, 30 janvier 2001, [2002] 3 C.T.C. 2177.

 

[5]           no 2004‑2012(IT)I, 8 décembre 2004, 2005 CCI 290.

 

[6]           no 2004-1961(IT)I, 4 avril 2005, sub nom. Claveri c. La Reine, 2005 D.T.C. 586.

 

[7]           au paragraphe 37.

 

[8]           no 97‑2745(IT)G, 28 octobre 1999, 2000 D.T.C. 1491 (C.A.F.).

 

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