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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2004-572(IT)G

ENTRE :

GALAXY MANAGEMENT LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu à Vancouver (Colombie‑Britannique), les 12, 13 et 14 avril 2005.

 

Devant : L'honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Daniel Kisselbach

Me Katherine Xilinas

 

Avocate de l'intimée :

Me Karen A. Truscott

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté contre les cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 est admis, avec dépens à taxer, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour d'octobre 2005.

 

 

 

« Michael J. Bonner »

Le juge Bonner

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2006.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence : 2005CCI674

Date : 20051020

Dossier : 2004-572(IT)G

ENTRE :

GALAXY MANAGEMENT LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Bonner

 

[1]     Il s'agit d'un appel interjeté contre des cotisations fiscales établies pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

 

[2]     En établissant les cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a jugé que le revenu d'entreprise de l'appelante, Galaxy Management Ltd. (« Galaxy »), provenait d'une « entreprise de prestation de services personnels » au sens du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et qu'il était par conséquent assujetti aux restrictions touchant la déductibilité des dépenses d'entreprise énoncées à l'alinéa 18(1)p) de la Loi. Aussi, le ministre a déterminé que l'appelante n'avait pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises en vertu du paragraphe 125(1) de la Loi. La question liminaire est de savoir si le ministre avait raison au sujet de la provenance du revenu d'entreprise de l'appelante.

 

[3]     L'alinéa 18(1)p) de la Loi interdit la déduction d'une dépense dans le calcul du revenu, dans la mesure où elle est engagée en vue de tirer un revenu d'une entreprise de prestation de services personnels, sous réserve de quelques exceptions qui n'ont pas besoin d'être abordées ici.

 

[4]     Le paragraphe 125(1) de la Loi dispose qu'une société peut bénéficier d'une déduction accordée aux petites entreprises relativement aux « [...] sommes dont chacune est le revenu de la société pour l'année tiré d'une entreprise exploitée activement au Canada [...] ».

 

[5]     Le paragraphe 125(7) définit le terme « entreprise exploitée activement » de façon à y exclure une « entreprise de prestation de services personnels ».

 

[6]     Le paragraphe 125(7) définit également le terme « entreprise de prestation de services personnels », qui est fondamental dans le présent appel. La définition est libellée comme suit :

 

« entreprise de prestation de services personnels » S'agissant d'une entreprise de prestation de services personnels exploitée par une société au cours d'une année d'imposition, entreprise de fourniture de services dans les cas où :

 

a) soit un particulier qui fournit des services pour le compte de la société — appelé « employé constitué en société » à la présente définition et à l'alinéa 18(1)p);

 

b) soit une personne liée à l'employé constitué en société,

 

est un actionnaire déterminé de la société, et où il serait raisonnable de considérer l'employé constitué en société comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle les services sont fournis, si ce n'était de l'existence de la société, à moins :

 

c) soit que la société n'emploie dans l'entreprise tout au long de l'année plus de cinq employés à temps plein;

 

d) soit que le montant payé ou payable à la société au cours de l'année pour les services ne soit reçu ou à recevoir par celle‑ci d'une société à laquelle elle était associée au cours de l'année.

 

[7]     Dans un récent arrêt de la Cour d'appel fédérale, Dynamic Industries Ltd. c. Canada, 2005 CAF 211, l'historique et le rôle des dispositions de la Loi dont il est ici question font l'objet d'un examen complet, qui fait autorité. Au paragraphe 41, le juge Sharlow fait observer ce qui suit :

 

[41] La position de la Couronne [...] était (et est encore) que l'interposition d'une société entre le récipiendaire d'un service et la personne qui fournit personnellement ce service risquait de donner lieu à des avantages fiscaux déraisonnables, en partie à cause du taux d'impôt sur le revenu beaucoup plus bas pour les entreprises que pour les particuliers, et en partie à cause des possibilités de fractionnement du revenu. [...]

 

L'explication se poursuit au paragraphe 44 :

 

[...] L'adoption de la définition d'« entreprise de prestation de services personnels » et les dispositions connexes tel l'alinéa 18(1)p) visaient à refuser, en partie, les avantages fiscaux découlant de ce type d'arrangements.

 

[8]     Dans la présente affaire, Lawrence Yue était le particulier qui fournissait des services pour le compte de Galaxy. Il n'était pas contesté que M. Yue pouvait être considéré à juste titre comme l'employé constitué en société. La seule question à trancher par rapport à cette définition était de savoir si, au sens de la partie de la définition entre les alinéas b) et c) :

 

[...] il serait raisonnable de considérer [M. Yue] [...] comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle les services sont fournis, si ce n'était de l'existence de la société [...]

 

[9]     Monsieur Yue fournissait des services à Casual Time Garment Factory Canada Ltd. (« Casual Time ») et à Fountain Set Textiles B.C. Ltd. (« Fountain Set ») pour le compte de Galaxy après que celle‑ci eut été constituée en société et que deux ententes écrites, datées du 1er septembre 1998, eurent été signées.

 

[10]    Casual Time était un fabricant de vêtements tricotés. Fountain Set était un fournisseur de textiles et de fil.

 

[11]    Dans l'une des deux ententes, Fountain Set nommait Galaxy agente de vente de textiles pour l'Ouest canadien. Dans l'autre entente, Casual Time nommait Galaxy [TRADUCTION] « conseillère en gestion de la production de vêtements dans la région des basses terres du Fraser du grand Vancouver [sic] responsable de l'administration, de l'horaire de la production, de l'approvisionnement en matériaux, des fournisseurs locaux et des sous‑contractants, de la représentation auprès de la clientèle et des inspecteurs et du contrôle de la qualité des produits ».

 

[12]    Les services rendus par Galaxy au cours des années en question reposaient sur la connaissance qu'avait Lawrence Yue de l'industrie du tissu et du vêtement, et sur son expérience dans le domaine. Monsieur Yue a grandi et a étudié à Hong Kong. Après ses études secondaires, il a fréquenté un institut technique à Hong Kong et a obtenu un diplôme dans le domaine des textiles. Plus tard, il a obtenu un diplôme d'études techniques dans le domaine des tissus tricotés et des tissus façonnés. Monsieur Yue a ensuite commencé à travailler comme acheteur de vêtements. Il a acquis de l'expérience dans la préparation nécessaire afin de passer des commandes de gros lots de vêtements, processus qui comportait un certain nombre d'étapes s'étalant sur une longue période. Il fallait évaluer la capacité d'une usine à fabriquer le vêtement qu'on envisageait de commander, prendre des mesures pour la production et l'évaluation des échantillons destinés à l'ajustage, veiller à ce que les spécifications imposées par l'acheteur éventuel soient respectées, passer les commandes d'essai et, si les résultats étaient satisfaisants, passer les commandes en gros. Par la suite, M. Yue a travaillé dans une usine de vêtements située à Hong Kong, dans les domaines de la production, de la commercialisation et des ventes.

 

[13]    En 1992, M. Yue a immigré au Canada.

 

[14]    En 1993, M. Yue était employé par Fountain Set à titre de directeur des ventes. Il a continué d'y travailler jusqu'en août 1998. Employé salarié, il travaillait pendant un nombre d'heures fixe et il avait droit aux avantages sociaux dont bénéficient généralement les employés, par exemple la participation à un régime collectif d'assurance pour les employés. Fountain Set fournissait à M. Yue un bureau, une automobile et un téléphone portable, et lui remboursait les dépenses qu'il avait engagées dans l'exercice de ses fonctions.

 

[15]    Monsieur Yue a démissionné en août 1998, ayant en tête de créer sa propre entreprise.

 

[16]    M. Yue a constitué Galaxy en société le 1er septembre 1998. Monsieur Yue, son père, sa mère et sa femme se partageaient également les actions ordinaires. Seules les actions de M. Yue comportaient un droit de vote.

 

[17]    Les ententes qu'avaient conclues Galaxy et Fountain Set, ainsi que Galaxy et Casual Time, le 1er septembre 1998, n'avaient pas été rédigées par des avocats. Ces ententes sont mal rédigées et elles ne sont pas claires. Elles semblent avoir été improvisées à l'aide de contrats existants inadéquats.

 

[18]    L'entente de représentation conclue par Galaxy et Fountain Set renferme notamment les dispositions suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

1.1       Par les présentes, le mandant engage le mandataire et le nomme agent de vente des textiles pour l'Ouest canadien.

 

1.2       Le mandataire accepte cette nomination et il accepte d'exécuter l'ensemble des fonctions et des obligations en application des modalités de la présente entente.

 

2.1       L'emploi commencera le 1er jour de septembre 1998 et durera jusqu'à ce qu'une des deux parties y mette fin.

 

3.0       Tâches

 

3.1       L'employé doit :

 

a)         consacrer assez de temps, d'attention, d'aptitudes et d'efforts à l'entreprise du mandant, et respecter l'ensemble des instructions, des directives, des exigences, des règles et des règlements fixés et imposés par le mandant;

 

b)         assurer la prestation des services de façon consciencieuse et dans la pleine mesure de ses capacités en tout temps, aux endroits et aux moments déterminés par le mandant;

 

c)         exercer ces fonctions fidèlement et exercer ces pouvoirs en suivant les directives que le mandant donne de temps à autre.

 

4.0       Rémunération

 

4.1       Pour autant que le mandataire remplisse ses obligations conformément à la présente entente, et en contrepartie de tous les services rendus ou qui seront rendus au mandant, le mandant versera au mandataire une commission représentant 1,5 % de la contribution au chiffre des ventes de textiles du mandant. Le mandant versera cette commission au mandataire sur une base mensuelle.

 

4.2       Le mandataire accepte que le mandant puisse faire des retenues sur la rémunération qui lui est due, en vertu des dispositions de toute loi, de tout règlement ou de toute ordonnance, et en vertu de toute modification apportée à ces dispositions, qui prescrivent une retenue ou une déduction à l'égard de la rémunération.

 

4.3       Le mandataire devra assumer toutes les dépenses relatives aux services rendus en application de la présente entente.

 

4.4       Le mandant vérifiera de temps à autre les services rendus par le mandataire en application de la présente entente et augmentera ou réduira à son gré le montant de la rémunération du mandataire suivant le rendement de ce dernier au cours de la période visée.

 

[19]    Dans son témoignage, que je juge crédible, M. Yue a qualifié d'erreur l'allusion à un emploi, et je suis convaincu que ce l'était. Les parties n'avaient pas l'intention d'établir une relation employeur‑employé. Après tout, M. Yue venait juste de démissionner et de créer Galaxy afin de bâtir une relation nouvelle et différente.

 

[20]    L'entente conclue entre Galaxy et Casual Time le 1er septembre 1998 est presque aussi vague que celle que Galaxy et Fountain Set ont signée. Elle renferme notamment les dispositions suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

1.0       Prestation de services

 

1.1       Par les présentes, Casual Time engage Galaxy et la nomme conseillère en gestion de la production de vêtements dans la région des basses terres du Fraser du grand Vancouver responsable de l'administration, de l'horaire de la production, de l'approvisionnement en matériaux, des fournisseurs locaux et des sous‑contractants, de la représentation auprès de la clientèle et des inspecteurs et du contrôle de la qualité des produits.

 

1.2       Galaxy fera la promotion de Casual Time auprès de tous les clients éventuels en Amérique du Nord.

 

1.3       Galaxy accepte cette nomination et elle est d'accord pour exécuter l'ensemble des fonctions et des obligations visées par les modalités de la présente entente.

 

1.4       Les services susmentionnés ne sont pas exhaustifs. Galaxy devrait assurer la prestation de tous les services qui pourraient, de façon raisonnable, faciliter les activités de Casual Time.

 

2.0       Durée du mandat

 

2.1       Le mandat entrera en vigueur le 1er jour de septembre 1998 et le demeurera jusqu'à ce qu'une des deux parties y mette fin.

 

3.0       Rémunération

 

3.1       Pour autant que Galaxy remplisse ses obligations conformément à la présente entente, et en contrepartie de tous les services rendus ou qui seront rendus à Casual Time, cette dernière paiera à Galaxy des frais de gestion et de service.

 

3.2       Les frais pour les services de Galaxy sont basés sur le temps consacré à l'exécution de chaque obligation. Le montant de tout débours sera ajouté à la facture des services rendus, qui est payable sur réception.

 

4.0       Relation entre les deux parties

 

La relation établie entre les deux parties par les présentes n'est pas une relation employeur‑employé et ne devra pas être considérée comme telle. Il s'agit plutôt d'une relation entre deux sociétés indépendantes. Galaxy n'est pas autorisée et accepte de conclure tout contrat ou entente pour le compte de Casual Time.

 

[21]    Comme je l'ai déjà fait remarquer, la question de savoir si Galaxy exploitait une entreprise de prestation de services personnels commande de répondre à une autre question : n'eût été de l'existence de Galaxy, aurait‑il été raisonnable de considérer M. Yue comme un cadre ou un employé de Fountain Set et de Galaxy? Pour répondre à cette question hypothétique, il faut se pencher sur les critères qui permettent de déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. L'arrêt de la Cour suprême du Canada 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, fait figure d'autorité dans le domaine.

 

[22]    Dans l'arrêt Sagaz, le juge Major, qui s'exprime au nom de la Cour, passe en revue maintes décisions qui font figure d'autorité, notamment l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553. Le juge Major résume la position de la Cour aux paragraphes 46 à 48, qui sont libellés comme suit :

 

46.       À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, [...], qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme — en citant Atiyah, [...], p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 — qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[TRADUCTION]

 

[N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47.       Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, [...], est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

48.       Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[23]    Il est également utile de garder à l'esprit ce qu'a dit le président Jackett dans l'affaire Alexander c. M.R.N., [1970] R.C.É. 138, à la page 152, 70 D.T.C. 6006, à la page 6011 :

 

[…] D'une part, un contrat de travail est un contrat en vertu duquel une partie, le préposé ou l'employé, convient, pour une période déterminée ou un temps indéfini, et à temps complet ou à temps partiel, de travailler pour l'autre partie, le commettant ou l'employeur. D'une part, un contrat de louage de services est un contrat en vertu duquel une partie accepte d'effectuer pour une autre un certain travail très précis, stipulé au contrat. Un contrat de travail n'envisage ordinairement pas l'exécution d'un travail particulier mais stipule ordinairement que le préposé offre ses services au commettant pour une certaine période de temps. Un contrat de louage de services envisage ordinairement, par contre, l'exécution d'un travail ou d'une tâche nettement délimitée et n'exige ordinairement pas que le contractant exécute personnellement quelque chose. [C'est moi qui souligne.]

 

[24]    Le critère du contrôle se rapporte au droit de contrôler la manière dont le travailleur exécute ses tâches. L'alinéa 3.1c) de l'entente conclue avec Fountain Set laisse entrevoir, en apparence, ce droit de contrôle sur M. Yue dans l'exécution de son travail. En établissant les cotisations, le ministre a supposé que Fountain Set (et Casual Time) avaient le droit de contrôle nécessaire. Je crois néanmoins que Fountain Set et M. Yue ne voulaient pas que Fountain Set ait ce droit. La formulation boiteuse laisse croire que le document était considéré comme une formalité et qu'il n'était pas destiné à exprimer clairement et dans le détail la nature de la relation entre les parties.

 

[25]    Le témoignage de Tony Lau, président de Fountain Set, a confirmé cette conclusion. En ce qui concerne l'usage du mot « employé » dans le contrat écrit, M. Lau a dit qu'il n'avait pas l'intention de refaire de M. Yue un employé. Il a indiqué qu'avant de passer le contrat avec Galaxy, il avait donné des directives à M. Yue sur un certain nombre d'aspects de son travail. Cependant, une fois le contrat signé avec Galaxy, la situation a changé. Plus particulièrement, M. Lau avait toute latitude pour promouvoir la vente de textiles qui provenaient de sociétés autres que Fountain Set.

 

[26]    Dans la preuve présentée par M. Lau, d'autres changements provoqués par la création de Galaxy ont été évoqués. Monsieur Lau a confirmé que Fountain Set payait les dépenses de M. Yue avant qu'il ne démissionne. Ce dernier recevait alors le remboursement des frais de déplacement engagés dans le cadre de son travail et des frais de représentation auprès de la clientèle. La compagnie lui fournissait une automobile, un téléphone portable et un ordinateur. Tout cela a cessé avec la création de Galaxy. Galaxy devait alors assumer le coût des instruments de travail. Monsieur Lau a également confirmé que Galaxy recevait une rémunération, qui prenait la forme d'une commission sur le chiffre des ventes de textiles de Fountain Set.

 

[27]    En résumé, la preuve qu'a présentée M. Lau a confirmé les éléments suivants :

 

          (i)      les deux parties avaient l'intention de mettre fin à la relation employeur‑employé qui unissait Fountain Set et M. Yue;

 

          (ii)      une nouvelle relation a remplacé la précédente, où Galaxy vendait les produits de Fountain Set, mais était libre de vendre les produits d'autres sociétés;

 

          (iii)     Galaxy était en droit d'attendre de Fountain Set des commissions sur le chiffre des ventes de ses produits, mais elle ne devait compter sur aucune autre forme de soutien;

 

          (iv)     Galaxy fournissait à ses frais le bureau et tous les instruments de travail, y compris l'automobile, nécessaires pour gagner la commission. Elle était responsable du paiement de tous les frais de déplacement et frais de représentation engagés dans le cadre du travail.

 

[28]    Dans la nouvelle relation, le droit de contrôle qu'avait anciennement eu (et exercé) Fountain Set n'existait plus. Une nouvelle relation s'est installée, où l'accent était plutôt mis sur les résultats. Le travailleur n'était pas supervisé dans la poursuite des résultats souhaités. C'est l'absence de contrôle qui distingue la présente affaire de la situation d'un employé travaillant comme vendeur à commission.

 

[29]    La preuve relative aux occasions de profits et aux risques financiers laisse aussi croire que M. Yue n'était pas employé par Fountain Set. Casual Time était obligée de compter sur des commissions afin de couvrir les frais qu'elle avait choisi d'engager pour obtenir des commissions et pour générer les profits voulus. Le travailleur portait seul le poids d'investir dans l'équipement et les instruments de travail en vue de gagner des commissions.

 

[30]    À mon avis, n'eût été de l'existence de l'appelante, Galaxy, il aurait été raisonnable de considérer M. Yue uniquement comme le propriétaire de sa propre entreprise offrant des services à Fountain Set et à Casual Time.

 

[31]    L'existence d'une relation employeur‑employé antérieurement à la période dont il est ici question ne complique pas la relation avec Casual Time. Le travail de M. Yue pour Casual Time exigeait qu'il communique avec les détaillants dans l'espoir d'obtenir des commandes de vêtements que fabriquerait Casual Time en utilisant, dans la mesure du possible, les textiles achetés chez Fountain Set. Les processus de ce travail étaient similaires à ceux qui faisaient partie du travail de M. Yue à Hong Kong, lequel travail consistait à passer des commandes. Il n'était pas sous‑entendu qu'un quelconque représentant de Casual Time s'immisce ou ait le droit de s'immiscer dans le travail qu'accomplissait M. Yue en cherchant à obtenir des commandes.

 

[32]    La rémunération de Galaxy pour ce travail revêtait la forme d'une commission que lui versait Fountain Set sur le chiffre de ses ventes de textiles à Casual Time, ainsi que de frais de gestion que lui versait Casual Time une fois les commandes de vêtements exécutées. Casual Time était libre de refuser une commande à laquelle M. Yue avait travaillé. Dans cette éventualité, M. Yue n'aurait eu droit à aucune rémunération pour le temps perdu et les vains efforts.

 

[33]    Monsieur Yue devait obtenir des contrats de fabrication de vêtements. En outre, on faisait appel à lui pour régler, selon les besoins, des questions que ne pouvait traiter le personnel permanent de Casual Time.

 

[34]    La relation entre Casual Time et son personnel permanent d'une part et celle qui existait entre Casual Time et M. Yue d'autre part étaient sensiblement différentes. Casual Time avait une équipe de direction qui incluait un directeur des finances et de l'administration, un directeur de la production, un directeur de la logistique et un directeur général adjoint. Tous participaient à un régime collectif d'assurance pour les employés et avaient une voiture de fonction. Monsieur Yue ne bénéficiait pas de tels avantages sociaux. Contrairement à M. Yue, les membres de l'équipe de direction travaillaient pendant les heures normales de bureau.

 

[35]    L'article 3 de l'entente semble indiquer que le montant des frais était basé en partie sur le temps consacré à l'exécution des obligations. Des frais de gestion[1] tout compris compensaient les déboursements que faisait M. Yue en accomplissant le travail de Galaxy. Monsieur Yue et M. Kwok, le président de Casual Time, négociaient pour établir, de temps à autre, le montant de ces frais de gestion.

 

[36]    Galaxy employait Mme Tong comme adjointe de M. Yue. Celle‑ci est restée au service de Galaxy jusqu'en 2000. Par la suite, les parents de M. Yue ont exercé les fonctions de Mme Tong.

 

[37]    Galaxy fournissait à M. Yue les instruments nécessaires pour accomplir le travail pour Casual Time, c'est‑à‑dire un téléphone portable, un ordinateur portable, un appareil photo numérique et le matériel de bureau ordinaire.

 

[38]    Galaxy prenait à sa charge, ou du moins incluait dans les sommes globales facturées à Casual Time, les frais de déplacement, les frais de livraison, les frais de communication, les coûts d'expédition et le salaire de Mme Tong.

 

[39]    Monsieur Yue n'était pas vraiment soumis à un contrôle lorsqu'il travaillait dans le cadre du contrat signé avec Casual Time. C'est M. Yue qui avait investi dans les instruments de travail nécessaires pour exercer les activités de Galaxy et qui avait engagé des dépenses pour obtenir des commandes et gagner des commissions. À mon avis, il est évident qu'en gagnant des commissions, Galaxy exerçait ses propres activités.

 

[40]    Si les services de M. Yue étaient requis pour exercer les activités de Fountain Set et de Casual Time, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il était employé par les deux sociétés ou par l'une des deux. Des services essentiels peuvent être sous‑traités, et le sont fréquemment, sans qu'une relation commettant‑préposé ne soit créée.

 

[41]    Lorsque l'affaire est envisagée dans son ensemble, il est évident qu'en l'absence de Galaxy, M. Yue pourrait seulement être considéré comme une personne assurant la prestation de services pour Fountain Set et Casual Time comme personne exploitant une entreprise pour son propre compte. Par conséquent, Galaxy n'exploitait pas une entreprise de prestation de services personnels au sens de la définition énoncée au paragraphe 125(7) de la Loi.

 

[42]    L'appel est donc admis, avec dépens à taxer, et les cotisations sont déférées au ministre pour qu'il en établisse de nouvelles conformément aux motifs du jugement.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour d'octobre 2005.

 

 

« Michael J. Bonner »

Le juge Bonner

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mars 2006.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur



[1]           Le terme « frais de gestion » était inapproprié. « Commission » serait de loin plus exact.

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